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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.I-266 - [Comment le duc de Touraine, Daulphin, fist asséger Cosne-sur-Loire,
et ce qu'il s'en ensuivy.] |
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r convient il parler du duc de Touraine, Daulphin, lequel en ce temps assembla de divers pays environ vingt mille combatans, à tout lesquelz il se tira vers Sancerre, auquel lieu se tint de sa personne assez longue espace. Durant lequel temps fu mise en son obéissance la Charité-sur-Loire, où il mist grosse garnison de ses gens, et, après fist asséger la ville de Cosne-sur-Loire, qui à la fin fu contrainte de traicter avec les commis dudit Daulphin, par condicion qu'ilz lui rendroient ladicte ville, le XXVIIe jour d'aoust ensuivant, au cas que le duc de Bourgongne ne les secourroit audit jour si puissamment que pour les délivrer des mains de ses adversaires. Et avecques ce, promirent lesdiz deux ducs, c'est assavoir de Touraine et de Bourgongne, par la bouche de leurs héraulx, à estre et comparoir chascun à tout sa puissance, l'un contre l'autre, à combatre son adverse partie à ladicte journée. Et afin d'entretenir icelle, ledit duc de Bourgongne, qui paravant s'estoit conclud de retourner en son pays d'Artois, demoura en Bourgongne et manda ses gens de toutes pars, tant en Flandres, Picardie, comme ailleurs, à venir vers lui. Et si envoya devers le roy d'Angleterre lui requerre bien instamment qu'il lui envoiast certain nombre de gens pour estre avecques lui à ladicte journée, avec aucuns de ses princes et chefz de guerre. Lequel roy fist response à ceulx que ledit duc y avoit envoiez, que ce ne feroit-il pas, mais yroit en sa propre personne avecques toute sa puissance. Et ce pendant, messire Hue de Lannoy, maistre des arbalestriers de France, assembla grant nombre de gens, tant de la conté de Flandres comme des marches vers Lisle; et pareillement firent messire Jehan de Luxembourg, le seigneur de Croy et plusieurs autres capitaines de Picardie. A tout lesquelz, vers l'issue du mois de juillet, se tirèrent par divers chemins entour Paris, soubz la conduite du duc de Bethfort, son frère, du conte de Varvich et autres de ses princes et capitaines, pour aler en Bourgongne. Et lui-mesmes, assez agravé de maladie, se partit dudit lieu de Senlis, après qu'il eut prins congié du roy de France, à la Royne et aussi à sa femme, qui onques depuis ne le vid, et ala à Meleun, où il se fist mètre sur une litière en entencion d'aler à la journée dont dessus est faicte mencion, avecques ses gens. Mais, pour tant qu'il se sentit trop feble et qu'il empiroit de jour en jour, retourna et se fist mener au Bois de Vincennes, et là se alita du tout.
Et le duc de Bethfort, ses princes et tout son ost, se tirèrent par plusieurs journées jusques au pays de Bourgongne, et ainsi le firent tous les seigneurs de Picardie et d'autres lieux. Et tant chevauchèrent qu'ilz viendrent ou pays de Vezelay, où ilz trouvèrent le duc de Bourgongne qui là les actendoit, à tout grant puissance de gens d'armes qu'il avoit assemblez de plusieurs lieux. Si les receut et festia moult joieusement, et par espécial quant il trouva ledit duc de Bethfort et les autres princes d'Angleterre, que moult amoit, si les remercia très humblement du noble et puissant secours qu'ilz lui présentaient à son besoing. Et après, les princes et les capitaines dessusdiz, joings ensemble comme vous avez oy, commencèrent à chevaulcher, à tout leurs gens qui estoient en très grant nombre, en approuchant ladicte ville de Cosne. Et avoient establi par ordonnance avant garde, bataille et arrière garde, et chascune des compaignies avoit certain nombre d'Anglois, Picars et Bourguignons, afin que au jour qui estoit assigné n'y eust nulle envie, et que nulle des trois parties peussent avoir honneur ou deshonneur plus l'une que l'autre. Et ainsi tenant ceste ordonnance, chevauchèrent vers ledit lieu de Cosne. Devant laquelle ville ilz se logèrent la nuit, dont lendemain ilz devoient estre combatus selon les promesses cy-dessus déclairées. Mais ledit duc de Touraine, Daulphin, et ceulx qui le gouvernoient, sachans la puissance des princes dessusdiz, se retrahy, à tout ses gens d'armes, devers Bourges en Berry, et ne comparu, ne homme de par lui, à ladicte journée, et par ainsi demoura icelle ville de Cosne en l'obéissance du duc de Bourgongne. Et après ceste journée passée, se mist toute l'ost à retourner devers Troies. Toutesfois durant icellui voiage y eut plusieurs Picars et Anglois qui eurent moult grant disète de vivres et par espécial de pain. Mais tantost qu'ilz furent vers ladicte ville de Troies, se commencèrent à mectre au large sur le plat pays. Lequel, tant pour leur venue comme pour leur retour, fu moult travaillé par tout où ilz passoient.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
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