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22 novembre 2024  

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Procès de condamnation - la cause de relaps
Délibération - 29 mai 1431

tem, lendemain, savoir le mardi après la Trinité, 29° jour du
mois de mai, nous, juges susdits, fîmes assembler dans la chapelle de l'archevêché de Rouen les docteurs et les personnes érudites tant en théologie qu'en droit canon et civil, savoir : révérends pères en Christ, les seigneurs abbés de la Sainte-Trinité de Fécamp, de Saint-Ouen de Rouen et de Mortemer ; seigneurs et maîtres Pierre, prieur de Longueville-Giffard, Jean de Châtillon, Erard Emengart, Guillaume Erart, Guillaume Le Boucher, Jean de Nibat, Jean Le Fèvre, Jacques Guesdon, Pierre Maurice, docteurs en théologie sacrée, Jean Garin et Pasquier de Vaulx, docteurs en droit canon ; André Marguerie, Nicolas de Venderès, archidiacres en l'église de Rouen ; Guillaume Haiton, Nicolas Couppequesne, Guillaume de Baudribosc, Richard de Grouchet, Thomas de Courcelles, bacheliers en théologie sacrée ; Jean Pinchon, Jean Alespée, Denis Gastinel, Jean Maugier, Nicolas Caval, Nicolas Loiseleur, Guillaume Desjardins, chanoines de la cathédrale de Rouen, les uns maîtres, les autres licenciés en droit canon ou en droit civil et en médecine ; Jean Tiphaine, Guillaume de La Chambre, Guillaume de Livet, Geoffroy du Crotay, Jean Le Doulx, Jean Colombel, Aubert Morel, Pierre Carré, les uns licenciés en droit canon ou civil, les autres maîtres ou licenciés en médecine ; Martin Lavenu, frère Ysambart de La Pierre ; et maître Guillaume du Désert, chanoines de l'église de Rouen.

  En leur présence, nous, évêque susdit, avons exposé que depuis la dernière séance publique tenue au même lieu, la veille de la Pentecôte, nous avions fait admonester ladite Jeanne, suivant leur conseil ; et certains points où elle était jugée en défaut et errante, suivant la délibération de l'Université de Paris, lui furent exposés ; et nous l'exhortâmes à vouloir bien les rejeter et revenir au chemin de la vérité. Comme elle n'y acquiesça en rien, et ne voulut dire rien de plus, et qu'aussi le promoteur affirmait qu'il n avait plus rien à dire ou proposer contre elle, nous avions prononcé la clôture de la cause et assigné les parties à comparaître, le jeudi suivant, pour entendre la sentence, ainsi qu'il est rapporté plus haut (1). En outre, nous avons rappelé ce qui fut fait ce jeudi-là, et comment ladite Jeanne, après la solennelle prédication et les admonitions qui lui furent faites, avait révoqué et abjuré ses erreurs, signé de sa main révocation et abjuration, comme il est rapporté plus à plein précédemment. Et ce jour de jeudi, après dîner, elle avait été admonestée charitablement par nous, et le vicaire du seigneur inquisiteur et nos assesseurs, de persister en bon propos et de se garder du cas de relaps. Alors aussi en obéissant aux préceptes de l'Église, Jeanne quitta l'habit d'homme et prit l'habit de femme, comme il est dit plus longuement ci-dessus. Mais, à la suggestion du Diable, de nouveau, devant plusieurs témoins, elle raconta que les voix et esprits qui avaient accoutumé de lui apparaitre étaient venus à elle, et lui avaient dit maintes choses. De plus cette Jeanne, laissant l'habit de femme, avait pris de nouveau l'habit d'homme. Or, quand ceci nous fut rapporté, nous,nous rendîmes vers elle et l'interrogeâmes, comme on l'a dit déjà.

   
  Alors en présence des dits seigneurs et maitres ci-dessus, nommés, réunis dans cette chapelle de l'archevêché, nous fîmes lire les dernières confessions et assertions de cette Jeanne, savoir celles qui furent dites en notre présence, hier, et qui sont transcrites ci-dessus ; et nous demandâmes aux assistants leurs conseils et délibérations. Ils opinèrent ainsi :
  Maître Nicolas de Venderès, licencié en droit canon, archidiacre d'Eu et chanoine de la cathédrale de Rouen, estime que Jeanne est et doit être réputée hérétique ; la sentence étant portée par nous, ses juges, Jeanne doit être abandonnée à la justice séculière, en la priant de vouloir bien agir envers elle doucement (2).
  Révérend père en Christ, monseigneur Gilles, abbé du monastère de la Sainte-Trinité de Fécamp, docteur en théologie sacrée, déclare que Jeanne est relapse. Cependant il est bon de lui relire la cédule dont on lui donna naguère lecture ; qu'on la lui explique en lui prêchant la parole de Dieu. Ceci fait, nous juges, n'aurons plus qu'à la déclarer hérétique et à l'abandonner à la justice séculière, en la priant d'agir avec douceur envers cette Jeanne.
  Maître Jean Pinchon, licencié en droit canon, archidiacre de Jouy, chanoine des églises de Paris et de Rouen, opine que cette Jeanne est relapse (3); quant à ce qui regarde la procédure ultérieure il s'en rapporte aux maîtres en théologie.
  Maître Guillaume Erart, docteur en théologie sacrée, sacriste et chanoine des églises de Langres et de Laon, délibére que cette femme est relapse ; et puisqu'elle est relapse, on doit l'abandonner à la justice séculière. Pour le reste, il opine comme monseigneur de Fécamp.
  Maître
Robert Ghillebert, docteur en théologie sacrée, doyen de la chapelle du roi notre sire, donne une opinion conforme à celle de Guillaume Erart.
  Révérend père en Christ monseigneur l'abbé du monastère de Saint-Ouen de Rouen délibère comme monseigneur l'abbé de Fécamp.
  Maître Jean de Châtillon, docteur en théologie et chanoine de l'église d'Evreux, opine conformément à la délibération monseigneur l'abbé de Fécamp.
  Maître Guillaume Le Boucher, docteur en théologie, déclare que ladite femme est relapse et qu'il faut la condamner comme hérétique. Pour le reste il adhère à la délibération de monseigneur de Fécamp.
  Révérend père messire Pierre, prieur du prieuré de Longueville-Giffard, docteur en théologie sacrée, déclare que si, l'époque de la Passion écoulée, cette femme confesse les points contenus en la cédule, il adhère à la délibération dudit seigneur abbé de la Sainte-Trinité de Fécamp.
  Maître Guillaume Haiton, bachelier en théologie sacrée, opine que, vu les articles lus, cette femme est relapse et doit être comdamnée comme hérétique. Et il adhère à la délibération de monseigneur de Fécamp.
  Maître André Marguerie, licencié en droit civil et bachelier en droit canon, archidiacre de Petit-Caux et chanoine de Rouen ; maître Jean Alespée, licencié en droit civil, chanoine de Rouen ; maître Jean Garin, docteur en décret, chanoine de l'église de Rouen délibèrent en conformité avec monseigneur de Fécamp, susnommé.
  Maître Denis Gastinel, licencié en l'un et l'autre droit, chanoine de Rouen, déclare que cette femme est relapse et hérétique, qu'il faut l'abandonner au bras séculier, et sans supplique (4).
  Maître Pasquier de Vaulx, docteur en décret, chanoine des Églises de Paris et de Rouen, opine conformément à la délibération de monseigneur de Fécamp, et sans supplique.
  Maître Pierre de Houdenc, docteur en théologie sacrée, délibère qu'à son sentiment, attendu les dérisions et les manières de cette femme, il lui semble que toujours cette femme fut hérétique, que de fait elle est relapse ; en conséquence elle doit être estimée hérétique et abandonnée aux mains de la justice séculière suivant la délibération de monseigneur de Fécamp.
  Maître Jean de Nibat, docteur en théologie sacrée, opine que cette femme est relapse et impénitente, et doit être censée hérétique. Et c'est dans la délibération de l'abbé de Fécamp, souvent nommé.
  Maître Jean Le Fèvre, docteur en théologie sacrée, déclare que cette femme est obstinée, contumace, désobéissante ; et pour le reste il adhére à la délibération de monseigneur l'abbé du Fécamp susnommé.
  Révé
rend père en Christ, monseigneur Guillaume, abbé de Mortemer, docteur en théologie sacrée, s'en tient à la délibération dudit monseigneur abbé de Fécamp.
  Maître Jacques Guesdon, docteur en théologie sacrée, opine conformément à la délibération dudit abbé de Fécamp.
  Maître Nicolas Couppequesne, bachelier en théologie sacrée, chanoine de la cathédrale de Rouen, adhère à la délibération de monseigneur l'abbé de Fécamp.
  Maître Guillaume du Désert, chanoine de l'église de Rouen, opine comme monseigneur l'abbé de Fécamp susnommé.
  Maître Pierre Maurice, docteur en théologie sacrée, chanoine de Rouen, délibère que cette femme doit être censée et jugée relapse ; et il adhère à la délibération dudit seigneur abbé de Fécamp.
  Maître Guillaume de Baudribosc, bachelier en théologie sacrée ; maître Nicolas Caval, licencié en droit civil ; maitre Nicolas Loiseleur, maître ès-arts ; maître Guillaume Desjardins, docteur en médecine, chanoine de l'église de Rouen, opinent comme le dit seigneur abbé de Fécamp.
  Maître Jean Tiphaine, docteur en médecine ; maître Guillaume de Livet, licencié en droit civil ; maître Geoffroy du Crotay, licencié en droit civil ; maître Pierre Carré, licencié en droit civil, opinent conformément à la délibération dudit seigneur abbé de Fécamp.
  Maître Jean Le Doulx, licencié en l'un et l'autre droit ; maître Jean Colombel, licencié en droit canon ; maître Aubert Morel, licencié en droit canon ; frère Martin Lavenu, de l'ordre des frères Précheurs ; maître Richard de Grouchet, bachelier en théologie ; maître Jean Pigache, bachelier en théologie ; maître Guillaume de La Chambre, licencié en médecine, délibèrent conformément audit seigneur abbé de Fécamp.
  Maître Thomas de Courcelles, bachelier en théologie, chanoine des églises de Thérouanne et de Laon ; frère Ysambard de la Pierre de l'ordre des frères Prêcheurs, opinent conformément à la délibération du si souvent nommé seigneur abbé de Fécamp. Ils ajoutent que cette femme devait être encore charitablement admonestée pour le salut de son âme, et qu'on lui dise qu'elle n'avait plus rien à espérer quant à la vie temporelle.
  Maître Jean Maugier, licencié en droit canon, chanoine de Rouen, opina comme le susdit seigneur abbé de Fécamp.
  Enfin, ouï les opinions de chacun, nous, juges susdits, les remerciâmes et conclûmes qu'il devra être procédé maintenant contre cette Jeanne en tant que relapse, comme de droit et raison (5).




                                                 


Sources : "Condamnation de Jeanne d'Arc" de Pierre Champion (1921), "Procès de Jeanne d'Arc" - E.O'Reilly (1868), "La minute française des interrogatoires de La Pucelle" - P.Doncoeur (1952)

Notes :
1 La minute précise : "A tout hasard, au cas où elle révoquerait ses erreurs, certaine sentence avait été rédigée et préparée. Le jeudi, un sermon solemnel lui fut adressé dans le cimetière de Saint-Ouen ; or ce sermon fini, elle fut admonestée d'avoir à obéir à l'Église. Comme elle refusait d'obéir, on commença à lire sa sentence de condamnation. mais avant la fin de cette lecture, elle demanda à parler, se soumit à l'Église et aux juges, suivant la forme de certaine cédule, signée de la main de ladite Jeanne. Et alors elle fut absoute, à cette condition qu'elle agissait de cœur contrit et de foi non feinte, et sous pénitence à elle enjointe" (minute)

2 L'abandon à la justice sécurlière comme hérétique signifie la mort sur le bûcher. Cependant certaines tortures étaient parfois appliquées au condamné avant sa crémation.

3 Une personne est relapse lorsqu'elle est tombée deux fois dans le même crime, dans l'erreur d'où elle était sortie (P.Champion)

4 Denis Gastinel aura été tout au long de ce procès un des personnages les plus durs envers Jeanne.

5 Cauchon ne pouvait évidemment pas relire et expliquer la cédule à Jeanne, comme le demandaient la quasi-totalité des assesseurs (conformément à la délibération de l'abbé de Fécamp) puisque l'on verra dans les dépositions du procès de réhabilitation que la cédule insérée au procès par Cauchon est un "faux en écriture".




Procès de condamnation en Français (1431)
- Index

Préliminaires :
- ouverture du procès
- séance du 9 janvier

- séance du 13 janvier
- séance du 23 janvier
- séance du 13 février
- séances des 14 au 16 fév.
- séance du 19 février
- séance du 20 février

Procès d'office :
séances publiques
- 1ère séance du 21 février
- séance du 22 février
- séance du 24 février
- séance du 27 février
- séance du 1er mars
- séance du 3 mars
- réunions du 4 au 9 mars
séances dans la prison
- séance du 10 mars
- séance du 12 mars
- séance du 13 mars
- séance du 14 mars
- séance du 15 mars
- séance du 17 mars
- réunion du 18 mars
- réunion du 22 mars
- séance du 24 mars
- séance du 25 mars

Procès ordinaire :
- réunion du 26 mars
- réquisitoire du 27 mars
- suite réquisitoire 28 mars
- séance du 31 mars
- réunion du 2 avril
- réunion du 5 avril - articles
- suite - délibération
- exhor. charit. du 18 avril
- admonition du 2 mai
- menace torture du 9 mai
- délibération du 12 mai
- délibération du 19 mai
- admonestation du 23 mai
- abjuration du 24 mai

La cause de relapse :
- constat relapse du 28 mai
- délibération du 29 mai
- citation du 30 mai

Actes postérieurs




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