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Chronique de Perceval de Cagny - index
24 - Comme la Pucelle fut mise en prison |
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essire Jehan de Lucembourc la fist tenir en son
logis III ou IIII jours, et après ce il demoura au siége
devant laditte ville et fist mener la Pucelle en ung
chastel nommé Beaulieu en Vermendois. Et là fut détenue
prisonnière par l'espace de IIII mois ou environ. Après ce, ledit de Lucembourg, par le moien de
l'évesque de Terouenne, son frère et chancelier de
France pour le roy Englois, la bailla au duc de Bethford,
lieutenant en France pour le roy d'Engleterre,
son nepveu, pour le prix de XV ou XVI mille saluz
baillez audit de Lucembourc. Et par ainssi la Pucelle
fut mise ès mains des Englois et menée ou chastel de
Rouen, auquel ledit de Bethford tenoit pour lors son
demeure. Elle estant en prison oudit chastel de Beaulieu,
celui qui estoit son maistre d'ostel avant sa prinse
et qui la servit en sa prinson (1), luy dist : « Ceste poure ville de Compiengne que vous avez moult amée, à ceste foiz sera remise ès mains et en la subjection des anemis de France. » Et elle luy respondit
: « Non sera, car toutes les places que le roy du ciel a reduit et remises en la main et obéissance du gentil roy Charles par mon moien, ne seront point reprinses par ses anemis, en tant qu'il fera dilligence de les garder. »
Messire Jean de Luxembourg
la fit garder en son logis trois ou quatre jours, et après cela, tandis qu'il
restait au siège devant la ville, il fit mener la Pucelle en un château
nommé Beaulieu, en Vermandois. Elle y fut détenue prisonnière
l'espace de quatre mois ou environ (2). Ensuite ledit de Luxembourg, par
l'entremise de l'évêque de Thérouanne, son frère, chancelier de France
pour le roi anglais, la livra, pour le prix de quinze ou seize mille saluts,
comptés au même Luxembourg, au duc de Bedford, lieutenant en France
du roi d'Angleterre, son neveu. La Pucelle fut ainsi mise entre les mains
des Anglais, et menée au château de Rouen, où ledit Bedford faisait
pour lors sa demeure.
Comme elle était en prison au château de Beaulieu, celui qui avait été
son maître d'hôtel avant sa prise, et qui la servit en prison, lui dit un
jour : « Cette pauvre ville de Compiègne que vous avez tant aimée, sera
cette fois remise ès mains et en la subjection des ennemis de France », et
elle lui répondit : « Non sera, car toutes les places que le roi du ciel a réduites et remises en la main et obéissance du gentil roi Charles, par mon moyen, ne seront pas reprises par ses ennemis en tant qu'il fera diligence de les garder. »
Sources : Jules Quicherat - "Bibliothèque
de l'école des Chartes, t.II, 2° série, p.143 - 1845-46" et "Procès de condamnation et de réhabilitation de la Pucelle" t.IV, p.1 à 37.
Notes :
1 Jean d'Aulon.
2 Le chroniqueur comprend certainement dans cette durée le chateau de Beaurevoir dont il ne parle pas. (Ayroles)
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