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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.II-49
- [Comment le conte de Salsebéri vint en France, à
tout grand gent, en l'ayde du duc de Bethfort. Et comment
le duc de Bourgongne ramena la duchesse Jaqueline de Bavière
en Haynau.] |
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mois de may ensuivant, le conte de Salsebéri, homme expert
et très renommé en armes, par l'ordonnance du roy
Henry et de son grand conseil en Angleterre, convocqua jusques à
six cens combatans ou environ, gens d'eslite et esprouvez en armes
pour la plus grand partie, pour amener en France en l'ayde du duc
de Bethfort qui se disoit régent. Desquelx il envoia premièrement
trois mille à Calais, et de là alèrent à
Paris, pour tousjours maintenir la guerre contre les François.
Et environ la Saint Jehan ensuivant, ledit conte de Salsebéri,
à tout le surplus de ses gens, passa la mer et vint à
Calais, et, par Saint Pol, Dourlens et Amiens, s'en ala à
Paris, où il fut joieusement [receu] dudit conte de Bethfort
et de tout le conseil de France là estant, tenant le parti
du roy Henry. Après la venue duquel conte furent par plusieurs
jours de grans consaulx tenus pour le fait de la guerre. Entre lesquelz
fut conclud que ycelui conte, après qu'il auroit mis en l'obéyssance
du roy Henry aucunes meschantes places que tenoient ses adversaires,
il yroit mettre le siège devant la cité d'Orléans,
laquelle comme ils disoient leur estoit moult nuisable. Lequel conseil
finé, furent de toutes pars évocquez et mandez de
par lesdiz roy Henry et régent, les Normans et aultres tenans
leur parti. Et fut lors faite si grand diligence que ledit de Salsebéry
eut brief ensuivant jusques à dix mille combatans. Entre
lesquelx estoient le conte de Suffolc, le seigneur d'Escailles,
le seigneur de Thalebot, le seigneur de Lille, anglois, Classedach
(1), et plusieurs autres vaillans et
très expers hommes d'armes, qui tous ensamble, après
qu'ilz eurent esté, comme dit est, grandement festoyez et
honorez dedens Paris, se départirent de là et des
marches environ, avec le conte dessusdit, et alèrent mettre
le siège devant Nogent-le-Roy, que tenoient les François.
Laquelle fut assez tost conquise, et en y eut grand partie de ceulx
qui le tenoient exécutés à mort, et les aultres
eschapèrent, parmy paiant grandes finances. Et de là
ledit conte s'en ala vers Jargeau.
En ce temps le duc de Bourgongne retourna en Hollande,
accompagné de aucuns de ses plus féables hommes, pour
de rechief convenir avec la duchesse Jaqueline, sa cousine, et prendre les seremens de fidélité
d'aucuns nobles du pays et bonnes villes, qui point encore ne l'avoient
fait. Après lesquelx receuz, grand espace de temps, vinrent
ledit duc et la duchesse Jaqueline ou pays de Haynau, où
ilz alèrent par les bonnes villes recepvoir les seremens
pareillement comme ilz avoient fait en Hollande et en Zélande,
tant des nobles, du clergié, comme des bourgois et communaultés.
Desquelx en plusieurs lieux ilz furent révéramment
et honorablement receuz, jà soit ce que aucuns des dessus
diz pays feussent de ce petitement contens. Toutesfois ilz ne veoient
mie, que ad ce poussent bonnement remédier.
Au mois de mai, le comte de Salisbury, homme expert et très renommé en armes, convoqua, par l'ordre du roi Henri et de son grand conseil, jusqu'à six mille combattants ou environ, gens d'élite et éprouvés en armes pour la plupart, dans le but de les amener en France à l'aide du duc de Bedford qui se disait régent. Il en envoya d'abord trois mille à Calais, d'où ils allèrent à Paris pour toujours continuer la guerre contre
les Français. Environ la Saint-Jean, le même comte de Salisbury passa la mer avec le surplus de ses gens, vint à Calais, et par Saint-Pol, Dourlens et
Amiens, arriva à Paris, où il fut joyeusement reçu par le comte
de Bedford, et tout le conseil de France, du roi Henri.
Après l'arrivée de Salisbury, de grands conseils furent tenus durant
plusieurs jours sur le fait de la guerre. Il fut conclu qu'icelui comte, après qu'ils auraient mis sous l'obéissance du roi Henri quelques méchantes places occupées par ses adversaires, irait mettre le siège devant
la cité d'Orléans, qui, à ce qu'ils disaient, leur était fort nuisible.
Ce plan arrêté, l'on convoqua de toutes parts et l'on manda de par
le roi Henri et de par le régent les Normands et ceux qui tenaient le
parti de l'Angleterre. L'on y mit une telle diligence que peu de temps
après, Salisbury eut sous ses ordres jusqu'à dix mille combattants,
parmi lesquels le comte de Suffolk, le seigneur de Scales, le seigneur
de Talbot, le seigneur de Lille, Anglais, Glasdal et plusieurs
autres vaillants et très experts hommes d'armes, qui après avoir été durant quelques jours reçus au milieu des fêtes et des honneurs à
Paris, ainsi qu'il a été dit, quittèrent cette ville et ses alentours avec le
comte de Salisbury...
[Monstrelet raconte la prise de Nogent-le-Roi,
Janville, Jargeau, etc., et en vient au siège d'Orléans.]
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Mise en Français plus moderne : J.B.J. Ayroles, "La vraie Jeanne d'Arc" - t.III.
Notes :
1 Classidas (Glasdale)
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