|
Chronique
de la Pucelle
-
index
12
- Le comte de Salisbury s'empare du Mans, de Ste-Suzanne et
de Mayenne-la-Juhais |
|
n ce mesme temps aussi le comte de Salisbery délibéra
d'aller mettre le siège devant la cité du Mans et
se mit en chemin pour y aller. Il y avoit à Maine-la-Juhais
un chevalier, capitaine de la place, nommé Pierre le
Porc, qui estoit un vaillant chevalier et accompaigné de
vaillans gens, auquel l'entreprinse dudit comte vint à congnoissance.
Si partit de la dite place de Maine, ayant en sa compagnée
de huict vingts (1) à deux cents
combatans et alla mettre une embusche près de Sées
en Normandie sur le chemin dudit comte de Salisbery et de son ost,
et assez loing au devant de luy avoit de ses gens qui chevauchoient
et ne se doutoient de riens ; sur lesquels ledit Messire Pierre
et ses gens frappèrent et en tuèrent et prinsrent
grand foison, puis après, ce nonobstant, ils s'en retournèrent
arrière en leur place à toute leur prinse.
Or combien que le susdit comte en fust bien desplaisant,
il ne laissa pas à mettre son siège, et fit mander
et assembler gens de toutes parts, et mit et forma son siège
devant la dite ville, et y fit assortir grosses bombardes et autres
engins pour abbatre les murs de la dicte cité ; et de faict,
il y en eut une grande partie d'abbatue, du costé de la maison
de l'évesque. Et ce nonobstant ceux de dedans se deffendoient
vaillamment, et firent plusieurs et diverses saillies, en grevant
leurs ennemis. Toutesfois ils considéroient bien qu'ils n'avoient
aucun secours, et qu'ils n'eussent peu tenir longuement ; et pour
ce delibérèrent-ils de trouver expédient le
meilleur qu'ils peurent ; et finalement la ville et cité
fut rendue audit comte de Salisbery par composition telle que les
gens de guerre et autres qui s'en voudroient aller et partir de
la ville, s'en iroient, et ceux qui voudroient demeurer demeureroient
en l'obéissance des Anglois. Et les François estans
en icelle ville, payèrent mil et cinq cents escus pour les
fraiz et mises que ce dit comte avoit faits à mettre le siège
devant la dicte cité.
Cette prinse ainsi faicte, le dist comte de Salisbery
voyant et considérant la puissance des François estre
ainsi diminuée, et qu'il seroit difficile au roy de trouver
ou assembler gens pour les grever, poursuivit sa conqueste, et vint
mettre le siége devant les chastel et ville de Saincte Suzanne,
au mesme pays du Mayne, où estoit capitaine Messire Ambroise
de Loré; et icelluy comte y fit assortir et asseoir plusieurs
grosses bombardes. A la venue duquel ledit Messire Ambroise fit
plusieurs belles escarmouches et saillies, lesquelles portèrent
grand dommage aux Anglois ; et après ce le siége fut
clos de toutes parts. Et quand il y eut esté quelques dix
jours, il commença à faire tirer les dits canons et
bombardes incessamment jour et nuit, tellement qu'ils abbatirent
grand foison des murs de ladite ville , et y fit-on plusieurs escarmouches
et saillies d'un costé et d'autre, et essays pour assaillir
; et finalement ledit de Loré et ses compagnons furent contraints
de rendre iceux chastel et ville audit comte de Salisbery, et luy
et ses compagnons perdirent tous leurs biens et leurs prisonniers
et s'en allèrent, après ladite place ainsi rendue,
tous à pied, un baston en leur poing. Et pour les fraiz faitz
par ledit comte à mettre iceluy siége, ledit Ambroise
de Loré luy bailla deux mille escus d'or comptant.
Ladicte ville de Saincte-Suzanne ainsi eue par ledict
comte de Salisbery, il alla mettre le siége devant le chastel
de Mayenne la Juhais et y fit mener plusieurs grosses bombardes,
comme devant les autres places. Un vaillant chevalier, nommé
Pierre le Porc, estoit capitaine d'iceluy chasteau, lequel y fut
fort merveilleusement batu de grosses bombardes et si y eut plusieurs
et diverses mines faites, et les Anglois y donnèrent plusieurs
et divers assauts ; et mesmement un bien merveilleux; tant par les
murailles que par les mines, ausquels fut vaillamment et vigoureusement
résisté par ceux de dedans ; et y eut plusieurs Anglois
de tuez et blessez. Il n'estoit doubte qu ils n'eussent peu avoir
aucun secours, et pour ce la place fut rendue par composition audit
comte de Salisbery. Par laquelle composition ceux qui s'en voulurent
aller s'en allèrent, et ceux qui voulurent demeurer demeurèrent
: mais il fut payé deux mille escus par ledit capitaine et
autres François pour les frais et mises que ledit comte de
Salisbery avoient faites à mettre ledit siége.
Source
: édition Vallet de Viriville - éd.1859
Notes :
1 Cent soixante
|