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Chronique de Perceval de Cagny -
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3 - Des vivres menez à Orléans |
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e mareschal de Rais, La Hire, Gaucourt, Poton de Sentrailles et
d'autres capitaines furent audit jour à Blois pour la conduite,
et firent partir grant foison de vivres de ladicte ville. La Pucelle
les fist passer par devant les places de Baugency, de Meun et autres
places garnies d'Englois, sans avoir quelque destourbier en ce qu'elle
menoit ; et quant elle vint auprès d'Orléens, elle
fist avaler (1) des bateaulx de laditte
ville et fist chargier lesdiz vivres, elle et ses gens ès
bateaulx et allèrent à la ville, sans destourbier
des bastilles du pont et de l'autre costé de la rivière.
De quoy ceulx de ladicte ville furent très grandement rejouiz
pour la grant nécessité qu'ilz avoient des vivres
et de la venue de la Pucelle et des gens de sa compaignie. Le sire
de Gaucourt et aucuns autres des capitaines demourèrent avecques
elle. Le bastart d'Orléens et les autres capitaines dessus
nommez retournèrent audit lieu de Blois et remenèrent
ceulx qui avoient portez lesdiz vivres. Elle leur avoit dit et asseuré
que ilz n'auroient nul destourbier en leur retour ; et ainssi fut.
Et avecquez ce leur ordonna prendre des autres vivres audit lieu
de Blois, et que ilz venissent audit lieu d'Orléens par l'autre
costé de la rivière, devers Paris, et que ilz ne feissent
nulle doubte des Englois. Et ainssi l'entreprindrent comme ordonné
leur avoit, et passèrent près des forteresses desdiz
Englois et près de la ville par entre les bastilles , à
la veue d'eulx, sans ce que nul se bougast de son logeis, comme
gens qui ne se sceussent ou peussent aider.
Le maréchal de Rais, La Hire, Gaucourt,
Poton de Xaintrailles et d'autres capitaines furent à Blois au jour fixé
pour la conduite des vivres, et les firent partir en grande quantité. La
Pucelle les fit passer par devant les places de Baugency, de Meung, et
autres places garnies d'Anglais, sans avoir aucun empêchement pour
le convoi; et quand elle vint auprès d'Orléans, elle fit descendre des bateaux de ladite ville, elle y fit charger les vivres, y monta elle et
ses gens, et ils entrèrent à Orléans, sans obstacle, soit des bastilles du
pont, soit de celles qui étaient de l'autre côté de la rivière. Les habitants
en furent très grandement réjouis, et à cause du grand besoin de vivres
qu'ils ressentaient, et à cause de la venue de la Pucelle, et des gens de
sa compagnie. Le sire de Gaucourt et quelques autres des capitaines
demeurèrent avec elle.
Le bâtard d'Orléans et les autres capitaines dessus nommés retournèrent à Blois, ramenant ceux qui avaient porté les vivres. Elle les avait
assurés qu'ils ne seraient nullement inquiétés à leur retour, et ainsi en
fut-il. En même temps, elle leur avait ordonné de prendre le reste des
vivres à Blois, et de revenir à Orléans par l'autre côté de la rivière, devers
Paris, et de n'avoir aucune crainte des Anglais. Ils l'exécutèrent, comme
elle le leur avait ordonné, et ils passèrent près des forteresses desdits
Anglais, près de la ville, par entre les bastilles, sous leur vue, sans que
nul ne bougeât de son logis, comme gens qui n'auraient su ni pu
s'aider.
Sources
: Jules Quicherat
- "Bibliothèque de l'école des Chartes, t.II,
2° série, p.143 - 1845-46" et "Procès
de condamnation et de réhabilitation de la Pucelle t.IV,
p.1 à 37".
Notes :
1 Erreur : elle les fit remonter. mais notre auteur ne parait
pas avoir été témoin oculaire de l'arrivée
a Orléans.
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