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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.II-68 - Comment le seigneur de Longueval prinst le chastel d'Aumarle
sur les Anglois. |
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n ce temps, le seigneur de Longueval, qui long temps avoit esté débouté de sa seigneurie et estoit retourné devers le Roy Charles, par le moyen d'un prestre demeurant à Aumarle, print la forteresce d'ycelle ville, chef lieu de toute la conté, laquelle tenoient adonc les Anglois. Si furent trouvés dedens quatre ou cinq desdiz Anglois, avec pluiseurs des habitans de la ville. Lesquelz Anglois furent tantost mis à mort, et lesdiz habitans, en faisant serement d'estre bons françois, furent receus à merci, en payant aulcune somme d'argent. Laquelle forteresce ainsi prinse, fut en assez brief temps après largement pourveue et garnie de vivres, et aussi de gens de guerre, qui en brief commencèrent à courre pays par toute la marche d'environ, et mener forte guerre aux Anglois, et à ceulx du pays tenans leur party. Dont grandement despleut au duc de Bethfort. Mais non obstant, pour aultres plus grans affaires qu'il avoit, n'y povoit pour lors remédier.
Et pareillement, en ces propres jours fut prinse d'emblée la forteresce d'Astrapagni (1), du seigneur de Rambures et de ses gens.
Et d'aultre costé, sur Saine, fut réduite en l'obéyssance du Roy Charles la forteresce de Chastiau Gaillard, qui est exelentement scituée en forte place. Dedens laquelle estoit prisonnier, de long temps par avant, ce vaillant et notable chevalier, le seigneur de Barbazan. Lequel, comme dit est en autre lieu, avoit esté prins dedens Melun par la force et puissance du roy Henry d'Angleterre. Par le moyen duquel Barbazan ycelle forteresce fut mise en l'obéyssance d'yceluy Roy Charles, et lui desprisonné. Si y commist en brief aulcuns de son party, et s'en ala au plus tost qu'il pot devers le Roy Charles, duquel il fut moult conjoy et honnouré.
En oultre, fut prinse et mise en la main des François la forteresce de Torsy (2), par le moyen d'aulcuns du pays, qui avoient repaire dedens avec les Anglois, lesquelz ilz trahirent et mirent ès mains de leurs ennemis.
Ainsi doncques, en assez brief temps furent françoises les quatre forteresces dessusdictes, qui estoient les plus fortes, à l'eslite, dedens les pays où elles estoient assises. Pour la prinse desquelles le pays fut fort traveillé, tant par les garnisons des François, comme par celles des Anglois.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Mise en Français plus moderne : J.B.J. Ayroles, "La vraie Jeanne d'Arc" - t.III.
Notes :
1 Estrépagni (Eure), près de Gisors.
2 Il y a un Torcy le Grand et Torcy le Petit, dans la Seine-Inférieure.
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