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Chronique
de la Pucelle
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- Le Mont St-Michel assiégé - Défaite
des Anglais - Naissance de Louis XI |
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ce temps, les Anglois mirent le siège par mer et par terre
devant le Mont Sainct Michel, et sur la mer avoit grand navire et
foison de gens de guerre bien armez, habillez et garnis de toutes
choses nécessaires ; et environnèrent tellement la
dite place, qu'il n'estoit pas possible qu'on la peust avitailler
en aucune manière. Et pour secourir icelle ville fut fait
une armée à Sainct Malo de l'Isle, de laquelle estoit
capitaine un vaillant chevalier nommé le seigneur de Beaufort
de Bretaigne qui fut admiral de la dite armée et fit tant
qu'il eut du navire compétemment ; et y eut de vaillantes
gens tant d'hommes d'armes que de traict, lesquels très volontiers
et libéralement se boutérent ès dits navires
; tellement qu'ils furent bien équipez et garnis de tout
ce qui leur falloit, et singlèrent par mer tellement, qu'ils
vinrent à arriver sur les Anglois, lesquels se deffendirent
vaillamment et y eut bien dure et aspre besongne. Et y fut tellement
combatu par les François que les Anglois furent desconfits
et le siège fut levé ; et y estoit en la compaignie,
avec le susdit admiral, le seigneur d'Aussebourg. Quand les Anglois
qui estoient à terre sceurent que leur navire estoit parti,
ils s'en allèrent.
Pour ledict temps, les Anglois misrent une bastille
à une lieue près dudit Mont Sainct Michel en un lieu
nommé Ardevon (1) ; et ceux de
la garnison dudit Mont sailloient souvent, et presque tous les jours,
pour escarmoucher avec les Anglois, et y faisoit on de belles armes.
Messire Jean de la Haye, baron de Coulonces, estoit en un
chastel du bas Mayne, nommé Mayenne la Juhais, et alloient
souvent de ses gens audit Mont Sainct Michel et pareillement de
ceux du Mont à Mayenne. Ledit baron sceut la manière
des Anglois et fit sçavoir à ceux du Mont qu'ils saillissent
un certain jour et livrassent grosse escarmouche au vendredy, et
qu'il y seroit sans faute. Et ainsi fut fait : car ledit de Coulonces
partit de sa place avant jour accompagné de ceux de sa garnison,
en chevauchant de neuf à dix lieues, et puis eux et leurs
chevaux repeurent assez légèrement ; et après
remontèrent à cheval en eulx venant tout droit vers
la place des Anglois.
Cependant ceux du Mont qui avoient bien espérance
que ledit baron de Coulonces viendroit, saillirent pour escarmoucher,
et aussi firent les Anglois. Et tousjours François sailloient
de leur place , et aussi faisoient Anglois de leur part, tellement
que de deux à trois cents reboutèrent les François
jusques près du Mont ; et lors environ deux heures après
midy arrivèrent ledit baron de Coulonce et sa compagnée,
et se mit entre Ardevon et les Anglois, tellement qu'ils n'eussent
peu entrer en leur place, sans passer parmy les François
que avoit ledit de Coulonces. Finalement ceux du Mont et les autres
François chargèrent à coup sur lesdits Anglois,
lesquels se deffendirent vaillamment ; mais ils ne peurent résister,
et furent desconfits, et y en eut de deux cent à douze vingts
(2) de mors et de pris ; et entre les
autres y fut pris Messire Nicolas Bordet Anglois. Puis ledit baron
de Coulonces et sa compagnée s'en retournèrent joyeux
en sa place de Mayenne la Juhais.
Le quatriesme jour de juillet audit an (3)
fut né Louis aisné fils du roy de France et de Madame
Marie fille du roy de Sicile. Le duc d'Alençon le tint sur
les fons et
Maistre Guillaume de Champeaux, evesque et duc de Laon, le baptisa.
Source
: édition Vallet de Viriville
Notes :
1 Ardevon, près de Pontorson, arrondissement d'Avranches.
2 200 à 240.
3 1423.
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