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Chronique de Perceval de Cagny -
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14 - Comment le Roy vint à Compiengne quand il ot lessé le duc de Bethfort. |
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vant ce que le roy partist dudit lieu de Crespi , furent ordonnez
le conte de Vendosme , les mareschaulx de Boussac et de Rais et autres capitaines en leur compaignie, furent
ordonnez par le roy à aler devant la cité de Senlis.
Eulx venuz devant la place, ceulx de dedens considérans la
grant conqueste que le roy avoit faicte en pou de temps par l'aide
de Dieu et le moien de la Pucelle et que ilz avoient veu la puissance
au duc de Bethfort, qui près leur place n'avoit osé
combatre le roy et sa compaignie et se estoient recullez à
Paris et ailleurs aux autres places, ilz se rendirent au roy et
à la Pucelle. Le conte de Vendosme demoura gouverneur et
garde de la place et y acquist honneur et chevance.
Quant le roy se trouva audit lieu de Compiengne, la
Pucelle fut moult marrie du séjour que il ly voulloit faire
; et sembloit à sa manière que il fust content à
icelle heure de la grâce que Dieu lui avoit faicte, sans autre
chose entreprendre. Elle apela le duc d'Alençon et luy dist
: "Mon beau duc, faictes apareiller voz gens et des autres
capitaines. Et dist : "Par mon martin, je vueil aler veoir
Paris de plus près que ne l'ay veu (1)."
Et le mardi XXIII° jour dudit mois d'aoust, la Pucelle
et le duc d'Alençon partirent dudit lieu de Compiengne de
devers le roy à tout belle compaignie de gens. Et vindrent
recouvrer, en faisant leur chemin, partie des gens qui avoient esté
au recouvrement de la ditte cité de Senlis. Et le vendredi
ensuivant XXVI°, jour dudit mois, furent la Pucelle, le duc
d'Alençon et leur compaignie logiez en la ville de Saint
Denis. Et quant le roy sceut que ilz estoient ainssi logiez en la
ville de Saint Denis, il vint à grant regret jusquez en la
ville de Senliz ; et sembloit que il fust conseillé au contraire
du voulloir de la Pucelle, du duc d'Alencon et de ceulx de leur
compaignie.
Avant que le roi partit de Crépy, il disposa que le comte de Vendôme, les
maréchaux de Boussac et de Rais et d'autres capitaines en leur compagnie iraient devant la cité de Senlis. Après leur arrivée devant la place,
ceux du dedans considérèrent les grandes conquêtes que le roi avait
faites en peu de temps par l'aide de Dieu et le moyen de la Pucelle, et
qu'ils avaient vu le duc de Bedford avec toutes ses forces, qui près de
leur ville, n'avait pas osé combattre le roi et ses fidèles, mais
que chefs et soldats s'étaient reculés à Paris et ailleurs aux autres
places; et ils se rendirent au roi et à la Pucelle. Le comte de Vendôme
demeura gouverneur et gardien de la place, et il y acquit honneur et
chevanche.
Quand le roi se trouva audit lieu de Compiègne, la Pucelle fut très
marrie du séjour qu'il y voulait faire. Il semblait à sa manière qu'à
cette heure il fût content de la grâce que Dieu lui avait faite, sans vouloir
autre chose entreprendre. La Pucelle appela le duc d'Alençon et lui dit : « Mon beau duc, faites apprêter vos gens et ceux des autres capitaines, et
elle ajouta : par mon Martin, je veux aller voir Paris de plus près que je ne
l'ai vu. »
Le mardi XXIIIe jour d'août, la Pucelle et le duc d'Alençon partirent
de Compiègne d'auprès du roi avec une belle compagnie de gens. En
faisant leur chemin, ils vinrent recueillir une partie de ceux qui avaient été au recouvrement de Senlis, et le vendredi suivant XXVIe jour du
même mois, la Pucelle, le duc d'Alençon et leur compagnie étaient logés
en la ville de Saint-Denis. Quand le roi sut qu'ils étaient ainsi logés à
Saint-Denis, il vint à son grand regret en la ville de Senlis. Il semblait
qu'il fût conseillé dans le sens contraire au vouloir de la Pucelle, du duc
d'Alençon, et de ceux de leur compagnie.
Sources
: Jules Quicherat - "Bibliothèque
de l'école des Chartes, t.II, 2° série, p.143
- 1845-46" et "Procès de condamnation et de réhabilitation
de la Pucelle" t.IV, p.1 à 37.
Illustrations :
- Vue du chateau de Senlis et de l'ancienne enceinte gallo-romaine
("La grande histoire illustrée de Jeanne d'Arc"
- H.Debout - 4° éd.1922).
Notes :
1 Elle avait pu le voir ou du moins distinguer Montmartre des
hauteurs de Dammartin.
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