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Chronique de Perceval de Cagny - index
19 - Comme le Roy partit de Saint Denys |
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e duc d'Alençon qui avoit esté à compaignie
avecques la Pucelle et tousjours l'avoit conduite en faisant le
chemin du couronnement du roy à la cité de Rains et
dudit lieu en venant devant Paris : quant le roy fut venu audit
lieu de Gien, ledit d'Alençon s'en ala devers sa femme et
en sa vicomté de Beaumont ; et les autres capitaines chacun
en sa frontière, et la Pucelle demoura devers le roy, moult
ennuyée du département et par especial du duc d'Alençon
que elle amoit très fort, et faisoit pour lui ce que elle n'eust fait pour ung autre.
Poy de temps dprès, ledit d'Alençon assembla gens
pour entrer ou païs de Normendie, vers les marches de Bretaigne
et du Maine, et pour ce faire requist et fist requerre le roy que
il lui pleust lui bailler la Pucelle, et que par le moien d'elle
plusieurs se metroient en sa compaignie qui ne se bougeroient se
elle ne faisoit le chemin. Messire Regnault de Chartres, le seigneur
de la Trémoille, le sire de Gaucourt, qui lors gouvernaient
le corps du roy et le fait de sa guerre, ne vouldrent oncques consentir,
ne faire, ne souffrir que la Pucelle et le duc d'Alençon
fussent ensemble ; ne depuis ne la poeult recouvrer.
Le duc d'Alençon avait
toujours été en la compagnie de la Pucelle : c'était lui qui l'avait toujours
conduite sur le chemin du couronnement du roi à Reims, et de Reims jusqu'à Paris. Quand le roi fut arrivé à Gien, ledit d'Alençon s'en alla
vers sa femme en sa vicomté de Beaumont, et les autres capitaines chacun
en sa frontière ; la Pucelle resta près du roi, très ennuyée de pareil départ, et surtout de celui du duc d'Alençon qu'elle aimait très fort,
faisant pour lui ce qu'elle n'eût pas fait pour un autre.
Peu de temps après, ledit d'Alençon assembla des gens pour entrer
au pays de Normandie, vers les marches de Bretagne et du Maine.
A cette fin il requit et fit requérir le roi pour qu'il lui plût de lui envoyer
la Pucelle, et que, par son moyen, plusieurs se mettraient en sa compagnie
qui ne bougeraient pas, si elle ne se mettait pas elle-même en
campagne. Messire Regnault de Chartres, le seigneur de La Trémoille,
le sire de Gaucourt, qui gouvernaient alors la personne du roi et le fait
de sa guerre, ne voulurent jamais y consentir; ils ne voulurent ni faire,
ni consentir que la Pucelle et le duc d'Alençon fussent ensemble ; et il ne
put depuis la recouvrer.
Sources : Jules Quicherat - "Bibliothèque
de l'école des Chartes, t.II, 2° série, p.143
- 1845-46" et "Procès de condamnation et de réhabilitation
de la Pucelle" t.IV, p.1 à 37.
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