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La chronique de Morosini
Lettre 18 - index
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ouvelles de France venues par Bruges, en date de 22 mars 1430, d'après plusieurs lettres reçues par des Vénitiens et des Florentins, apportées par la malle qui est arrivée à Borromeo de Florence, et aussi d'après plusieurs lettres du noble sire Pancrace Justiniani, fils de Messire Marco Orsato. Elles s'accordent, et voici ce qu'elles disent en substance. Elles ont été reçues en la fête de Pâques, 16 avril.
Ce qu'elles disent avant tout, c'est que le roi de France a fait une course jusqu'aux portes de Paris, toujours accompagné de la demoiselle. Il avait envoyé devant lui soixante cavaliers, et en avait placé cinq cents en embuscade. Le bâtard de Saint-Pol, et trois autres capitaines avec deux mille cavaliers, quelques-uns disent cinq mille, sortirent contre eux. Les soixante cavaliers reculèrent tout en escarmouchant et amenèrent les assaillants par delà l'embuscade. Ceux qui y étaient cachés leur tombèrent sur le dos, et les prirent tous sans qu'il s'en échappât un seul. Cela a été, dit-on, un coup cruel pour le duc de Bourgogne. On dit encore qu'on a découvert à Paris une conjuration dans laquelle quatre mille hommes au moins étaient impliqués. On a pris un Frère mineur qui en était l'âme. On dit de plus que La Hire, qui était ou est capitaine du Dauphin, a passé la rivière avec bien six mille cavaliers. Les choses s'échauffent en réalité.
Nous avons appris encore par les mêmes lettres comment Jean de Luxembourg, se disposant à s'établir devant Compiègne pour assaillir la ville,
mille cavaliers qui se trouvaient dans les murs de la ville, sortirent par une porte opposée, prirent par derrière ses hommes d'armes, les tuèrent ou les firent prisonniers, et s'emparèrent de son attirail de guerre et de l'artillerie. On raconte encore que le comte d'Andonto (?) a pris en Champagne un château où se trouvait un capitaine qui faisait grands ravages dans le pays, et comment il a fait lever le siège de Tonis (?) avec de grands pertes pour les Anglais. Vous voyez quelles grandes choses se sont passées en peu de jours. Cela met le roi de France en voie de s'emparer de tout le royaume, si l'accord règne [parmi les siens].
XVIII (pages 1078-1079, f° 520). (1)
Corando lo dito milieximo de sovra [MCCCCXXX].
Nuove de Franza abude da Broza in MCCCCXXX, de dy xxij de marzo, per molte
letere rezevude per Fiorentini e Veniciani, per la scarsela vegnuda al Bonromeo da
Fiorenza, e sy per letera del nobel omo ser Prangati Zustignan de miser Marcho
l'Orsato, acordandose sovra uno tenor : in sustancia dixe in questa forma, rezevude
in le feste de Pasqua a xvij avril; e prima se sente del re corse fina su le porte de
Paris, siando con la donzela con quelo, e manda LX cavay e lasase in arguaito cavali
vc; e insy loro incontra el bastardo de Sen Polo e tre altry capetani, e chi dixe con
ijM. cavay e chi con VM, e queli LX, scharamusando, sy son torna de driedo e conduseli
fina pasado l'arguato, e può queli inboschady i denole ale spale e prexeli tuti, che non
d'è scanpa uno, e dixe eser stada mala bota a questo signor ducha de Borgogna, e
anchora se dixe a Paris è deschoverto uno tratado, de che iera in tratado bem iiijM.
e prexo uno frar menor che li menava, e anchor se diga che l'iera capetanio del dolfin,
o sia, e xe pasado la riviera con bem vjM. cavay, e le cose se schalda da divero.
Può d'è che, sendo miser Zovane de Lucinborgo per meter canpo a Conpigno, in voler dar l'arsalto ala tera, da chavay mile che l'iera dentro insise per altra porta al contratrio e può i torna ale spale, e dixese averne raorti e prexi ase, e tolto a queli quaxi
tuto el chariazo chortiglere; e si dixe del conte d'Andonto à prexo uno castelo in
Canpagna, dove iera uno capetanio che faxeva gran dano al paixe, e tuti aver mesi al fil dele spade, e si dixe aver levado l'asiedo da Tonis, con cadanno [?] d'ingelexi, si che vedè quante cose da puochi di, e sono ati queli del re a dominar tuto, se sono d'acordo...
Source
: Présentation, traduction et texte original de J.B.J. Ayroles : " La vraie Jeanne d'Arc" - tome III "La libératrice", p.567.
Remarques d'Ayroles sur cette lettre :
[Pour être tirées de plusieurs lettres, ces nouvelles, sauf la conjuration de Paris, dont le chef était un Carme et non pas un Franciscain, n'en sont pas plus vraies. Ni le roi, ni la Pucelle n'avaient fait de nouvelles tentatives contre Paris ; il y eut d'heureux coups de main, et des razzias de la part des Armagnacs du voisinage. Le bâtard de Saint-Pol y fut pris.
Je cherche inutilement ce qui a pu donner lieu à ce qui est raconté ici de Jean de Luxembourg devant Compiègne.]
Notes :
1 Le premier chiffre indique la pagination de la copie de Venise, le second les folios de l'original de Vienne.
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