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Procès
de condamnation
- procès ordinaire
Délibération
- 19 mai 1431 |
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tem, le samedi suivant, 19 mai, par devant nous, juges susdits réunis
dans la chapelle du palais archiépiscopal de Rouen, où
nous étions constitués en tribunal, comparurent vénérables
personnes, seigneurs et maîtres : Gilles, abbé de Fécamp,
Guillaume, abbé de Mortemer, docteurs en théologie
; Nicolas, abbé de Jumièges, Guillaume, abbé
de Cormeilles, docteurs en droit canon ; ainsi que l'abbé
de Préaux, le prieur de Saint-Laud, le prieur de
Longueville, Jean de Nibat, Jacques Guesdon, Jean Fouchier, Maurice
du Quesnay, Jean Le Fèvre, Guillaume Le Boucher, Pierre Houdenc,
Jean de Châtillon, Erard Emengart, Jean Beaupère, Pierre
Maurice, Nicolas Midi, docteurs en théologie ; Guillaume
Haiton, Nicolas Couppequesne, Thomas de Courcelles, Richard de Grouchet,
Pierre Minier, Raoul Le Sauvage, Jean Pigache, bacheliers en théologie
sacrée ; Raoul Roussel, docteur en l'un et l'autre droit
; Jean Garin, Pasquier de Vaulx, docteurs en droit canon ; Robert
Le Barbier, Denis Gastinel, licenciés en droit canon ; André
Marguerie, en droit civil ; Nicolas de Venderès, Jean Pinchon,
en droit canon ; Jean Alespée, Gilles Deschamps, Nicolas
Caval, en droit civil ; Jean Bruillot, licencié en droit
canon ; Nicolas Loiseleur, chanoine de l'Église Rouen ; Jean
Le Doulx, Guillaume de Livet, Pierre Carrel, Geoffroy du Crotay,
Richard des Saulx, Bureau de Cormeilles, Aubert Morel, Jean Duchemin,
Laurent du Busc, Raoul Anguy, Guérould Poustel, licenciés,
les uns en droit canon, les autres en droit civil.
En leur présence, nous, évêque,
leur exposâmes comment nous avions naguère reçu
les délibérations et opinions de notables docteurs
et maîtres, en quantité considérable, sur les
assertions et les aveux de ladite Jeanne ; et que sur ces délibérations,
nous aurions pu procéder plus avant pour juger la cause,
car elles paraissent bien suffire, à coup sûr. Toutefois,
pour rendre honneur et révérence à notre mère,
l'Université de Paris, et pour avoir une élucidation
plus ample et plus claire de la matière, pour la plus grande
paix de nos consciences et l'édification de tous, nous avions
jugé bon de transmettre lesdites asssertions à notre
mère, l'Université de Paris et plus particulièment
aux Facultés de Théologie et de Décret, en
demandant les avis des doctes et des maîtres de ladite Université,
particulièrement à ceux de ces deux Facultés.
L'Université, et particulièrement ces deux Facultés,
enflammées d'un zèle non médiocre pour la foi,
nous donnèrent en toute diligence, maturité et solennité,
leurs avis sur chacune de ces consultations ; et elles nous l'adressèrent
en forme d'acte public.
Les délibérations, contenues dans cet
acte, nous les fîmes lire alors, mot à mot, publiquement
et intelligiblement, et tous les dits docteurs et maîtres
susnommés les ouïrent. Ensuite lorsqu'ils eurent entendu
la lecture de ces délibérations de l'Université
et des Facultés, les dits maitres nous donnèrent et
expliquèrent leurs opinions, conformément à
celles des dites Facultés cela en plus des opinions qu'ils
avaient formulées jadis à ce sujet, aussi bien en
jugeant les dites assertions que sur le mode de procéder
que nous devions suivre par la suite.
Nous avons fait transcrire ici la teneur de ces délibérations
et aussi des lettres de l'Université :
Et premièrement s'ensuit la teneur des lettres de ladite
université adressée au roi notre Sire :
"A très excellent, très haut et
très puissant prince, le roi de France et d'Angleterre, notre
très redouté et souverain seigneur.
Très excellent prince, notre très redouté
et souverain seigneur et père, sur toutes choses, votre royale
excellence doit s'appliquer soigneusement à conserver l'honneur,
la révérence et la gloire de la divine Majesté
et de sa sainte foi catholique, entièrement, en faisant extirper
les erreurs, les fausses doctrines, et toutes autres offenses à
ce contraires. En ce continuant, votre
hautesse, en toutes ces affaires, trouvera effectivement aide, secours
et prospérité, par la grâce du Très-haut,
ainsi qu'un grand accroissement de sa haute renommée. Ayant
cela en considération, votre très noble magnificence,
par la grâce de Dieu, a commencé une bien bonne œuvre
touchant notre sainte foi : c'est à savoir le procès
judiciaire contre cette femme que l'on nomme la Pucelle, ses scandales,
fautes et offenses, qui se sont manifestés en tout ce royaume,
et dont nous vous avons écrit plusieurs fois la forme et
la manière. De ce procès nous avons su le contenu
et la forme par des lettres à nous baillées, par la
relation faite, au nom de votre excellence en notre assemblée
générale, par nos suppôts et très honorés
révérends maîtres Jean Beaupère, Jacques
de Touraine, Nicolas Midi, maîtres en théologie ; lesquels
nous ont donné et rapporté réponse sur les
autres points dont ils étaient chargés. En vérité
cette relation ouïe et bien considérée, il nous
a semblé, qu'au fait de cette femme, il avait été
observé grande gravité, sainte et juste manière
de procéder, ce dont chacun doit être bien content.
Et pour toutes ces choses, nous rendons très humblement grâce,
premièrement à la Majesté souveraine, et ensuite
à votre très haute noblesse, d'une humble et loyale
affection ; enfin à tous ceux qui, pour la Révérence
divine, ont donné leur peine, labeur et diligence en cette
matière, pour le bien de notre sainte foi. Mais au surplus,
notre très redouté et souverain seigneur, suivant
ce que par vos lettres et par ces révérends maîtres
il vous a plu de nous mander, enjoindre et requérir, après
plusieurs convocations, après avoir eu entre nous et tenu
sur ce, et par plusieurs fois, grande et mûre délibération,
nous renvoyons à votre excellence nos avis, conclusions et
délibérations, sur les points, assertions et articles
qui nous ont été baillés et exposés
; et nous sommes toujours prêts à nous employer entièrement
en telle manière qui touche directement notre dite foi :
ainsi le veut expressément notre profession, et dans tous
les temps, nous l'avons montré de tout notre pouvoir. S'il
restait quelque chose à dire ou à exposer sur cela
par nous, ces maîtres honorés et révérends,
qui à présent retournent devers votre hautesse, et
qui ont été présents à nos dites délibérations,
pourront plus amplement vous déclarer, exposer et dire, selon
notre intention, tout ce qu'il appartiendra. Plaise à votre
magnificence d'ajouter foi à tout ce qu'ils vous diront alors,
en notre nom, et les avoir en recommandation singulière ;
car, véritablement, ils ont fait de très grandes diligences
dans les matières dessus dites, par sainte et pure affection,
sans épargner leurs peines, leurs personnes et facultés,
sans avoir égard aux grands et menaçants périls
que l'on trouve particulièrement sur les chemins ;
et certes, par le moyen de leur grande sagesse, par leur prudence
ordonnée et discrète, cette matière a été
et sera, s'il plaît à Dieu, conduite jusqu'à
sa fin, sagement, saintement et raisonnablement. Enfin, nous supplions
humblement votre excellente hautesse que cette matière soit
menée à fin très diligemment, et au plus tôt
: car, en vérité, la longueur et les retards sont
très périlleux, et une notable et grande réparation
est bien nécessaire pour que le peuple, qui a été
si scandalisé par cette femme, soit ramené à
une doctrine et à une croyance bonne et sainte. Tout cela,
pour l'exaltation et l'intégrité de notre dite foi,
pour la louange de la Divinité éternelle, qui veuille,
par sa grâce, maintenir votre excellence en prospérité,
jusqu'à la gloire éternelle !
Ecrit à Paris, en notre assemblée solennelle,
tenue à Saint-Bernard (1), le 14°
jour du mois de mai, l'an 1431. Votre très humble fille :
L'Université de Paris. HÉBERT."
Item, s'ensuit la teneur des lettres que l'Université
de Paris adresse à nous, évêque :
"A révérend père et seigneur
en Christ, monseigneur l'évêque de Beauvais. Un zèle
immense de très insigne charité est prouvé
animer le labeur diligent de la vigilance pastorale, monseigneur
et très révérend-père, quand une très
solide rectitude ne cesse pas, dans sa ferme et très constante
industrie, de travailler en faveur de notre sainte foi, cela par
pieuse faveur pour le salut public. L'ardeur combative, virile et
fameuse, de votre très sincère ferveur donna surtout
sa mesure quand, grâce à votre probité très
vaillante et pleine de force, cette femme que l'on dénomme
vulgairement la Pucelle fut amenée entre les mains de votre
justice, par la grâce propice du Christ. Par son poison, très
largement épanché, le troupeau très chrétien
de presque tout le monde occidental semblait infecté : la
vigilante sollicitude de votre révérence, qui toujours
a cure d'exercer les œuvres d'un vrai pasteur, ne manqua pas
d'y faire publiquement obstacle. En notre assemblée générale,
de très fameux docteurs en théologie,
nos suppôts, maîtres Jean Beaupère, Jacques de
Touraine et Nicolas Midi, nous exposèrent, avec élégance,
les procédures commencées, leur forme et conduite,
contre les graves offenses de cette femme perfide, ainsi que certaines
propositions et articles, lettres du roi notre Sire et de votre
révérende paternité, créances et requêtes.
Après avoir ouï tout au long leurs discours, nous avons
pris la résolution d'adresser les plus grandes actions de
grâces à votre grandeur et révérence,
qui onques ne montra de paresse quand il s'agit de cette oeuvre
très célèbre de l'exaltation du nom divin,
de l'intégrité et de la gloire de la foi orthodoxe,
de la très salutaire édification du peuple croyant.
Nous avons approuvé ce procès célèbre,
sa forme, considérant qu'elle est d'accord avec les saints
canons, qu'elle émane des esprits les plus avertis. Toutes
les requêtes que lesdits docteurs nous présentèrent
de vive voix ou par écrit, nous les avons accordées,
par respect pour le roi notre sire et par notre dévouement,
si ancien, envers votre grandeur et révérence, désirant,
de toutes nos forces et de sincère affection, plaire à
votre révérende paternité. Cependant, sur la
matière principale, nous avons pris soin de tenir les consultations
et délibérations les plus nombreuses et les plus sérieuses
dans lesquelles, après que la matière fut agitée
bien des fois et discutée en toute liberté et vérité,
nous avons décidé de faire rédiger par écrit
ces délibérations et déterminations, prises
enfin par nous d'un consentement unanime : lesdits docteurs, nos
suppôts, qui retournent vers votre sérénité
et révérence, vous les montreront fidèlement.
lls prendront soin aussi de vous exposer certaines autres choses,
qu'il conviendrait d'expliquer plus longuement, ainsi que plus pleinement
le montreront les lettres que nous adressons audit Roi notre sire,
et dont une copie se trouve incluse dans ces présentes. Que
votre révérence ait en spéciale recommandation
ces docteurs éminents, qui n'épargnèrent pas
leurs peines ; qui, sans égard pour les périls et
labeurs, ne cessèrent de besogner à cette matière
de foi. Pour l'achèvement de cette œuvre très
fameuse, qui n'a pas été entreprise en vain, au zèle
inlassable de votre paternité nous prêterons notre
secours et notre persévérance, jusqu'à ce que,
comme la raison l'exige, la divine Majesté soit apaisée
par une réparation proportionnée à l'offense,
que la vérité de notre foi orthodoxe demeure sans
souillure, que cesse la démoralisation inique et scandaleuse
du peuple : alors, quand apparaîtra le Prince des pasteurs,
il daignera attribuer au zèle pastoral de votre révérence
une couronne de gloire éternelle !
Écrit à Paris, dans noire assemblée
générale, tenue solennellement à Saint-Bernard,
le 13 mai, l'an du seigneur 1431.
Le recteur et l'Université de Paris, tout vôtres
- Ainsi signé : HÉBERT."
Item s'ensuit la délibération de l'Université
de Paris :
Au nom du Seigneur, amen. Par la teneur de ce présent
acte public, soit connu et parent à tous que, l'an du Seigneur
1431, indiction 9, le 29° jour d'avril, le siège apostolique,
assure-t-on, étant vacant, notre mère l'Université
de Paris fut convoquée et réunie solennellement à
Saint-Bernard, au sujet de deux articles. Le premier et le principal
de ces articles était d'entendre la lecture des lettres et
de certaines propositions de la part de très chrétien
prince, le roi notre sire, de son conseil et de messeigneurs les
juges, touchant le procès en matière de foi de certaine
femme du nom de Jeanne, dite vulgairement la Pucelle, et
d'en délibérer ; et le second article était
ordinaire, touchant requêtes et ingravances.
Ces articles ont été exposés par
vénérable et prudente personne, maître Pierre
de Gouda (2), maître ès-arts,
recteur de l'Université et président de ladite assemblée.
Après ouverture et lecture desdites lettres, la créance
exposée par l'organe de l'un des ambassadeurs du roi, notre
sire, des membres de son conseil et des juges envoyés à
ladite Université, il a été donné lecture
des douze articles insérés ci-dessous.
Item, monseigneur le recteur découvrit, proposa
et déclara que la matière, contenue dans les articles
qu'on vient de mentionner, était grande, ardue, qu'elle concernait
la foi orthodoxe, la religion chrétienne, les saints canons.
Il a dit que la détermination et la qualification de ces
articles regardait et concernait surtout les vénérables
Facultés de Théologie et de Décret, suivant
leur spécialité ; et il a ajouté que ladite
Université ne pouvait délibérer et conclure
touchant le jugement de ces matière et articles, qu'en donnant
commission auxdites Facultés ; la détermination et
le jugement des Facultés serait alors soumis à l'Université,
ensemble ou séparément.
Après cet exposé, monseigneur le recteur
ouvrit la délibération sur toutes et chacune des choses
qui venaient d'être expliquées dans l'assemblée
générale de tous les maîtres et docteurs ici
présents. Ensuite chaque Faculté ou Nation (3)
sortit et se forma, à part, dans des lieux où elle
avait accoutumé de se réunir pour délibérer
sur les matières et besognes les plus ardues : chacune d'elles
tint session habituelle dans ces lieux. Après mûre
délibération des Facultés et des Nations, les
particulières délibérations de chacune d'elles,
suivant l'usage, furent publiées et rapportées en
commun. Enfin ladite Université, par l'organe du seigneur
recteur, en conformité avec la délibération
des Facultés et des Nations, conclut qu'elle confiait la
détermination à cette matière, ainsi que la
qualification desdits articles, aux Facultés de Théologie
et de Décret, et qu'elles seraient rapportées à
l'Université.
Item, l'an et indiction comme ci-dessus, le 14°
jour du mois de mai, le siège apostolique manquant, à
ce qu'on dit, de pasteur, ladite mère Université de
Paris fut réunie solennellement à Saint-Bernard au
sujet des deux articles. L'un d'eux, le principal, était
d'entendre la lecture des délibérations des vénérables
facultés de théologie et de Décret, en matière
de foi, suivant commission de ladite Université du 29 avril.
La matière de cet article étant abondamment et gravement
exposée par l'organe de monseigneur le recteur, ledit seigneur
requit les Facultés présentes à l'assemblée
de faire connaître et de rapporter leurs déterminations
en cette matière, leur jugement sur les articles, en présence
de l'Université.
Sur ces requêtes, la vénérable Faculté
de Théologie, par l'organe de maître Jean de Troies,
alors vice-doyen de cette Faculté, répondit que, fréquemment
et bien des fois, chacune desdites Facultés de Théologie
et de Décret, aussi bien en totalité qu'en commissions,
s'étaient réunies au sujet de cette affaire, pour
la juger comme pour qualifier les articles. Enfin chacune d'elles,
après mûre et longue délibération, avait
déterminé doctrinalement sur tout cela, suivant la
forme contenue mot à mot en certain cahier de papier que
ledit maître Jean tenait en ses mains. Publiquement, en présence
de l'Université, il l'exhiba, le fit lire à haute
et intelligible voix, avec les articles dont il a été
déjà question. La teneur de ces articles, jugements
et qualifications contenues audit cahier de papier suivent, mot
pour mot, et sont tels :
Suivent les articles sur les faits et dits de Jeanne nommée
vulgairement La Pucelle :
Et premièrement, cette femme dit et affirme qu'en
l'an treizième de son âge environ, etc... (4)
Suivent les délibérations et conclusions prises
par la sainte Faculté de théologie, en l'université
de Paris, en vue de qualifier les articles relatifs aux faits et
dits de Jeanne, vulgairement nommée La Pucelle, faits et
transcrits ci-dessous : tout ce qui a été délibéré
et conclu par ladite faculté en cette matière, tout
ce qui la concerne, elle le soumet à tout jugement de notre
saint père le pape et du sacro-saint concile général.
I
Et
premièrement, touchant l'article I, dit cette Faculté
par manière doctrinale, attendu la fin, le mode et la matière
des révélations, la qualité de la personne,
le lieu et les autres circonstances, que ces sont des mensonges
feints, séducteurs et pernicieux, ou que ces dites apparitions
et révélations sont superstitieuses, procédant
d'esprits malins et diaboliques, tels que Bélial, Satan et
Béhemmoth. (5)
II
Item, touchant l'article II, son contenu ne semble pas vrai, mais
bien plutôt un mensonge présomptueux, séducteur,
pernicieux, feint, attentatoire à la dignité des anges.
III
Item, touchant l'article III, il n'y a pas en lui signe suffisant,
et ladite femme croit légèrement et affirme avec témérité.
En outre dans la comparaison qu'elle a donnée, elle a une
croyance mauvaise et erre en la foi.
IV
Item, en ce qui concerne l'article IV, son contenu n'est que superstition,
divination, présomptueuse assertion et vaine jactance.
V
Item, relativement à l'article V, ladite femme est blasphématrice
envers Dieu, contemptrice de Notre Seigneur dans ses sacrements,
prévaricatrice de la loi divine et sacrée et des sanctions
ecclésiastiques, mal pensante et errante en la foi, affichant
une vaine jactance ; et elle doit être suspecte d'idolâtrie,
ainsi que d'exécration de soi-même (6)
et de ses vêtements ; elle a imité les mœurs des
paiens.
VI
Item, relativement à l'article VI, ladite femme est traîtresse,
rusée, cruelle, assoiffée de répandre le sang
humain, séditieuse, provoquant à la tyrannie, blasphématrice
de Dieu dans les mandements et les révélations qu'elle
lui prête.
VII
Item sur l'article VII, ladite femme est impie envers ses parents,
prévaricatrice du commandement d'honorer ses père
et mère, scandaleuse, blasphématrice envers Dieu ;
et elle erre en la foi, et a fait promesse et présomptueuse.
VIII
Item, dans l'article VIII, on relève une pusillanimité
tournant à désespérance, et implicitement au
suicide ; une assertion présomptueuse et téméraire
touchant la rémission d'une faute ; et ladite femme a un
sentiment condamnable relativement au libre arbitre de l'homme.
IX
Item, dans l'article IX, il y a une assertion présomptueuse
et téméraire, un mensonge pernicieux. Elle est en
contradiction avec elle-même, suivant l'article précédent,
et elle pense mal en matière de foi.
X
Item en l'article X, on trouve assertion présomptueuse et
téméraire, divination superstitieuse, blasphème
envers saintes Catherine et Marguerite, transgression du commandement
d'aimer son prochain.
XI
Item, relativement à l'article XI, cette femme, supposé
que les révélations et apparitions dont elle se vante
elle les ait eues suivant les circonstances déterminées
dans l'article I, est idolâtre, invocatrice de démons
; elle erre dans la foi, affirme témérairement et
a donné serment illicite.
XII
Item, en ce qui concerne l'article XII, ladite femme est schismatique,
mal pensante sur l'unité et l'autorité de l'Église,
apostate ; et, jusqu'à ce jour, opiniâtrement elle
erre en matière de foi.
S'ensuivent la délibération et le jugement doctrinal
de la vénérable Faculté de Décret en
l'Université de Paris sur les douze articles, transcrits
et annotés ci-dessus, concernant les faits et dits de Jeanne,
vulgairement nommée La Pucelle : ces délibérations
et jugement, la dite faculté les soumet à l'ordonnance
et jugement du souverain pontife, du saint siège apostolique
et du sacro-saint concile général.
Si cette femme, en santé d'esprit, s'est obstinée
à soutenir les propositions déclarées ci-dessus
dans les douze articles, et en a accompli les œuvres, après
diligent examen des propositions susdites, il semble à la
Faculté de Décret, par manière de conseil et
de doctrine, et pour charitablement parler:
1
Primo, que cette femme est schismatique (7),
puisque le schisme est une séparation illicite, faite par
inobédience, de l'unité de l'Église, et qu'elle
se sépare de l'obédience de l'Église militante,
comme elle l'a dit etc...
2
Item, que cette femme erre en la foi ; contredit l'article de la
foi contenu dans le petit symbole : unam sanctam Ecclesiam catholicam
comme le dit saint Jérôme, qui contredit cet article
prouve qu'il est non seulement ignorant, malveillant, non catholique,
mais encore hérétique.
3
Item, que cette femme est apostate, car la chevelure que Dieu lui
donna pour voile, elle la fit couper mal à propos, et aussi,
suivant le même dessein, elle abandonna l'habit de femme et
s'est habillée comme les hommes.
4
Item, que cette femme est menteuse et devineresse quand elle se
dit envoyée de Dieu, parlant aux anges et aux saintes, et
qu'elle ne se justifie pas par miracle ou témoignage spécial
de l'Écriture. Quand le seigneur voulut envoyer Moïse
en Egypte aux fils d'Israël, afin qu'ils crussent qu'il était
envoyé de par lui, il leur donna un signe : ainsi il changea
une verge en serpent et un serpent en verge. De même, quand
Jean-Baptiste Baptiste fit sa réforme, il apporta un témoignage
spécial de sa mission dans l'Écriture lorsqu'il dit
: "Je suis la voix de celui qui clame dans le désert
: préparez la voie du Seigneur. Ainsi l'avait prophétisé
Isaïe.
5
Item, que cette femme, par présomption de droit et en droit,
erre en la foi : car premièrement, quand elle est anathème,
par l'autorité du droit canon, elle demeure si longtemps
en cet état ; secondement, en déclarant qu'elle aime
mieux ne pas recevoir le corps du Christ, ne pas se confesser dans
le temps ordonné par l'Église, que de reprendre l'habit
de femme. En outre elle est véhémentement suspecte
d'hérésie et doit être diligemment examinée
sur les articles de la foi.
6
Item que cette femme erre encore lorsqu'elle dit qu'elle est aussi
certaine
d'être menée en paradis que si elle était déjà
dans la gloire des bienheureux, vu qu'en ce voyage terrestre nul
pèlerin ne sait s'il est digne de gloire ou de peine, ce
que le Juge suprême est seul à connaître.
En conséquence, si cette femme, charitablement
exhortée et dûment admonestée par un juge compétent,
ne veut pas revenir de bon gré à l'unité de
la foi catholique, abjurer publiquement son erreur, au bon plaisir
de ce juge, et donner convenable satisfaction, elle doit être
abandonnée à la discrétion du juge séculier
et recevoir la peine due à l'importance de son crime.
Après lecture de ces articles, déterminations
et qualifications, monseigneur le recteur demanda, publiquement
et à haute voix, aux vénérables facultés
de Théologie et de Décret si lesdites délibérations
et qualifications, qui venaient, comme on l'a dit, d'être
lues, et que contenait ledit cahier, avaient été ainsi
délibérées et arrêtées par lesdites
Facultés.
Là-dessus ces Facultés répondirent
séparément, la Faculté de Théologie
par l'organe de maître Jean de Troies, la Faculté de
Décret par celui de vénérable personne maître
Guérould Boissel, son doyen, que ces déterminations
et qualifications étaient exactement celles qui avaient été
et arrêtées par ces Facultés.
Ceci dit, monseigneur le recteur rappela et déclara
comment l'Université de Paris avait donné commission
aux Facultés de Théologie et de Décret de faire
les déterminations et qualifications concernant cette matière,
comme on l'a dit naguère ; que l'Université, ainsi
qu'il a été rapporté, s'était engagée
à réputer et à tenir pour bien faites, ratifiables
et agréables, ces déterminations et qualifications
émanant des dites Facultés de théologie et
de Décret.
Ceci exposé à peu
près sous cette forme, monseigneur le recteur mit en délibération
tous et chacun des points expliqués, dits et narrés
à l'assemblée générale de tous les maîtres
et docteurs qui s'y trouvaient. Ensuite chaque Faculté et
Nation à part quittèrent l'assemblée et se
formèrent au lieu où elles avaient coutume de délibérer
sur les causes et besognes les plus ardues, là où
elles se réunissaient habituellement pour délibérer
tant sur les points susdits que sur plusieurs autres difficiles
besognes concernant les choses universitaires ; là elles
tinrent, chacune au dit lieu, séance habituelle.
Après mûre et longue délibération
des Facultés et des Nations, chaque délibération,
suivant l'usage, étant publiée et répétée
en commun, enfin ladite Université, par l'organe dudit seigneur
recteur, suivant la délibération conforme des Facultés
et des Nations, conclut qu'elle tenait pour bien faites, ratifiées
et agréables, les déterminations et qualifications
desdites Facultés de Théologie et de Décret,
comme on l'a dit, et qu'elles réputait siennes.
En foi de quoi très circonspectes et vénérables
personnes maître Jean Beaupère, Jacques de Touraine
et Nicolas Midi, professeurs en théologie sacrée,
nous demandèrent que, sur tout cela, on délivrât
et baillât à chacun d'eux un ou plusieurs actes publics,
par nous, notaires souscrits.
Ceci fut fait à Paris, lieu, an, indiction, jour
et mois susdits, en présence de vénérables
et discrètes personnes, seigneurs et maîtres, savoir
pour les actes du 29 avril : Pierre de Dyerré, professeur
en théologie sacrée ; Guérould Boissel, docteur
en décret ; Henri Thiboust, maître ès-arts et
en médecine ; Jean Barrey, Gerolf de Holle, et Richard Abesseur,
maître ès arts ; Jean Vacheret, principal bedeau de
la vénérable Faculté de Théologie et
Boémond de Lutrea, principal bedeau de la vénérable
Nation.
A ce qui se dit et se fit le 14 mai, étaient présents
Jean Soquet, Jean Gravestain, professeurs en théologie ;
ledit Guérould Boissel ; Simon de La Mare, maître ès-arts
et en médecine ; André Pelé, Guillaume Estocart,
Jacques Nourisseur, Jean Trophard et Martin Berech, maître
ès-arts, ainsi qu'une foule de docteurs et maîtres
de chaque Faculté, les bedeaux Jean Vacheret et Boémond
de Lutrea, témoins à ce spécialement appelés
et requis.
Ainsi signé :
"Et je, Guillaume Bourrillet, dit François,
prêtre, maître ès-arts, licencié en décret
et bachelier en théologie, notaire public par autorité
pontificale et impériale, avec vénérable personne
maître Michel Hébert, clerc du diocèse de Rouen,
maitre ès-arts, notaire et scribe de la mère Université
de Paris par autorité pontificale, impériale, je déclare
avoir été présent à tout ce qui a été
dit dans les réunions de l'Université, exposé,
mis en délibération, délibéré
et conclu. En témoignage de quoi j'ai mis mon signet habituel
à ce présent procès-verbal, écrit de
la main d'un autre, et je l'ai signé de ma propre main, quand
j'en ai été requis et prié, en témoignage
de foi et de vérité." J. BOURRILLET.
"Et moi, Michel Hébert, clerc du diocèse
de Rouen, maître ès-arts, notaire et scribe de l'Université
de Paris par l'autorité pontificale et impériale,
qui ai assisté à tout ce qui a été dit,
exposé, mis en délibération dans l'Université,
comme il a été rapporté, avec vénérable
personne maître Jean Bourrillet, je certifie avoir vu et ouï
ces choses. C'est pourquoi j'ai mis mon signet habituel à
ce présent procès-verbal, écrit de ma propre
main, et signé ci-dessous en témoignage de foi et
de vérité, ainsi que j'en ai été requis
et prié". HÉBERT.
Délibération des docteurs et maîtres de Rouen
qui opinèrent conformément à l'Université
de Paris.
Ensuite maître Raoul Roussel, trésorier
et chanoine de la cathédrale de Rouen, et y résidant,
docteur en l'un et l'autre droit, opina disant que la cause avait
été notablement et solennellement débattue
; qu'il restait à conclure et à définir en
présence des parties. Si Jeanne ne rentre pas dans la voie
de la vérité et du salut, elle doit être considérée
comme hérétique. Il adhère à la délibération
de l'Université de Paris.
Maître Nicolas de Venderès, licencié
en droit canon, archidiacre, chanoine de l'église de Rouen,
opina comme maître Raoul Roussel ajoutant qu'un jour peut
suffire pour conclure, rendre la justice, et abandonner Jeanne à
la justice séculière.
Révérend père en Christ, monseigneur
Gilles, abbé de la Sainte-Trinité de Fécamp,
docteur en théologie sacrée, opina ainsi : à
jour fixé, il faut que le promoteur lui demande si elle ne
veut dire autre chose ; alors elle pourra être admonestée.
Ce fait, si elle ne veut pas se rétracter et rentrer dans
la voie de la vérité, elle doit être considérée
comme hérétique ; il faut rendre la sentence et l'abandonner
à la justice séculière.
Maître Jean de Châtillon, docteur en théologie
sacrée, archidiacre d'Évreux, déclara que ceux
qui n'ont pas délibéré pleinement sont tenus
d'opiner conformément à la délibération
de l'Université de Paris. Pour lui, il adhère à
la délibération universitaire. Sur le reste, il pense
comme monseigneur de Fécamp.
Révérend père en Christ, monseigneur
Guillaume, abbé de Cormeilles, docteur en décret,
opina comme l'Université de Paris.
Maître André Marguerie, licencié
en lois et bachelier en décret, archidiacre de Petit-Caux
et chanoine de l'église de Rouen, attendu les admonestations
faites à Jeanne, adhère à la délibération
de l'Université de Paris. Relativement à la procédure,
il dit que dans un seul jour on peut conclure et rendre la sentence.
Maître Erard Emengart, docteur en théologie
sacrée, opina que Jeanne devait être admonestée
à nouveau ; et ce fait, si elle ne rentre pas dans le chemin
de la vérité, il adhère à la délibération
de l'Université de Paris.
Maître Guillaume Le Boucher, docteur en
théologie sacrée, s'en tient à l'opinion qu'il
a donnée, avec d'autres docteurs, maîtres et bacheliers,
le 9 avril ; il ajoute que Jeanne devait être admonestée
de nouveau et qu'on devait lui faire connaître la délibération
de l'Université de Paris. Ce fait, si elle refuse d'obéir,
il faut procéder plus avant. Et il adhère à
la délibération de l'Université de Paris.
Monseigneur Pierre, prieur de Longueville-Giffard,
docteur en théologie sacrée, opina comme maître
Guillaume Le Boucher.
Maître Jean Pinchon, licencié en
droit canon, archidiacre de Jouy et chanoine de l'église
de Paris, adhère à l'opinion de maître Guillaume
Le Boucher.
Maître Pasquier de Vaulx, docteur en décret,
chanoine des églises de Paris et de Rouen, opina comme l'Université
de Paris.
Maître Jean Beaupère, docteur en théologie
sacrée, églises de Rouen et de Besançon, opina
comme l'Université de Paris ; sur la procédure ultérieure,
il s'en rapporte à nous, les juges.
Maître Denis Gastinel, licencié
en l'un et l'autre droit, chanoine de l'église de Rouen,
dit que, Jeanne étant admonestée, si elle n'obéit
pas, il adhère à la délibération de
l'Université de Paris.
Maître Nicolas Midi, docteur en théologie
sacrée, chanoine de l'église de Rouen, opina que,
le même jour, on pouvait conclure et rendre la sentence ;
pour le reste, il s'en tient à ce qu'il a délibéré,
avec les autres docteurs et bacheliers, le 9 avril passé.
Maître Maurice du Quesnay, docteur en théologie
sacrée, opina que Jeanne devait être admonestée
charitablement à nouveau ; si elle n'obéit pas, il
adhère à la délibération de l'Université
de Paris.
Maître Pierre de Houdenc, docteur en théologie
sacrée, délibéra que, pour le salut de son
âme et de son corps, Jeanne devait être charitablement
admonestée avant que messeigneurs les juges viennent à
conclure ; après ces monitions, si elle ne fait pas retour
à l'Église, elle est obstinée et hérétique.
Sur la manière de conclure, il s'en rapporte à nous,
les juges.
Maître Jean Le Fèvre, docteur en
théologie sacrée, persiste dans la déclaration
qu'il a naguère donnée, avec d'autres docteurs et
maîtres, le 9 avril, et il adhère à la délibération
de la Faculté de Théologie de Paris ; il ajoute que
ladite Jeanne devait être charitablement admonestée,
et que jour devait lui être assigné.
Religieuse personne frère Martin Lavenu
adhère à la délibération dudit maitre
Jean Le Fèvre.
Religieuse personne frère Thomas Amouret
opina comme le maître Jean Le Fèvre.
Vénérables et discrètes personnes
les avocats en la cour archiépiscopale de Rouen, dont les
uns sont licenciés en l'un et l'autre droit, les autres en
droit canon ou en droit civil, savoir maître Guillaume
de Livet, Pierre Carré, Guérould Poustel,
Geoffroy du Crotay, Richard des Saulx, Bureau de
Cormeilles, Jean Le Doulx, Aubert Morel, Jean
Duchemin, Laurent du Busc, Jean Colombel, Raoul
Anguy et Jean Le Tavernier, délibérèrent
que Jeanne, après qu'on l'aura admonestée de rentrer
dans la voie de la vérité et du salut, et de se soumettre
à l'Église, si elle ne voulait obéir, on procéderait
contre elle suivant la délibération de la Faculté
en Décret ; les treize avocats adhèrent en effet à
cette délibération.
Révérend père en Christ religieuse
personne, monseigneur Guillaume, abbé de Mortemer,
professeur en théologie que Jeanne devait être charitablement
admonestée de nouveau ; si elle ne veut obéir, on
procédera outre : et il adhère à la délibération
de la Faculté de Théologie de Paris.
Religieuse personne, maître Jacques Guesdon,
professeur en théologie sacrée, délibéra
en conformité avec monseigneur l'abbé de Mortemer.
Religieuse personne, maître Jean Fouchier,
docteur en théologie sacrée, délibéra
comme monseigneur l'abbé de Mortemer.
Maître Jean Maugier, licencié en
droit canon, chanoine de l'Église de Rouen, opina que Jeanne
devait être charitablement admonestée de nouveau ;
si elle ne veut pas obéir, on procédera outre.
Maître Nicolas Couppequesne, chanoine de
l'église de Rouen, bachelier en théologie, opina conformément
à l'Université de Paris.
Maître Raoul Le Sauvage, bachelier en théologie
sacrée, s'en tint à la délibération
qu'il nous donna naguère, suivant la teneur d'une cédule
signée de sa main. Il ajouta que Jeanne devait être
admonestée de nouveau, à part et en public, devant
le peuple. Si elle ne veut rentrer dans la voie de la vérité
et du salut, il s'en rapporte à nous, juges, sur ce qui restera
à faire.
Maître Pierre Minier, bachelier en théologie,
opina en conformité avec maître Raoul Le Sauvage.
Maître Jean Pigache, bachelier en théologie
sacrée opina conformément à la délibération
de l'Université.
Maître Richard de Grouchet, bachelier en
théologie sacrée, délibéra que Jeanne
devait être encore charitablement admonestée. Après
cette monition, si elle n'obéit pas à l'Église,
il faut la tenir pour hérétique.
Religieuse personne, frère Ysambard de La
Pierre, persiste dans la délibération qu'il nous
donna, avec d'autres, le 9 avril ; il ajoute que Jeanne devait être
charitablement admonestée et que, si elle ne veut pas obéir
à l'Église après cette monition, il s'en rapporte
à nous, les juges, sur le mode de procéder plus avant.
Maître Pierre Maurice, chanoine de l'église
de Rouen, docteur en théologie sacrée, persiste dans
la délibération qu'il nous donna avec d'autres docteurs,
le 9 avril. Il ajoute qu'à certain jour fixé, Jeanne
devrait être admonestée charitablement et qu'on lui
expliquerait la peine qu'elle encourrait si elle refusait d'obéir
et de se soumettre à l'Église. Au cas où elle
demeurerait sans obéir, il y aurait lieu de procéder
plus avant.
Maître Thomas de Courcelles, bachelier
en théologie sacrée, chanoine des églises de
Laon et de Thérouanne, persiste dans les déclarations
qu'il a faites, avec d'autres, le 9 avril. Sur les autres points,
il opine comme le dit Pierre Maurice, ajoutant que, si Jeanne refusait
d'obéir à l'Église après la monition,
on devait la tenir pour hérétique.
Maître
Nicolas Loiseleur, chanoine des églises de Chartres
et de Rouen, maître ès-arts, opina en conformité
avec maître Thomas de Courcelles, susnommé.
Maître Jean Alespée, licencié
en lois, chanoine de l'église de Rouen, délibéra
que ladite Jeanne devait être charitablement admonestée
à certain jour. Si elle persiste dans sa désobéissance,
la cause sera conclue et la sentence rendue.
Religieuse personne, maître Bertrand du Chesne,
docteur en décret, supérieur du doyenné de
Lihons-en-Santerre, ordre de Cluny, opina comme la Faculté
de Décret de l'Université de Paris.
Maître Guillaume Erart, docteur en théologie,
sacriste et chanoine de l'église de Langres, délibéra
comme le chapitre de la cathédrale de Rouen et l'Université
de Paris (8).
Sur quoi nous, juges susdits, remerciâmes les
révérends pères, seigneurs et maîtres
; puis nous déclarâmes que nous admonesterions encore
une fois, charitablement cette Jeanne de vouloir bien revenir à
la voie de la vérité, pour le salut de son âme
et de son corps, et qu'enfin, suivant leur bonne délibération
et salutaire conseil, nous procéderions pour le reste en
concluant dans la cause et en assignant jour pour rendre sentence.
Sources : "Condamnation de Jeanne d'Arc" de Pierre Champion (1921),
"Procès de Jeanne d'Arc" - E.O'Reilly (1868), "La
minute française des interrogatoires de La Pucelle"
- P.Doncoeur (1952)
Notes :
1 Couvent des Bernardins au Clos de St Nicolas du Chardonnet.
2 Pierre de Gouda, élu recteur de l'Université le
24 mars 1431, chanoine à Utrecht aux Pays-Bas,
3 Il y avait 4 facultés : Théologie, Décret,
Art (lettres) et Médecine.
Les nations (groupements d'écoliers) étaient 4 au
XV° siècle : France, Picardie, Normandie et Angleterre
(+ Allemagne et tous les continentaux).
4 Voir la teneur des 12
articles
5 Belial, le mauvais par excellence (en hébreu : l'inutile)
- Satan, l'ennemi (en hébreu : l'adversaire) - Béhemmoth,
la bête immense et extraordinaire décrite par Job (P.Champion)
6 Il faut entendre par là que Jeanne s'est laissée
adorer par le populaire (P.Champion)
7 L'hérétique soutient des dogmes
condamnés par l'Église tandis que le schismatique
se sépare des pasteurs légitimes et du corps de l'Église
(N.Eymeric dans Directorium Inquisitorum)
8 Comme beaucoup dans ce procès, l'Université de Paris est juge et partie. Les plus éminents des juges de La Pucelle (Beaupère,
de Courcelles, Loiseleur...) furent les plus actifs du concile de
Bâle où ils se sont montrés schismatiques.
(Le concile de Bâle, où les maîtres des universités
font le gros des assemblées, tente d'organiser l'Église
contre le pape, puis dépose Eugène IV le 25 février
1439 et élit à sa place le duc de Savoie Amédée
VIII, que peu de princes reconnaissent et qui doit finalement négocier
sa réconciliation avec Nicolas V, successeur d'Eugène
IV. Le concile, relativement déconsidéré par
ses excès, se sépare alors le 25 avril 1449.) (ndlr)
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