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Chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - index
L.II-82 - Comment le duc de Bourgongne, à tout sa puissance, ala logier devant
Gournay sur Aronde. |
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u commencement de cest an, le duc de Bourgongne, lui parlant de Mondidier, s'en ala loger à Gournay sur Aronde, devant la forteresce d'ycelle, appartenans à Charles de Bourbon, conte de Clermont, son beaufrère. Auquel lieu il fist sommer Tristran de Maignelers, qui en estoit capitaine, qu'il lui rendist ladicte forteresce, ou se ce non, il le feroit assaillir. Lequel Tristran, véant que bonnement ne pourroit résister contre la puissance d'ycelui duc de Bourgongne , fist traictié avec ses commis, par condicion qu'il lui renderoit ladicte forteresce le premier jour d'aoust prochainement venant, se audit jour il n'estoit combatu du roy Charles ou de ceulx de son party. Et avec ce promist que durant le temps dessusdit, que lui, ne les siens, ne feraient quelque guerre à ceulx tenans le parti dudit duc. Et par ainsi il demoura paisible jusques audit jour.
Si fut celle composicion faicte ainsy hastivement, pour ce que audit duc de Bourgongne et à messire Jehan de Luxembourg, vindrent certaines nouvelles que le damoiseau de Commercis, Yvon du Puis, et aultres capitaines, à tout grand nombre de combatans, avoient asségié la forteresse de Montagu. Laquelle chose estoit véritable. Car le dessusdit de Commercis, à cuy ladicte forteresce appartenoit, y avoit secrètement amené grand nombre de combatans, à tout bombardes, veuglaires et autres habillemens de guerre, tendans ycelle par soubdain assault ou aultrement, par force réduire en son obéyssance. Nientmains elle fut viguereusement deffendue par ceulx que messire Jehan de Luxembourg y avoit commis, ou gouvernement duquel elle estoit. Entre lesquelz y estoit commis de par lui en la garde d'ycelle comme principaulx capitaines, deux hommes d'armes dont l'un estoit
d'Angleterre, nommé....... (1) et l'autre George de Le Croix. Si furent par plusieurs fois sommés et requis de rendre la forteresce, dont point n'eurent voulenté de ce faire. Car ilz n'estoient en nul doubte que dedens briefz jours ne feussent souscourus. Finablement lesdiz asségans, doubtans la venue dudit duc de Bourgongne, dont ilz estoient jà advertis, et qu'ilz seroient combattis, se départirent dudit lieu de Montagu, tous espoventés, en laissant bombardes, canons et aultres habillemens de guerre. Et se partirent à mienuit ou environ, et se retrayrent en leurs garnisons. Laquelle départie ainsi faite, les dessusdiz asségiés firent scavoir hastivement aux dessusdiz le duc de Bourgongne et messire Jehan de Luxembourg, qui en grand diligence se préparoient pour aler combatre les asségans dessusdiz. Après lequel département venu à leur cou-gnoissance, le dit duc de Bourgongne s'en ala à Noyon, à tout son exercice.
En ces propres jours, messire Jehan de Luxembourg s'en ala coure devant Beauvais, sur les marches de ses ennemis. A l'instance et pour la doubte duquel, se départirent du Franc (2) messire Loys de Waucourt et ses gens, qui là par longue espace avoient esté l'iver, et boutèrent le feu en ung bel chastel qu'ilz avoient réparé. Si se retrayrent à Beauvais. Et ledit duc de Luxembourg se loga devant le chastel de Prouvanlieu, que aulcuns François avoient réédifié. Et par leurs courses traveillèrent moult fort la ville de Mondidier et aultres marches à l'environ, appartenans au duc de Bourgongne. Si furent en brief constrains d'eulx rendre en la voulenté du dessusdit messire Jehan de Luxembourg, lequel en fist grand partie exécuter, et les aultres furent mis en divers lieux prisonniers. Et de là il se retourna à Noyon devers le duc de Bourgongne.
Source : La chronique
d'Enguerrand de Monstrelet - Tome IV (L.Douët d'Arcq - 1860)
Notes :
1 Ici, dans le ms. 8346, un blanc dont Ver. ne tient pas compte.
2 Il faut sans doute entendre ici, de France, c'est-à-dire de Ile-de-France. Dans Vérard ce passage est inintelligible.
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