|
Chronique
des Cordeliers de Paris
-
index
Folio
490, 491 |
|
n ce temps se rendy en l'obéissance du roy Charles la cité
de Beauvaix et partie du pays de Beauvesis, et allèrent ses
gens par le païs en diverses parties prendre par traictié
et non de force villes et chastiaulx. Et cependant commenchèrent
pluiseurs traictiés et parlemens entre les gens dudit roy
et de monseigneur de Bourgongne, et fu l'arcevesque de Rains, chancellier
d'iceluy roy, et pluiseurs autres ses ambaxateurs, à Arras
devers ledit duc de Bourgongne, environ la my-aoûst, et finablement
furent trièves prises entre iceulx deux princes par le moien
des ambaxateurs que le duc de Savoie avoit anvoié devers
eulx pour le bien de la paix pourcacher. De la manière desquelles
trieves ou abstinance de guerre la vérité s'ensuit
par la coppie des lettres qui en furent faictes. (1)
"A tous ceulx qui ces presentes lettres verront
ou orront, Simon Morhier, chevalier, seigneur de Villers, consillier
du roy nostre sire et garde de la Prevosté de Paris, salut.
Savoir faisons que nous, l'an de grace mil IIIIc, et xxix, le vendredi
xiii° jour d'octobre, veismes unes lettres de Charles, soy disans
roy de France, seellées de son grand seel en chire gaune
sur double queue, contenant la fourme qui s'ensieult :
Charles, par la grâce de Dieu roy de France, à
tous ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. Comme pour
parvenir à mectre paix dans nostre royaume et faire cesser
les grans et innumerables maulx et inconveniens quy, par les guerres
et divisions qui sont en icelluy, y sont advenu et adviennent chascun
jour, aiant par le moyen des embaxadeurs de nostre très cher
et très amé cousin le duc de Savoie esté nagaires
tenues aucunes journées, tant pour nous et noz gens que (sic)
comme par nostre cousin de Bourgoingne, et les siens ; et pour ce
que la matière de la dicte paix, quy touche pluseurs parties
toutes grans et puissans, ne se puelt demener et conduire à
bonne fin sans aucun delay et trait de temps, ait samblé
ausdicts embaxadeurs qu'il estoit nécessaire prendre abstinence
jusques à aucun temps convenable, pour plus aiseement et
convenablement durant icelle traictier de la dicte paix ; laquelle
abstinence par le moien d'iceulx ambaxadeurs ait esté prinse
et accordée entre noz gens pour et ou nom de nous, d'une
part, et les gens de notre dit cousin de Bourgoingne pour et ou
nom de luy, d'aultre part, et aussy au regard des Anglois, leurs
gens, serviteurs et subgez, se ad ce se veullent consentir ès
termes et mettes qui s'ensuient : c'est assavoir en tout ce qui
est par deça la rivière de Saine, depuis Nogent-sur-Saine
jusqu'à Harefleu, sauf et réservées les villes,
places et forteresses faisans passage sur la dicte rivière
de Saine ; réservé aussi à nostre dit cousin
de Bourgoingne que, se bon luy samble, il porra, durant ladicte
abstinence, employer luy et ses gens à la deffence de la
ville de Paris et resister à ceulx qui vouldroient faire
guerre ou porter dommage à icelle ; à commencier la
dicte abstinence, c'est assavoir depuis le jour d'uy, xxviii°
jour de ce présent mois d'aoust au regard de nostre dit cousin
de Bourgoingne, et au regart des ditz Anglois du jour que d'iceulx
aurons sur ce receu leurs lectres et consentement ; et durer jusques
au jour de Noel prochain venant : Savoir faisons que nous, ces choses
considérées, voulans, pour la pitié que nous
avons de nostre poure peuple, obvier de tout nostre cuer et intencion
à la multiplicacion des ditz maulx et inconveniens, avons
baillié, consenty et accordé, et par ces présentes
baillions, consentons et acordons bonne et seure abstinence de guerre
pour nous, noz pays, vassaux, subgez et serviteurs et ceulx qu'il
a en son gouvernement, et les places desdicts vassaulx et serviteurs
estans ès termes et limittez dessus déclarées,
et aussi pour les villes et païs ci-après declarez,
c'est assavoir la ville d'Amiens et le plat païs d'environ
du baillage d'Amiens, la ville d'Abbeville et tout le pays de Pontieu,
les villes de Noyon, Saint-Quentin, Ghauny, Monstreul, Qorbie, Dourlens,
Saint-Riquier, Saint-Wallery, Ribemont et Terouwane, ensemble les
plas païs estans à l'environ d'icelles ; et aussy ausdiz
Anglois, et tous ès termes et limites et soubz les condicions
et reservacions dessus déclarés ; à commenchier
icelle abstinence cedit xxviii° jour d'aoust au regart de nostre
dit cousin de Bourgoingne, et au regart desdis Anglois du jour que
sur ce aurons receu d'eulx leurs lectres et consentement ; et à
durer jusques audit jour de Noel prochainement venant, comme dit
est ; pourveu aussy que nostre dict cousin de Bourgoingne consente
et accorde la pareille abstinence, et nous en baille ses lectres
patentes de pareille substance que cestes, et que par ceste presente
abstinence ne sera aucunement derogié ne préjudicié
aux abstinences par cy devant ordonnées par nostre dit cousin
de Savoie, entre aucuns de noz païs et de nostre party et aucuns
des pays de nostre dit cousin de Bourgoingne et autres, comprins
èsdictes abstinences ; mais demourront icelles abstinences
en leur force et vertu durant le temps et en la fourme et manière
que contenu est ès lectres sur ce faictes ; et aussy durant
le temps de ceste présente abstinence, aucune des parties
qui consenteront icelle ne porront ès termes et mettes dessus
diz prendre, gangner ne conquester l'un sur l'autre aucune des villes,
places ou fortresses estans èsdis termes et mettes, ne n'en
recepveront obéissance aucune, posé ores que icelles
villes, places ou fortresses se voulsissent voluntairement rendre
à l'une des parties ou à l'autre. Et adfin que ceste
présente abstinence soit mieulx gardée et entretenue,
nous avons pour nous et de nostre part ordonnez conservateurs d'icelle
nos amez et féaulx Rigault, seigneur de Fontaines, chevalier,
nostre chambellan, et Poton de Sainteraille, nostre premier escuier
de corps et maistre de nostre escuierie, ausquelz et à chascun
d'eulx donnons plain povoir, auctorité et mandement especial
de reparer et faire reparer tout ce quy par aucuns de noz vassaulx,
subgez et serviteurs seroit fait, attempté ou innové
contre ne ou prejudice de ladicte abstinence, de poursuir et requerir
devers les conservateurs quy sur ce seront ordonnez pour la partie
de nostre dit cousin de Bourgoingne, la reparacion de tout ce quy
de son costé seroit fait, attempté ou innové
contre ne ou préjudice d'icelle abstinence, et generalment
de faire par nosdiz conservateurs et chacun d'eulx, tout ce qui
en tel cas appartient et appartendra estre fait. Sy donnons en mandement
à tous noz lieutenans, connestable, mareschaux, maistre des
arbalestriers, admiral et autres chiefz de guerre, à tous
cappitaines de gens d'armes et de trait estans en nostre service,
et à tous noz autres justichiers, officiers et subgez, ou
à leurs lieuxtenans, que ladicte présente abstinence
gardent, entretiengnent et observent inviolablement et sans l'enfraindre,
couvertement ne en appert en quelque manière que ce soit,
le temps d'icelle durant ; et ausdiz conservateurs par nous à
ce ordonnez et à chascun d'eulx et à leurs commis
et deputez en toutes choses regardans l'entretenement et conservacion
d'icelle, et la reparacion de ce quy sera attempté ou innové
au contraire, s'aucunement advenoit, obéissent et entendent
dilligamment, et leur prestent et donnent conseil, confort, assistance
et ayde, se mestier est, et il en sont requis.
En tesmoing de ce, nous avons fait mettre seel à
ces présentes.
Donné à Compiengne, le XXVIII° jour
d'aoust, l'an de grace mil cccc et vingt-neuf, et le septiesme de
notre règne.
Ainsi signé : PAR LE ROY, J. Villebresme.
Et nous à cest présent transcript avons mis le seel
de ladicte Prevosté de Paris, l'an et jour de venredi, dessus
premier dis.
Ainsi signé G. de ROUEN.
En ce temps, la cité de Beauvais et une partie du pays de Beauvaisis se mirent en l'obéissance du roi Charles. Et ses gens allèrent par le pays de divers côtés, prendre, non de force, mais par traités, villes et châteaux. Cependant plusieurs négociations et conférences commencèrent entre les gens dudit roi et Monseigneur de Bourgogne. Environ mi-août, l'archevêque de Reims, chancelier dudit roi, et plusieurs autres ambassadeurs furent envoyés à Arras vers le duc de Bourgogne. Finalement, des trêves furent conclues entre ces deux princes par l'entremise des ambassadeurs que le duc de Savoie avait envoyés vers eux afin d'y négocier te bien de la paix. Quelles furent les conditions de ces trêves ou abstinences de guerre, on peut le savoir en toute vérité par la copie des lettres qui en furent faites.
« A tous ceux qui ces présentes lettres verront et ouïront, Simon
Morhier, chevalier, seigneur de Villers, conseiller du roi notre Sire et garde de la prévôté de Paris, salut. Savoir faisons que nous, l'an de grâce mil IIIIC et XXIX (1429), le vendredi XIVe (14) jour d'octobre, vîmes une lettre de Charles, soi-disant roi de France, scellées de son grand sceau en cire jaune, sur double queue, contenant la forme qui s'en suit :
« Charles par la grâce de Dieu, roi de France, à tous ceux qui les présentes lettres verront, salut. Pour parvenir à mettre la paix dans notre royaume, et faire cesser les grands et innombrables maux et calamités qui, à la suite des guerres et divisions qui y règnent, y sont advenus et y adviennent chaque jour, certaines négociations ont été ménagées naguère par les ambassadeurs de notre très cher et très aimé cousin le duc de Savoie, entre nous et nos gens d'une part, et notre cousin le duc de Bourgogne et ses gens de l'autre. La matière de cette paix touchant à des points très graves et très importants, ne se peut discuter et être conduite à bonne fin sans demander du délai et long espace de temps. C'est pourquoi il a semblé auxdits ambassadeurs qu'il était nécessaire de conclure des trêves jusqu'à un temps convenable, afin durant ces trêves de traiter plus aisément et plus mûrement de ladite paix. Par le moyen des susdits ambassadeurs, ces trêves ont été arrêtées et accordées entre nos gens et en notre nom d'une part, et les gens de notre cousin de Bourgogne et en son nom d'autre part, et aussi entre les Anglais, leurs gens, leurs serviteurs et sujets, s'ils veulent y consentir, dans les termes et les limites qui suivent,à savoir pour tout le pays qui est en deçà de la rivière de la Seine, depuis
Nogent-sur-Seine jusqu'à Harfleur, sauf et réservées les villes, places et
forteresses donnant passage sur cette même rivière de Seine, réservé
aussi que, si bon lui semble, notredit cousin de Bourgogne pourra
durant ladite trêve s'employer lui et ses gens à la défense de la ville de Paris, et résister à ceux qui voudraient faire la guerre ou porter dommage à cette ville. Cette trève commencera aujourd'hui 28° jour d'août pour ce
qui concerne notredit cousin de Bourgogne ; et pour les Anglais, le
jour où nous aurons reçu leurs lettres et consentement ; et elle durera
jusqu'à Noël prochain. Savoir faisons que nous, ces choses considérées, voulant pour la
pitié que nous avons de notre pauvre peuple, obvier de tout notre coeur et intention à la multiplication desdits maux et inconvénients, avons
donné, consenti et accordé, et par ces présentes donnons, consentons et
accordons bonne et sûre abstinence de guerre pour nous, nos pays,
vassaux, sujets et serviteurs, et les places desdits vassaux et serviteurs,étant dans les termes et limites ci-dessus déclarés, et aussi pour les
villes et pays ci-dessus déclarés, à savoir la ville d'Amiens et le plat pays
d'environ du bailliage d'Amiens, la ville d'Abbeville et tout le pays de
Ponthieu, les villes de Noyon, Saint-Quentin, Chauny, Montreuil, Corbie,
Doullens, Saint-Riquier, Saint-Valery, Ribemont, et Thérouanne, ensemble
les plats pays qui sont aux environs de ces villes ; et aussi auxdits
Anglais ès termes et limites et sous les conditions et réserves ci-dessus
déclarées. Commencera cette abstinence cedit XXVIIIe jour d'août au
regard de notredit cousin de Bourgogne ; et au regard desdits Anglais
du jour que sur ce nous aurons reçu d'eux leurs lettres et consentement,
et durera jusqu'audit jour de Noël prochainement venant, ainsi qu'il est
dit, pourvu aussi que notredit cousin de Bourgogne consente et accorde
pareille abstinence et nous en donne ses lettres patentes de pareil
contenu que celles-ci. Par cette présente abstinence il ne sera nullement dérogé ni préjudicié
aux abstinences ci-devant ordonnées par notre cousin de Savoie
entre quelques-uns de nos pays et de notre parti, et quelques-uns des
pays de notre cousin de Bourgogne et autres compris dans lesdites
abstinences ; mais ces trêves conserveront leur force et leur vertu
obligatoire, durant le temps et selon la forme et la manière contenues
dans les lettres échangées à ce sujet. Durant le temps de cette présente
trêve, aucune des parties qui l'auront consentie ne pourront dans les
termes et limites ci-dessus désignées, prendre, acquérir, conquérir l'une sur l'autre aucune des villes, places ou forteresses qui y sont comprises; ils n'admettront l'obéissance d'aucune, au cas où ces villes, places ou forteresses voudraient se rendre à l'obéissance de l'une des parties (1). Afin que cette présente abstinence soit mieux gardée et entretenue,
nous avons pour nous et de notre part ordonné conservateur d'icelle nos
amés et féaux Rigault, seigneur de Fontaines, chevalier, notre chambellan,
et Poton de Xaintrailles, notre premier écuyer et maître de notre écurie, auxquels et à chacun d'entre eux nous donnons plein pouvoir,
autorité et mandement spécial de réparer et de faire tout ce qui par quelqu'un de nos vassaux, sujets et serviteurs, serait fait, attenté ou
innové de contraire ou de préjudiciable à la présente trêve ; de poursuivre
et requérir vis-à-vis des conservateurs qui sur ce seront ordonnés pour
la partie de notre cousin de Bourgogne la réparation de tout ce qui de
son côté serait fait, attenté ou innové de contraire ou préjudiciable à
cette trêve; et généralement de faire par nosdits conservateurs et par
chacun d'eux tout ce qu'il appartient et appartiendra de faire en
pareil cas. Par suite, nous donnons mandement à tous nos lieutenants, connétables,
maréchaux, maîtres des arbalétriers, amiral et autres chefs de
guerre, à tous les capitaines et gens d'armes et de trait qui sont à notre
service, à tous nos autres justiciers, officiers et sujets, ou à leurs lieutenants,
que la présente abstinence soit par eux gardée, entretenue et
observée inviolablement, sans l'enfreindre ni secrètement, ni ouvertement,
en quelque manière que ce soit, pendant qu'elle durera ; et qu'ils
obéissent diligemment, prêtent et donnent conseil, confort, assistance et
aide, s'il en est besoin et en sont requis, aux conservateurs par nous à
cela ordonnés et à chacun d'eux, à leurs commis et députés, en toutes
choses regardant l'entretien et conservation de ladite trêve, et la réparation
de ce qui serait attenté ou innové de contraire, si le cas advenait
en quelque manière.
« Donné à Compiègne le XXVIIIe jour d'août, l'an de grâce mil CCCC
et vingt-neuf et le septième de notre règne. Ainsi signé, de par le roi : J. VlLLEBRESNE. »
Source
: édition Jules Quicherat - 1882.
Mise en Français plus moderne : J.-B.-J. Ayroles "La vraie Jeanne d'Arc - t.III.
Notes :
1 Le traité de paix qui amena vingt de guerres supplémentaires
au royaume !
2 Il suit de cette clause qu'au cas où Paris aurait été emporté le 8 septembre, ou même aurait ouvert ses portes, Charles VII n'aurait pas pu en prendre possession, soit parce que le duc de Bourgogne était autorisé à défendre la ville, soit parce que en ce cas les Anglais n'auraient pas manqué d'accéder à la trêve du 28 août. Qu'on s'étonne après cela si les auteurs de cette inqualifiable trêve ont fait échouer l'Héroïne. Le succès les aurait souverainement embarrassés.
|