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Chronique
de Perceval de Cagny
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- Du siège de Baugency |
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e jeudy ensuivant XVIe jour de juing, la Pucelle, le duc d'Alençon
et toute la compaignie, à heure de midi, vindrent metre le
siege devant la place de Baugency et furent logiez en la ville et
en l'environ. Et tout le seurplus du jour eut escharmouche devant
la place. Et la nuit furent assises les bombardes et cagnons. Messire
Richard Guestin et Matago (1) accompaigniez
de IIIIc Englois avoient la garde de la place. Le vendredy, le conte
de Richemont, conestable de France, vint à la compaignie,
ainssi que le duc d'Alençon luy avoit fait à sçavoir
dès ce qu'il ala devant Gergueau ; combien que le roy ne
vouloit point qu'il se meslast de sa guerre par l'enortement du
sire de la Trimoille qui le tenoit à son ennemy (et il avoit
toute la voix du gouvernement du roy). Le conestable arrivé,
V ou VIc combatans en sa compaignie, tout ce jour de vendredy fut
gecté de bombardes et cagnons à ceulx de la place,
et eulx aussi à ceulx de dehors, et escharmouché et
chacun faire le mieulx que ilz povoient. Ceulx de la place avoient
bien congnoissance des entreprinses que la Pucelle avoit fait de
avitailler la ville d'Orléens, de la prinse des bastilles
qui fut grant merveilles, et de la prinse de Gergueau ; et veoyent
que riens ne povoit résister contre la Pucelle et qu'elle
metoit toute l'ordonnance de sa compaignie en telle conduite çomme
elle vouloit, tout ainssi comme devroient et pourroient faire le conestable et les mareschaulx dung
ost. Ilz se rendirent à la Pucelle et au duc d'Alençon
sauf leurs corps, chevaux et hernois.
La nuit d'entre le vendredi et le samedi vindrent nouvelles
à la Pucelle et au duc d'Alencon que les seigneurs de Talebot
et Fastotz estoient arrivez à grant compaigsnie d'Englois
à Yenville en Beausse, qui venoient pour les combatre.
Le lendemain jeudi, XVIe jour de juin, la
Pucelle, le duc d'Alençon et toute l'armée, vinrent sur l'heure de midi
mettre le siège devant la place de Baugency, et s'établirent dans la ville
et aux environs. Tout le reste du jour il y eut des escarmouches devant
la place. La nuit, on assit les canons et les bombardes. Messire
Richard Guettin et Mathago avaient la garde de la place avec quatre cents
Anglais sous leurs ordres.
Le vendredi, le comte de Richemont, connétable de France, vint à
l'armée, sur l'avis que lui avait fait arriver le duc d'Alençon dès
qu'il alla devant Jargeau. Le roi cependant ne voulait pas qu'il se
mêlât de sa guerre, et cela à la sollicitation du sire de La Trémoille qui
tenait Richemont pour son ennemi ; et le sire de La Trémoille avait toute
la voix du gouvernement du roi. Le Connétable amenant avec lui cinq ou
six cents combattants, tout ce jour de vendredi se passa à faire des
décharges de canons et de bombardes contre ceux de la place, qui, eux
aussi, répondaient à ceux du dehors; on escarmoucha, et chacun fit le
mieux qu'il pouvait.
Ceux de la place avaient bien connaissance des exploits qu'avait
accomplis la Pucelle en ravitaillant la ville d'Orléans, en prenant les
bastilles ; ce qui fut une grande merveille ; et en forçant Jargeau. Ils
voyaient que rien ne pouvait résister contre la Pucelle, qu'elle mettait
toute l'ordonnance dans l'armée et la conduisait comme elle voulait, ainsi
que devraient et pourraient le faire le Connétable et les maréchaux. Ils se rendirent à la Pueelle et au duc d'Alençon, sauf leurs corps, leurs
chevaux et leurs harnais.
La nuit du vendredi au samedi, des nouvelles vinrent à la Pucelle et
au duc d'Alençon que les seigneurs de Talbot et Fastolf étaient arrivés
avec grand renfort d'Anglais à Yenville-en-Beauce, et qu'ils s'avançaient.
Sources : Jules Quicherat
- "Bibliothèque de l'école des Chartes, t.II,
2° série, p.143 - 1845-46" et "Procès
de condamnation et de réhabilitation de la Pucelle"
t.IV, p.1 à 37.
Illustration :
- Vue générale de Beaugency ("La
grande histoire illustrée de Jeanne d'Arc" - H.debout,
4° éd.1922)
Notes :
1 Bailli d'Évreux pour le roi d'Angleterre. Dans les anciens
documents anglais, son nom est écrit Guethyn, et celui
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