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Chronique de la Pucelle - index
63 - Laval est pris par les Angloys - Le comte de Clermont, lieutenant du roy en Picardie - Entreprise sur Rouen.
e seigneur de Talbot, vaillant chevalier anglois, print d'eschèle par faute de guet et de garde la ville de Laval, avant le siège mis à Orléans, comme cy-dessuc a esté touché, et y gaingna de moult fort grandes richesses et chevaulx. Estoit pour lors dedans Messire André de Laval, seigneur de Lohéac, lequel estoit au chasteau dudit lieu de Laval, et fist composition pour luy et autres dudict chasteau, à vingt mille escus d'or, comme dessus est dit ; et demeura prisonnier jusques à ce qu'il eust payé ladite somme on baillé plège. Et audit mois de septembre fut faite une entreprinse par les seigneurs Du Hommet, Messire Raoul du Bouchet et Bertrant de la Ferrière, sçavoir comme ils pourroient recouvrer ladite ville de Laval ; et par le moyen d'un meusnier, homme de bien qui avoient desplaisance que les Anglois fussent seigneurs et maistres en ladicte ville, fisrent bien secrètement une embusche de gens d'armes à pied en un moulin, dont ledit meusnier avoit le gouvernement, estant sur la rivière de Mayne qui passe au dessoubs et joingnant ladite ville, et joingnant aussi au bout du pont et du costé de ladite ville dont les barriéres sont par iceluy pont. Et un matin, à l'ouverture d'icelle porte, saillirent lesdits gens de guerre à pied, ainsi que les portiers estoient allez ouvrir les barrières estant sur iceluy pont et entrèrent en ladite ville de Laval crians : Nostre-Dame ! Sainct Denys ! En laquelle avoit de deux à trois cent Anglois, et les François n'estoient pas plus de deux cent, combien qu'il y en avoit plus de six cent qui les suivirent. Il y eut plusieurs Anglois de tuez et prins, les autres saillirent par dessus la muraille de cette ville là pour eulx sauver. Et par ce moyen, ladite ville fut remise en l'obéyssance du roy.

  Environ ladicte saison, le duc de Bourbon, lequel estoit demeuré lieutenant du roy ès pays de nouveau réduits en son obéyssance, dont dessus est faite mention, se tenoit à Senlis, Laon, Beauvais, et autres villes pour toujours les garder, et y mettre provision, ordre, et gouvernement; car en plusieurs lieux il ne trouvoit pas bonne obéyssance, comhien qu'il menoit grand peine à bien conduire le faict du roy, et d'exécuter quelque chose sur les Anglois, lesquels estoient bien diligens, et mettoient peine à grever les François. Or advint que le dict Messire Ambroise de Loré et Messire Jean Foucault, estans à Laigny, avoient en mesme temps fait certaine entreprise sur la ville de Rouen, par le moyen d'un nommé le Grand Pierre ; et pour ce qu'au temps que l'exécution se devoit faire, il n'estoit point clair de lune, pour chevaucher par nuict, ils prolongèrent et remirent un autre jour audict Grand Pierre ; car il leur sembloit qu'ils n'estoit pas possible de mener si grosse compaignée par le pays, où il falloit passer, sans s'entreperdre, si c'estoit en une nuit obscure. Et s'en alla le dict Grand Pierre par Senlis, où il trouva le duc de Bourbon, le comte de Vandosme et l'archevesque de Rheims (1), chancelier de France. Et pour ce que les dicts de Loré et Foucault avoient aucunement ouvert la matière aux diets seigneurs, mais non mie la manière que le dint Grand Pierre disoit, ils contraignirent le diet Grand Pierre a leur déclarer dont il venoit et la forme de la dicte entreprinse. Les quels, icelle ouye, ne tindrent compte de l'opinion et de la difficulté que les dicts Messires Ambroise et Foucault faisoient et mandérent très diligemment gens de toutes parts pour exécuter la dicte entreprinse. Et de faict se mirent à chemin, et en allant perdirent l'un l'autre et ne se trouverent pas tous ensemble, et y en eut qui furent jusques aux portes de Rouen ; et quand ils veirent que leur entreprinse estoit faillie, retournèrent. Et ceux retournans, trouvèrent environ quatre-vingts Anglois, les quels, quand ils veirent les François , descendirent ü pied au fond d'une haye et fichèèrent des paulx devant eulx. Si furent assaillis par diverses escarmouches par des gens de guerre françois, qui estoient une bien grosse compagnie. Mais les Anglois se défendirent si vaillamment, qu'ils demeurerent en leur place sans rien perdre. Or supposé que les dicts de Loré et Foucault sçeussent la dicte entreprinse, si n'avoient-ils pas intencion de l'exécuter sans le faire savoir et déclarer tout au long aux dicts seigneurs. Et ainsy, en effet, la dicte entreprinse fut perdue et faillie par faulte de ce que les dicts seigneurs n'avoient creu le conseil des dicts deux chevaliers, qui estoit bon et raisonnable.
    
                                                                       FIN


               
                                  

Source : édition Vallet de Viriville - 1859

Illustration :
- Portrait de Regnauld de Chartres (Bibl.Nle)

Notes :
1 Regnauld de Chartres, à la fois archevêque de Reims et chancelier de France. Une lecture attentive de cette chronique montre que le texte ou manuscrit de Cousinot de Montreuil a été par intervalles remanié et interpolé.




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