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Chronique
de la Pucelle
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- Bataille à Rouvray Saint-Denis en Beausse |
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urant ce siège, Charles, comte de Clermont, fils aisné
(1) du duc de Bourbon, se mit sus pour
secourir la cité d'Orléans. Il vint à puissance
à Blois où il sceut nouvelles que le duc de Bedfort
avoit mis sus Anglois à grand nombre qui estoient partis
de Paris à grande quantité de vivres, pour avitailler
l'ost des Anglois, et le secourir de gens. Si départit de
Blois pour aller au-devant et fist sçavoir son entreprinse
au bastard d'Orléans et aux chefs de guerre qui estoient
avec luy à Orléans, lesquels se tirerent hastivement
par devers luy, et trouverent près d'Yenville ledict comte
et sa compaignée, qui furent joyeux de leur venue, et eurent
tantost nouvelles que Anglois estoient près de Rouvray Saint-Denys,
qui conduisoient grand charroy chargé de vivres et d'artillerie.
François furent moult désirans de combatre
Anglois, et pour ce faire misrent ensemble leur puissance, qui estoit
grande, car là estoient le comte de Clermont, accompagné
de tous les hauts barons d'Auvergne et de Bourbonnois ; le bastard
d'Orléans, les sires de la Fayete, et de Saincte-Severe mareschaux,
le sire de Culant, admiral de France, le viconte de Thouars, le
sire de Belleville, les plus (2) chevaliers
et escuyers du Berry et de Poitou, Messire Jehan Estuart ou Stuart
connestable des Ecossois, comte d'Evreux, auquel le roy avoit donné
cette comté, et son frère à grand compaignée
d'Escossois, Messire Guillaume d'Albret, sire d'Orval, Messire Jean
de Nilhat (3) seigneur de Châteaubrun,
vicomte de Bridiers, Messire Jehan de Lesgot, La Hire et plusieurs
chevaliers et escuyers, et chefs de guerre qui ordonnèrent
leurs batailles. Et fut conclu qu'ils ne descendroient point de
cheval, fors seulement les gens de traict, qui à la veue
des Anglois et à leur venue, assortiroient leurs canons,
couleuvrines et autres traicts.
François allèrent tant qu'ils trouvèrent
les Anglois près Rouvray, qui doutamment s'attendoient d'avoir
bataille. Ils estoient enclos de leur charroy, pour lequel garder
ordonnèrent illec a leurs gens de traict, avec les marchands
qui estoient là venus de Paris et autres citez, et plantèrent
entour le parc où ils estoient retirez, grande quantité
de paulx aigus. Alors les batailles de pied françoises (4)
assortirent leurs canons, couleuvrines, et autres traicts, puis
approchèrent le charroy et les archers anglois, contre lesquels
ils commencèrent à tirer de telle sorte, que peu tinrent-ils
leurs places, car ceux d'Orléans, qui estoient là
en grand nombre, les chargèrent à merveilles de belles
couleuvrines, contre lesquelles rien ne résistoit, qu'il
ne fust mis en pièces.
Là fut faict a cette attaque grande occision
d'Anglois et de marchands de Paris, pour lesquels secourir Anglois
n'ozèrent partir de leur parc, redoutans les batailles de
cheval qui estoient en leur veue. Mais le connestable d'Escosse
fut tant désirans d'assembler contre ses ennemis, que lui
et tous ses gens descendirent à pied pour aller quérir
Anglois jusques en leur parc, oultre la première ordonnance
et sans attendre les autres ; avec lequel descendit le bastard d'Orléans,
les seigneurs d'Orval et de Chasteaubrun, messire Jean de Lesgot
et aucuns nobles, qui cuidoient bien que les batailles de cheval
deussent à l'assembler férir sur Anglois, mais ils
n'en firent oncques rien.
A cette heure, qui fut environ vespres, le samedy douziesme
jour de février, veille des Brandons, l'an mil quatre cent
vingt huict, Anglois issirent tout à coup de leur enclos
et assemblèrent contre les susdits Escossois qui furent desconfits
en peu d'heures. Ce voyant, les Auvergnats et autres se prinrent
à fuir sans assembler contre Anglois, et se retirèrent
à Orléans, avec eux ledict bastard, qui fut griefvement
blessé en ladicte bataille, où furent occis lesdits
connestable d'Escosse, les sires d'Orval, de Chasteaubrun, de Lesgot,
et autres nobles de renom, jusques au nombre d'environ trois à
quatre cent combatans, et la pluspart hommes d'armes. Il y eut aussi
plusieurs Anglois occis ; Messire Jean Fastot fut chef de la bataille
des Anglois, lequel amena, à la veue des François,
les vivres et le charroy en l'ost devant Orléans, le mardy
après la desconfiture (5).
Source
: édition Vallet de Viriville
Notes :
1 C'est le personnage que l'auteur appelle Duc de Bourbon au chap.26.
2 La plupart des...
3 Jean de Naillac.
4 L'infanterie française.
5 Le 15 février 1429.
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