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Chronique de Perceval de Cagny - index
15 - Comment le duc de Bethford habandonna Paris. |
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uant le duc de Bethford vit que la cité de Senliz estoit
françoise, il lessa Paris ou gouvernement des bourgois, du
sire de l'Ille Adam et des Bourgoignons de sa compaignie, et n'y
demoura gaires d'Englois. Il s'en ala à Rouan moult marri
et en grant doubte que la Pucelle remist le roy en sa seigneurie.
Depuis qu'elle fut arrivée audit lieu de Saint Denys, par
chacun jour deux ou trois foiz noz gens estoient à l'escharmouche
aux portes de Paris, une foiz en ung lieu et puis en l'autre ; et
aucunes foiz au moulin à vent (1)
devers
la porte Saint Denys et la Chapelle. Et ne passoit jour que la Pucelle
ne veist faire les escharmouches ; et moult voulentiers avisoit
la situacion de la ville de Paris, et avecques ce, lequel endroit
luy sembleroit plus convenable à donner ung assault. Le duc
d'Alençon estoit le plus souvent avecques elle. Mais pour
ce que le roy n'estoit venu audit lieu de Saint Denys pour message
que la Pucelle ne le duc d'Alençon lui eussent envoyé,
ledit d'Alençon ala devers lui le premier jour de septembre
ensuivant. Et lui fut dit que, le II° jour dudit mois, le roy
partiroit. Et ledit d'Alençon revint à la compaignie, et pour ce que le roy ne venoit point,
le duc d'Alençon retourna devers lui, le lundi V° jour
ensuivant, et fist tant que le roy se mist à chemin et le
mecredi fut à disner audit lieu de Saint Denys ; de quoy
la Pucelle et toute la compaignie furent moult resjouis. Et n'y
avoit celui de quelque estat qu'il fust qui ne deist : "Elle
metra le roy dedens Paris, se à lui ne tient."
Quand le duc de Bedford
vit que la cité de Senlis était française, il laissa Paris au gouvernement
des bourgeois, du sire de l'Isle-Adam et des Bourguignons de sa compagnie,
et n'y laissa guère d'Anglais. Il s'en alla à Rouen très marri, et en
grande crainte que la Pucelle ne remît le roi en sa seigneurie.
Depuis que la Pucelle fut arrivée à Saint-Denis, deux ou trois fois par
jour, nos gens étaient à l'escarmouche aux portes de Paris, tantôt en
un lieu, tantôt à un autre, parfois au moulin à vent entre la
porte Saint-Denis et La Chapelle. Il ne se passait pas de jour que la
Pucelle ne vînt faire les escarmouches; elle se plaisait beaucoup à
considérer la situation de la ville, et par quel endroit il lui semblerait
plus convenable de donner un assaut. Le duc d'Alençon était le plus
souvent avec elle. Mais parce que le roi n'était pas venu à Saint-Denis,
quelque message que la Pucelle et le duc d'Alençon lui eussent envoyé,
ledit duc d'Alençon alla vers lui le premier jour de septembre. Il lui fut dit que le roi partirait le 2, et le duc revint à sa compagnie, et parce que
le roi ne venait pas, le duc d'Alençon retourna vers lui le lundi suivant,
Ve du mois. Il fit tant que le roi se mit en chemin, et le mercredi il fut à dîner à Saint-Denis ; ce dont la Pucelle et toute la compagnie furent
très réjouis. Et il n'y avait personne, de quelque état qu'il fût, qui ne
dît : « Elle mettra le roi dans Paris, si à lui ne tient ».
Sources
: Jules Quicherat - "Bibliothèque
de l'école des Chartes, t.II, 2° série, p.143
- 1845-46" et "Procès de condamnation et de réhabilitation
de la Pucelle" t.IV, p.1 à 37.
Illustrations :
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Notes :
1 Ce moulin est représenté dans une miniature du
xv° siècle dont Montfaucon a donné la gravure
(Monuments de la Monarchie Française, t.III, p40).
Au lieu devers qui suit, mieux vaudrait d'entre.
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