|
Chronique de Perceval de Cagny - index
22 - Comme elle vint à Compiengne et là fut prinse |
|
n l'an MCCCCXXX, le XXIII ° jour dudit mois de mey, la Pucelle
estant audit lieu de Crespy, sceut que le duc de Bourgongne, en
grant nombre de gens d'armes et autres, et le conte d'Arondel, estoit
venu assegier laditte ville de Compiengne. Environ mienuit, elle
partit dudit lieu de Crespy, en sa compaignie de III à IV cens combatans. Et combien que ses gens lui
deissent que elle avoit pou gens pour passer parmi
l'ost des Bourgoignons et Englois, elle dist : « Par mon martin, nous suymes assez ; je iray voir mes bons amis de Compiengne. » Elle arriva audit lieu environ
solail levant, et sans perte ne destourbier à elle ne à
ses gens, entra dedens laditte ville. Cedit jour les
Bourgoignons et Englois vindrent à l'escharmouche
en la prarie devant laditte ville. Là eut fait de grans
armes d'ung costé et d'autre. Lesdiz Bourguignons et
Englois, sachans que la Pucelle estoit dedens la ville,
pencèrent bien que ceulx de dedens sailleroient dehors à grant effort, et pour ce misdrent les Bourgoignons
une grosse embusche de leurs gens en la couverture
d'un grant montaingne près d'illec nommé le Mont
de Clairoy. Et environ IX heures au matin, la Pucelle
ouyt dire que l'escarmouche estoit grande et forte en
la prarie devant laditte ville. Elle se arma et fist armer
ses gens et monter à cheval, et se vint metre en la
meslée. Et incontinent elle venue, les ennemis furent
reculiez et mis en chasse. La Pucelle chargea fort sur
le costé des Bourgoignons. Ceulx de l'embusche advisèrent
leurs gens qui retournoient en grant desroy;
lors descouvrirent leur embusche et à coyste d'esperons
se vindrent metre entre le pont de la ville, la
Pucelle et sa compaignie. Et une partie d'entre eulx
tournèrent droit à la Pucelle en si grant nombre que
bonnement ceulx de sa compaignie ne les peurent
soubstenir; et dirent à la Pucelle : « Metez paine de recouvrer la ville, ou vous et nous suymes perdus ! ».
En l'an MCCCCXXX, le
XXIVe jour dudit mois de mai, la Pucelle informée à Crépy où elle était,
que le duc de Bourgogne avec grand nombre de gens d'armes et d'autres,
et le comte d'Arondel, étaient venus assiéger Compiègne, partit de Crépy
sur le minuit, à la tête de trois à quatre cents combattants. Comme on lui
observait qu'elle avait peu de gens pour passer au milieu de l'armée des Bourguignons
et des Anglais, elle répondit : « Par mon Martin, nous sommes
assez, j'irai voir mes bons amis de Compiègne ». Elle arriva vers le soleil
levant ; et sans perte ni empêchement, soit pour elle, soit pour ses gens, elle
entra dans la cité. Ce même jour les Bourguignons et les Anglais vinrentà l'escarmouche, en la prairie, devant la ville. Il fut fait de grands faits
d'armes d'un côté et de l'autre.
Les Bourguignons et les Anglais, sachant que la Pucelle était dans la
ville, pensèrent bien que ceux de dedans sailliraient à grand effort, et
pour cela les Bourguignons mirent une grosse troupe de leurs gens en embuscade
derrière une grande montagne voisine, appelée le Mont de Clairoy.
Sur les neuf heures du matin, la Pucelle apprit que l'escarmouche était
forte et grande en la prairie devant la ville. Elle s'arma, fit armer ses
gens, les lit monter à cheval, et vint se jeter dans la mêlée. Aussitôt
après sa venue les ennemis reculèrent et furent mis en chasse. La
Pucelle chargea fort du côté des Bourguignons. Ceux qui étaient en
embuscade, voyant leurs gens revenir en grand désarroi, sortirent du lieu où
ils étaient cachés, et à coups d'éperons vinrent se mettre entre le pont de
la ville, la Pucelle et sa compagnie. Une partie d'entre eux tournèrent
droit à la Pucelle ; ils étaient si nombreux que ceux de sa compagnie ne
purent en réalité soutenir l'attaque, et dirent à la Pucelle : « Songez à
rentrer dans la ville, ou, vous et nous, sommes perdus ! »
Sources : Jules Quicherat - "Bibliothèque
de l'école des Chartes, t.II, 2° série, p.143
- 1845-46" et "Procès de condamnation et de réhabilitation
de la Pucelle" t.IV, p.1 à 37.
|