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Chronique
de Perceval de Cagny -
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2 - Comme la Pucelle commença à faire la guerre aux Englois |
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n l'an MCCCCXXIX la Pucelle entreprint à vouloir monstrer
pour quoy elle estoit venue devers le roy. Après la journée
des Harens , les Englois des bastilles devant Orléens gardèrent
que nulz vivres ne peussent venir à ceulx de dedens, et tant,
que ilz avoient très grant deffaulte de pain ; et pour y
pourvoir envoyèrent plusieurs foiz devers le roy qui assembla
ses cappitaines pour aviser par quelle manière on leur pourroit
mener, des blés et autres vivres. Nul d'iceulx n'osa entreprendre
la charge pour la doubte desditz Englois qui estoient d'un costé
et d'autre à bien grant nombre en leurs bastilles, et avecques
ce tenoient lesdittes villes et places audessus de la rivière
et audèssoubz. Ladicte Pucelle voyant que nul n'entreprenoit
de donner secours à ceste noble place d'Orléens et
cognoissant la très grant perte et dommage que ce seroit
au roy et à son royaulme de perdre ladicte place, requist
au roy qu'il lui baillast de ses gens d'armes et dist : "Par
mon martin (1) (ce estoit son serment), je
leur feray mener des vivres." Le roy luy accorda. De quoy
elle fut moult joyeuse. Elle fist faire ung-estandart ou quel estoit
l'image de Nostre Dame , et print ung jour de soy trouver à
Blois, et dist que ceulx qui devroient estre en sa compaignie, y
fussent ; et que à ce jour les blés et autres vivres
fussent prestz de partir en charrettes, chevaulx et autrement. Et
ne demandoit point grant compaignie de gens, et disoit : "Par
mon martin, ilz seront bien menez ; n'en faictes doubte."
En l'an MCCCCXXIX, la Pucelle entreprit de vouloir montrer pourquoi elle était venue devers le roi. — Après la journée des Harengs, les Anglais des
bastilles d'Orléans s'efforcèrent d'empêcher que nuls vivres pussent venir à ceux d'Orléans; si bien que ceux-ci avaient très grand défaut de pain.
Pour y pourvoir, ils envoyèrent plusieurs fois devers le roi qui assembla
ses capitaines pour aviser par quelle manière, on pourrait leur mener des
blés et d'autres vivres. Nul de ces derniers n'osa entreprendre pareille
charge par crainte des Anglais, qui étaient d'un côté et d'autre de la
ville, en bien grand nombre dans leurs bastilles ; et avec cela tenaient les
villes et les places au-dessus et au-dessous de la rivière.
La Pucelle, voyant que nul n'entreprenait de donner secours à cette
noble place d'Orléans, et connaissant la très grande perte et dommage
que ce serait pour le roi et son royaume, de perdre ladite place, requit le
roi de lui donner de ses gens d'armes, et dit : « Par mon Martin, — c'était
son serment, — je leur ferai mener des vivres ». Le roi le lui accorda ; ce
dont elle fut très joyeuse. Elle fit un étendard, auquel était l'image de Notre-Dame, et elle prit
un jour pour se trouver à Blois, et dit que ceux qui devaient être en sa
compagnie y vinssent, et qu'à ce jour les blés et les autres vivres fussent
prêts à partir en charrettes, chevaux, et autrement. Elle ne demandait
pas grande compagnie de gens, et elle disait : « Par mon Martin, ils seront
bien menés; n'en faites doubte ! »
Sources : Jules Quicherat - "Bibliothèque
de l'école des Chartes, t.II, 2° série, p.143
- 1845-46" et "Procès de condamnation et de réhabilitation
de la Pucelle t.IV, p.1 à 37".
- Mise en Français plus moderne : J.-B.-J. Ayroles " La vraie Jeanne d'Arc - t.III" - 1897.
Notes :
1 Perceval de Cagny est le seul auteur qui prête cette à
La Pucelle cette locution affirmative.
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