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Procès
de condamnation - procès d'office
Cinquième interrogatoire public
- 1er mars 1431 |
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tem
le jeudi, premier jour de mars, nous, évêque susdit,
nous rendîmes au lieu
accoutumé du château de Rouen ; ladite Jeanne comparut
devant nous en jugement, en présence des révérends
pères, seigneurs et maîtres, savoir Gilles, abbé
de la Sainte-Trinité de Fécamp ; Pierre, prieur de
Longueville-Giffard, Jean
de Chastillon, Érard Emengart, Jean Beaupère, Jacques
de Tomaine, Nicolas Midi, Denis de Sabrevois, Pierre Maurice, Gérard
Feuillet, Maurice du Quesnay, Guillaume Le Boucher, Pierre Houdenc,
Jean de Nibat, Jean Le Fèvre, Jacques Guesdon, docteurs en
théologie sacrée ; Nicolas de Jumièges, Guillaume
de Sainte-Catherine, Guillaume de Cormeilles, abbés ; Jean
Garin, docteurs en droit canon ; Raoul Roussel, docteur en l'un
et l'autre droit ; les abbés de Saint-Ouen et de Préaux,
et le prieur de Saint-Lô ; Guillaume Haiton, Nicolas Couppequesne,
Thomas de Courcelles, Guillaume de Baudribosc, Jean Pigache, Raoul
Le Sauvage, Richard de Grouchet, Pierre Minier, Jean Le Maistre,
Jean Le Vautier, bacheliers en théologie sacrée ;
Nicolas de Venderès, Jean Bruillot, Jean Pinchon, Jean Basset,
Jean de La Fontaine, Raoul Anguy, Jean Colombel, Richard des Saulx,
Aubert Morel, Jean Duchemin, Laurent Du Busc, Philippe Le Maréchal,
bacheliers en droit canon : Denis Gastinel, Jean Le Doulx, Robert
Le Barbier, bacheliers en l'un et l'autre droit ; André Marguerie,
Jean Alespée, Gilles Deschamps, Nicolas Caval, Geoffroy du
Crotay, Pierre Cavé, Nicolas Maulin, licenciés en
droit civil ; Robert Morellet et Nicolas Loiseleur, chanoines de
la cathédrale de Rouen.
*
* *
En leur présence nous avons sommé et requis
Jeanne de faire et de prêter le serment de dire la vérité
sur ce qu'on lui demanderait, purement et simplement. Répondit
qu'elle était prête à jurer de dire vérité
sur tout ce qu'elle saurait, touchant le procès, comme elle
l'a dit ailleurs. Item dit qu'elle sait bien des choses qui ne touchent
pas le procès, et il n'est besoin de les dire. Puis elle
dit :
- De tout ce que je saurai vraiment, qui touche le procès,
volontiers le dirai.
Item sommée à nouveau et requise, comme
devant, de faire le serment, répondit :
- Ce que je saurai répondre de vrai, je le dirai volontiers
concernant le procès.
Et ainsi jura, touchant les saints Evangiles. Puis elle
dit :
- De ce que je saurai, qui touche le procès, volontiers
dirai la vérité, et vous en dirai tout autant que
j'en dirais si j'étais devant le pape de Rome !
In quorum præsentia, ipsam
Johannam sommavimus et requisivimus quod faceret et præstaret
juramentum simpliciter et absolute de dicendo veritatem super his
quæ peterentur ab ea. Respondit quod parata erat jurare dicere
veritatem de omnibus quæ sciret tangentibus processum, prout
alias dixit. Item dixit quod multa scit quæ non tangunt processum,
et non est opus ea dicere. Postea iterum dixit :
- De omni illo de quo ego sciam veraciter quod tangit processum,
libenter dicam.
Item adhuc sommata et requisita, ut prius, de faciendo juramentum,
respondit :
- Illud quod ego sciam de vero respondere, libenter dicam quod
tangit processum.
Et sic juravit, sacrosanctis tactis Evangeliis. Postea dixit
:
- De hoc quod ego sciam quod tangit processum, libenrer dicam
veritatem ; et dicam tantum quantum dicerem si ego essem coram Papa
romano.
/(partie
manquante de la minute)
Interrogée sur ce qu'elle dit touchant notre
Saint Père le Pape, et lequel elle croit être le vrai
pape, répondit en demandant s'ils étaient deux.
Interrogée si elle n'eut pas lettres du comte
d'Armagnac (1) pour savoir auquel des
trois souverains pontifes il devait obéir, répondit
que ledit comte lui écrivit certaine lettre sur ce fait,
à laquelle elle donna réponse, entre autres, qu'elle
lui donnerait réponse quand elle serait à Paris, ou
ailleurs au repos. Et allait monter à cheval quand lui donna
réponse.
Nous fîmes alors lire en séance une copie
des lettres dudit comte et de ladite Jeanne ;
Interrogata quid dicit de domino
nostro Papa et de quo ipsa credit quod sit verus Papa, respondit
quærendo utrum essent duo.
Interrogata utrum habuerat litteras a comite Armiginiaci,
pro sciendo cui trium summorum pontificum deberet obedire, respondit
quod ipse comes scripsit ei quasdam litteras super isto facto, ad
quod dedit responsum, inter alia, quod, quando esset Parisius vel
alibi in quiete, ipsa daret responsum. Et volebat tunc ascendere
equum, quando dedit illi responsum.
Et quantum ad copiam litterarum dicti comitis et ipsius
Johannæ, quas tunc in judicio perlegi fecimus ;
"Ma très-chière
dame, je me recommande humblement à vous, et vous supplie
pour Dieu que, actendu la division qui en présent est en
sainte Eglise universal sur le fait des papes (car il i a trois
contendans du papat, l'un demeure à Romme, qui se fait appeller
Martin Quint, auquel tous les rois chrestiens obéissent ;
l'autre demeure à Paniscole, au royaume de Valence lequel
se fait appeller pape Clément VII° ; le tiers en ne seet
où il demeure, se non-seulement le cardinal Saint-Estienne,
et peu de gens avec lui ; lequel se fait nommer pape Benoist XIIII°
le premier, qui se dit pape Martin, fut eslu à Constance
par le consentement de toutes les nacions des chrestiens ; celui
qui se appeller Climent fu eslu à Paniscole, après
la mort de pape Benoist XIII°, par trois de ses cardinaulx ;
le tiers qui se nomme Benoist XIIII° à Paniscole fu eslu
secrètement, mesmes par le cardinal de Saint Estienne) ;
veulliez supplier à Nostre-Seigneur Jhésucrit que,
par sa miséricorde infinite, nous veulle par vous déclarier
qui est des trois dessusdiz, vray Pape, et auquel plaira que on
obéisse de ci en avant, ou à cellui qui se dit Martin
ou à cellui qui se dit Climent, ou à cellui qui se
dit Benoist ; et auquel nous devons croire, si secrètement
ou par aucune dissimulation, ou publique ou manifeste car nous serons
tous prestz de faire le vouloir et plaisir de Nostre-Seigneur Jhésucrit.
Le tout vostre, conte D'ARMIGNAC."
† JHÉSUS MARIA †
"Conte d'Armignac, mon très
chier et bon ami, Jehanne la Pucelle vous fait savoir que vostre
message est venu par devers moy, lequel m'a dit que l'aviés
envoié par-deçà pour savoir de moy auquel des
trois papes, que mandés par mémoire, vous devriés
croire. De laquelle vous ne puis bonnement faire savoir au vray
pour le présent jusques à ce que je soye à
Paris ou ailleurs, à requoy (1), car
je suis pour le présent trop empeschiée au fait de
la guerre : mais quant vous sarey que je seraz à Paris, envoiez
ung message pardevers moy, et je vous feray savoir tout au vray
auquel vous devrez croire, et que en aray sceu par le conseil de
mon droiturier et souverain seigneur, le Roy de tout le monde, et
que en aurez à faire, à tout mon povoir. A Dieu vous
commans ; Dieu soit garde de vous.
Escript à Compiengne. le XXII° jour d'aoust."
et elle fut interrogée pour savoir si c'était bien
sa réponse que présentait ladite copie. Répondit
qu'elle pensait avoir donné cette réponse en partie,
non en tout.
eadem Johanna fuit interrogata si illa erat
sua responsio quæ in prædicta copia continebatur. Respondit
quod æstimat se fecisse illam responsionem in parte, non in toto.
/
Interrogée si elle dit savoir par conseil du
Roi des Rois ce que le comte devait tenir en cette matière,
répondit qu'elle n'en sait rien.
Interrogée si elle faisait doute à qui
le comte devait obéir, répondit qu'elle ne savait
quoi lui mander sur cette obédience, car le comte lui demandait
de lui faire savoir à qui Dieu voulait qu'il obéît.
Mais quant à elle, Jeanne, elle croit que nous
devons obéir à notre Saint Père le pape qui
est à Rome. Dit aussi qu'elle dit autre chose au messager
du comte, qui n'est pas contenu dans la copie de la lettre ; et,
si ledit messager ne s'était pas éloigné aussitôt,
on l'aurait bien jeté à l'eau, mais non du fait de
ladite Jeanne. Item dit que, sur ce que le comte demandait de lui
faire savoir à qui Dieu voulait qu'il obéit, elle
répondit qu'elle ne le savait pas ; mais lui manda plusieurs
choses qui ne furent couchées par écrit. Et quant
à elle, elle croit à notre Saint Père le pape
qui est à Rome.
Interrogata
an dixerit se scire per consiliurn Regis regum illud quod præefatus
comes debebat de hoc tenere, respondit quod de hoc nihil scit.
Interrogata an ipsa faciebat dubium cui præfatus
comes dedebat obedire, respondit quod nesciebat inde quid mandare
cui deberet obedire, quia ipse comes petebat scire cui Deus volebat
ipsum obedire. Sed quantum ad ipsam Johannam, tenet et credit quod
debemus obedire domino nostro Papa in Roma existenti. Dicit etiam
quod aliud dixit nuntio præfati comitis, quod non continetur
in illa copia litterarum ; et nisi idem nuntius statim recessisset,
fuisset projectus in aquam, non tamen per ipsann Johannam. Item
dicit quod, de hoc quod petebat scire cui Deus volebat quod ipse
comes obediret, ipsa respondit quod nesciebat ; sed ei mandavit
plura quæ non fuerunt posita in scriptis. Et quantum est de
ipsa, credit in dominum Papam qui est Romæ.
/
Item interrogée pourquoi elle avait écrit
qu'elle donnerait ailleurs réponse, puisqu'elle croyait en
celui de Rome, répondit que la réponse qu'elle donna
concernait autre matière que le fait des trois souverains
pontifes.
Interrogée si elle avait dit que sur le fait
des trois souverains elle aurait conseil, répondit que jamais
n'écrivit et ne fit écrire sur le fait des trois souverains
pontifes. Cela, elle le jura par le serment qu'elle n'avait jamais
écrit ni fait écrire.
Interrogata
quare ipsa scribebat quod daret alias responsum de hoc, ex quo credebat
in illum qui est Romæ, respondit quod responsum per eam datum
fuit super alia materia quam super facto trium summorum pontificum.
Interrogata an dixerat quod, super facto trium summorum
pontificum, haberet consilium, respondit quod nunquam scripsit nec
fecit scribi super facto trium summorum pontificum. Et hoc juravit
per suum juramentum quod nunquam scripsit nec fecit scribi.
/
Interrogée si elle a accoutumé de mettre
dans ses lettres les noms JHESUS MARIA, avec une croix, répondit
que les mettait dans certaines et parfois pas. Quelquefois mettait
une croix afin que celui de son parti à qui elle écrivait
ne fit pas ce qu'elle écrivait.
La teneur des lettres que le comte et Jeanne s'écrivirent
est insérée plus bas parmi les articles du promoteur.
Ensuite fut donnée lecture à Jeanne des
lettres qu'elle adressa à notre Sire, à monseigneur
de Bedford et à d'autres, dont la teneur se trouve plus bas
parmi les articles du promoteur.
Interrogata
an consuevit ponere in litteris suis hæc nomina JHESUS MARIA,
cum cruce, respondit quod in aliquibus ipsa ponebat et aliquando
non ; et aliquando ponebat crucem in signum quod ille de parte sua
cui scribebat non faceret illud quod eidem scribebat.
Tenores litterarum quas dicti comes et Johanna sibi
scripserunt ad invicem inseruntur inferius inter articulos promotoris.
Deinceps fuerunt eidem Johannæ lectæ litteræ
quas ipsa Johanna transmisit domino nostro regi, domino duci Bedfordiæ
et aliis, quarum etiam litterarum tenor inferius ponitur inter articulos
promotoris.
/
† JHÉSUS MARIA †
"Roy d'Angleterre, et vous,
duc de Bedfort, qui vous dictes régent le royaume de France
; vous Guillaume de la Poule, conte de Sulfork ; Jehan, sire de
Talebot; et vous, Thomas, sire d'Escales, qui vous dictes lieutenant
dudit duc de Bedfort, faictes raison au roy du ciel ; rendez à
la Pucelle qui est cy envoiée de par Dieu, le Roy du ciel,
les clefs de toutes les bonnes villes que vous avez prises et violées
en France. Elle est ci venue de par Dieu pour réclamer le
sanc royal. Elle est toute preste de faire paix , se vous lui voulez
faire raison, par ainsi que France vous mectrés jus, et paierez
ce que vous l'avez tenu. Et entre vous, archiers, compaignons de
guerre, gentilz et autres qui estes devant la ville d'Orléans,
alez vous ent en vostre païs, de par Dieu ; et ainsi ne le
faictes, attendez les nouvelles de la Pucelle qui ira vous voir
briefement à vos bien grand domaiges. Roy d'Angleterre, se
ainsi ne le faictes, je suis chief de guerre, et en quelque lieu
que je actaindray vos gens en France, je les en ferai aler, veuillent
on non veuillent, et si ne vuellent obéir, je les ferai tous
occire. Je suis cy envoiée de par Dieu, le Roy du ciel, corps
pour corps, pour vous bouter hors de toute France. Et si vuellent
obéir, je les prandray à mercy. Et n'aiez point en
vostre oppinion, quar vous ne tendrez point le royaume de France,
Dieu, le Roy du ciel, filz sainte Marie ; ainz le tendra le roy
Charles, vrai héritier ; car Dieu le Roy du ciel, le veult,
et lui est révélé par la Pucelle, lequel entrera
à Paris à bonne compagnie. Se ne voulez croire les
nouvelles de par Dieu et la Pucelle, en quelque lieu que vous trouverons,
nous ferrons dedens et y ferons ung si grant hahay, que encore a-il
mil ans, que en France ne fu si grant, se vous ne faictes raison.
Et croyez fermement que le Roy du ciel envoiera plus de force à
la Pucelle, que vous ne lui sariez mener de tous assaulx, à
elle et à ses bonnes gens d'armes; et aux horions verra-on
qui ara meilleur droit de Dieu du ciel. Vous, duc de Bedfort, la
Pucelle vous prie et vous requiert que vous ne vous faictes mie
détruire. Si vous lui faictes raison, encore pourrez venir
en sa compaignie, l'où que les Franchois feront le plus bel
fait que oncques fut fait pour la chrestienté. Et faictes
response se vous voulez faire paix en la cité d'Orléans
; et se ainsi ne le faictes, de vos bien grans dommages vous souviengne
briefment.
Escript ce mardi sepmaine saincte."
Et ensuite fut interrogée si elle reconnaissait
ces lettres ; répondit que oui, excepté trois mots
: assavoir là où il est dit rendez à la
Pucelle, il faut mettre rendez au roi ; il n'y a autre
chose que chef de guerre ; troisièmement on y a mis corps pour corps. Ces mots n'étaient pas pas dans
les lettres que j'ai envoyées. Dit aussi que jamais aucun
seigneur ne dicta ces lettres ; c'est elle même qui les a
dictées avant qu'on les envoyât ; mais elles furent
montrées à certains de son parti.
Et deinde fuit interrogata an
illas litteras recognoscebat, respondit quod sic, demptis tribus
vocabulis, videlicet hoc quod dicitur reddatis puellæ,
ubi debet poni reddatis regi ; aliud quod dicitur caput
guerræ, et tertium quod ibi ponitur corpus pro corpore,
quæ non erant in litteris illis quas misit. Dicit etiam quod
nunquam aliquis dominus illas litteras nominavit, sed ipsamet nominavi
eas antequam mitteret ; bene tamen fuerunt ostensæ quibusdam
de parte sua.
/
Item dit qu'avant qu'il soit sept ans les Anglais perdront
plus grand gage qu'ils ne firent devant Orléans, et qu'ils
perdront tout en France. Dit aussi que lesdits Anglais auront plus
grandes pertes qu'onques n'eurent en France ; et ce sera par grande
victoire que Dieu enverra aux Francais.
Item dicit quod antequam sint
septem anni Anglici dimmittent majus vadium quam fecerint coram
Aurelianis et quod totum perdent in Francia. Dicit etiam quod præfati
Anglici habebunt majorem perditionem quam unquam habuerunt in Francia,
et hoc erit per magnam victoriam quam Deus mittet Gallicis.
/
Interrogée comment elle le sait, répondit
:
- Je le sais bien par révélation qui m'a été
faite, et avant sept ans cela adviendra; et étais-je bien
courroucée que ce fut tant différé !
Dit aussi qu'elle sait cela par révélation,
aussi bien qu'elle savoit que nous [l'évêque] étions
devant elle.
Interrogata qualiter hoc scit,
respondit :
- Ego bene scio istud per revelationem quæ mihi facta fuit,
et quod ante septem annos eveniet ; et bene essem irata quod tantum
differretur.
Dixit etiam illud per revelationern scit æque
bene sicut sciebat quod eramus tunc ante ipsam.
/
Interrogée quand cela arrivera, répondit
qu'elle ne sait ni le jour ni l'heure.
Interrogée quelle année cela arrivera,
répondit :
- Vous n'aurez pas encore cela ; bien voudrais-je que ce fut
avant la Saint Jean !
Interrogée si elle a dit que cela adviendrait
avant la Saint-Martin d'hiver, répondit qu'elle avait dit
qu'avant la Saint-Martin d'hiver on verrait bien des choses ; et
ce pourrait être que ce soient les Anglais qui seront couchés
à terre.
Interrogata quando istud eveniet
: respondit quod nescit diem neque horam.
Interrogata quo anno eveniet, respondit :
- Vos non habebitis adhuc ; bene tamen vellem quod hoc esset
ante festmn Beati Johannis.
Interrogata
an dixerit quod, infra festum hiemale Beati Martini, istud eveniet,
respondit quod dixerat quod, ante festum Beati Martini hiemalis,
multa viderentur ; et poterit esse quod erunt Anglici qui prosternentur
ad terram.
/
Interrogée sur ce qu'elle a dit à John
Grey, son garde, touchant cette fête de Saint-Martin, répondit
: "Je vous l'ai dit."
Interrogata
quid dixit Johanni Gris, custodi suo, de illo festo Beati
Martini ; respondit : "Ego vobis dixi."
/
Interrogée par qui elle sait que cela adviendra,
répondit qu'elle le sait par saintes Catherine et Marguerite.
Interrogée si saint Gabriel était avec
saint Michel, quand il vint à elle répondit qu'elle
n'en a pas mémoire.
Interrogata
per quem scit istud futurum, respondit quod hoc scit per sanctas
Katharinam et Margaretam.
Interrogata an sanctus Gabriel erat cum sancto Michaele,
quando venit ad eam, respondit quod de hoc non recordatur.
/
Interrogée si depuis mardi dernier passé
elle n'avait point parlé avec saintes Catherine et Marguerite,
répondit que oui ; mais ne sait l'heure.
Interrogée quel jour ; répondit : hier
et aujourd'hui ; il n'est jour qu'elle ne les entende.
Interrogata
an post diem martis novissimam ipsa locuta est cum sanctis Katharina
et Margareta, respondit quod sic ; sed nescit horam.
Interrogata quo die, respondit quod heri et hodie ;
nec es dies quin eas audiat.
/
Interrogée si elle les vit toujours dans le
même habit, répondit qu'elle les voit toujours sous
même forme ; et leurs figures sont couronnées bien
richement. De leurs autres habits, elle ne parle pas. Item dit que
de leurs robes, rien ne sait.
Interrogata
si videt eas semper in eodem habitu, respondit quod videt semper
eas in eadem forma ; et figuræ earum sunt coronatæ multum
opulenter. De aliis habitibus non loquitur. Item dicit quod de tunicis
carum nihil scit.
/
Interrogée comment elle sait que son apparition
est homme ou femme, répondit que bien le sait, et qu'elle
les reconnaît à leurs voix et qu'elles le lui révélèrent
; et rien ne sait que ce ne soit par révélation et
commandement de Dieu.
Interrogata
qualiter scit quod res sibi apparens est vit vel mulier, respondit
quod bene scit et cognoscit eas ad voces ipsarum, et quod sibi revelaverunt
; nec scit aliquid quin sit factum per revelationem et præceptum
Dei.
/
Interrogée quelle figure elle voit, répondit
qu'elle voit le visage.
Interrogée si les saintes qui lui apparaissent
ont des cheveux. Répondit : "C'est bon à savoir
!"
Interrogata
qualem figuram ibi videt, respondit quod videt faciem.
Interrogata an illæ Sanctæ apparentes habent
capillos, respondit : "Bonum est ad sciendum !"
/
Interrogée s'il y avait quelque chose entre leurs
couronnes et leur cheveux, répondit que non.
Interrogée si leurs cheveux étaient longs
et pendants, répondit : "Je ne le sais."
Dit aussi qu'elle ne sait s'il y avait des bras ou d'autres membres
figurés. Item dit qu'elles parlaient très bien et
bellement et les entendait très bien.
Interrogata
an aliquid erat medium inter coronas earum et capillos, respondit
quod non.
Interrogata si capilli earum erant longi et pendentes,
respondit : "Ego nihil scio." Dicit etiam quod
nescit an ibi aliquid erat de brachiis, vel an erant alia membra
figurata. Item dicit quod loquebantur optime et pulchre, et eas
optime intelligebat.
/
Interrogée comment elles parlaient, puisqu'elles
n'avaient pas de membres. répondit : "Je m'en rapporte
à Dieu !"
Item dit que cette voix est belle, douce et humble,
et parle langage de France.
Interrogée si sainte Marguerite parle la langue
anglaise, répondit :
- Pourquoi parlerait-elle anglais puisque n'est du parti des
Anglais ?
Interrogata
qualiter loquebantur, cum non haberent membra, respondit : "Ego
me refero ad Deum."
Item dicit quod vox illa est pulchra, dulcis et humilis,
et loquitur idioma Gallicum.
Interrogata an sancta Margareta loquiturne idioma Anglicum,
respondit :
- Qualiter loqueretur Anglicum, cum non sit de parte Anglicorum
?
/
Interrogée si dans leurs cheveux, avec les couronnes,
point d'anneaux d'or, ou autres, répondit :" Je ne
le sais"
Interrogée si elle même n'avait pas quelques
anneaux répondit à nous, évêque :
- Vous, vous en avez un de moi ; rendez-le moi !
Item dit que les Bourguignons ont un autre anneau : Et
nous requit, si nous avions ledit anneau, que nous le montrassions.
Interrogée qui lui donna l'anneau qu'ont les
Bourguignons répondit que c'était son père,
ou sa mère. Et lui semble qu'il y avait écrit les
noms JHESUS MARIA ; ne sait qui les fit écrire ; et n'y avait
pas de pierre, à ce qu'il lui semble ; et l'anneau lui fut
donné à Domrémy. Item dit que son frère
lui donna l'autre anneau que nous avions et qu'elle nous
chargeait de le donner à l'église. Item dit que jamais
ne guérit aucune personne par le moyen desdits anneaux.
/
Interrogata au in capitibus prædictis
cum coronis erant anuli in auribus vel alibi, respondit : "Ego
nihil scio de hoc."
Interrogata an ipsamet Johanna haberet aliquos anulos,
respondit, loquendo nobis episcopo prædicto :
- Vos habetis a me unum ; reddite mihi.
Item dicit quod Burgundi habent alium anulum. Et petivit
a nobis quod, si haberemus prædictum anulum, ostenderemus
ei.
Interrogata quis dedit sibi anulum quem habent Burgundi,
respondit quod pater ejus, vel mater ; et videtur ei quod ibi erant
scripta hæc nomina JHESUS MARIA ; nescit quis fecit scribi,
nec ibi erat aliquis lapis, ut ei videtur ; fuitque sibi datus idem
anulus apud villam de Dompremi. Item dicit quod frater suus
dedit sibi alium anulum quem habebamus et quod nos onerabat de dando
ipsum ecclesiæ. Item dicit quod nunquam sanavit quamcumque
personam de aliquo anulorum suorum.
/
Interrogée si saintes Catherine et Marguerite
lui parlèrent sous l'arbre mentionné plus haut, répondit
: "Je ne sais".
lnterrogée si, à la fontaine qui est près
de l'arbre, les saintes parlèrent avec elle, répondit
que oui, et que là elle les ouït bien mais ce qu'elles
lui dirent alors, elle ne le sait plus.
Interrogata an sanctæ Katharina
et Margareta locutæ sunt cum ea sub arbore, de qua superius
fit mentio, respondit : "Ego nihil scio".
Interrogata si, apud fontem qui est juxta arborem, prædicta
Sanctæ locutæ sunt cum ea, respondit quod sic, et quod
audivit eas ibi ; sed quid sibi tunc dixerunt, nescit.
/
Interrogée sur ce que les saintes lui promirent,
soit là, soit ailleurs, répondit qu'elles ne lui firent
nulle promesse, si ce n'est par congé de Dieu.
Interrogée quelles promesses elles lui firent,
répondit : "Ce n'est pas du tout de votre procès
!" Et, entre autres choses, elle lui dirent que son roi
serait restitué dans son royaume, le veuillent ou non ses
adversaires. Dirent aussi qu'elles promirent de conduire ladite
Jeanne au Paradis ; et ainsi l'avait requis d'elles.
Interrogée si elle eut autre promesse, répondit
qu'il y a une autre promesse, mais ne la dira pas, et que cela ne
concerne pas le procès.
Et dit qu'avant trois mois elle dira autre promesse.
Interrogata
quid eædem Sanctæ sibi promiserunt, sive ibi, sive alibi,
respondit quod nullam sibi promissionem fecerunt, nisi hoc fuerit
per licentiam Dei.
Interrogata quales promissiones sibi fecerunt, respondit
: "Hoc non est de vestro processu ex toto." Et
de aliquibus rebus, sibi dixerunt quod rex suus restitueretur in
regnum suum, velint adversarii ejus aut nolint. Dicit etiam quod
promiserunt ipsam Johannam conducere in paradisum, et ita ab eis
requisivit.
Interrogata si habuerit alum promissionem, respondit
quod est alia promissio, sed non dicet eam, et quod hoc non tangit
processum. Et dicit quod infra tres menses dicet aliam promissionem.
/
Interrogée si les voix lui dirent qu'avant trois
mois, elle serait délivrée de prison, répondit
:
- Ce n'est pas de votre procès ; cependant ne sais quand
serai délivrée.
Et dit que ceux qui la veulent ôter de ce monde
pourraient bien s'en allaient avant elle.
Interrogata
an voces dixerunt quod infra tres menses liberabitur a carcere,
respondit :
- Hoc non est de vestro processu ; tamen nescio quando ero liberata.
Et dixit quod illi qui volent ipsam auferre de hoc mundo
bene poterunt ire ante ipsam.
/
Interrogée si son conseil ne lui a pas dit qu'elle
serait délivrée de la présente geôle,
répondit :
- Reparlez m'en dans trois mois ; alors je vous répondrai. (2)
Et dit outre :
- Demandez aux assesseurs, sur leur serment, si cela concerne
mon procès !
Interrogata
an suum consilium dixeritne sibi quod erit liberata a præsenti
carcere, respondit :
- Loquamini mecum infra tres menses ; ego de hoc respondebo vobis.
Dixit ultra :
- Petatis assistentibus sub juramento suo an istud tangat processum.
/
Ensuite après la délibération
des assesseurs, qui tous conclurent que cela concernait le procès,
elle dit :
- Moi, je vous ai toujours bien dit que vous ne sauriez tout.
Il faudra bien un jour que je sois délivrée. Mais
je veux avoir congé si je vous le dirai : c'est pourquoi
je requiers délai.
Et
postea, habita deliberatione assistentium, qui omnes deliberaverunt
quod tangebat processum, ipsa dixit :
- Ego semper bene vobis dixi quod vos nescietis totum. Ego oportebit
semel quod ego sim liberata. Et volo habere licentiam, si ego dicam
; ideo peto dilationem.
/
Interrogée si les voix lui défendirent
de dire vérité, répondit :
- Voulez-vous que vous dise ce qui ne va qu'au roi de France
? Il y a bien des choses qui ne concernent le procès.
Dit aussi que bien sait que son roi gagnera le royaume
de France ; et le sait bien, comme elle sait que nous sommes là
devant elle, comme juges. Dit aussi qu'elle serait morte, n'était
la révélation qui la réconforte chaque jour.
Interrogata
si voces prohibuerunt ei ne diceret veritatem, respondit :
- Vultis vos quod vobis dicam id quod vadit ad regem Franciæ
? Sunt multa quæ non tangunt processum.
Dixit etiam quod bene scit quod rex suus lucrabitur
regnum Franciæ ; et hoc ita bene scit sicut sciebat quod eramus
coram ea in judicio. Dixit etiam quod fuisset mortua, nisi fuisset
revelatio quæ confortat eam quotidie.
/
Interrogée sur ce qu'elle fit de la mandragore (3), répondit qu'elle n'a point
de mandragore, et onques n'en eut ; mais ouït dire que proche
de son village il y en a une : mais ne l'a jamais vue. Dit aussi
qu'elle ouït dire que c'est chose périlleuse et mauvaise
à garder ; ne sait cependant à quoi cela sert.
Interrogée en quel lieu est cette mandragore
dont elle ouït parler répondit qu'elle ouït dire
qu'elle est en terre, proche de l'arbre ci-dessus mentionné;
mais ne sait le lieu. Et dit qu'elle a ouï dire que sur cette
mandragore s'élève un coudrier.
Interrogée à quoi elle a entendu dire
que sert cette mandragore, répondit qu'elle a ouï dire
qu'elle fait venir l'argent ; mais n'a croyance en cela. Et dit
que les voix ne lui dirent jamais rien à ce sujet.
Interrogata
quid fecit de sua mandragora, respondit quod non habet mandragoram,
nec unquam habuit ; sed audivit dici quod prope villam suam est
una, et nunquam vidit aliquam. Dixit etiam quod audivit dici quod
est res periculosa et mala ad custodiendum ; nescit tamen de quo
deservit.
Interrogata in quo loco illa mandragora est, de qua
loqui audivit, respondit quod audivit dici quod est in terra, prope
illam arborem de qua superius dictum est ; sed nescit locum. Dicit
etiam se audivisse dici quod supra illam mandragoram est una corylus.
Interrogata de quo audivit dici quod serviat illa mandragora,
respondit se audivisse quod facit venire pecunias ; sed non credit
in hoc aliquid. Et dicit quod voces suæ nunquam de hoc sibi
aliquid dixerunt.
/
Interrogée quelle figure avait saint Michel,
quand il lui apparut, répondit qu'elle ne lui vit pas de
couronne ; et de ses vêtements rien ne sait.
lnterrogée s il était nu, répondit
:
- Pensez vous que Notre Seigneur n'ait de quoi le vêtir
?
Interrogée s'il avait des cheveux, répondit :
- Pourquoi les lui aurait-on coupés ?
Dit aussi qu'elle ne vit pas le bienheureux Michel depuis
qu'elle a quitté le château du Crotoy, et ne le voit
pas souvent et enfin dit qu'elle ne sait s'il a des cheveux.
Interrogata
in qua figura erat sanctus Michael, dum sibi apparuit, respondit
quod non vidit sibi coronam ; et de vestibus suis nihil scit.
Interrogata an ipse erat nudus, respondit :
- Cogitatis vos quod Deus non habeat unde ipsum vestire ?
Interrogata an ipse habebat capillos, respondit :
- Cur sibi fuissent abscisi ?
Dicit
etiam quod non vidit ipsum beatum Michaelem, postquam ipsa recessit
a castro de Crotoy, nec eum videt multum sæpe. Et ultimo
dicit quod nescit utrum habeat capillos.
/(suite
de la minute du ms d'Orléans)
Interroguee se il estoit nud :
- Pensez vous, respond, que nostre Seigneur n'ait de quoy les
vestir ?
/ (4)
Interrogée s'il avait sa balance, répondit
: "Je n'en sais rien".
Item dit qu'elle a grande joie quand elle le voit; et il
lui semble que, quand elle le voit, elle n'est pas en état de péché
mortel.
Interrogata utrum ipse habebat stateram, respondit :
"Ego nihil scio".
Item dicit quod habet magnunt gaudium quando videt ipsum
; et ei videtur quod, quando videt eum, non est in peccato mortali,
hoc nescit.
Interroguee se ledit sainct Michel
avoit balance, respond : "Je n'en sçays rien."
Item, dit qu'elle a grand joye quand elle le voit ; et dit
qu'il luy est advis, quand elle le voit, qu'elle n'est pas en peché
mortel.
Item
dit que saintes Catherine et Marguerite la font volontiers confesser
à tour de rôle et de temps à autre.
Item dit que, si elle est en péché mortel,
elle ne le sait.
Interrogée si, quand elle se confesse, elle croit
être en péché mortel, répondit qu'elle
ne sait si elle a été en péché mortel,
mais n'en croit pas avoir fait les oeuvres :
- Jà ne plaise à Dieu, dit-elle que j'y fusse onques,
et jà ne lui plaise que j'en fasse les oeuvres ou les aie
faites, par quoi mon âme en soit chargée !
Item
dicit quod sanctæ Katharina et Margareta libenter faciunt
ipsam confiteri interdum et per vices.
Item dicit quod, si ipsa sit in peccato mortali, hoc nescit.
Interrogata an, quando ipsa confitetur, credit se esse
in peccato mortali, respondit quod nescit si fuerit in peccato mortali,
et non credit de hoc fecisse opera :
- Nec placeat, inquit, Deo quod unquam fuerim, nec etiam sibi
placeat quod ego faciam opera aut fecerim, per quæ anima mea
sit onerata.
Item,
dit que saincte Katherine et saincte Margueritte la font voluntiers
confesser ; c'est assavoir, de foys a aultre.
Item, dit que, si elle est peché mortel, elle
ne sçait.
Interroguee quand elle se confesse, si elle cuide estre
en peché mortel aulcunes foys, respond qu'elle ne scait se
elle y a esté ; mais n'en cuide point avoir fait les œuvres.
"Et ja ne plaise a Dieu que j'y fusse oncques. Et ja ne
plaise à Dieu que je faces les oeuvres, ou que je les ayes
faictes, par quoy mon ame soit chargee de peché mortel."
Interrogée quel signe elle donna à son
roi qu'elle venait de par Dieu, répondit :
- Je vous ai toujours répondu que vous ne le tireriez
pas de ma bouche. Allez lui demander !
Interrogée si elle a juré de ne pas révéler
ce qui lui serait demandé touchant le procès, répondit
:
- Je vous ai dit naguère que je ne vous dirai
pas ce qui peut toucher ce qui a trait à notre roi ; et de ce
qui va à lui, je ne parlerai pas.
Interrogata
quale signum dedit regi suo quod ipsa veniebat ex parte Dei, respondit
:
- Ego semper vobis respondi quod non mihi extrahetis illud ab
ore. Vadatis sibi petitum.
Interrogata an juraverit non revelare illud quod ab
ea petetur, tangens processum, respondit :
- Ego alias vobis dixi quod non illam illud vobis quod tangit
id quod vadit ad regem nostrum. Et de hoc quod vadit ad ipsum, non
loquar.
Interroguee
quel signe elle donna a son roy pour luy monstrer qu'elle venoit
de par Dieu, respond :
- Je vous ay tousiours respondu que vous ne me le tirerez ja
de la bouche. Allez luy demander.
Interroguee se elle a juré non reveler ce qu'on luy
demandera touchant le procez, respond :
- Je vous ay autresfoys dit ce qui touche le roy, je ne le vous
diray pas ; mais ce qui touche le procez et la foy, je le vous diray.
Interrogée si elle ne sait point le signe qu'elle
donna à son roi répondit : "Vous ne le saurez
de moi." Et comme on lui dit que cela touchait le procès,
elle répondit :
- De ce que j'ai promis de tenir bien secret, je ne vous le dirai.
Et dit en outre :
- Je l'ai promis en tel lieu que je ne puis vous le dire sans
me parjurer.
Interrogée à qui elle l'a promis, répondit qu'aux
saintes Catherine et Marguerite l'a promis ; et ce fut montré au
roi. Item dit qu'elle l'a promis à ces deux saintes, sans qu'elles
la requissent, ne le fit à sa propre requête, car trop de gens lui
eussent demandé, si elle n'avait fait cette promesse à ses deux
saintes.
Interrogata
si ipsa scitne signum quod dedit eidem regi suo respondit : "Vos
non scietis hoc de me." Et tunc, quia fuit ei dictum quod
hoc tangebat processum, respondit :
- De hoc quod ego promisi tenere bene secretum, ego non dicam
vobis illud.
Et ultra dixit :
- Ego promisi in tali loco quod non possim vobis dicere sine
perjurio.
Interrogata cui hoc promisit, respondit quod sanctis
Katharinæ et Margaretæ promisit, et hoc fuit ostensum
regi. Item dicit quod hoc promisit duabus Sanctis prædictis,
absque hoc quod requirerent. Et ipsamet Johanna ad requestam sui
ipsius hoc fecit, quia nimis multæ gentes hoc petivissent
ab ea, nisi illud prædictis Sanctis promisisset.
Interroguee
si elle sçait point le signe, respond :
- Vous ne ne le sçaurez pas de par moy.
Item, luy fut dit que ce touche le procez, respond :
- Je le diray voluntiers ; mais de ce j'ay promis tenir bien
secret, je ne le vous diray point. Je l'ay promis en tel lieu que
je ne le vous puis dire sans moy pariurer.
Interroguee a qui elle a promis, respond que a saincte
Katherine et saincte Margueritte ; et ce fut monstré au roy.
Item, dit qu'elle leur promist sans qu'ilz la requist.
Et a la requeste d'elle qui parle ; et dit que trop de gens luy
eussent demandé, s'elle ne l'eust promis.
Interrogée si, quand elle montra le signe, à
son roi, il y avait une autre personne en sa compagnie, répondit,
qu'à ce qu'elle pense, qu'il n'y avait une autre personne que lui,
bien que, assez près, fussent beaucoup de gens.
Interrogata
utrum, quando ostendit signum regi suo, erat alius ab eo in ejus
societate, respondit quod æstimat alium ibi non fuisse, quamvis
satis prope essent multæ gentes.
Interroguee
si en la compaignie ou elle monstra le signe, se il y avoit autre
personne que le roi, respond :
- Je pense que il n'y avoit aultre personne que luy ; combien
que assez prez il y avoit assez de gens.
Interrogée si elle a vu la couronne sur la tête
de son roi, quand elle lui montra le signe, répondit :
- Je ne puis vous le dire sans me parjurer.
Interrogée si son roi avait une couronne, quand
il fut à Reims, répondit qu'à ce qu'elle pense, son
roi prit volontiers la couronne qu'il trouva à Reims ; mais
une bien plus riche fut apportée plus tard. Et fit cela pour hater
son fait, à la requête de ceux de Reims, pour éviter le fardeau
des gens d'armes (5). Et, s'il avait
attendu, il aurait eu une couronne mille fois plus riche.
Interrogée si elle vit cette couronne, qui est
plus riche, répondit :
- Je ne puis vous le dire sans encourir parjure. Et si je ne
l'ai vue, j'ai ouï dire qu'elle est à ce point riche et opulente.
Interrogata
an ipsa viderit coronam supra caput regis sui, quando ipsa monstravit
ei signum, respondit :
- Ego non possum dicere sine perjurio.
Interrogata utrum rex suus habebat coronam, quando erat
Remis, respondit quod, prout ipsa æstimat, ipse rex suus cepit
gratenter illam coronam quam Remis invenit ; sed una bene dives
fuit ei apportata post ipsum. Et hoc fecit pro festinando factum
suum, ad requestam illorum de villa Remensi, pro evitando onus armatorum
; et, si ipse expectasset, habuisset unam coronam millesies ditiorem.
Interrogata an viderit illam coronam quæ est ditior,
respondit :
- Ego non possum vobis hoc dicere, sine incurrendo perjurium.
Et, si ego non viderim, ego audivi dici quod est adeo dives seu
opulenta.
lnterroguee
si elle veit point de couronne sur la teste du roy, quand elle monstra
le signe, respond :
- Je ne le vous puis dire sans moy pariurer.
Interroguee se il avoit couronne a Rains, respond
que elle pense que celle qu'il trouva a Rains, il la print en gré.
Mais une bien riche luy fut apportee apprez luy. Et le feist pour
haster a la requeste de ceulx de la ville, pour eviter la
charge des gens d'armes ; et s'il eust actendu, il eust esté
couronné en une plus riche mille foys.
Interroguee
se elle a veue la couronne qui est plus riche, respond :
- Je ne le vous puis dire, sans moi pariurer ; et se je ne l'ay
veue, je ay ouy dire qu'elle est ainsy riche.
*
* *
Cela fait, nous avons terminé pour ce jour ; et nous
avons assigner pour procéder ultérieurement le samedi, à
huit heures du matin requérant les assistants de se rendre
au même endroit, au jour et à l'heure dits.
Sources : "Condamnation de Jeanne d'Arc" de Pierre Champion
(1921), "Procès de Jeanne d'Arc" - E.O'Reilly
(1868), "La minute française des interrogatoires de
La Pucelle" - P.Doncoeur (1952)
Illustrations :
- Pierre tombale de Denis Gastinel (de Liocourt - la mission de
Jeanne d'Arc)
- Jeanne d'Arc racontée par l'image - Mgr Le Nordez - Lithographie
de Chasselat 1820
Notes :
1 Jean IV, comte d'Armagnac (1418-1450),
fils de Bernard VII, victime des émeutes parisiennes. Dans
la question du schisme, il a d'abord soutenu Benoît XIII
(† 1422) puis Clement VIII. On ne sait trop quel motif l'incita
à consulter Jeanne sur une question qui paraissait , à
l'époque apaisée.
Note de Pierre Tisset," le procès de condamnation", t.III, p.116 :
"...Ainsi l'article
30 d'Estivet accusera Jeanne non seulement
d'avoir mis en doute qui était le véritable pape, alors
qu'il n'y avait « qu'un seul pape indubitable, mais
tenant de peu de poids l'autorité de l'Église universelle
en voulant préférer son dire à l'autorité
de toute l'Église, elle affirma que dans un certain
délai... elle répondrait à quel pape il fallait croire... ».
Quand on lui lit ce document à l'audience du 1er mars,
Jeanne hésite ; elle pense, dit-elle, avoir donné la
réponse qu'on lui impute, en partie et non en totalité.
Et comme les questions se pressent, ses dénégations
s'élargissent ; elle ne savait que dire au comte
qui voulait par elle une réponse de N.-S. Jésus-
Christ ; quant à elle, elle croit au pape de Rome,
c'est-à-dire à Martin V. Elle affirme que la réponse
qu'elle manda au comte par son messager contenait
autre chose que ce qui est dans la lettre, plusieurs
choses qui ne furent point couchées par écrit. Si
d'ailleurs le messager ne s'était pas éloigné aussitôt,
on l'aurait jeté à l'eau, mais non du fait de ladite
Jeanne... Qu'est-ce à dire? peut-être Jeanne veut elle insister sur la promptitude avec laquelle elle
avait dû répondre? — Elle a indiqué déjà que, sur
le moment, elle allait monter à cheval. — Elle répète
qu'elle croit au pape de Rome et jure enfin que jamais
elle n'écrivit ni fit écrire sur le fait des trois papes.
A coup sûr, ce serment si explicitement prêté par
une aussi pieuse fille est impressionnant : la réponse à Jean IV insérée dans l'article 29 d'Estivet serait-elle
apocryphe ou interpolée? on peut, croyons-nous,
l'affirmer avec certitude, lorsqu'on note qu'après
la séance du 27 mars et la lecture du libelle, il ne
sera plus question au procès de ces deux lettres ;
le procès-verbal n'y revient jamais ; les 12 articles
les ignorent et cependant il y aurait eu là contre
Jeanne un chef d'accusation redoutable..."
2 NDLR : Deux jours avant ce délai de trois mois, elle quittait sa prison "pour aller en paradis". Jeanne prophétisait... sans avoir compris l'"évasion" que lui promettait ses voix.
3 Plante du même genre que la belladone, dont les fruits
sont les pommes d'amour. Elle répand une odeur très
forte. Frère Richard, au temps de Jeanne, fit brûler
de ces mandragores que de sottes gens conservaient précieusement
(P.Champion)
4 Partie aussi manquante dans la minute du ms d'Orléans
mais D'Estivet en a parlé dans son réquisitoire
art.63.
5 Il s'agit là d'une constante préoccupation des
villes.
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