|
Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
-
index
L.II-40- [Comment la forteresse de Moynies en Champagne fu reprinte des François. — Et comment sentence fu rendue par le duc Jehan de Brabant. — Et de la forteresse de Oripette en Prouvence.] |
|
n ce temps fu reprinse la forteresce de Moynes en Champagne par les gens du roy Charles, par trayson d'un Anglois qui estoit dedans. Et depuis fu rasségiee des Anglois, c'est assavoir du conte de Salbéri, et avecques lui plusieurs Picars, qui audit siège continuèrent tant que les asségiés furent constrains d'eux rendre. Et se départirent les aucuns estrangers sauve-ment, et ceulx qui autrefois avoient tenu le parti des Anglois et Bourguignons furent exécutés et mis à mort. Esquelx entre les autres fu l'un d'iceulx, ung gentil homme nommé Gilles de Clari. Et fut à ladicte raddicion messire Jehan de Luxembourg, lequel, après que ycelle forteresse fut du tout désolée, retourna en son chateau de Beau Revoir.
En cest an fut envoyée par nostre saint père le Pape la sentence diffinitive touchant le procès du duc Jehan de Brabant, par lequel fut ordonné et déclaire que le mariage qui estoit fait du duc de Glocestre et de la duchesse Jaqueline de Bavière estoit de nulle valeur, et que s'il advenoit que le duc de Brabant morust, si ne porroient avoir ledit duc de Glocestre et la duchesse Jaqueline l'un l'autre par mariage. Et pour tant, le dessusdit duc de Glocestre, sachant ceste départie faite par nostre saint père le Pape, espousa et prinst en mariage une femme de bas estat au regard de luy, nommée Alyenor de Cobatre, dont dessus est faicte mencion, laquelle le duc par avant avoit tenue en sa compaignie certain temps comme sa dame, par amours, et avecques ce, avoit esté diffamée de aucuns autres hommes que de ycelui duc. Laquelle chose fist moult esmerveiller plusieurs personnes de France et d'Angleterre, considerans que ycelui duc ensuivoit mal en celui cas la seignourie dont il estoit extrait.
En ces jours messire Jehan Blondel, accompaigné de Jehan Blondel, son cousin germain, et huit autres compaignons de guerre, par le moyen d'un chapelain qui estoit à maistre Jehan Cadart, prinrent la forteresse de Oripette en Provence, et ledit maistre Jehan dedens, qui en estoit gardien, et le firent prisonnier, tendans de avoir de luy grand finance. Laquelle chose vint en brief à la congnoissance de ceux du pays, qui sans délai les asségièrent, et en fin les constraindirent si fort, que bel leur fu de eux départir de ladicte forteresse sans riens emporter, ayans sauf-conduit pour eux en aler seurement. Non obstant lequel, à l'yssir de celle forteresse, fu ledit Jehan Blondel occis des paysans. Et le chapelain qui avoit fait la trayson fu décapité.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
1 /
|