|
Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
-
index
L.I-264 - [Comment la ville de Gamaches fut rendue en la main des Anglois. Le siége de Saint-Walery, et la reddicion de Compiengne aux Anglois, et autres incidens.] |
|
tem, le XXIIe jour du mois de juing, les deux roys de France et d'Angleterre se partirent de Paris et alèrent à Senlis, où ils séjournèrent par aucuns jours. Et de là, approuchant le jour que la ville de Gamaches se devoit rendre, le roy Henry y envoia pour icelle recevoir, le comte de Varvich, à tout trois mil combatans. Lequel conte, comme promis avoit esté, entra en ladicte ville, le XVIIe jour de juing, et restabli les hostages sains et hetiez, lesquelz y avoit menez avec lui. Et après receut les seremens de ceulx de la ville au nom des deux roys, et avec ce y commist capitaine messire Phileton, natif d'Angleterre, avec certain nombre de gens d'armes et archers. Et ces besongnes acomplies, ala, ledit conte, devant Saint-Walery, que tenoient les Daulphinois, et approuchant icelle, envoia ses coureurs devant ladicte ville. De laquelle yssirent à l'encontre d'eulx environ cent hommes d'armes, expers et bien montez sur chevaulx roides et habiles, qui de pleine venue se férirent èsdiz Anglois, et y eut de gratis estours d'une partie et d'autre, et hommes d'armes navrés terriblement, et aucuns autres prins prisonniers de la partie des Anglois. Mais en ce faisant, le conte de Varvich, pour secourir ses gens se hasta moult fort, à tout son host, pour quoy il convint par contrainte les Daulphinois rentrer dedans leur ville en grant haste. Et lors, ledit conte, moult prudentement chevaucha en ses armes autour de la ville pour fermer son ost et tenir ses gens en bonne ordonnance. La plus grant partie des Anglois se logèrent dedens l'abbaye, et les autres, le mieulx qu'ilz peurent, en tentes et paveillons. Après lequel logis prins par eulx, commencèrent ladicte ville à batre de leurs engins, et sans point cesser; gecter contre les murs d'icelle, et les dérompirent en plusieurs lieux. Et quant est des saillies et envaissemens que firent les Daulphinois chevaleureusement sur ceulx du siége, se convient taire pour cause de briefté. Et pour tant que du costé vers la mer n'y avoit point de siége, par faulte de navire, que point n'avoient lesdiz asségans, yssoient lesdiz asségez à leur plaisir par leur navire pour aler quérir vivres habondamment et autres choses à eulx décisibles et neccessaires, tant au Crotoy comme ailleurs. Laquelle chose desplaisoit moult au conte de Varvich et à ceulx dudit siége. Et pour ce, envoya icellui conte en plusieurs pors de Normendie quérir navire. Lesquelz tost après vindrent à grant puissance devant ladicte ville, laquelle ilz assegèrent par le costé de la mer. Dont lesdiz asségans, voians que de tous costez avoient perdu l'issue de leur ville, furent moult troublés et assumplis. Pour quoi, au bout de trois semaaines ou environ, firent traictié avec le dessusdit conte de Warvich, par condicion qu'ilz se départiraient de ladicte ville, sauf leurs corps et leurs biens, le quatriesme jour du mois de septembre ensuivant, ou cas que le duc de Touraine, Daulphin, ne seroit à ce jour puissant de combatre ses ennemis devant ladicte ville. Et ainsi, durant le temps dessusdit, lesdiz asségez se abstindrent de courir et fourrager le pays. Et sur ce, pour plus grande seureté, délivrèrent audit conte bons hostages. Lequel, à tout ses Anglois, retourna vers son maistre le roy Henry.
Item, après l'acomplissement des besongnes dessusdictes, le roy Henry envoya le duc de Bethfort son frère et autres princes, grandement acompaignez, à la ville de Compiengne, pour icelle recevoir de la main du seigneur de Gamaches, lequel, comme dit est devant, l'avoit promis. Et la reudi le XVIIIe jour du moys de juing, en la main dudit duc de Bethfort. Et après se départi, à tout environ douze cens chevaulx, lesquelz, soubz bon sauf-conduit du roy Henry, il emmena oultre la rivière de Seine, et de là vers le Daulphin.
Item, en cas pareil le seigneur de Gamaches rendi les fortresses que ses gens tenoient, dont dessus est faicte mencion. Et par ainsi toutes les places que lesdiz Daulphinois tenoient depuis Paris jusques à Boulongne sur la mer, furent remises en l'obéissance des deux roys de France et d'Angleterre, excepté le Crotoy et la terre de Guise.
En oultre, après que ledit duc de Bethfort eut receu les seremens de bourgois et habitans de Compiengne, et aussi qu'il y eut constitué capitaine messire Hue de Lannoy, s'en retourna à Senlis devers le roi Henry son frère.
Item, en ce mesme temps furent envoiez par iceulx roys ambaxadeurs au Crotoy, devers messire Jaques de Harecourt, c'est assavoir son frère, messire Jehan de Harecourt, évesque d'Amiens, et avec lui l'évesque de Beauvais, messire Hue de Lannoy, maistre des arbalestriers, et ung Hérault, de par le roy Henry, pour lui faire sommacion de rendre la ville et chastel du Crotoy en la main des roys dessusdiz. Mais finalement, pour diligence qu'ilz sceurent faire, ne porent venir à quelque traictié. Et pour ce s'en retournèrent.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
/
|