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Chronique d'Enguerrand de Monstrelet - index
L.I-267 - [Comment le roy d'Angleterre trespassa de ce siècle, et les grans estas et honneurs qu'un fist à son enterrement.]

r est vérité que au retour que le duc de Bethfort fist de la journée qui avoit esté assignée pour combatre le Daulphin et sa puissance, si comme vous avez oy cy-dessus, ledit duc de Bethfort retournant de ladicte ville de Cosne, lui vindrent certaines nouvelles que son frère le roy Henry estoit moult fort oppressé de la maladie dessus dicte et en grant péril de sa vie. Et pour ce, incontinent, avecques lui de ses plus féables, à peu de compaignie chevaucha en haste jusques au Bois de Vinciennes où ledit roy Henry estoit, et là le trouva moult agravé de maladie. Et pareillement vint à la cognoissance du duc de Bourgongne, lequel y envoya messire Hue de Lannoy pour le visiter et savoir en quel point il estoit. Et adonques, icellui roy sentant qu'il estoit moult traveillé de maladie, fist venir autour de son lit son frère le duc de Bethfort, son oncle le duc d'Excestre et son grant maistre d'ostel le conte de Varvich, messire Loys de Robersat et plusieurs autres Anglois jusques à sept ou huit, de ceulx où il avoit la plus grant créance de tous ses familiers. Si leur dist et remonstra assez précieusement qu'il veoit bien que c'estoit le plaisir de son créateur qu'il finast sa vie et délaissast ce monde cy. Et après dist à son frère :
« Jehan, beau frère! je vous prie sur toute la loiauté que vous avez eue à moy, que vous soiez tousjours bon et loial à beau filz Henry vostre nepveu, et vous charge sur tant que vous poez mesprendre, que tant que vous vivrez, ne souffrerez à faire traictié avec nostre adversaire Charles de Valois, ne autre, pour chose qui vous adviengne, que la duchié de Normendie ne nous demeure franchement. Et ou cas que beau frère de Bourgongne vouldra emprendre le gouvernement de ce royaume, je vous conseille que vous lui baillez, mais s'il le refuse, si l'entreprenez. Et à vous, bel oncle d'Excestre, je vous laisse seul et pour le tout le régime du royaume d'Angleterre. Car je sçay que vous le sçaurez moult bien gouverner, et vous prie que pour quelque afaire qui adviengne ne retournez plus en France, et avecques ce vous ordonne à estre du tout gouverneur de beau filz vostre nepveu, et vous requiers sur quanque vous m'avez aymé, que vous le voiez et visitez souvent en vostre personne. Et vous beau cousin de Varvich, je vueil que vous soiez son maistre d'ostel et que vous demourez tout quoy avecques lui pour le conduire et aprendre selon l'estat qu'il lui appartient, car je ne sçaroie mieulx pourveoir. En après je vous prie tant comme je puis à tous, que vous gardez sur quanque que vous pouvez mesprendre, que vous ne aiez quelque dissencion avecques beau frère de Bourgongne, et ce défendez expressément à beau frère Humfroy. Car s'il advenoit, que Dieu ne veuille, qu'il eust entre vous aucune malvueillance, les besongnes de ce royaume, qui sont moult avancées de nostre partie, en pourraient grandement empirier. Et si gardez que vous ne délivrez de prison beau cousin le duc d'Orléans, le conte d'Eu, le seigneur de Gaucourt, ne Guischart de Chissay, jusques à ce que beau filz Henry aura son aage compétent, et des autres, faites en comme bon vous semblera. »

  Après lesquelles paroles et aucunes autres pareilles, les seigneurs dessusdiz là estans lui respondirent moult humblement, chascun en droit soy, aians au cuer très grant tristesse, que de tout ce qu'il ordonnoit et qu'il sçaroient que ce seroit son désir à estre fait, ilz l'acompliroient à leur povoir, sans de rien aler au contraire. Et estoient tous ennuyeulx de ce qu'ilz le veoient en si petit estat de santé. Et tost après aucuns d'iceulx se départirent comme courroucez, de la chambre. Et messire Hue de Lannoy qui avoit esté envoyé devers ledit roy, comme dit est dessus, de par le duc de Bourgougne, après qu'il eut bien à point acompli sa légation et eu aucunes paroles avecques icellui roy, retourna par devers ledit duc. Et tost après le roy Henry fist venir devers lui ses médecins, et leur requist bien instamment qu'ilz lui voulussent dire selon ce qu'ilz veoient de lui, quel terme de vie il pourroit encores bien avoir. A laquelle response ilz targèrent de respondre, si non de lui bailler espérance en disant qu'il estoit bien en Dieu de le faire retourner en santé. Mais il ne fut point de ce content, si leur requist de rechef qu'ilz lui en deissent la pure vérité. Et adonques parlèrent lesdiz médecins ensemble, et après, par la bouche de l'un d'eulx, qui se mist à genolz devant lui, lui fut dit : « Sire, pensez à vostre âme, car il nous semble que c'est la grace de Dieu, que vous ne vivrez pas plus deuz heures. » Et lors ledit roy manda son confesseur et aucuns autres gens d'église de sa famille, et ordonna à dire les sept pseaulmes pénitenciales. Et quant ilz vinrent à Benigne fac, Domine, où il y a muri Jherusalem, il les fist arrester et dist tout hault, que, sur la mort qu'il actendoit. il avoit entencion que après qu'il auroit mis le royaume de France en paix d'aler conquerre Jherusalem, se ce eust esté le plaisir de Dieu son créateur de le laisser vivre son aage. Et après qu'il eut ce dit, leur fist parfaire. Et tantost après, selon le terme que lui avoient dit et décrété lesdiz maistres en médecine, rendi son esperit à Dieu, le derrenier jour d'aoust.
  Pour la mort duquel, son frère le duc de Bethfort et tous ses autres princes, avec généralement tous ceulx du royaume d'Angleterre, firent grans lamentations et demourèrent en grant tristesse. Et tost après furent ses entrailles enterrez eu l'église et monastère de Saint-Mor, et son corps, bien enbasmé, fut mis en ung sarcus de plomb.
  Durant lequel temps, le duc de Bourgongne vint de Bris-Conte-Robert audit lieu du Bois de Vincennes, et ala veoir et visiter le duc de Bethfort, frère dudit roy d'Angleterre, et les autres princes qui là estoient, avec lesquels eut aucun brief parlement. Lequel fini, se parti de là et ala à Paris loger en son hostel d'Artois. Et le corps du roy Henry, acompaigné de ses princes Anglois et de ceulx de son hostel, avec grant multitude de gens, fut mené eu grant triumphe à Paris et mis dedens l'église Nostre-Dame, où on lui fist ung service solennel, et de là fut mené, grandement acompaigné, en la cité de Rouen, et là demoura assez bonne espace. Et ce pendant, s'assemblèrent les princes en conseil audit lieu de Paris, c'est assavoir les ducs de Bethfort, de Bourgongne et d'Excestre, avec plusieurs autres grans seigneurs, afin d'avoir advis et délibéracion ensemble sur le gouvernement du royaume de France. Et là fut conclud et promis par eulx de rechef, qu'en la forme et manière qu'il avoit esté traicté autrefois entre les deux roys à Troies en Champaigne, s'entretenroit la paix finale qui jurée et promise avoit esté entre les parties.
  Et, comme je fus assez véritablement informé, la principale maladie dont ledit roy Henry ala de vie à trespas lui vint par feu qui le féri par dessoubz ou fondement, assez semblable au feu qu'on dit de saint-Anthoine (1).
  En oultre, après ce que les princes dessusdiz eurent prins leurs conclusions sur le régime dudit royaume de France, si comme vous avez oy, dedens la ville de Paris, le duc de Bourgongne se parti tost après dudit lieu où ilz estoient, et retourna, à tout ses Picars, en son pays d'Artois et en Flandres. Et le duc de Bethfort, avec autres princes Anglois, s'en ala à Rouen, pour appointer et ordonner des afaires de la duchié de Normandie, Et là fut menée en grant appareil la royne d'Angleterre, qui de la mort de son feu mary riens ne sçavoit.
  Or dirons du fait du feu roy anglois. Assavoir est que les seigneurs de son sang le mirent sur ung chariot que menoient quatre grans chevaulx. Et avoient fait sa semblance et représentacion de cuir boulu, moult gentilment, portant en son chef couronne d'or moult précieuse, et tenoit en sa main dextre ung ceptre et verge royale, et en la senestre portoit une pomme d'or. Et gisoit en ung lit sur ledit chariot, le visaige vers le ciel. Duquel lit, le couvertoir estoit de drap de soie vermeil batu à or. Et avec ce, portoit-on en hault, en passant parmy les bonnes villes, par dessus le chariot, ung moult riche drap de soye, en la manière qu'on l'a acoustumé de porter sur le corps de Jhésucrist au jour du Saint Sacrement. Et ainsi alant moult grandement acompaigné de ses princes et de la chevalerie de son hostel, fut mené le droit chemin de Rouen à Abbeville et jusques en l'église Sain Eufren (2). Et si avoit moult de gens d'église à la dextre et senestre partie du corps du Roy trespassé, qui nuit et jour, les uns après les autres, en chevauchant, cheminant ou arrestant, chantoient sans cesse l'office des mors, et célébraient tous les jours pour lui depuis le point du jour, ès églises où ilz logoient, jusques à Nonne. Et après vindrent de Abbeville à Hesdin, et de là à Monsterueil, et puis, par Boulongne alèrent à Calais. Et tousjours sur ledit chemin y avoit autour dudit chariot plusieurs hommes vestus de blanc qui portoient en leurs mains torches alumées, et derrière estoient vestus de noir ceulx de la famille dudit roy, et après suivoient ceulx de sa lignée, vestus de vestemens de pleurs. Et suivant après aloit la royne, à grant compaignie, environ demie lieue loing, après sondit seigneur et mary, lequel, comme dit est, fut mené à Calais. Et de là, nagèrent par mer à Douvres en Angleterre, et puis, par Cantorbie et Rocestre alèrent en la cité de Londres, où ilz arrivèrent la nuit saint Martin d'iver (3). A rencontre duquel Roy yssirent de ladicte ville de Londres quinze évesques, vestus de chasubles pontificaulx, et plusieurs abbez mictrez, et autres hommes d'église en grant nombre, avec grant multitude de bourgeois et autres communes. Lesquelz gens d'église, tous ensemble, mirent ledit roy défunt dedens ladicte ville, en chantant l'office des mors, et le menèrent par le pont de Londres et la rue des Lombards, jusques à l'église cathédrale de Saint-Pol. Et au plus près du chariot estoient, pleurans et lamentans, les princes de son lignage. Et avec ce, le premier cheval des quatre qui menoient son dit chariot ouquel leroy estoil, avoit un colier où estoient paintes les anciennes armes d'Angleterre. Au colier du second cheval estoient paintes les armes de France et d'Angleterre escartelées de liépars, lesquelles lui mesmes portoit en son vivant. Au colier du tiers cheval estoient paintes pleinement, sans différence nulle, les armes de France, que portoit, quant il vivoit en ce monde, ce noble et très puissant roy Artus, que nul ne povoit vaincre, lesquelles armes estoient ung escu d'azur à trois couronnes d'or. Et après que le service eut esté fait réalement, ilz le portèrent enterrer en l'église de Vasmonstier (4), emprès ses prédécesseurs roys d'Angleterre. Auquel enterrement fut fait en toutes choses généralement plus grant estat et bobant que depuis deux cens ans a paravant n'avoit esté fait de nul des autres roys d'Angleterre, et mesmement, lui mort, comme dit est, et mis en sa sépulture, lui ont fait et font chascun jour aussi grant honneur et révérence, comme s'ilz feussent acertenez qu'il feust ou soit, sainct en Paradis.
  Ainsi et par ceste manière fina icellui roy Henry en la fleur de son aage. Car quant il ala de vie à trespas, il povoit avoir environ quarante ans. Et estoit moult sage et expert en toutes besongnes dont il se vouloit entremetre. Et si estoit de très haultain vouloir. Et avoit, en sept ou huit ans que son règne dura en France, fait de très grandes besongnes et conquestes, plus que nulz de ses prédécesseurs n'avoient fait long temps par avant. Et pour vérité, il estoit si craint et doubté de ses princes et capitaines, qu'il n'en y avoit nul, tant lui feust prouchain et bien de lui, qui osast transgresser ses ordonnances, par espécial ceulx de son royaume d'Angleterre, de quelque estat qu'ils feussent soubz son obéissance et dominacion. Et la cause principale estoit pour se que ceulx qui faisoient le contraire et enfraingnoient ses dictes ordonnances, il les faisoit punir très criminellement, sans en avoir quelque miséricorde.
  En après toutes les besongnes dessusdictes acomplies, s'assemblèrent les trois estas du royaume d'Angleterre en très grant nombre, pour avoir advis qu'il estoit à faire sur le régime et gouvernement dudit royaume. Et enfin se conclurent, et eslevèrent à roy le seul filz d'icellui Henry défunct, lequel n'avoit que seize moys d'aage ou environ, et se submirent du tout à son obéissance, non obstant sa jeunesse. Et prestement lui baillèrent estat royal, et commirent à le gouverner et conduire, le conte de Varvich et autres.
  Durant lequel temps y eut ung notable chevalier de Picardie qui dist à son poursuivant une joieuseté par manière de galerie touchant la mort du roy d'Angleterre. Et fut nommé messire Sarasin d'Ailli, oncle du vidame d'Amiens. Lequel pour lors povoit bien avoir soixante dix ans d'aage, et demouroit en ung sien chastel qu'il avoit de par sa femme, seur au seigneur d'Offemont, nommé Acheu, assez près de Pas en Artois. Et là estoit tout malade de goutes. Néantmoins, moult voulentiers enquéroit et oroit racompter des nouvelles. Si retourna en ses jours sondit poursuivant nommé Havrenas, qu'il avoit envoyé dehors. Et estoit environ de l'aage de son maistre, et l'avoit longtemps servi. Et après sa venue l'examina; si lui demanda, messire Sarrasin, s'il scavoit riens de la mort du roy d'Angleterre. Et il respondi que oyl, et que il l'avoit veu en la ville d'Abbeville en l'église Saint-Effren. Et lui racompta tout l'estat, et comment il estoit appareillé, assez selon qu'il est déclairé en ce présent livre. Et adonc messire Sarrasin lui demanda par sa foy s'il avoit veu ledit roy mort et se il l'avoit bien advisé. Et il respondi que oyl. « Or, me dy par ton serement, dist messire Sarrasin, avoit-il point ses houseaulx chaussez? » « Ha! monseigneur, dist cellui, nennil par ma foy. ? » Lors lui dist le chevalier : « Havrenas, beaux amis ! ne me croy jamais s'il ne les a laissez en France. » Et à ce mot, tous ceulx qui là estoient présens commencèrent à rire, et puis après ce, parlèrent d'autre matière.

                                                 


Source : La chronique d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)

Notes :
1 Empoisonnement du sang par un champignon parasite du seigle
. Fléau du moyen-âge, longtemps attribué à une cause surnaturelle, le feu saint-Anthoine se caractérisait par la gangrène des extrémités et une extrême chaleur d'entrailles.

2 Cathédrale St Vulfran à Abbeville.

3 La nuit du 10 au 11 novembre.

4 L'abbaye de Westminster.




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