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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.II-55
- Comment le comte de Namur trespassa, et fut le duc de Bourgongne
son héritier. |
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tem, en l'an dessusdit, rendi son esprit à Dieu le conte de Namur, qui avoit grand eage. Lequel par avant avoit vendu au duc de Bourgongne sa contée de Namur et les appartenances (1). Après la mort duquel, ledit duc se trayst en ycelui pays pour avoir la possession des bonnes villes et forteresces d'ycelle contée, lesquelles, sans contredit, lui firent plaine obéyssance. Et furent lors par ledit duc, par tout, commis gouverneurs et capitaines, telx comme bon lui sambla. Pour lequel voisinage, les Liégois marchissans à ycelle seigneurie de Namur, n'en furent gaires joyeux, ains leur vint à desplaisir, doubtans la puissance d'ycelui duc, duquel long temps paravant, ne lui, ne se devanciers, n'avoient point la signourie, pour ce que le feu duc Jehan, son père, et le duc Guillaume, son oncle, les avoient autre fois vaincus et subjuguez, comme en autre lieu par avant est plus à plain déclairé. Si tenoient lors en leurs mains yceulx Liégois une forte tour située assez près de Bouvines, laquelle, comme on disoit, estoit de la seigneurie de Namur, et le désiroit ledit duc de Bourgongne à ravoir en ses mains. Mais lesdiz Liégeois estoient ad ce opposans et contraires. Pour quoy, dès lors se commencèrent entre ycelles parties aulcunes rumeurs et haynes couvertes. Dont, à l'occasion d'ycelles, ledit duc de Bourgongne retourna en son pays. Si fist secrètement assambler certain nombre de gens d'armes, lesquelz il envoia soubz la conduite de messire Jehan Blondel et Gérard, bastard de Brimeu, vers le dessusdit pays de Liège, pour prendre d'emblée la dessusdicte tour de Montorgueil. Et eulx venus assez près d'ycelle, en eulx préparant pour drécier leurs eschielles, furent perceus et descouvers de ceulx qui estoient dedens. Pour quoy, sans autre chose faire, s'en retournèrent en leur pays. Et lesdiz Liégois furent sur leur garde plus que par avant n'avoient esté, et conçurent de plus en plus grand hayne contre ledit duc de Bourgongne.
*Item, durant le temps que les Anglois tenoient leur siége devant la noble cité d'Orliens, comme dit est dessus, estoit le roy Charles très fort au dessoubz. Et l'avoient à peu près laissié et comme habandonné, la plus grand partie de ses princes et aultres des plus notables seigneurs, véans que de toutes pars ses besongnes lui venoient au contraire. Nientmains il avoit tousjours bonne affection et espérance en Dieu, désirant de tout son cuer à avoir traictié de paix avec le duc de Bourgongne, lequel par ses ambaxadeurs il avoit requis par plusieurs fois. Mais encore ne s'y estoit peut moyen trouver qui fust au gré des parties.
Durant le temps que les Anglais tenaient leur
siège devant la noble cité, le roi Charles, comme il a été dit, était fort bas. Il avait été à peu près délaissé, et était comme abandonné par la
plus grande partie de ses princes, et autres des plus nobles capitaines
qui voyaient que de toutes parts ses affaires tournaient au pire. Néanmoins
il avait toujours bonne affection et confiance en Dieu, désirant de
tout son cœur avoir traité de paix avec le duc de Bourgogne; ce qu'il
avait plusieurs fois requis par ses ambassadeurs ; mais on n'avait pas
encore pu trouver un moyen qui fût au gré des parties.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Mise en Français plus moderne : J.B.J. Ayroles, "La vraie Jeanne d'Arc" - t.III.
Notes :
1 La mort de Jean III, dit Thierri, comte de Namur, est du 1er mars 1429 (N. S.). La vente du comté avait été faite le 23 avril 1421.
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