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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.II-22- [Comment ceux de Guise traictèrent avec messire Jehan de Luxembourg et messire Thomas de Rampston.] |
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tem, après ce que messire Jehan de Luxembourg et messire Thomas de Rampston eurent par bonne diligence et grans labeurs continué leur siège devant la ville de Guise jusques au my mois de septembre ou environ, les asségez, véans les vivres défaillir, et non ayans espérance de souscours, commencèrent de traictier avec les deux seigneurs dessusdiz, et, en fin, furent d'accord par les condicions cy-après déclarées.
« A tous ceux qui ces présentes lettres verront ou orront, Jehan de Luxembourg, seigneur de Beaurevoir, et Thomas de Rampston, chevalier, chambellan de monseigneur le régent, capitaine commis et député en ces marches de par le roy de France et d'Angleterre nostre souverain seigneur, par monseigneur le régent et par monseigneur le duc de Bourgongne, salut. Savoir faisons que au jour dhui avons traictié, apointié et accordé, ès noms que dit est, avec Jehan de Proisy, gouverneur et capitaine des villes et chastel de Guise, les gens del église, gentilz hommes, compaignons de guerre, manans et habitans d'iceulx ville et chastel, et par ces présentes traictons, apointons et accordons, soubz les condicions, moyens et convenances et promesses cy-après déclarées.
« Premièrement. Lesdiz gouverneurs, gens d'église, gentilz hommes, compaignons de guerre, bourgois manans et habitans de ladicte ville et chasteau de Guise, se sont mis et par nous ont esté receuz en composicion, moyennant qu'ilz ont promis, juré et enconvenancé rendre, bailler et délivrer franchement et absolument lesdictes ville et chastel de Guise, à nous ou à l'un de nous, aux députez de nous ou de l'un de nous, ou à autre que le roy de France et d'Angleterre y aura commis et ordonné, au premier jour de mars prochain venant, en cas qu'à ce jour prins pour ce faire, ne soient souscourus, et que les seigneurs ou princes du parti que ceulx de Guise tiennent, ou aucuns aultres par eulx commis et députez ad ce, ne combateroient nous, l'un de nous, ou aultres commis de par le roy, et toute nostre puissance. C'est assavoir entre la ville de Sains et la maison de Fouquausains, où nous avons à ceulx de Guise esleu et advisé ensamble, plait pour tenir ladicte journée.
Item. Se les princes ou seigneurs du parti que lesdiz de Guise tiennent, ou leurs commis ou députés, venoient pour combatre, ainsi que dit est, et ilz estoient desconfis ou se tournoient en fuite, lesdiz de Guise seront tenus de nous rendre et délivrer iceulx ville et chastel.
Item. Ou cas que nous, l'un de nous ou autres commis de par le roy de France et d'Angleterre, seront desconfis en bataille, ou que comparoir n'y oseront sur ledit lieu et place pour combatre audit premier jour de mars, nous serons tenus de rendre, baillier et délivrer aux diz de Guise, sans aulcune difficulté, les ostaiges et seurtez que, pour la reddicion desdictes ville et chasteau, nous aront par eulx esté bailliés.
Item. Monditseigneur le régent et monditseigneur de Bourgongne, ou l'un d'eux et les commis d'eulx ou de l'un d'eulx, nous ou l'un de nous, serons tenus d'estre et comparoir sur ladicte place en telle puissance que bon lui samblera, et tenir journée tout le premier jour de mars, c'est assavoir depuis l'heure de prime (1) jusques à soleil couchant, cedit jour. Et, se combattis ou vaincus n'estions, les diz de Guise seront tenus, incontinent après soleil couchié, sans aulcune difficulté, fraude ou mal engin, nous baillier et délivrer lesdictes ville et chastel de Guise, en recepvant de nous lesdiz ostaiges.
Item. Se, pendant ladicte composicion et ung mois après, ledit gouverneur et tous autres estans ès dictes ville et chastel, gens de quelque estat qu'ilz soient, s'en voelent partir pour aler ensamble ou à part, oultre la rivière de Saine, devers leurs princes ou ailleurs, en place tenant leur parti, ilz le pourront faire, et emporter et faire emmener avec eux tous leurs chevaulx, armeures, bagaiges et aultres biens meubles. Et pour tout ce faire seurement, leur baillerons et ferons baillier par monditseigneur le régent, se requis en sommes, bons saufconduits, souffisans et vaillables, avec conduit, se ilz se partoient ensamble oultre la somme de vint personnes. Et se aulcuns vouloient aler hors du royaume, fust en Haynau ou aultre part, faire le porroient à leurs périlz.
Item. Et se après icelle composicion aucuns desdiz de Guise voelent demourer sur leurs lieux ou ailleurs es lieux et pays obéyssans au roy et à mesdiz seigneurs le régent et le duc de Bourgongne, ilz y seront receuz, en faisant le serment de la paix finable entretenir, faite entre les royaumes de France et d'Angleterre, et jouiront franchement de tous leurs héritaiges et possessions non données. Et se ilz se voelent partir comme dit est, ilz emporteront avec eulx leurs biens meubles tant seulement.
Item. Lesdiz de Guise et chascun d'eulx, en ayant bulette ou saufconduit des conservateurs ordonnés sur l'entretenement de ce présent traictié, qui seront tenus de leurs baillier, pourront aler en aulcunes villes que nous leur avons ordonnées et ordonnons, et en ycelles entrer par le congié des capitaines ou gardes desdictes places ou de leurs lieutenans, c'est assavoir, Saint-Quentin, Ribermont, Laon, Bruières, Crespi, Marie, Aubenthon, Vertus et ès vilages d'environ, pour recouvrer et avoir pour leur argent, tous vivres raisonnablement et aultres denrées qui leur seront be-songnables pour leur vie et sustentation, le temps durant de celle composition tant seulement.
Item. Lesdiz de Guise pourront poursuivir leurs debtes licites et raisonnables pardevant les conservateurs, qui en auront la cognoissance. Et seront tenus de faire raison aux parties, ycelles oyes.
Item. Se pendant ycelle composition, aulcuns tenans le parti dudit roy prenoient par eschielles ou aultrement lesdictes ville et chastel de Guise, nous ferons faire nostre loyal povoir de les en faire vuidier et remettre yceulx ville et chastel, ensemble lesdiz de Guise, en leur premier estat et deu. Lesquelx aussi ne les prendront, ne les feront prendre, ledit temps durant.
Item. Pendant ycelle composicion lesdiz de Guise, pour tant qu'ilz seront résidens esdictes ville et chastel, ne prenderont ou feront prendre, couvertement ne en appert, aucunes places de l'obéyssance du roy et desdiz seigneurs, et ne feront guerre à leurs subjectz en nulle manière.
Item. Abolicion genéralle est faite auxdiz de Guise et à tous gens de quelque estat qu'ilz soient et de tous cas, excepté à ceulx qui sont coupables de la mort de feu Monseigneur de Bourgongne, que Dieux absoille ! ceulx qui ont juré la paix finale, des coupables de la trayson commise sur la personne du duc de Bretaigne, tous Anglois et Yllois, se aucuns en y a esdictes ville et chastel, lesquelx demourront en justice. Et pour en avoir plainement congnoissance, lesdiz de Guise nous bailleront par escript les noms et sournoms de ceulx qui de présent sont demourans esdictes ville et chastel, gens de guerre et aultres.
Item. Se, pendant ycelle composicion, aucuns de nostre part ou de la part de ceulx de Guise commetoient aucune chose au contraire et préjudice de ce présent traictié ou des dépendances, ycelui ne sera jà rompu, enfraint ne violé, mais pourront et seront tenus les conservateurs dudict traitié faire prendre et pugnir les malfaiteurs, et aussi de faire faire la restitution là où il appartiendra.
Item. Lesdiz de Guise pendant ycelle composicion ne feront guerre, pour tant qu'ilz soient demourans en ycelle ville et chastel, ne en yceulx ne recepvront ou soustenront aulcuns de leur partie qui volent faire guerre. Et se il advenoit que aulcuns faisans guerre fussent par ceulx du parti du roy et des seigneurs poursievis à veue d'œl et mis en chace jusques dedens ladicte ville et chastel, iceulx de Guise seront tenus les bailler et délivrer à ceulx qui ainsy les auront poursievis et chaciés, pour en faire comme de leurs prisonniers.
Item. Pendant y celle composicion lesdiz de Guise ne pourront ou debveront démolir yceulx ville et chastel, ne les fortifier aultrement qu'ils sont de présent, et avec ce ne démoliront point les approches de dehors.
Item. Incontinent que nous aurons fait retraire en seurté tous les canons, artillerie, engiens, habillemens de guerre et autres biens estans en nostre dicte ost, nous leverons nostre siège et partirons de devant lesdictes ville et chastel, pour aler où bon nous samblera.
Item. Ledit gouverneur et autres gentilshommes et bourgois desdictes ville et chastel, jusques au nombre de vint quatre personnes des plus principaulx, jureront solempnelment tenir et faire entretenir ce présent traictié sans l'enfraindre en aucune manière, et ceulx qui auront seel, le seelleront de leurs seaulx.
Item. Avec ce, pour plus grant seurté, lesdiz de Guise nous bailleront huit personnes en ostaige. C'est assavoir, Jehan d'Ere, Renauld du Hamel, Jehan de Caudeville, Jehan de Beauvoir, Jehan de Saint-Germain, l'ancien Waulier, messire Walerant du Mont et Jehan de Flavigni de Bouwers. Et en cas que aulcuns yraient de vie à trespas ou s'enfuioient pendant ycelle composicion, lesdiz de Guise nous bailleraient et furniroient tousjours de huit personnes ostagiers, aussi souffisans ou plus.
Item. Que nous et lesdiz de Guise avons esleu et ordonné ensamble d'un commun accord et consentement, et par ces présentes eslisons et ordonnons conservateurs de ce présent tractié, c'est assavoir : de nostre costé, messire Daviot de Poix, chevalier, et du costé de ceulx de Guise, Colart de Proisi, escuyer, ou son commis. Auquel messire Daviot ou à son commis, avons donné et donnons plain pooir et auctorité de baillier ausdiz de Guise saufz conduictz ou bulettes nécessaires, de congnoistre et d'entériner de tous cas qui istroient approuchiés, qui tant d'une part comme d'aultre se pourroient mouvoir pendant ladicte composicion, sur les promesses et convenences cy-dessus déclarées et chascune d'ycelles.
Item. Avons promis et juré, jurons et prommetons loyalement sur nostre honneur, accomplir toutes les choses dessus déclarées, au regard de celles que nous sommes tenus d'accomplir de tout nostre loyal povoir, et chascune d'ycelles garder et entretenir par tous les subjectz et obéyssans au roy et à mesdiz seigneurs le régent et de Bourgongne, sans enfraindre en aulcune manière.
Item. Pour la plus grande seurté de ce, ferons le plus diligentement que faire se pourra, loer et approuver et ratiffier ce présent traictié par mondit seigneur le régent, en la forme et manière cy-dessus déclarée.
En tesmoing de ce, nous avons fait mettre noz seaulz à ces présentes.
Donné en nostre siège devant lesdicts ville et chastel de Guise, le XVIIIe jour de septembre l'an mil CCCC XXIIII. »
Après lequel traictié fait et accompli comme dessus est contenu, les ostaiges bailliés, se départi ledit siège de devant Guise. Et retourna messire Jehan de Luxembourg en son chastel de Biaurevoir, en congiant premiers tous ses capitaines. Et messire Thomas de Rampston, à tout ses Anglois, ala devers Paris, où estoit le duc de fiethfort, où il fut receu joieusement.
En ce temps fu traictié fait entre le seigneur de Montagu tenant le parti du duc de Bourgongne d'une part, et Estievene de Vignolles dit La Hire, d'autre part. Est assavoir que ledit de Montagu deubt avoir l'obéyssance de Vitri en Partois et aultres forteresces en Champaigne que tenoit ledit La Hire, dedens le premier dimenche de quaresme ensievant, en cas qu'il n'auroit souscours du roy Charles audit jour. Lequel souscours ne lui fu point envoyé, et pour ce, ainsy que promis l'avoit, bailla audit seigneur de Montagu l'obéyssance des dessusdictes ville et forteresces qu'il tenoit en Champaigne.
En ces jours messire Mauroy de Saint-Légier et le bastard de Saint-Pol assamblèrent de quatre à cinq cens combatans, lesquels ilz conduiront au pays de Baroix ; et là firent maulx inextimables, et accueillirent grans proies, à tout lesquelx ilz retournèrent hors d'ycelui pays, sans avoir empeschement.
En cest an, ou mois d'octobre, le duc de Clocestre et Jacqueline de Baivière, contesse de Haynau, de Holande et de Zélande, laquelle ledit de Clocestre avoit espousée par avant en Angleterre comme dessus est dit (1), non obstant que le duc Jehan de Braibant son premier mari fust encore en vie, à tout cinq mille combatans anglois ou environ, nagant par mer du pays d'Angleterre à Calais, en intencion d'aler à puissance d'armes au pays de Haynau, lequel comme dit est appartenoit à ladicte Jacqueline, pour de ycelui avoir l'obéyssance et gouvernement. Et estoit lors avec eulx principal gouverneur de leurs gens d'armes, le conte mareschal anglois.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
1 chap.IV et V.
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