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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - index
L.II-100 - Comment les gens de messire Jehan de Luxembourg prinrent le fort de Saint-Vincent, ouquel ilz furent tous mors et prins. |
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n l'an dessusdit, c'est assavoir au commencement de cest an mil quatre cens trente et un, se assamblèrent aulcuns capitaines de messire Jehan de Luxembourg, conte de Ligney, est assavoir messire Simon de Lalaing, Bertran de Maincam, Enguerand de Créqui, Enguerand de Gribauval et aulcuns autres, acompaigniés de quatre cens combatans ou environ, des frontières de la marche de Laonnois. Si s'en alèrent tout ensamble jusques au fort de l'abbaye de Saint-Vincent d'alès Laon, où alors se tenoient aulcuns François, et entrèrent dedens par subtilité avant qu'ilz fussent appercus. Et là commencèrent à faire ung grand cry, auquel cry s'esveillèrent ceulx qui layens estoient en une forte porte, et viguereusement se mirent à deffence. Durant lequel temps, yceluy effroy fut sceu dedens la cité de Laon par le seigneur de Pennesat, qui estoit dedens. Lequel s'avala pour aler quérir secours dedens Laon; lequel secours il amena. Pour quoy, sans délay, les gens d'armes avec le commun, tout yrié de savoir telz voisins près d'eulx, se habillièrent en grand nombre et yssirent incontinent hors de leur cité pour aidier et souscourir leurs gens, qui, comme dit est, estoient dedens la forte porte, où ilz se deffendoient contre leurs ennemis. Desquelz une partie en-tendoient à pillier les biens de ladite abbeye en aulcuns lieux, et n'avoient point regard à poursuivir premiers, ne mettre à fin leur emprinse, ne aussi aux périls qui leur en povoient advenir. Si furent tous soubdainement envays des dessusdiz gens d'armes d'un commun accord, et très asprement combatus, et en conclusion, furent mis à grand meschief et à desconfiture, et en y moru sur la place soixante des plus notables. Entre lesquelz y furent mors, Bertran de Maincam et Enguerranet de Gribauval. Lequel Enguerranet, offrant grand finance pour sa rançon, ne peut estre ad ce receu, pour ce que lesdictes communes avoient sur lui grand hayne pour la diverse et désordonnée guerre qu'il leur avoit fait long temps par avant. Et messire Simon de Lalaing fut prins prisonnier. Et eut la vie sauvée par le moyen d'un gentil galant de la garnison, nommé Archenciel, qui estoit bien amé desdictes communes. Avec lequel messire Simon fut prins Enguerrand de Créqui et aulcuns aultres, en petit nombre. Et le surplus, sachans ceste male adventure, se retrayrent ès lieux dont ilz estoient venus. Pour laquelle besongne ainsi advenue le dessusdit messire Jehan de Luxembourg eut au cueur très grant tristresce, non pas sans cause, car il perdy en ceste destrousse grand partie de ses plus vaillans hommes de guerre. Et y fut aussi mort le frère dudit seigneur de Pennesach, nommé Jamet.
En ce temps, fut reconquis le fort chastel de Rambures (1) par les François. Et le prinst par eschielle d'emblée ung nommé Charlot des Mares, qui estoit au seigneur de Rambures prisonnier en Angleterre, auquel ledit chastel appartenoit, lequel avoit en sa garde, pour la partie du roi Henry, messire Ferri de Mailly. Et fut, par le moyen de ceste prinse, grand entrée pour les François ou pays de Vimeu et en la marche à l'environ, comme cy après sera déclairé.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
1 Rambures, à quatre lieues d'Abbeville.
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