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Chronique de Perceval de Cagny -
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5 - Le département des Englois de devant Orléans |
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e dimenche [VIII°], jour de mey, les seigneurs de Fastotz, de
Wlbi (1), de Scales, et autres capitaines
qui estoient en bien grant nombre en plusieurs autres bastilles
du costé devers France, avoient veu l'assault de loing, que
la Pucelle avoit donné le mercredi à la
bastille de Saint Lo et l'avoit prinse d'assault et ceulx de la
place mis à mort ; et de leurs places avoient aussi veu les
assaults que elle avoit donnez le samedi aux tours et bastille du
pont et la place prendre d'assault. Ce dit jour de dimenche au matin,
ilz boutèrent les feuz en leurs logeis et s'en alèrent
la plus part d'eulx tout de pié ès villes et places
de Meun et Baugency sur Laire. Et par ainssi fut la noble cité
d'Orléens secourue et mise en franchise par la Pucelle, message
de Dieu, en l'ayde du roy de France. Et huit ou dix jours après
les bonnes aventures, elle revint devers le roy à Chinon.
Ou mois de mars précédent, après
ce qu'elle fut arrivée devers le roy à Chinon, entre
les autres affaires qu'elle disoit avoir de par Jhesus, elle disoit
que le bon duc d'Orléens estoit de sa charge, et où
cas qu'il ne revendroit par de çà, elle airoit moult
de paine de le aler querir en Engleterre. Et avoit très grant
joye de soy employer ou recouvrement de ses places. Et à
l'occasion de l'amitié et bon vouloir que elle avoit au duc
d'Orléens, et aussi que ce estoit partie de sa charge, elle
se fist très acointe du duc d'Alençon qui avoit espousé
sa fille. Et ne fut gaires après sa venue a Chinon que elle
ala veoir la duchesse d'Alençon en l'abbaye de Saint Flourent
près Saumur, là où elle estoit logiée
(2). Diu sçait la joye que la
mère dudit d'Alençon, lui et laditte fille d'Orléens,
sa femme, lui firent par III ou IV jours qu'elle fut audit lieu.
Et après ce, tousjours depuis, se tint plus prouchaine et
acointe du duc d'Alençon que de nul autre, et tousjours en
parlant de lui l'appeloit Mon beau duc, et non autrement.
Le dimanche
huitième jour de mai, les seigneurs de Fastolf, de Willoughhy, de Scales,
et autres capitaines étant en bien grand nombre dans plusieurs autres
bastilles du côté de devers la France, qui avaient vu de loin l'assaut que la
Pucelle avait donné le mercredi à la bastille Saint-Loup, comment elle
l'avait prise d'assaut, et comment ceux qui la défendaient avaient été mis à mort ; et qui, de leur place, avaient encore vu les assauts, donné par
elle, le samedi, aux tours et à la bastille du pont et la place enlevée par
assaut, ce même dimanche au matin, ces capitaines mirent le feu à leurs
logis, et s'en allèrent, la plupart d'entre eux tout à pied, dans les villes
et places de Meung et de Baugency-sur-Loire. Ce fut ainsi que la noble
cité d'Orléans fut secourue et mise en liberté par la Pucelle, envoyée de
Dieu à l'aide du roi de France. Et huit ou dix jours après ces heureuxévénements, elle revint vers le roi à Chinon.
Au mois de mars précédent, après son arrivée à Chinon, la Pucelle,
entre les autres affaires qu'elle disait avoir de par Jésus, affirmait que le
bon duc d'Orléans était de sa charge, et que dans le cas où il ne reviendrait
pas par deçà, elle aurait beaucoup de peine pour aller le quérir en
Anglelerre. Elle avait une très grande joie de s'employer au recouvrement
de ses places. A cause de l'amitié et du bon vouloir qu'elle avait pour le
duc d'Orléans, et aussi parce que c'était une partie de sa mission, elle se
tint très près du duc d'Alençon qui avait épousé sa fille. Après son
arrivée, elle ne fut pas longtemps à Chinon sans aller voir la duchesse
d'Alençon, en l'abbaye de Saint-Florent, près de Saumur, où elle résidait.
Dieu sait le joyeux accueil que lui firent la mère du duc, le duc et sa
femme, ladite fille du duc d'Orléans, durant les trois ou quatre jours
qu'elle passa audit lieu. Et après cela, et toujours depuis, elle se tint plus
près et plus familière du duc d'Alençon que d'aucun autre ; et toujours,
en parlant de lui, elle l'appelait Mon beau duc, et pas autrement.
Sources
: Jules Quicherat - "Bibliothèque de l'école des Chartes, t.II,
2° série, p.143 - 1845-46" et "Procès
de condamnation et de réhabilitation de la Pucelle"
t.IV, p.1 à 37.
Illustrations :
- Portrait de Jeanne d'après P. Dubois ("Au pays de
Jeanne d'Arc" - J. de Metz - 1910)
Notes :
1 Robert Willoughby, Lord de Willoughby
2 Cette entrevue de la Pucelle avec la Duchesse d'Alençon,
est consignée au procès de réhabilitation
dans la déposition du Duc lui-même ; mais le prince
ne dit pas où elle eut lieu.
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