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Histoire
de Charles VII
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L.II-VIII- Combat dans la plaine de Beauce entre les Français et les Anglais chargés du ravitaillement des troupes qui assiégeaient Orléans. |
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ed Franci, quibus, ut diximus, jam inhibitus erat ad obsessos ingressus, frequenter et pene assidue incursantes vias et itinera per quas ad Anglorum castra ex satis distantibus locis et plerumque ex Parisius annona vehebatur, ipsos eciam Anglos rebus necessariis egere et penuriam pati interdum compellebant.
Quo factum est ut non ad eos victualia sine magno armatorum conductu perduci possent. Que res cum Anglos molestia multum et dampnis sepe affecisset, statuerunt contra hujusmodi incommoda providenciam apponere. Contrahentes igitur undique copias ad conducendam annonam ad castra sua Aurelianis, advocatis eciam atque ascitis nobilibus Normannie, de Parisius per Belciam, cum ingenti curruum ac vehiculorum numero, in quibus plurima allecum dolia cum ceteris rebus exercitui neces-sariis vehebantur, pertransibant atque iter faciebant. Erat enim sacri quadragesimalis jejunii tempus.
Quod cum seu per transfugas seu aliis modis Franci didiscissent, estimantes hoc uno remedio succurrere posse obsessis, si obsidentes ad famem adigerent et eis eciam copiam annone prohiberent, collecta manu militum numerosa, et que ad triplum vel quadruplum Anglorum exercitum excedere ferebatur, cum eisdem Anglis et Normannis in campis Belcie congredi statuerunt. Videntes vero Angli expeditas in campis patentibus multorum milium equitum ac peditum acies, quorum comparacione nullius pene reputacionis esse videbantur, ex suis curribus et vehiculis castra sibi contra impetum Francorum equitum atque peditum acies satis provide fecerunt atque munierunt et ad excipiendum hostes arcus et sagittas atque arma preparaverunt. Quo facto, cum concito impetu agmina Francorum equitum castra Anglorum irrumpere et ad eos proterendo contis et lanceis penetrare totis viribus contenderent, e diverso Angli vallum suum defendere, arcus valide extendere, jacula velud dempsos ymbres mittere, equos hostium vulnerare, sessores deicere ac per hoc impetum hostium viriliter propellere studebant. Quod cum ita fieret et multi ex Francorum equitibus caderent, eorum corruentibus equis sagittarum ictibus letaliter sauciatis, multis ex eorum peditibus levioris armature similiter cadentibus, turbatis et confusis eorum ordinibus, ipsi Franci terga verterunt. Quorum ductores exercitus tunc dux Borbonii et Carolus de Andegavia cum pluribus regiis capitaneis fuisse ferebantur. Erumpentes vero ex suis currilibus castris atque vallo Angli et in hostes magno impetu irruentes, multos ex ipsis ceciderunt et, pro tempore victoria satis honesta potiti, ad castra usque suorum circum Aurelianensem urbem cum suis curribus et annona, ac non contempnenda ex hostibus preda gaudentes, pervenerunt.
Ex quo et hiis qui in obsidione erant solacia, obsessis vero luctus plurimus et mesticia provenere. Sed nichilominus spem divini auxilii minime abicientes et in rebus afflictis fortiter et constanter conatibus hostium reluctantes, divina eis non defutura presidia confidebant, cum, ut sacri Davidici ympni concinunt, divinitas adjutrix semper esse soleat in oportunitatibus, in tribulacione et protectrix sperancium in se.
Que utique spes atque confidencia quam in divina pietate reposuerant eis non sine fructu aut irrita et vacua fuit nec fraudati sunt a desiderio suo; mirabili enim modo et multis inaudito seculis clemencia Dei ac bonitas obsessis, ac per hoc eciam omnibus Francis solacia atque auxilia contulit.
Mais les Français, à qui, nous l'avons dit, l'accès auprès des assiégés était déjà interdit, faisaient des incursions fréquentes et presque continuelles du côté des routes et chemins par où — de lieux assez éloignés, et le plus souvent de Paris — les approvisionnements étaient amenés aux camps des Anglais. Ils mettaient ainsi de temps en temps les Anglais eux-mêmes dans le cas de manquer des choses nécessaires et de souffrir de la famine.
Cela fit que les vivres ne purent leur être apportés sans une importante escorte de gens d'armes. Et comme c'était là souvent pour les Anglais une source de beaucoup d'ennuis et d'inconvénients, ils résolurent d'y parer. Rassemblant donc de tous côtés des troupes pour convoyer des vivres à leur camp sous Orléans, et ayant, en outre, convoqué et appelé les nobles de Normandie, ils allaient et faisaient route de Paris à travers la Beauce avec un grand nombre de voitures et de chariots, dans lesquels on transportait avec d'autres objets nécessaires à l'armée plusieurs tonneaux de harengs (1). C'était, en effet, le temps du saint jeûne de carême.
Ayant appris le fait par des déserteurs ou de toute autre manière, et pensant que ce pourrait être une aide pour les assiégés si les assiégeants étaient réduits à la famine et si les vivres leur étaient coupés, les Français rassemblèrent une troupe nombreuse, égale à trois ou quatre fois, disait-on, l'armée anglaise, et décidèrent d'attaquer lesdits Anglais et Normands dans les plaines de Beauce. Mais, voyant des formations de plusieurs milliers de chevaux et de gens de pied déployés en rase campagne, en comparaison desquels ils faisaient pauvre figure, les Anglais se servirent fort habilement de leurs voitures et chariots pour organiser et fortifier une sorte de citadelle destinée à soutenir le choc des formations françaises de chevaux et de gens de pied et préparèrent des arcs, des flèches et des armes pour recevoir l'ennemi. Cela fait, tandis que la cavalerie française, s'élançant avec impétuosité, s'efforçait de tout son pouvoir de pénétrer dans le camp des Anglais et de rompre leurs rangs en les bousculant à coups de lances et de piques, les Anglais, de leur côté, tâchaient à défendre leurs retranchements, à tendre vigoureusement leurs arcs, à lancer une pluie de flèches, à blesser les chevaux, à abattre les cavaliers et à repousser ainsi courageusement le choc de l'ennemi. Ils réussirent : beaucoup de cavaliers tombèrent, leurs chevaux s'écroulant les uns sur les autres, mortellement blessés à coups de flèches ; beaucoup de fantassins, armés à la légère, tombèrent pareillement, si bien que, le désordre et la confusion s'étant mis dans leurs rangs, les Français prirent la fuite. Les chefs de leur armée étaient alors, à ce qu'on dit, le duc de Bourbon (2) et Charles d'Anjou (3), avec plusieurs capitaines royaux. Puis, s'élançant hors de l'enceinte des chariots qui leur servaient de retranchement et se ruant impétueusement sur les ennemis, les Anglais en tuèrent un grand nombre ; et, ayant remporté une victoire honorable vu les circonstances, ils arrivèrent à leur camp sous Orléans avec leurs voitures, leurs vivres, sans compter un butin non méprisable pris à l'ennemi.
Cet événement, s'il réconforta les assiégeants, apporta grand deuil et tristesse aux assiégés. Néanmoins, n'abandonnant nullement l'espoir d'un secours divin et, résistant dans le malheur avec énergie et fermeté aux efforts de l'ennemi, ils avaient confiance que l'aide de Dieu ne leur manquerait pas, puisque, comme le chantent les hymnes saints de David, la divinité secourt toujours dans la prospérité et protège dans le malheur ceux qui mettent leur espoir en elle.
Cet espoir et cette confiance qu'ils avaient mis dans la miséricorde divine ne furent pour eux ni sans fruit, ni vains ni inutiles, et leurs désirs ne furent pas frustrés ; car, par un moyen vraiment merveilleux et dont on n'avait jamais ouï parler pendant de nombreux siècles, Dieu, dans sa clémence et sa bonté, apporta des consolations et des secours aux assiégés et par là même à tous les Français.
Source
: "Histoire de Charles VII" par
Thomas Basin - éd. et traduction Ch.Samaran - 1933.
Notes :
1 D'où le nom de "journée des harengs".
2 Son fils, le duc était prisonnier en Angleterre.
3 Le beau-frère du roi.
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