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Chronique de Perceval de Cagny - index
23 - La prinse de la Pucelle |
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uant la Pucelle les ouyt ainssi parler, très marrie
leur dist : « Taisez vous! il ne tendra que à vous que ilz ne soient desconfiz. Ne pencez que de férir sur eulx. » Pour chose qu'elle dist, ses gens ne la vouldrent
croire, et à force la firent retourner droit au
pont. Et quant les Bourguignons et Engloiz aperceurent
que elle retournoit pour recouvrer la ville, à grant effort vindrent au bout du pont. Et là eut de
grans armes faites. Le capitaine de la place véant la
grant multitude de Bourguignons et Engloiz prestz
d'entrer sur son pont, pour la crainte que il avoit de
la perte de sa place, fist lever le pont de la ville et
fermer la porte. Et ainssi demoura la Pucelle enfermée
dehors et poy de ses gens avecques elle. Quant les
ennemis veirent ce, touz se efforcèrent de la prendre.
Elle resista très fort contre eulx et en la parfin fut prinse de V ou de VI ensemble, les ungs metans la
main en elle, les autres en son cheval, chacun d'iceulx
disans : « Rendez vous à moy et baillez la foy. » Elle
respondit : « Je ay juré et baillé ma foy à autre que à vous et je luy en tendray mon serement. » Et en
disant ces parolles fut menée au logis de messire Jehan
de Lucembourc.
Quand la Pucelle les eut ouï ainsi parler, elle leur dit très marrie : « Taisez-vous, il ne tiendra qu'à vous qu'ils soient déconfits. Ne pensez qu'à frapper sur eux. » Pour chose qu'elle dit, ses gens ne voulurent point la croire, et de force la firent retourner vers le pont. Quand les Bourguignons et les Anglais virent qu'elle revenait sur ses pas pour regagner la ville, ils se postèrent en grand nombre au bout du pont. Là se firent de grands exploits. Le capitaine de
la place, voyant la grande multitude d'Anglais et de Bourguignons prêts à entrer sur son pont, dans la crainte de perdre la place à lui confiée, fit lever le pont de la ville et fermer la porte. La Pucelle demeura ainsi fermée dehors, n'ayant que peu de gens avec elle. Quand les ennemis la virent en cet état, tous s'efforcèrent de la prendre; elle résista très fort contre eux, et en la parfin elle fut prise par cinq ou six ensemble, les uns mettant la main sur elle, les autres sur son cheval, chacun d'eux disant : « Rendez-vous à moi, et baillez la foi ! » Elle répondit : « J'ai juré et baillé ma foi à autre qu'à vous, et je lui tiendrai mon serment » ; et en disant ces mots, elle fut menée au logis de Messire Jean de Luxembourg.
Sources
: Jules Quicherat - "Bibliothèque de l'école des Chartes, t.II, 2° série, p.143 - 1845-46" et "Procès de condamnation et de réhabilitation de la Pucelle" t.IV, p.1 à 37.
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