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Jeanne
d'Arc par Henri Wallon - 5° éd. 1879
Appendice II-30 : Révélations de Jeanne d'Arc |
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Nous renvoyons pour ces révélations à l'histoire. Lebrun des Charmettes, t. III, p. 422, et Goerres, ch. XXX, ont particulièrement signalé comme une preuve de la réalité extérieure, ou, si l'on veut, objective de ses voix, cette prédiction touchant sa délivrance qu'elle fît connaître à ses juges : prédiction qui s'appliquait à sa mort, dans le sens de ses voix, et qu'elle entendait, elle, de sa sortie de prison. A propos de sa délivrance, de quelque façon qu'on l'entende, M. Henri Martin a signalé, comme ne s'étant pas accomplie, cette parole : qu'il fallait qu'elle vît auparavant le roi des Anglais, t. I, p. 163. Jeanne, quand elle eut cette révélation, était aux mains des Bourguignons, craignant de tomber entre celle des Anglais. Il est difficile de voir dans cette parole autre chose que l'annonce qu'elle leur serait livrée. Rien n'empêche d'ailleurs de la prendre à la lettre. Jeanne fut à Rouen depuis le mois de décembre 1430 jusqu'à sa mort (30 mai 1431), et le roi d'Angleterre y était arrivé le 29 juillet 1430 (P. Cochon, Chron. norm., ch. LVI), pour n'en repartir que vers la fin de l'année suivante (1431). C'est même parce qu'il était à Rouen avec ses principaux conseillers qu'on y mena Jeanne, et non point à Paris, à ce que croit Manchon (t. III, p. 136, 137). Il eut donc tout loisir de voir Jeanne d'Arc ; et il n'est pas supposable qu'on n'ait point procuré cette distraction à l'enfant royal pendant ce long séjour.
M. le Dr Brière de Boismont, après avoir réfuté M. Lélut, qui voit dans toute vision un signe irrécusable de folie, a cru rendre plus de justice à Jeanne d'Arc en distinguant deux sortes d'hallucinations, l'hallucination pathologique et l'hallucination physiologique, et en la rangeant parmi les hallucinés de cette seconde classe. Il admet ses visions et ses voix comme faits physiologiques, n'ayant d'ailleurs
d'autre réalité que l'impression qu'en éprouvaient chez elle les sens de l'ouïe et de la vue : et c'est le propre de l'hallucination. Il admet même ses prédictions, qu'il rapporte « à une sorte d'impressionnabilité sensitive, à un rayonnement de la force nerveuse, dont les lois, ajoute-t-il, ne sont pas encore connues. » On avouera que jusque-là l'explication n'éclaircira rien : et les faits divers que l'auteur cite à l'appui, s'ils étaient dûment constatés, ne seraient guère de nature à détruire la croyance au merveilleux. Voyez sa brochure de l'Hallucination historique. Baillière, 1861. On trouvera, dans son exposé des faits (p. 15-24), des pages entières, sans guillemets ni aucune marque d'emprunt, littéralement conformes à celles qu'on aura lues dans le présent ouvrage. Je tiens à dire qu'on les trouvera aussi dans la lre édition de mon histoire, de peur qu'on ne m'accuse de les avoir prises à M. Brière de Boismont.
Source
: Jeanne d'Arc - Henri Wallon - 5° éd. 1879.
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