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Chronique de Perceval de Cagny -
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6 - L'entreprinse de couronnement du Roy |
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près la prinse des bastilles devant la ville d'Orléens,
la Pucelle dist au roy, aux seigneurs et a tout son conseil, que
il estoit temps que il fust prest de soy metre au chemin de son
couronnement à Rains. Son conseil sembla très fort
(1) à exécuter à
touz ceulx que en ouyrent parler, et disoient que, veue la puissance
des Englois et Bourgoignons, ennemys du roy, et considéré
que le roy n'avoit pas grans finances pour souldoyer son armée,
il luy estoit impossible de parfaire le chemin. La Pucelle dist
: "Par mon martin, je conduiray le gentil roy Charles et
sa compaignie jusques audit lieu de Rains seurement et sans destourbier,
et là le verré couronner." Après ces
parolles et ce qu'elle avoit fait de avitaillier la ville d'Orléens
et levé les bastilles de devant, nul ne osa contredire. Et
mist le roy ung jour auquel il seroit à Gien sur Laire ;
et ainsi le fist le roy. La Pucelle qui tousjours avoit l'ueil et
sa pensée aux affaires du duc d'Orléens, parla à
son beau duc d'Alençon et luy dist que, en tandiz que le
roy se apresteroit et que il metroit à faire son chemin à
aler audit lieu de Gien, elle vouloit aler delivrer la place de
Gergueau qui faisoit et donnoit de grans charges à la ville
d'Orléens. Incontinent le duc d'Alençon fist sçavoir aux mareschaulx de Boussac
et de Rais, au bastart d'Orléens, à La Hire et autres
cappitaines, que eulx et leurs gens fussent à certain jour
à ung village près Romorantin en Salloigne ; et ainssi
le firent.
Après la prise des bastilles devant
Orléans, la Pucelle dit au roi, aux seigneurs, et à tout son conseil, qu'il était temps de se préparer à se mettre en chemin pour son couronnement à Reims. Pareil dessein sembla très difficile à exécuter à tous ceux qui en
ouïrent parler. Ils disaient que, vu la puissance des Anglais et des
Bourguignons ennemis du roi, considéré que le roi n'avait pas grandes
finances pour soudoyer son armée, il lui était impossible de parfaire
pareil chemin. La Pucelle dit : « Par mon Martin, je conduirai le gentil
roi Charles et sa compagnie jusques audit lieu de Reins, sûrement et sans
empêchement, et là vous le venez couronner ». Ces paroles venant après
qu'elle avait ravitaillé Orléans et fait lever les bastilles de devant cette
ville, nul n'osa contredire. Le roi fixa un jour auquel il serait à Gien-sur-Loire, et il tint parole.
La Pucelle, qui avait toujours l'oeil et la pensée aux affaires du duc
d'Orléans, parla à son beau duc d'Alençon, et lui dit que, tandis que le
roi ferait ses apprêts, et pendant le temps qu'il mettrait à faire son
chemin pour aller à Gien, elle voulait aller délivrer la place de Jargeau
qui faisait et donnait de grandes charges à la ville d'Orléans. Incontinent, le duc d'Alençon fit savoir aux maréchaux de Boussac et de Rais, au
bâtard d'Orléans, à La Hire et à d'autres capitaines, de se trouver avec
leurs gens à certain jour à un village près de Romorantin-en-Sologne ; et
ainsi ils le firent.
Sources
: Jules Quicherat
- "Bibliothèque de l'école des Chartes, t.II,
2° série, p.143 - 1845-46" et "Procès
de condamnation et de réhabilitation de la Pucelle"
t.IV, p.1 à 37.
Notes :
1 C'est à dire très rude, très pénible.
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