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Chronique
de Perceval de Cagny - index
1 - La venue de la Pucelle devers le roi |
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n iceluy an [mccccxxxviii], le [vi°]* jour dudit mois de mars (1), une pucelle de l'eage de XVIII
ans ou environ, des marches de Lorraine et de Barroiz vint devers
le roy à Chinon. Laquelle estoit de gens de simple estat
et de labour ; laquelle disoit de moult merveilleuses choses toujours
en parlant de Dieu et de ses Sains. Et disoit que Dieu l'avoit envoyée
à l'aide du gentil roy Charles ou fait de sa guerre. De quoy
le roy et tous ceulx de son hostel et aultres de quelque estat qu'ilz
fussent, se donnèrent de très grans merveilles de
ce que elle parloit et devisoit des ordonnances et du fait de la
guerre autant et en aussi bonne manière comme eussent peu
et sceu faire les chevaliers et escuiers estans continuellement
ou fait de la guerre. Et sur les parolles qu'elle disoit de Dieu
et du fait de laditte guerre ; fut très grandement examinée
des clercs et théaulogiens et autres, et de chevaliers et
d'escuiers ; et tousjours elle se tint et fut trouvée en
ung pourpos. Elle print et se mist en habit d'homme et requist an
roy qu'il luy fist faire armures pour soy armer, telles comme elle
les deviseroit, et luy baillast chevaulx pour elle et ses gens ;
et ainssi lui fut fait. Et la tint le roy devers luy jusques au
mois de may, sans ce qu'elle alast nulle part. Et avant sa venue,
le roy ne les seigneurs de son sang ne savoient quel conseil prendre.
Et depuis par son aide et conseil vint tousjours de bien en mieulx.
En cette année MCCCCXXVIII
(a. st.), le (VIe) jour du mois de mars, une pucelle de l'âge de XVIII ans ou environ, des marches de Lorraine et de Barrois, vint devers le roi à
Chinon. Elle était issue de gens de simple état et de labour ; elle disait
toujours de fort merveilleuses choses en parlant de Dieu et de ses saints ;
elle disait que Dieu l'avait envoyée à l'aide du gentil roi Charles pour le
fait de sa guerre. De quoi le roi et tous ceux de sa maison, et les
autres, de quelque état qu'ils fussent, se donnèrent de très grandes
merveilles de ce qu'elle parlait et devisait des ordonnances et du fait de
la guerre, autant et en aussi bonne manière qu'eussent pu et su le faire les
chevaliers et les écuyers étant continuellement occupés du fait de la guerre.
Elle fut très grandement examinée par des clercs, des théologiens et par
d'autres, par des chevaliers et des écuyers, sur ce qu'elle disait de Dieu et
du fait de ladite guerre ; et toujours elle se tint, et elle fut trouvée en un
même propos.
Elle prit et se mit en habits d'homme ; elle demanda au roi de lui
faire faire des armures pour s'armer, telles qu'elle les indiquerait;
et qu'il lui donnât des chevaux pour elle et pour ses gens; et il
fut ainsi fait.
Le roi la tint devers lui jusqu'au mois de mai, sans qu'elle allât nulle
part (2).
Avant sa venue, ni le roi ni les seigneurs de son sang ne savaient
quel conseil prendre, et depuis, par son aide et conseil, les affaires vinrent
toujours de bien en mieux.
Sources : Jules Quicherat - Bibliothèque
de l'école des Chartes, t.II, 2° série, p.143
- 1845-46 et Procès de condamnation et de réhabilitation
de la Pucelle t.IV, p.1 à 37.
- Mise en Français plus moderne : J.-B.-J. Ayroles " La vraie Jeanne d'Arc - t.III" - 1897.
Notes :
* l'année et la date du VIe entre crochets ont été ajoutées par Quicherat. L'original est :
"En icelui an, le ... jour dudit mois de mars etc.
Dans le chapitre prédécent sur la bataille des "harengs" Perceval de Cagny indique également une date erronée (... mars au lieu du 12 février).
1 1428 ancien calendrier.
(ndlr)
2 Elle alla à Poitiers et à Tours.
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