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Chronique de Perceval de Cagny -
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9 - La bataille de Patay |
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e samedi XVIII°, jour dudit mois de juing MCCCCXXIX, en metant
hors de la place de Baugency lesdiz Englois, qui se estoient rendus,
vindrent nouvelles à la Pucelle et au duc d'Alençon
que, la nuit passée, lesdiz Talebot et Fastots estoient venuz
querir à Meun le sire d'Escales et ceulx de la garnison de
Meun qui habandonnèrent la place et s'en alèrent tous
ensemble droit a Yanville. Environ huit heures au matin, la Pucelle,
le duc d'Alençon et toute la compaignie estoient issus aux
champs, cuidans avoir la bataille ; et quant ilz sceurent que les
Englois s'en aloient, ilz ordonnèrent leur avant garde et
leur bataille, et en ordonnance tirèrent après les
Englois et les aconsurent près le village de Patay, environ
V lieues dudit lieu de Baugency. Quant les Englois advisèrent
la compaignie qui les suivoit, ilz prindrent ung champ et là
se misdrent en ordonnance et en bataille presque touz à pié.
L'avant-garde de noz gens férit dedens et incontinent la
bataille joingnit avecques eulx ; et, sans gaires de résistence,
les Englois tournèrent en desconfiture et en fuite. A laquelle
bataille furent mis à mort de II à III mille Englois
et de prisonniers les sires de Talebot, d'Escales, le fïlz au conte de (1),
et de IIII à V cens autres Englois. La Pucelle, le duc d'Alençon,
le conestable de France, le conte de Vendosme et toute la compaignie
couchèrent audit village de Patay et aux environs.
Le dimanche XIX ° jour dudit mois de juing, la Pucelle,
le duc d'Alencon et toute la compaignie disnèrent audit lieu
de Patay. Le duc d'Alençon ne osa mener le conestable devers
le roy pour la mallegrace en quoy il estoit, comme dit est. Il retourna
en son ostel de Partenay, lie et joyeulx de la journée que
Dieu avoit donnée pour le roy, et très marry de ce
que le roy ne vouloit prendre en gré son service. La Pucelle,
le duc d'Alençon et tout le sourplus de la compaignie s'en
alèrent gesir à Orléens et entour la ville,
et là furent receuz très grandement. Ilz alèrent
par les églises mercier Dieu, la Vierge Marie et les benoistz
sains de Paradis, de la grâce et de l'onneur que Nostre Seigneur
avoit fait au roy et à eulx touz, en disant que c'estoit
par le moyen de la Pucelle et que sans elle ne peussent si grans
merveilles avoir esté faictes ; et furent la Pucelle, le
duc d'Alençon et toute la compaignie audit lieu d'Orléens
et ou païs d'environ depuis ledit dimanche jusques au vendredi
ensuivant, XXIIII° jour dudit mois.
Le samedi XVIIIe jour de juin MCCCCXXIX,
la Pucelle et le duc d'Alençon mettaient hors de la place de Baugency
les Anglais qui s'étaient rendus, lorsque leur arrivèrent les nouvelles que,
durant la nuit qui venait de s'écouler, Talbot et Fastolf étaient venus à
Meung quérir le sire de Scales et ceux de la garnison de la ville, qu'ils
avaient abandonné la place et s'en allaient tous ensemble à Yenville.
Environ sur les huit heures du matin, la Pucelle, le duc d'Alençon et
toute leur armée s'étaient mis en campagne, pensant avoir la bataille
avec les Anglais. Quand ils surent qu'ils s'en allaient, ils ordonnèrent
l'avant-garde et l'armée, et ainsi rangés en bon ordre, ils marchèrent
après les Anglais, et les rejoignirent près du village de Patay, à peu près à
cinq lieues de Baugency. Quand les Anglais s'aperçurent de la compagnie
qui les suivait, ils s'installèrent dans un champ, et presque tous à pied
se rangèrent en ordre de combat. L'avant-garde de nos gens fondit sur
eux, et incontinent le gros de l'armée se joignit à elle ; sans guère de
résistance les Anglais tournèrent à la déroute et à la fuite. De deux à
trois mille furent tués : furent faits prisonniers les sires de Talbot, de
Scales, le fils du comte de et de quatre à cinq cents autres ennemis. La
Pucelle, le duc d'Alençon, le connétable de France, et toute la compagnie
couchèrent au village de Patay et aux environs.
Le dimanche XIXe jour
de juin, la Pucelle, le duc d'Alençon et toute la compagnie, dînèrent
audit lieu de Patay.
Le duc d'Alençon n'osa pas conduire le Connétable vers le roi à cause
de la disgrâce dans laquelle il se trouvait, ainsi qu'il a été dit. Le comte
de Richemont retourna en son château de Parthenay, content et joyeux
de la victoire que Dieu avait donnée au roi, et très marri de ce que le roi
ne voulait pas agréer son service.
La Pucelle, le duc d'Alençon et toute la compagnie allèrent coucher à
Orléans et autour de la ville ; ils y furent reçus très grandement. Ils
allèrent par les églises remercier Dieu, la Vierge Marie et tous les benoîts saints du Paradis, de la grâce et de l'honneur que Dieu avait laits au roi et à eux tous, publiant que c'était par le moyen de la Pucelle, et que sans
elle jamais si grandes merveilles n'auraient pu être accomplies. La
Pucelle, le duc d'Alencon, et toute la compagnie furent audit lieu et aux
pays des environs, depuis le dimanche jusqu'au vendredi suivant, XXIIIe jour
du même mois.
Sources
: Jules Quicherat
- "Bibliothèque de l'école des Chartes, t.II,
2° série, p.143 - 1845-46" et "Procès
de condamnation et de réhabilitation de la Pucelle"
t.IV, p.1 à 37.
Illustration :
- Champ de bataille de Patay ("La
grande histoire illustrée de Jeanne d'Arc" - H.debout,
4° éd.1922)
Notes :
1 Suppléez Warwick d'après la déposition
du comte Dunois (t.III, p.97), qui nomme l'enfant Warwick
parmi les prisonniers de Patay.
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