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Chronique de la Pucelle - index
57 - Du siège mis par le Roy devant Troyes - Jeanne mandée au au conseil - La ville se rend à Charles VII

près ce que le roy eut esté logé devant ladicte ville d'Auxerre trois jours, il se partit avec son ost, en tirant vers la ville de Sainct-Florentin, où ceux de la ville luy feirent plainière obéissance. Et là n'arresta guères, mais s'en vint avec son ost devant la cité de Troyes, qui estoit grande et grosse ville. Et y avoit dedans de cinq à six cent combattans, Anglois et Bourguignons, lesquels saillirent vaillamment à l'arrivée du roy, et y eut dure et aspre escarmouche, où il y en eut de ruez par terre d'un costé et d autre. Car les gens du roy les receurent très bien et furent contraints lesdits Anglois de se retirer en ladicte cité.
  Les gens du roy se logèrent d'un costé et d'autre au mieulx qu'ils purent, et le roy y fut cinq ou six jours sans ce que ceux de dedans monstrasscnt oncques semblant d'avoir volonté d'eulx mettre en son obéissance ; car il ne s'y pouvoit trouver appointement, combien que souvent on parlementoit. Et pour lors y avoit en l'ost si grande cherté de pain et autres vivres qu'il y avoit plus de cinq à six mille personnes, qui avoient esté plus de huit jours sans manger pain et vivoient seulement d'espies de bled froissez et de febves nouvelles, dont ils trouvèrent largement, et disait on, qu'il y avoit un cordelier, nommé frère Richard, qui alloit preschant par le pays, et fut en la ville de Troyes, où preschant durant l'advent, il disoit tous les jours : "Semez des febves largement ; celui qui doibt venir viendra en bref." Et fit tellement qu'on sema febves tant largement que ce fut merveilles, dont l'ost du roy se nourrit par aucun temps. Et toutesfois ledit prescheur ne songeoit point à la venue du roy.

 

  Les ducs d'Alençon et de Bourbon, le comte de Vendosme, et plusieurs autres seigneurs et gens du conseil en grand nombre furent mandez par le roy, pour sçavoir ce qu'il avoit à faire. Et la fut renconstré par l'archevesque de Reims, chancellier de France, comment le roy estoit là arrivé, et que lui ni son ost n'y pouvoit plus longuement demeurer pour plusieurs causes ; lesquelles il remonstra grandement et notablement, c'est à sçavoir pour la grande famine qui y estoit et que vivres ne venoient en l'ost de nulle part, et qu'il n'y avoit homme qui n'eust plus d'argent. En outre, que c'estoit merveilleuse chose de prendre la ville et cité de Troyes, qui estoit forte de fossez et bonnes murailles, bien garnye de vivres et de gens de guerre et de peuple, ayant par apparence volonté de résister et de non obéyr au roy. Joint qu'il n'y avoit bombardes, canons, artillerie, ny habillemens nécessaires à battre ou rompre les murs d'icelle ville ; ny à la guerroyer. Et si n'y avoit ville ni forteresse françoise dont on peust avoir aide ou secours, plus près de Gien sur Loire ; de laquelle ville jusques à Troyes avoit plus de trente lieues. Il allégua encores plusieurs autres grandes et notables raisons et bien apparentes, par lesquelles il monstroit évidemment qu'il en pouvoit advenir grand inconvénient si on s'y tenoit longuement.
  Après cela, le roy ordonna à son chancellier qu'il demandast les oppinions à tous les présents pour sçavoir ce qu'il estoit de faire pour le meilleur. Et le chancellier commença à demander les oppinions, en leur commandant que chascun s'acquitast loyalement, et conseillast le roy pour sçavoir ce qu'il avoit à faire sur ce que dist est. Tous les présens furent presque d'oppinion que veu et considéré les choses dessus desclairées et que le roy avoit esté reffusé à ladite ville d'Auxerre, laquelle n'estoit garnie de gens d'armes ne si forte que icelle ville de Troyes et plussieurs autres choses que ung chacun alléguoit selon son entendement et imagination, furent d'opinion que ledit roy et son ost s'en retournassent et que de demeurer plus devant ladite ville de Troyes, ny d'aller plus avant, n'y sçavoient voir on congnoistre que toute perdicion de son ost. Les autres furent d'oppinion que le roy passast en tirant vers Reims, d'autant que tout le pays estoit plein de biens et trouveroient assez de quoy vivre.
  Et vint ledit chancellier à demander à ung ancien et notable conseiller du roy, nommé Messire Robert le Masson, seigneur de Trèves, qui avoit esté chancellier, lequel estoit sage et prudent. Si dist qu'il falloit envoier quérir ladite Jeanne la Pucelle, dont dessus est faite mencion, laquelle estoit en l'ost et non pas au conseil, et que bien povoit estre qu'elle diroit quelle chose qui seroit prouffitable pour le roy et sa compaignée. Et dist oultre que quand le roy estoit party qu'il avoit entreprins ce voyage, il ne favoit pas fait par la grant puissance de gens d'armes qu'il eust, ne par le grant argent de quoy il fust garny pour paier ses gens d'armes, ne aussi parce que icellui voyage lui semblast bien possible, maiz seullement avoit entreprins icellui voyage par l'admonnestement de Jeanne la Pucelle, laquelle disoit tousjours qu'il tirast avant pour aller à son couronnement à Reims, et que il ne trouveroit que bien peu de résistence, et que c'estoit le plaisir et voulenté de Dieu, et que se icelle Jeanne, ne conseilloit aucune chose qui en icellui conseil n'eust esté dicte, qu'il estoit de la grant et commune oppinion, c'est assavoir que ledit roy et son ost s'en retournassent dont ilz estoient venus.

  Et ainsi comme on débattoit la matière, ladicte Jeanne heurta très fort à l'huis où estoit le conseil. Si luy fut ouvert et entra dedans. Puis fist la révérence au roy, et icelle faite, le chancellier luy dist : "Jeanne, le roy et son conseil a eu de grandes perplécitez pour sçavoir ce qu'il avoit à faire." Et en effet, lui récita les choses dessus dictes le plus amplement qu'il peut, en luy requérant qu'elle dist son oppinion au roy et ce qu'il luy en sembloit. Alors elle adressa sa parolle au roy et lui demanda s'elle seroit creue de ce qu'elle lui diroit. Le roy respondit ouy, selon ce qu'elle diroit. Alors elle dist telles paroles : "Gentil roy de France, ceste cité est vostre. Et si vous voulez demeurer devant deux ou trois jours, elle sera en vostre obéyssance ou pour amour ou par force et n'en faites aucun doubte." Dont luy fut respondu par le dict chancelier : "Jehanne, qui seroit certain de l'avoir dedans six jours, on attendroit bien ! Mais je ne sçay s'il est vray ce que vous dites." Et elle dit derechef qu'elle n'en faisoit aucun doubte. A laquelle opinion de ladite Jeanne le roy et son conseil s'arrestèrent et fut conclu qu'on demeureroit là. Et à celle heure, ladite Jeanne monta sur un coursier, un baston en son poing. Si mit en besongne chevaliers et escuyers, archers, manouvriers et autres gens de tous estats, à apporter fagots, huis, tables, fenestres et chevrons pour faire des taudis et approchements contre la ville pour asseoir une petite bombarde et autres canons estans en l'ost. Elle faisoit de merveilleuses diligences, aussi bien qui eust sceu faire un capitaine, lequel eust esté en guerre tout le temps de sa vie ; dont plusieurs s'émerveilloient.
  Les gens de la ville sceurent et aperceurent les préparations que on faisoit ; et sur ce, considérèrent que c'estoit leur souverain seigneur ; et aucunes simples gens disoient qu'ils avoient veu autour de l'estendart de ladicte Pucelle une infinité de papillons blancs. Et comme meus soubdainement d'une bonne volonté inspirée de Dieu, congnoissans aussi les choses merveilleuses que ceste Pucelle avoit faictes à lever la siège d'Orléans, délibérèrent que on parlementeroit avec le roy, pour sçavoir quel traicté ils pourroient avoir. Et les gens de guerre mesmes, ennemis du roy, estans dedans la ville, le conseillèrent. Et de faict, l'évesque (2) et les bourgeois de la ville et des gens de guerre en bien grand nombre vindrent devers le roy, et prindrent finablement composition et traicté ; c'est à savoir que les gens de guerre s'en iroient, eux et leurs biens, et ceux de la ville demeureroient en l'obéissance du roy, et luy rendroient ladicte ville ; parmy qu'ils eurent abolition générale, et au regard des gens d'église qui avoient régales et collations de bénéfices du roy son père, il approuva les collations ; et ceux qui les avoient du roy Henri d'Angleterre, prindrent lettres du roy ; et voulut qu'ils eussent les bénéfices, quelques collations qu'il en oust faict à autres.

  Ceux de la ville feirent grand feste et grand joye, et ceux de l'ost eurent vivres à leur plaisir. Et le matin s'en partirent presque toute la garnison, tant Anglois que Bourguignons, tirans la où ils voulurent aller. Et combien que, par le traicté, ils maintinssent qu'ils pouvoient enmener leurs prisonniers, et de faict les emmenoient, mais icelle Jeanne se tint à la porte en disant que, en nom Dieu, ils ne les enmèneroient pas, et de faict les en garda. Et le roy contenta aucunement lesdicts Anglois et Bourguignons des finances auxquelles lesdicts prisonniers estoient mis ; puis y entra le roy environ neuf heures du matin. Mais premièrement y estoit entrée ladicte Jeanne, et avoit ordonné des gens de traict à pied au long des rues. Et avec le roy entrèrent à cheval les seigneurs et capitaines, bien habillez et montez, et les faisoit très beau voir. Si mist en ladicte ville capitaines et officiers, et fut ordonné par le roy que le seigneur de Loré demeureroit aux champs avec les gens de guerre de l'ost. Et le lendemain tous passèrent par ladicte cité en belle ordonnance : dont ceux de la ville estoient bien joycux ; et feirent serment au roy d'estre bons et loyaux et tels se sont ils toujours monstrez depuis.

                                                         


  Après que le roi se fut arrêté durant trois jours devant la ville d'Auxerre, il en partit avec son armée, en tirant vers la ville de Saint-Florentin, dont les habitants lui firent plénière obéissance. Il ne s'y arrêta guère, mais il s'en vint avec son armée devant la cité de Troyes, qui était grande et grosse ville. Il y avait dedans de cinq à six cents combattants, Anglais et Bourguignons, qui sortirent vaillamment à la rencontre du roi ; il y eut dure et âpre escarmouche, et il y en eut de part et d'autre de couchés par terre, car les gens du roi les reçurent très bien, en sorte que les Anglais furent contraints de se retirer derrière les murailles.
  Les gens du roi se logèrent de côté et d'autre, au mieux qu'ils purent, et le roi resta là cinq ou six jours sans que ceux du dedans montrassent jamais semblant de volonté de se soumettre à son obéissance ; on n'y pouvait trouver appointement, quoique souvent l'on parlementât.
  Il y avait pour lors en l'armée si grande cherté de pain et de vivres que plus de cinq à six mille personnes avaient passé plus de huit jours sans manger de pain. L'on vivait d'épis de blé froissés et de fèves nouvelles, qu'on trouvait très largement. Et l'on disait qu'un Cordelier, nommé Frère Richard, qui allait prêchant par le pays, était venu en la ville de Troyes, où, prêchant durant l'Avent, il disait tous les jours :
« Semez des fèves largement, celui qui doit venir viendra bientôt ». Et il fit tellement qu'on sema des fèves si largement que ce fut merveille ; ce dont l'armée du roi se nourrit par quelque temps. Et toutefois ledit prêcheur ne songeait point à la venue du Roi.
  Les ducs d'Alençon et de Bourbon, le comte de Vendôme et plusieurs autres seigneurs et gens du conseil, furent par le roi mandés en grand nombre pour savoir ce qu'il y avait à faire. Et là il fut remontré par l'archevêque de Reims, chancelier de France, comment le roi était venu en ce lieu, et que ni lui ni son armée n'y pouvaient demeurer plus longtemps pour plusieurs causes, qu'il remontra longuement et notablement ; c'est à savoir pour la grande famine qui y régnait, sans que les vivres arrivassent de nulle part en l'armée, et qu'il n'y avait plus d'homme qui eût de l'argent. En outre, disait-il, c'était merveilleuse chose de prendre la ville et cité de Troyes, forte par ses fossés et ses bonnes murailles, bien garnie de vivres, de gens de guerre et de peuple, ayant toute apparence de vouloir résister et de ne pas obéir au roi; il fallait ajouter qu'on manquait de bombardes, de canons, d'artillerie, d'appareils de guerre pour battre les remparts et lui faire la guerre ; qu'il n'y avait ni ville ni forteresse française pouvant prêter aide et secours, plus rapprochée que Gien-sur-Loire ; et que de cette ville à Troyes, il y avait plus de trente lieues. Il allégua encore plusieurs autres grandes et notables raisons par -lesquelles il montrait évidemment qu'il pouvait en advenir grand inconvénient, si l'on restait longuement là où l'on était.
  Après cela le roi ordonna à son chancelier de demander les sentiments de tous ceux qui étaient présents, pour savoir ce qu'il y avait de meilleur à faire. Et le chancelier commença à demander les avis en ordonnant à chacun de s'acquitter loyalement de son devoir, et de conseiller le roi sur ce qu'il y avait à faire, après ce qui avait été dit. Presque tous ceux qui étaient présents furent d'opinion que, vu et considéré les choses ci-dessus déclarées, après que le roi s'était vu refusé par la ville d'Auxerre qui n'était pas pourvue de gens d'armes, ni si forte que la ville de Troyes, et pour plusieurs autres raisons que chacun alléguait selon son entendement et imagination, le roi et son armée devaient s'en retourner, et que demeurer plus longtemps devant la ville de Troyes, ou aller plus. avant, c'était, autant qu'ils savaient voir ou connaître, toute perdition pour l'armée. Les autres furent d'avis que le roi allât en avant en tirant vers Reims; le pays étant plein de biens, on trouverait assez de quoi vivre.
  Le chancelier en vint à interroger un ancien et notable conseiller, nommé messire Robert le Maçon, seigneur de Trèves, qui avait été chancelier, homme sage et prudent. Il dit qu'il fallait envoyer quérir Jeanne la Pucelle qui était en l'armée et non pas au conseil; que peutêtre elle dirait quelque chose de profitable au roi et à sa compagnie. Il dit en outre que lorsque le roi avait entrepris ce voyage, il ne l'avait pas fait à cause de la grande puissance des hommes d'armes dont il disposait, ni pour le grand argent en sa possession afin de les payer, ni parce que ce voyage lui semblait bien possible ; mais qu'il l'avait entrepris uniquement sur l'admonestement de Jeanne la Pucelle, qui ne cessait de lui dire de tirer en avant pour aller à son couronnement à Reims, qu'il ne trouverait que bien peu de résistance, et que tel était le bon plaisir et volonté de Dieu. Si Jeanne ne conseillait rien qui n'eût été dit en ce conseil, il était de la grande et commune opinion, à savoir que le roi et son armée s'en retournassent au lieu d'où ils étaient venus.

  Comme on délibérait sur la matière, Jeanne heurta très fort à la porte du conseil. On lui ouvrit, et elle entra; elle fit la révérence au roi, et, la révérence faite, le chancelier dit: « Jeanne, le roi et son conseil sont en grande perplexité pour savoir ce qu'il y a à faire ». Et il lui exposa le plus amplement qu'il put ce qui avait été dit, en la requérant de manifester au roi son avis, et ce qu'il lui en semblait. Alors elle adressa la parole au roi et lui demanda si elle serait crue de ce qu'elle dirait. Le roi répondit oui, selon ce qu'elle avancerait. Alors elle dit ces paroles :
« Gentil roi de France, cette cité est vôtre; et si vous voulez demeurer devant ses murs deux ou trois jours, elle sera en votre obéissance par amour ou par force; et n'en faites aucun doute ». Il lui fut répondu par le chancelier : « Jeanne, qui serait certain de l'avoir dans six jours, on attendrait bien ; mais je ne sais si c'est vrai ce que vous dites ». Et elle affirma de nouveau qu'elle n'en faisait aucun doute. Le roi et son conseil s'arrêtèrent à l'opinion de Jeanne, et il fut conclu qu'on demeurerait là.
  Sur l'heure Jeanne monta sur un coursier, un bâton à la main; et elle mit en besogne chevaliers, écuyers, archers, manouvriers et gens de tous états, afin d'apporter des fagots, portes, tables, fenêtres et chevrons, pour faire des taudis et des machines d'approche contre la ville, pour asseoir une petite bombarde et autres canons qui étaient dans l'armée. Elle faisait des diligences merveilleuses, aussi bien qu'eût su les faire un capitaine qui eût été en guerre tout le temps de sa vie ; ce dont plusieurs s'émerveillaient.
  Les gens de la ville surent et aperçurent les préparatifs qu'on était en train de faire ; et, sur ce, se mirent à considérer que Charles était leur souverain seigneur ; quelques gens simples disaient qu'ils avaient vu autour de l'étendard de la Pucelle une infinité de papillons blancs. Comme soudainement mus d'une bonne volonté inspirée de Dieu, connaissant aussi les choses merveilleuses, faites par ladite Pucelle pour faire lever le siège d'Orléans, ils délibérèrent de parlementer avec le roi et de savoir quel traité ils pourraient en avoir. Ce fut l'avis des gens de guerre, même ennemis du roi, qui étaient dans la ville.
  De fait, l'évêque, les bourgeois et bon nombre de gens de guerre vinrent vers le roi, et finalement l'on conclut composition et traité, à savoir que les gens de guerre s'en iraient avec corps et biens, et que les habitants demeureraient sous l'obéissance du roi, et le mettraient en possession de la ville ; qu'il y aurait amnistie générale, et que, pour ce qui est des gens d'Église, il approuverait les régales et collations de bénéfices provenant du roi son père ; quant à celles qui venaient du roi d'Angleterre, ils en prendraient de nouvelles lettres du roi, et qu'ils garderaient leurs bénéfices, quelque collation qui en eût été faite déjà à d'autres.

  Ceux de la ville firent grande fête et grande joie, et ceux de l'armée eurent des vivres à leur plaisir. Le matin du lendemain, presque toute la garnison, Anglais et Bourguignons, partirent, se dirigeant là où ils voulurent aller. Comme ils maintenaient que, d'après le traité, ils pouvaient emmener leurs prisonniers, de fait ils les emmenaient ; mais Jeanne se tint à la porte en disant qu'en nom Dieu ils ne les emmèneraient pas, et de fait elle les garda. Le roi contenta les Anglais et les Bourguignons en payant les rançons auxquelles les prisonniers avaient été mis.
  Le roi entra ensuite dans la ville sur les neuf heures du matin ; mais Jeanne y était entrée avant lui, et avait ordonné des gens de trait le long des rues. Avec le roi entrèrent à cheval les seigneurs et les capitaines bien équipés, bien montés, et il faisait très beau les voir. Le roi mit en la ville capitaines et officiers, après avoir ordonné au seigneur de Loré de rester aux champs avec les gens d'armes de l'armée. Le lendemain tous passèrent par ladite cité en belle ordonnance ; ce dont les habitants étaient bien joyeux, et ils firent serment au roi d'être bons et loyaux, et tels ils se sont toujours montrés depuis.


               
               
                   

Source : édition Vallet de Viriville - 1859

Illustrations :
- Vue générale de la ville de Troyes (Bibl.nle) - "La grande histoire illustrée de Jeanne d'Arc" par Henri Debout - 4° éd.1922.
- Église St Urbain à Troyes - ibid.
- Intérieur de la cathédrale de Troyes - ibid.

Notes :
1 On voit bien par cette narration que malgré le miracle d'Orléans, le crédit accordé à Jeanne est encore bien faible. Les réunions stratégiques se font sans elle et elle ne parvient à s'imposer que bien difficilement au milieu de cette lâcheté ambiante.
On peut dire que ce triste roi Charles VII n'a été que le témoin passif des miracles de son règne et couronné presque malgré lui !
Regnault de Chartres montre déjà la petitesse de son esprit et de ses vues. Comparé à un Jean Gerson, à un Jacques Gélu et même à Robert Le Maçon, il fait bien pâle figure. Il démontrera encore la petitesse de sa politique après le sacre de Reims. (ndlr)

2 Jean Laiguisé.




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