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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.II-74 - Comment les François et Bourguignons couroient l'un sur l'autre nonobstant les trièves qui y estaient. |
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tem, durant le temps dessusdit que les trèves estoient accordées entre le roy Charles et le duc de Bourgongne jusques aux Pasques ensuivant, nientmains ycelles parties couroient très souvent l'une sur l'autre, et mesmement pour embellir leur querelle, aulcuns, tenans le parti du duc de Bourgongne, se boutoient avec les Anglois, qui point n'avoient trèves aux François, et menoient avecques eulx plaine guerre aux François. Et les François pareillement couroient et faisoient plaine guerre aux Bourguignons, faignans que les dessusdiz Bourguignons estoient Anglois. Si y avoit, pour lesdictes trèves, peu ou nient de seureté.
Si en fut, entre les autres courses, faite une d'un vaillant homme d'armes d'Engleterre, nommé Foucques. Avec lequel s'estoient mis aulcuns hommes d'armes de ladicte partie de Bourgongne, qui se tenoient à la Noefville le Roy (1), en ung bel chastel qu'ilz avoient réparé. Et tous ensamble atèrent acueillier la proie, de la ville de Creil. Et avoient laissié une embusche adfin que se leurs ennemis sailloient contre eulx, qu'ilz les peussent surprendre. Laquelle chose advint ainsi qu'ilz l'avoient ymaginé. Car messire Jaques de Chabonnes, qui estoit principal capitaine de la ville de Creil, tantost qu'il oyst l'effroy, s'arma incontinent sans délay, monta à cheval, et de grand voulenté ala férir de plains eslais en ses ennemis.
Desquels, de première venue, fut prins prisonnier ung nommé George de Croix, el aulcuns aultres rués par terre. Et eut entre ycelles parties très grande escarmuche. Mais en conclusion, par la vaillandise et recouvrer dudit Fauques, fut le dessusdit Jaques de Chambonnes détenu prisonnier, et avec lui deux chevaliers et aulcuns autres des meilleurs gens. Toutefois, en ce faisant, ycelui Faucques fut féru à descouvert en la gorge, de la pointe d'une espée, ung bien petit cop, duquel il moru tout prestement. Pour la mort duquel, tous ceulx de son parti là estans, qui de lui avoient congnoissance, eureut au cuer moult grand tristesce. Car ilz le tenoient pour le plus vaillant et expert en armes de tout le pays d'Angleterre. Si se rassamblèrent les Anglois, desquelz pour lors estoient les principaulx, Bohort de Bazentin et Robinet Eguethin; si emmenèrent leurs prisonniers en leurs forteresces. Et en dedens assez briefz jours firent traictié avec messire Jaque de Chabennes, par sy qu'en paiant certaine somme il fut délivré, moyennant aussi qu'il rendi ledit Jorge de Croix.
Item, en ces jours le duc de Bethfort, considérant que la forteresce du Chasteau Gaillard estoit scituée en moult fort lieu et advantageus pour grandement grever et guerroyer le pays de Normendie, se conclut que avant que ses ennemis qui dedens estoient fussent pourveus de vivres, ne fortifiés de gens, de les faire asségier par les Anglois. Laquelle chose il fist, et y fut le siège de six à sept mois, en la fin desquelz lesdiz asségiés rendirent ladicte forteresce, par faulte de vivres, et s'en alèrent, à tout partie de leurs biens.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
1 Villeneuve-le-Roy.
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