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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet
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L.II-69 - Comment la ville de Compiengne se rendy au roy Charles. Et du retour des ambaxadeurs de France qui estaient alés vers le duc de Bourgongne. |
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tem, après que le roy Charles de France fut retourné de la journée de Senlis, où lui et le duc de Bethfort avoient esté à puissance l'un contre l'autre, comme dit est dessus, et il fut revenu à Crespi en Valois, illec lui furent apportées nouvelles que ceulx de la ville de Compiengne lui vouloient faire obéyssance. Et pour tant, sans nul délay, ala audit lieu de Compiengne, où il fut des habitans receu en grand léesce, et se loga en son hostel royal.
Auquel lieu retournèrent devers lui son chancelier et ses autres ambassadeurs, que par avant il avoit envoyés devers le duc de Bourgongne. Avec lequel et ceulx de son conseil, ilz avoient tenu pluiseurs et destrois parlemens. Nientmains ilz n'avoient riens concordé. Mais en conclusion avoient esté d'accord que ledit duc envoieroit sa légacion vers le roy Charles, pour au sourplus avoir advis et entretenement. Si fut alors informé que la plus grand partie des principaulx conseillers dudit duc de Bourgongne avoient grand désir et affection que ycelles deux parties fussent réconciliées L'une avecques l'autre. Toutefois, maistre Jehan de Thoisy, évesque de Tournay, et messire Hue de Lannoy, qui prestement venoient de devers le duc de Bethfort et avoient de par lui charge de faire aucunes remonstrances audit duc de Bourgongne, en lui admonestant de entretenir le sairement qu'il avoit fait au roy Henry, n'estoient point bien contens que ledit traictié se fist. Sur la parole desquelz fut le traictié atargié, et prins aultre journée d'envoyer devers le roy Charles légacion, comme dit est. Pour laquelle faire furent commis, messire Jehan de Luxembourg, l'évesque d'Arras, messire David de Brimeu et aulcuns aultres notables et discrètes personnes *.
En ce mesme temps, messire Lionnel de Bournonville, qui avoit perdu la ville et forteresce de Creil, requist au duc de Bethfort qu'il lui baillast de ses gens pour reconquerre ung sien chastel, nommé le Bretèche, que les François avoient prins. Laquelle chose lui fut accordée. A tout lesquelz il s'en ala à sadicte forteresce. Si la print d'assault, et mist à mort ceulx qui dedens estoient. Mais en ce faisant il fut navré, dont il moru.
Après la journée de Senlis, où le roi Charles et le duc de Bedford
avaient été avec toutes leurs forces l'un contre l'autre, le roi revint à
Crépy-en-Valois. Là lui furent apportées les nouvelles que les habitants
de Compiègne voulaient lui faire obéissance ; aussi, sans nul délai, se rendit-il dans cette ville, où il fut reçu en grande liesse des habitants,
et il se logea en son hôtel royal.
C'est là que revinrent vers lui le chancelier
et les autres ambassadeurs qu'auparavant il avait envoyés vers le
duc de Bourgogne, avec lequel ils avaient tenu des conférences étroites, ainsi qu'avec ses conseillers. Cependant il n'y avait pas eu
d'accord arrêté; mais, en conclusion, il avait été convenu que le duc enverrait
de son côté une ambassade vers le roi Charles pour avoir son avis
et continuer les conférences. Je fus alors informé que la plupart des
principaux conseillers du duc de Bourgogne avaient grand désir et affectionà ce que les deux parties opérassent leur réconciliation. Toutefois
Maître Jean de Thoisy, évêque de Tournay, et Messire Hue de Lannoy,
qui venaient présentement de vers le duc de Bedford, et étaient chargés
par lui de faire des observations au duc de Bourgogne, de l'exhorter à
tenir le serment fait au roi Henri, n'étaient pas bien contents que le
traité se fît. C'est sur leur parole que la conclusion fut retardée, et qu'on
prît une autre journée pour envoyer une légation vers le roi Charles.
Elle fut confiée à Messire Jean de Luxembourg, évêque d'Arras, à Messire
David de Brimeu et à d'autres notables et discrètes personnes... *
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Mise en Français plus moderne : J.B.J. Ayroles, "La vraie Jeanne d'Arc" - t.III.
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