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Journal d'un Bourgeois de Paris-
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chap.572 |
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tem, la vigille du Sainct Sacrement en celluy an, qui fut le XXXe jour de may oudit an XXXI, dame Jehanne qui avoit esté prinse devant Compigne, que on nommoit la Pucelle, icellui jour fut faict ung preschement à Rouen, elle estant en ung eschauffaut que chacun la povoit veoir bien clerement, vestue en habit de homme, et là lui fut desmontré les grans maulx doloreux qui par elle estoit advenus en Chrestienté, especialement ou royaulme de France, comme chascun scet, et comment le jour de la saincte Nativité Nostre-Dame, elle estoit venue assaillir la ville de Paris à feu et à sang, et plusieurs grans pechez enormes qu'elle avoit fait et fait faire, et comment à Senliz et ailleurs elle avoit fait ydolatrer le simple peuple, car par sa faulce ypocrisie ilz la suivoient comme saincte pucelle, car elle leur donnoit à entendre que le glorieux archange Sainct Michel, Saincte Catherine et Saincte Marguerite et plusieurs autres sains et sainctes se apparoient à lui souvent et parloient [à lui] souvent, comme amy fait à l'autre et non pas comme à Dieu faict aucunes fois à ses amis, par revelacions, mais corporelment et bouche à bouche ou amy à autre.
Item - en cet an la veille du Saint-Sacrement, qui fut le 30 mai, au dit an 1431, dame Jeanne qui avait été prise devant Compiègne et qu'on nommait la Pucelle, fut en ce jour soumise à Rouen à une prédication, alors qu'elle était sur un échaffaud, où chacun pouvait la voir bien clairement, vêtue en habit d'homme. Là lui furent démontrés les grands maux et les grandes douleurs, qui par elle étaient advenus en la chrétienté et spécialement au royaume de France, comme chacun sait; comment le jour de la Nativité de Notre-Dame, elle était venue assaillir la vielle de Paris à feu et à sang, et plusieurs grands et énormes péchés qu'elle avait faits et fait faire; comment à Senlis et ailleurs, elle avait fait idolâtrer le simple peuple, étant cause par sa fausse hypocrisie, qu'ils la suivaient comme une sainte Pucelle; car elle leur donnait à entendre que le glorieux archange Saint Michel, sainte Catherine et Sainte Marguerite, plusieurs autres saints et saintes lui apparaissaient souvent, lui parlaient comme un ami parle à un ami et non pas par revelacions comme Dieu fait quelquesfois à ses amis; mais corporellement, bouche à bouche, en ami avec un autre lui-même.
Source : Texte original et notes d'érudition : "Journal d'un bourgeois de Paris" - Alexandre Tuetey - 1881.
Mise en Français plus moderne : J.B.J. Ayroles, "la vraie Jeanne d'Arc", t.III, p.513 à 530.
Notes (A. Tuetey) :
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