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Procès
de condamnation
- procès ordinaire
Deuxième
séance - 28 mars 1431 |
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dit jour de mercredi furent présents révérends
pères, seigneurs et maîtres : Gilles, abbé de
Fécamp ; Pierre, prieur de Longueville, Jean Beaupère,
Jacques de Touraine, Erard Emengart, Maurice du Quesnav, Nicolas
Midi, Pierre Maurice, Guillaume Le Boucher, Jean de Nibat, Jean
Le Fèvre, Jean de Chastillon, Jacques Guesdon, Gérard
Feuillet, docteurs en théologie sacrée ; Raoul Roussel,
docteur en l'un et l'autre droit ; Robert Le Barbier, licencié
en droit canon ; William Haiton, Nicolas Couppequesne, bacheliers
en théologie sacrée ; Jean Guérin, Denis Gastinel,
Jean Le Doulx, bacheliers en l'un et l'autre droit ; Jean Pinchon,
Jean Basset, Jean de La Fontaine, Jean Colombel, Jean Duchemin,
bacheliers en droit canon ; André Marguerie, archidiacre
de Petit-Caux, Jean Alespée, Nicolas Caval, Geoffroy du Crotay,
licenciés en droit civil ; Guillaume Desjardins, Jean Tiphaine,
docteurs ; Guillaume de La Chambre, licencié en médecine
; William Brolbster et John de Hampton, prêtres.
Devant eux a été continuée la lecture
commencée la veille, des articles du libelle produit par
le promoteur. Leur contenu a continué d'être exposé
à Jeanne en français, article par article ; elle a
été interrogée sur chacun de ses articles et
a continué à y répondre ainsi qu'il suit.
Fut requise de faire serment,
A quoy elle respondit que voluntiers de ce que touchoit
son procez, elle diroit verité
Et ainsi le jura.
Et premièrement, quant à l'article de
l'habit et des armes, respond que l'habit et les armes qu'elle a
portees, a esté par le congé de Dieu.
Et sur ce qu'elle fut interroguee de laisser son habit,
respond qu'elle ne le laisseroit point sans le congié de
nostre Seigneur ; et luy deust trencher la teste. Mais se il Luy
plaist, elle le metra tantost jus (16).
Article 31. "Item ladite Jeanne, au temps de sa jeunesse
et depuis, s'est vantée, et de jour en jour se vante, d'avoir
eu plusieurs révélations et visions, sur lesquelles,
bien qu'elle air été sur ce charitablement admonestée
et dûment et juridiquement requise sous serment de droit,
elle n'a voulu et ne veut faire nul serment ; bien plus elle se
refuse à le déclarer suffisamment par parole ou signe,
mais elle a différé, contredit et refusé de
le faire, diffère, contredit et refuse. Et en refusant formellement,
à plusieurs et à diverses fois elle a dit et assuré,
en jugement et ailleurs, qu'elle ne nous découvrirait point
ses révélations et visions, dût-on lui trancher
et la faire tirer par les chevaux ; qu'on ne lui arracherait pas
de la bouche le signe que Dieu lui révéla et par quoi
elle connut qu'elle venait de Dieu."
- A ce trente et unième article, Jeanne répond que,
de révéler le signe ou autres choses contenues en
l'article, elle peut bien avoir dit qu'elle ne le révélerait
point. Et ajoute qu'en sa confession autrefois faite, il doit y
avoir que, sans le congé de Notre Seigneur, elle ne révélerait
le signe.
Respond que a reveler le signe
contenu en l'article, elle pourroit bien avoir dit qu'elle ne le
reveleroit point.
Et dit que, en sa confession autresfoys faicte, dit
que, sans congié de nostre Seigneur, elle ne le reveleroit
point.
[Or le 22 février,
elle a dit qu'il n'est point de jour qu'elle n'entende cette voix,
et aussi qu'elle en a bien besoin.
Item, le samedi 24 février, dit que cette
nuit-là, la voix lui a dit beaucoup de choses pour le bien
de son roi et qu'elle aurait voulu que le roi les sût pour
lors, dût-elle ne pas boire de vin jusqu'à Pâques.
Car il en serait bien plus aise à diner.
Item, le mardi 27 février, dit qu'elle
a bien dit en une fois à son roi tout ce qui lui avait été
révélé, car cela le touchait bien. Item, ce
mardi, elle a dit qu'elle adressa lettres à son roi contenant
qu'elle envoyait pour savoir si elle entrerait dans la ville où
était ledit roi ; et qu'elle avait bien fait cent cinquante
lieues pour venir vers lui à son secours, et quelle savait
pour lui beaucoup de bonnes choses. Et lui semble que dans lesdites
lettres était contenu qu'elle le reconnaîtrait bien
entre tous les autres.
Item, le jeudi 1er
mars, interrogée quelle figure avait saint Michel répondit
qu'elle ne lui vit pas de couronne, et de ses vêtements rien
ne sait. Interrogée si ledit saint Michel était nu,
répondit :"Pensez-vous que Notre Seigneur n'ait de quoi
le vêtir ?"
Item le jeudi 15 mars, requise de dire comment
elle pensa s'échapper du château de Beaulieu, entre
deux pièces de bois, répondit qu'onques ne fut prisonnière
en aucun lieu qu'elle ne s'échappat volontiers ; et, étant
dans ce château, elle eût enfermé ses gardes
dans la tour, n'eût été le portier qui l'avisa
et la rencontra. Item dit, qu'à ce qu'il lui semble, il ne
plaisait pas à Dieu qu'elle s'échappât pour
cette fois, et qu'il fallait qu'elle vît le roi des Anglais,
comme ses voix le lui avaient dit, ainsi qu'il est écrit
ci-dessus. Item, ce même jeudi, interrogée sur la grandeur
et stature de l'ange qui lui apparut, elle dit que le samedi elle
en répondrait avec l'autre chose dont elle doit répondre,
assavoir ce qu'il en plaira à Dieu. Ce même jour, interrogée
sur ce qu'elle a dit pour dire vérité on est parfois
pendu, et si elle sait en elle quelque crime ou faute par quoi elle
put [ou dût] mourir, si elle ne les confessait, répondit
que non.
Item, le samedi 17 mars, interrogée sur
l'âge et les vêtements de sainte Catherine et de sainte
Marguerite, répondit : "Vous aurez sur ce la réponse
que vous avez eue de moi ; et n'en aurait autre chose ; et je vous
en ai répondrait tout au plus certain ce que je sais.]
Article 32. "Item, par là vous pouvez et devez
véhémentement présumer que ces révélations
et visions, si ladite Jeanne les eut jamais, viennent plutôt
du fait d'esprits menteurs et malins que de bons ; ainsi doit être
tenu par tous, attendu surtout la crauté, l'orgueil, la tenue,
les actions, les mensonges, les contradictions signalées
en plusieurs et divers articles, et qui peuvent bien être
dites et retenues comme présomptions juridiques, entièrement
légitimes."
- Ce trente-deuxième article, le mercredi après la
fête des Rameaux, 28 mars, Jeanne répond qu'elle le
nie, et qu'elle a agi par révélations des saintes
Catherine et Marguerite, et qu'elle le soutiendra jusqu'à
la mort. Item, ce même jour, dit qu'elle fut conseillée
par certains de son parti de mettre JHESUS MARIA ; et sur certaines
de ses lettres mettait bien JHESUS MARIA, et sur les autres, non.
Item dit que quant à ce point où il y a écrit
: "Tout ce qu'elle a fait c'est par le conseil de Notre Seigneur",
il doit y avoir : "Tout ce que j'ai fait de bien."
Interrogée, ce même jour, si, en allant devant
La Charité elle fit bien ou mal, répond : "Si
j'ai mal fait, on s'en confessera".
Interrogée si elle faisait bien d'aller devant
Paris, répond que les gentilshommes de France voulurent aller
devant Paris ; et de ce faire, lui semble qu'ils firent leur devoir
d'aller contre leurs adversaires.
Respond qu'elle nye et ce qu'elle
avoit faict, ce avoit esté par revelacion de saincte Katherine
et saincte Margueritte. Et le soustiendra jusques a la mort.
Item, dit qu'elle fut conseillee par aulcun de son party
qu'elle mist en ses lectres : JHESUS MARIA ; ce qu'elle a faict
en aulcunes, et aux aultres, non.
Dit que, quand aux poinctz desdictes lectres, ou il
y a escript : Tout ce qu'elle a faict, c'est par le conseil de nostre
Seigneur, il doibt avoir : Tout ce que j'ay faict de bien.
Interrogué si, d'aller devant La Charité,
elle fist bien ou mal, respond : Se elle a faict mal, elle s'en
confessera.
Interroguee
se elle jaisoit bien de aller devant Paris, respond que les gentilzhommes
de France voulurent aller devant Paris. Ilz luy semble que ilz feirent
bien de aller contre leurs adversaires.
Article 33. "Item, ladite Jeanne, présomptueusement
et témérairement, s'est vantée et se vante
de connaître l'avenir et d'avoir connu le passé, de
découvrir les choses présentement occultes ou cachées
; et, ce qui est l'attribut de la divinité, elle se l'attribue
à elle-même, humaine créature, simple et indocte."
- A ce trente-troisième article, ce mercredi 28 mars, Jeanne
répond : "Il appartient à Notre Seigneur de
faire des révélations à qui Il lui plait"
; et de l'épée et autres choses à venir qu'elle
a dites, c'est par révélation.
Dit que il est en nostre Seigneur
de reveler a qu'il luy plaist, tant de l'espee que aultres choses
advenir. Et ce qu'elle en a dit, a esté par revelacion ;
et se rapporte a ce que elle en a respondu.
[Or le samedi 24 février,
elle a dit que les Bourguignons auront guerre, s'ils ne font ce
qu'ils doivent ; et qu'elle le sait par sa voix.
Item le mardi 27 février, interrogée
si, quand elle vint à l'assaut devant la bastille d'Orléans,
elle n'a point dit à ses gens qu'elle recevrait sagettes,
viretons, pierres des bombardes, répondit que non ; et il
y eut cent de blessés, et plus. Mais dit bien à ses
gens qu'ils n'eussent point de doute, et qu'ils lèveraient
le siège. Interrogée, ce même jour, devant quelle
bastille elle fit retirer ses hommes, répondit qu'elle n'en
a mémoire. Dit aussi qu'elle était bien assurée
de faire lever le siège d'Orléans, par révélation
à elle faite ; et ainsi l'avait-elle dit à son roi,
avant que d'y venir. Dit aussi que, à l'assaut de la bastille
du Pont, elle fut blessée au cou d'un vireton ; mais eut
grand réconfort de sainte Catherine, et fut guérie
dans les quinze jours ; et ne laissa point de chevaucher et besogner.
Interrogée si elle eut prescience qu'elle serait blessée,
répondit qu'elle le savait bien et l'avait dit à son
roi, mais que, nonobstant, elle n'aurait pas laissé de besogner.
Et cela lui fut révélé par les voix des saintes
Catherine et Marguerite. Dit outre que c'est elle qui fut la première
à poser l'échelle en haut, à la bastille du
Pont ; et, comme elle la levait, elle fut blessée au cou
d'un vireton.
Le jeudi 1er mars, elle a dit, qu'avant qu'il
soit sept ans, les Anglais perdraient plus grand gage qu'ils ne
le firent devant Orléans. Dit aussi que lesdits Anglais auront
plus grande perte qu'onques n'eurent en France ; et ce sera par
la grande victoire que Dieu enverra aux Français. Et cela
elle le sait par révélation qui lui a été
faite ; et, avant sept ans, ces choses adviendront ; et elle était
bien courroucée que ce fut tant différé. Item,
dit, comme plus haut, qu'elle sait cela par révélation,
aussi bien qu'elle savait que nous, évêque, étions
devant elle. Elle a dit : "Je le sais aussi bien comme vous
êtes ici !" Interrogée quelle année cela
arrivera, répondit : "Vous n'aurez pas encore cela ;
bien voudrais-je que ce fût avant la Saint-Jean. Ce même
jour, interrogée si elle a dit que cela adviendrait avant
la Saint-Martin d'hiver, répondit qu'elle avait dit qu'avant
la Saint-Martin d'hiver on verrait bien des choses ; et ce pourrait
être que ce soient les Anglais qui seront rués sus
et couchés à terre. Interrogée sur ce qu'elle
a dit à John Grey, son garde, dans la prison, cette fête
de la Saint-Martin, répondit : "Je vous l'ai dit."
Interrogée par qui elle sait que cela adviendra, répondit
qu'elle le sait par les saintes Catherine et Marguerite. Item, ce
dit jeudi 1er jour de mars, interrogée quelles promesses
les saintes Catherine et Marguerite lui firent, répondit
: "Ce n'est pas du tout de votre procès !" Et entres
autres choses, elles lui dirent que son roi serait restitué
dans son royaume, le veuillent ou non ses adversaires. Item ce même
jour, dit qu'elle sait bien que son roi gagnera le royaume de France
; et le sait bien, comme elle sait que nous sommes là.
Le samedi 3 mars, interrogée si ses voix
ne lui ont rien dit en général, répondit :
"Oui, vraiment, elles me dirent que je serai délivrée
; mais ne sais ni le jour ni l'heure ; et que hardiment je vous
fasse bonne chère !"
Le samedi 10 mars, interrogée si elle
fit cette sortie de Compiègne du commandement de ses voix,
répondit qu'en la semaine de Pâques dernièrement
passée, étant sur les fossés de Melun fut dit
par les voix de sainte Catherine et de sainte Marguerite qu'elle
serait prise avant la Saint-Jean, et qu'il fallait qu'ainsi fût
fait ; qu'elle ne s'ébahit pas et prît tout en gré,
et que Dieu lui aiderait. Ce même jour, interrogée
si, depuis ce lieu de Melun, il ne lui fut point dit par ses voix
qu'elle serait prise, répondit que oui, par plusieurs fois
et presque tous les jours. Et requérait de ses voix, quand
elle serait prise, qu'elle mourût bientôt, sans long
travail de prison ; et ses voix lui dirent qu'elle prît tout
en gré et qu'ainsi le fallait faire ; mais ne lui dirent
point l'heure ; et si elle l'avait sue, elle n'y fût point
allée. Et avait plusieurs fois demandé pour savoir
l'heure de sa prise mais elles ne lui dirent point. Ce même
jour, dit que, quand elle dut partir pour aller à son roi,
lui fut dit par ses voix : "Va hardiment ; quand tu seras devers
le roi, il aura bon signe de te recevoir et croire en toi !"
Le lundi 12 mars, interrogée comment elle
eût délivré le duc d'Orléans, répondit
qu'elle eût pris assez d'Anglais dans ce pays-ci pour le ravoir
et racheter ; et si elle n'en eût pris assez, elle eût
passé la mer pour l'aller quérir en Angleterre, à
puissance. Interrogée si les saintes Catherine et Marguerite
lui avaient dit sans condition et absolument qu'elle prendrait suffisamment
de gens pour avoir le duc d'Orléans, qui était en
Angleterre, ou autrement qu'elle passerait la mer pour l'aller quérir
et l'amener avant trois ans, répondit que oui, et qu'elle
dit à son roi qu'il la laissât faire au sujet des prisonniers.
Dit en outre que si elle avait duré trois ans, elle l'eût
délivré. Item dit qu'elle n'avait plus bref terme
que trois ans et plus long que d'un an ; mais n'en a pas de présent,
mémoire.
Le mercredi 14 mars, interrogée quel est
le péril et danger dans lequel nous, évêque
et autres clercs, nous nous mettions en lui faisant ce procès,
répondit que sainte Catherine lui a dit qu'elle aurait secours
et elle ne sait si ce sera d'être délivrée de
la prison ou, quand elle sera en jugement, s'il ne surviendrait
pas quelque trouble au moyen duquel elle pourrait être délivrée
; et pense que ce sera l'un ou l'autre ; et le plus souvent ses
voix lui disent qu'elle sera délivrée par grande victoire.
Et après, ses voix lui disent encore : "Prends tout
en gré, ne te chaille de ton martyre !"]
Article 34. "Item ladite Jeanne, persévérant
dans ses témérité et présomption, a
dit, répandu et publié qu'elle reconnaît et
discerne les voix des archanges, des anges, des saints et des saintes
de Dieu, affirmant qu'elle sait distinguer leur voix des voix humaines."
- A ce trente-quatrième article, ce mercredi 28 mars, ladite
Jeanne répond qu'elle s'en tient à ce qu'elle en a
dit. Et au sujet de sa témérité et de la conclusion
de l'article, s'en rapporte à Notre-Seigneur, son juge.
S'en rapporte a nostre Seigneur
son juge.
[Or, le mardi 27 février,
interrogée si c'était la voix d'un ange qui lui parlait,
ou si c'était la voix d'un saint ou d'une sainte, ou celle
de Dieu, directement, répondit que cette voix était
celle de sainte Catherine ou de sainte Marguerite. Et leurs figures
sont couronnées de belles couronnes, moult richement et moult
précieusement : "Et de ce, dit-elle, j'ai congé
de Notre Seigneur. Si vous en faites doute, envoyez à Poitiers
où autrefois j'ai été interrogée".
Item, ce même jour, interrogée comment elle reconnait
l'une de l'autre ses saintes, répondit qu'elle les reconnaissait
pour le salut qu'elles lui font. Dit aussi qu'elle les discernait
parce qu'elles se nomment à elle.
Item, le jeudi 1er mars, interrogée comment
elle sait que son apparition est homme ou femme, répondit
: "Je le sais bien et reconnais les saintes à leur voix"
; et parce qu'elles le lui révélèrent. Ce même
jour, interrogée quelle figure elle y voit, répondit
qu'elle voit le visage. Interrogée si elles ont des cheveux,
répondit : "Il est bon à savoir !" Interrogée
s'il y avait quelque chose entre leurs couronnes et leurs cheveux,
répondit que non. Interrogée si leurs cheveux étaient
longs et pendants, répondit : "Je ne sais". Dit
aussi qu'elle ne sait s'il y avait des bras ou d'autres membres
figurés. Item dit qu'elles parlaient très bien, et
bellement, et les entendait très bien. Interrogée
comment elles parlaient puisqu'elles n'avaient pas de membres, répondit
: "Je m'en rapporte à Dieu !"
Item, le 15 mars, interrogée si elle n'a
point d'autres signes que ces apparitions fussent de bons esprits,
répondit : "Saint-Michel me le certifia avant que les
voix me vinssent." Interrogée comment elle reconnut
que c'était saint Michel, répondit : "Par le
parler et le langage des anges !" Et croit fermement que c'étaient
des anges. Interrogée comment
elle crut que c'était langage des anges, répondit
qu'elle le crut assez vite et eut cette volonté de le croire.
Et dit en outre que saint Michel, quand il vint à elle, lui
dit que sainte Catherine et sainte Marguerite viendraient à
elle, et qu'elle agit suivant leur conseil ; et qu'elles étaient
ordonnées pour la conduire et conseiller en ce qu'elle avait
à faire ; et qu'elle les crût en ce qu'elles lui diraient,
et que c'était par le commandement de Notre Seigneur. Interrogée,
si le Diable se mettait en forme d'ange, comment elle reconnaitrait
que ce fut bon ange ou mauvais, répondit qu'elle reconnaitrait
bien si c'était saint Michel, ou chose contrefaite à
sa ressemblance.
Item répondit que, la première fois, elle eut
grand doute si c'était saint Michel, et cette première
fois, eut grand peur ; et le vit maintes fois avant qu'elle sût
que c'était saint Michel. Item, interrogée comment
elle reconnut cette fois-là que c'était saint Michel,
plutôt que la première fois où il lui était
apparu, répondit que la première fois elle était
jeune enfant et en eut peur ; et depuis, saint Michel lui enseigna
et montra tant, qu'elle crut fermement que c'était lui. Interrogée
quelle doctrine il lui enseigna, répondit que, sur toutes
choses, il lui disait qu'elle fût bonne enfant, et que Dieu
l'aiderait ; et entre autres choses lui dit qu'elle viendrait au
secours du roi de France ; et une grande partie de ce que l'ange
lui enseigna est dans ce livre ; et lui racontait l'ange la pitié
qui était au royaume de France.]
Article 35. "Item, ladite Jeanne s'est vantée
et affirma qu'elle savait discerner ceux que Dieu aime mieux et
ceux qu'il hait."
- A ce trente-cinquième article, ce mercredi 28 mars, elle
répond : "Je m'en tiens à ce que j'en ai autrefois
répondu, au sujet du roi et du Duc d'Orléans"
; et des autres gens, elle n'en sait rien. Item dit qu'elle sait
bien que Dieu aime mieux son roi et le duc d'Orléans, pour
l'aise de leurs corps ; et dit qu'elle le sait par révélation.
Et dit qu'elle sçait bien
que Dieu ayme mieulx son roy et le duc d'Orleans que aulcuns aultres
; et qu'elle sçait par revelacion.
[Or, le jeudi 22 février,
elle a dit qu'elle sait bien que Dieu aime bien le duc d'Orléans,
et aussi qu'elle avait eu plus de révélations sur
lui que sur homme vivant, excepté son roi.
Item, le samedi 24 février, interrogée
si elle pouvait tant faire sur cette voix qui lui apparaissait qu'elle
voulût obéir et porter message à son roi, répondit
qu'elle ne savait si cette voix voulait obéir à moins
que ce fût la volonté de Dieu et que Notre Seigneur
y consentît : "Et s'il plait à Messire, il pourrait
bien faire révéler à son roi et de cela, elle
serait bien contente." Interrogée pourquoi cette voix
ne parle pas maintenant avec son roi, comme elle le faisait quand
elle était en présence de Jeanne, répondit
qu'elle ne sait si c'est la volonté de Dieu.
Item, le samedi 17 mars, interrogée comment
elle sait que sainte Catherine et sainte Marguerite haïssent
les Anglais, répondit : "Elles aiment ce que Dieu aime
et haïssent ce que Dieu hait." Interrogée si Dieu
hait les Anglais, répondit que de l'amour ou de la haine
que Dieu a aux Anglais, ou de ce que Dieu fera à leurs âmes,
elle ne sait rien ; mais sait bien qu'ils seront boutés hors
de France, excepté ceux qui y mourront ; et que Dieu enverra
victoire aux Français contre les Anglais. Interrogée
si Dieu était pour les Anglais, quand ils étaient
en prospérité en France, répondit qu'elle ne
sait si Dieu haïssait alors les Français, mais croit
qu'il voulait permettre de les laisser battre pour leurs péchés,
s'ils y étaient.]
Article 36. "Item ladite Jeanne a dit, affirmé
et s'est vantée, dit, affirme et se vante, de jour en jour,
qu'elle a su et sait véritablement, et que non seulement
elle-même, mais d'autres hommes encore, sur sa requête,
ont connu et reconnu véritablement certaine voix, qu'elle
nommait sa voix, qui venait à elle ; bien que, de sa nature,
la dite voix, qu'elle a désignée et désigne,
eût été et soit invisible pour toute créature
humaine."
- A ce trente-sixième article, ladite Jeanne répond
qu'elle s'en tient à ce qu'autrefois elle en a répondu.
Et des aultres choses, elle en
a respondu.
[Or ce jeudi 22 février,
elle a dit que ceux de son parti reconnurent bien que la voix était
envoyée de par Dieu, et qu'ils virent et reconnurent cette
voix ; et qu'elle le savait bien. En outre dit que son roi et plusieurs
autres ouïrent et virent les voix qui venaient à ladite
Jeanne : là était Charles de Bourbon, et deux ou trois
autres.]
Article 37. "Item ladite Jeanne avoue avoir fait fréquemment
le contraire de ce qui lui a été enjoint et ordonné
par les révélations qu'elle se vante d'avoir de Dieu
; par exemple, quand elle s'éloigna de Saint-Denis, après
l'assaut de Paris ; quand elle sauta de la tour de Beaurevoir, et
en d'autres circonstances. En quoi il est manifeste qu'elle n'a
pas eu révélations de Dieu, ou bien qu'elle a méprisé
les préceptes et révélations expresses par
lesquelles elle se dit être en tout régie et gouvernée.
Et en outre elle a dit, quand elle eut commandement de ne pas sauter
de la tour, et qu'elle fut tentée de faire le contraire,
qu'elle ne pouvait faire autrement. En quoi elle semble mal juger
du libre arbitre de l'homme et tomber dans l'erreur de ceux qui
avancent qu'il est nécessité par des dispositions
fatales, ou quelque chose de semblable."
- A ce trente-septième article, ce mercredi 28 mars, elle
répond : "Je m'en tiens à ce qu'autrefois
j'en ai répondu." Toutefois elle ajouta qu'à
son départ de Saint-Denis elle eut congé de s'en aller.
Interrogée si, en agissant contre le commandement
de ses voix, point pécher mortellement, répond : "J'en
ai autrefois répondu et m'en remets à ladite réponse."
Et, de la conclusion, elle s'en attend à Notre Seigneur.
Toutesfoys elle dit que a son
partement de Sainct Denis, elle eut congié.
Interroguee
se faire contre le commandement de ses voix, elle cuide point pecher
mortellement, respond : J'en ay aultresfoys respondu. Et m'en
actendz a ladicte responce.
Et de la conclusion de l'article, elle s'en actend a
nostre Seigneur.
[Or, le jeudi
22 février, elle a dit que sa voix lui dit qu'elle
demeurât devant Saint-Denis en France ; mais contre sa volonté,
les seigneurs l'emmenèrent. Cependant, si elle n'avait pas
été blessée, elle ne fût point partie.
Et fut blessée dans les fossés de Paris. Item, a dit
qu'en cinq jours elle fut guérie.
Item interrogée, le samedi 10 mars, si ses
voix lui eussent commandé qu'elle sortit de Compiègne
et signifié qu'elle serait prise, elle y fût allée,
répondit que si elle eût su l'heure et qu'elle dût
être prise, elle n'y fût pas allée volontiers
; toutefois elle eût fait le commandement de ses voix à
la fin, quelque chose qui lui dût advenir.
Item, le jeudi 15 mars, interrogée si
onques ne fit quelque chose contre le commandement et la volonté
de ses voix, répondit qu'elle a pu et su faire, elle l'a
fait et accompli à son pouvoir. Quant au saut de la tour
de Beaurevoir, qu'elle fit contre le commandement de ses dites voix,
elle ne s'en put tenir ; et quand ses voix virent sa nécessité,
et qu'elle ne savait et ne pouvait s'en tenir, elles portèrent
secours à sa vie et la gardèrent de se tuer. Et dit
en outre que, quelque chose qu'elle fît onques en ses grandes
affaires, ses voix l'ont toujours secourue ; et c'est signe qu'elles
sont de bons esprits. Item, ce même jour, interrogée
si elle croit que ce n'est point grand péché de courroucer
sainte Catherine et sainte Marguerite qui lui apparaissent, et d'agir
contre leur commandement, répondit que oui, et le sait amender
; et que le plus qu'elle les courrouça onques, ce fut du
saut de Beaurevoir, à son avis. Et de cela elle leur a crié
merci, et des autres offenses qu'elle peut avoir faites envers elles.]
Article
38. "Item ladite Jeanne, bien que dès le temps de
sa jeunesse ait dit, fait et perpétré nombre de méfaits
et de crimes, péchés et délits honteux, cruels,
scandaleux, déshonorants inconvenants pour son sexe, néanmoins
elle a dit et afflrmé que tout ce qu'elle fit, elle l'a fait
de par Dieu et suivant sa volonté : qu'elle ne fit et n'a
rien fait qui ne provienne de Dieu, par les révélations
des saints anges et des saintes vierges Catherine et Marguerite."
- A ce trente-huitième article Jeanne répond qu'elle
s'en tient à ce qu'autrefois elle en a dit.
Et sur plusieurs interrogacions
qu'on luy faisoit a respondu qu'elle s'en rapporte a ce qu'elle
en a aultresfoys respondu.
Et de la conclusion, a nostre Seigneur.
[Or, le samedi 24 février,
elle a dit que, n'était la grâce de Dieu, elle ne saurait
rien faire. Item, ce même
jour, interrogée si ceux de Domrémy tenaient le parti
des Bourguignons ou le parti adverse, dit qu'elle ne connaissait
au village qu'un Bourguignon et qu'elle eût bien voulu qu'il
eût la tête coupée, voire s'il eût plu
à Dieu. Interrogée si la voix lui dit en sa jeunesse
qu'elle hait les Bourguignons, répondit que, depuis qu'elle
comprit que les voix étaient pour le roi de France, elle
n'aima point les Bourguignons.
Interrogée, le jeudi 15 mars, si au fait
de la guerre elle n'a rien fait sans le congé de ses voix,
répondit : "Vous en êtes tous répondu ;
lisez bien votre livre, et vous la trouverez ; et toutefois dit
qu'à la requête des gens d'armes fut faite une vaillance
d'armes devant Paris, et qu'aussi elle alla devant La Charité
à la requête de son roi. Et ce ne fut ni contre ni
par le commandement de ses voix. Interrogée si onques elle
fit quelque chose contre leur commandement et volonté, répondit
comme il est rapporté à l'article précédent.]
Article
39. "Item, bien que le juste péche sept fois
en un jour, cependant Jeanne a dit et publié qu'elle
n'a jamais fait, ou du moins n'a jamais cru faire, œuvres de
péché mortel, nonobstant qu'elle ait accompli en réalité
toutes les actions qu'ont accoutumé de faire les gens de
guerre, et de pires, ainsi qu'il est déclaré dans
les articles qui précèdent et suivront."
- A ce trente-neuvième article, le mercredi 28 mars, elle
répond : "J'en ai répondu ; je m'en attends
à ce que autrefois j'en ai dit."
Respond : J'en ay respondu. Je
m'en actend que autresfois, j'en ay dit.
[Or, le samedi
24 février, interrogée si elle sait qu'elle
est en la grâce de Dieu, répondit : "Si je n'y
suis, Dieu veuille m'y mettre, et si j'y suis, Dieu m'y veuille
tenir." Et dit qu'elle serait la plus dolente du monde si elle
savait n'être pas en la grâce de Dieu. Dit que, si elle
était en grand péché, elle croit que la voix
ne viendrait pas à elle, et qu'elle voudrait que chacun l'entendit
aussi bien qu'elle.
Item, le jeudi 1er mars, elle a dit qu'elle
a grande joie quand elle voit sa voix ; et lui semble, quand elle
la voit, qu'elle n'est pas en péché mortel. Item,
dit que les saintes Catherine et Marguerite la font volontiers se
confesser à tour de rôle. Item, dit que si elle est
en péché mortel, elle ne le sait. Interrogée
si, quand elle se confesse, elle croit être en péché
mortel, répondit qu'elle ne sait si elle a été
en péché mortel, mais n'en croit pas avoir fait les
œuvres : "Jà ne plaise à Dieu, dit-elle,
que j'y fusse onques, et jà ne lui plaise que j'en fasse
les oeuvres ou les aie faites, par quoi mon âme en soit chargée.
Item, le mercredi 14 mars, interrogée
si ce n'est pas péché mortel de prendre un homme à
rançon et de le faire mourir prisonnier, répondit
qu'elle ne l'a point fait. Et, comme on lui parlait d'un nommé
Franquet d'Arras, qui lui fut baillé à Lagny pour
être mis à mort, répondit qu'elle fut consentante
à le faire mourir, s'il l'avait mérité, et
pour ce qu'il confessa être meurtrier, larron et traître.
Et dit que son procès dura quinze jours ; et en furent juges
le bailli de Senlis et les gens de la justice de Lagny. Et dit qu'elle
requérait d'avoir Franquet pour un homme de Paris, hôtelier
de l'hôtellerie de l'Ours ; et quand elle sut que ce seigneur
était mort et que le bailli lui eut dit qu'elle voulait faire
grand tort à la justice en délivrant ce Franquet,
elle dit alors au bailli : "Puisque mon homme est mort, que
je voulais avoir, faites de celui-là ce que devrez faire
par justice !" Et, quand on lui a rapporté qu'elle avait
assailli Paris un jour de fête ; qu'elle avait eu le cheval
de monseigneur l'évêque de Senlis ; qu'elle s'était
laissé choir de la tour de Beaurevoir ; qu'elle portait l'habit
d'homme; qu'elle était consentante à la mort de Franquet
d'Arras, on lui demanda si en cela elle ne croyait pas avoir fait
péché mortel : elle répondit, premièrement
sur l'assaut de Paris : "Je ne crois pas être en péché
mortel, et si je l'ai fait, c'est à Dieu d'en connaître,
et au prêtre en confession." Secondement, au sujet du
cheval de monseigneur l'évêque répondit qu'elle
croit fermement qu'elle n'a point péché en cela car
ledit seigneur évêque de Senlis eut assignation pour
le dit cheval de deux cents saluts d'or. Troisièmement, au
sujet de la tour de Beaurevoir, répondit qu'elle ne fit pas
ce saut par désespoir, mais en espérance de sauver
son corps et d'aller secourir plusieurs bonnes gens qui étaient
en nécessité ; et après ce saut s'en confessa
et en a demandé pardon à Notre Seigneur, et eut pardon
de lui ; et croit que ce n'était pas bien fait de faire ce
saut. Item, dit qu'elle sait qu'elle en a eu pardon après
s'en être confessé par la relation de sainte Catherine,
et que, sur son conseil, elle alla s'en confesser. Quatrièmement,
au sujet de l'habit d'homme, etc..., répondit : "Puisque
je le fais par le commandement de notre Sire, en son service, je
ne crois point mal faire, et quand Il lui plaira de commander, il
sera bientôt mis bas."]
Article
40. "Item, ladite Jeanne, oublieuse de son salut et à
l'instigation du diable, n'est et n'a pas été honteuse,
à plusieurs reprises, de recevoir le corps du Christ, en
plusieurs et divers lieux, en habit d'homme et dissolu, vêtement
interdit et prohihé pour elle par le commandement de Dieu
et de l'Église."
- A ce quarantième article, ladite Jeanne répond :
"J'en ai répondu et je m'en attends à ce qu'autrefois
j'en ai dit" ; et en conclusion elle s'en attend à
Notre Seigneur.
Respond : J'en ay respondu. Je
m'en actend que autresfois, j'en ay dit.
Et de la conclusion, s'en actend a nostre Seigneur.
[Or interrogée,
le samedi 3 mars, quand elle allait par le pays, si elle
recevait souvent le sacrement de confession et de l'autel, quand
elle veanit aux bonnes villes, répondit que oui, à
la fois. Interrogée si elle recevait les dits sacrements
en habit d'homme, répondit que oui ; mais n'a point mémoire
de les avoir reçus en armes.]
Article
41. "Item, ladite Jeanne, comme une désespérée,
par haine et mépris des Anglais, et aussi par crainte de
la destruction de Compiègne qu'elle avait ouï annoncer,
tenta de se précipiter du sommet d'une tour élevée,
et, à l'instigation du diable, elle se mit en tête
de ce faire, s'y appliqua et fit tout ce qu'elle put pour accomplir
ce dessein ; elle se précipita ainsi, poussée et induite
par un instinct diabolique, entendant plutôt rechercher le
salut de son corps que celui de son âme, et d'autres âmes
; se vantant maintes fois qu'elle se tuerait plutôt que de
permettre qu'on la livrât aux mains des Anglais."
- A ce quarante et unième article, Jeanne répond :
"Je m'en attends à ce qu'autrefois j'en ai dit."
Respond : J'en ay respondu. Je
m'en actend que autresfois, j'en ay dit.
[Or
interrogée, le samedi 3 mars, si elle fut longuement
en la tour de Beaurevoir, répondit qu'elle y fut quatre mois
ou environ ; et quand elle sut que les Anglais devaient venir, elle
fut moult courroucée ; et toutefois ses voix lui défendirent
plusieurs fois qu'elle ne sautât : et finalement, par terreur
des Anglais, elle sauta et se recommanda à Dieu et à
Notre Dame. Item, interrogée si elle ne dit point qu'elle
aurait mieux aimé mourir que d'être en la main des
Anglais, répondit qu'elle aimerait mieux rendre l'âme
à Dieu que d'être en la main des Anglais.
Interrogée, le mercredi 14 mars, quelle
fut la cause pourquoi elle sauta de la tour de Beaurevoir, répondit
qu'elle avait ouï dire que ceux de Compiègne, tous jusqu'à
l'âge de sept ans, devaient être mis à feu et
à sang ; et qu'elle aimerait mieux mourir que de vivre après
une telle destruction de bonnes gens ; et ce fut une des causes
de son saut ; et l'autre fut qu'elle sut qu'elle était vendue
aux Anglais et qu'elle eût eu plus cher de mourir que d'être
en leurs mains. Interrogée si elle fit ce saut sur le conseil
de ses voix, répondit que sainte Catherine lui disait presque
tous les jours qu'elle ne sautât point, et que Dieu l'aiderait
et aussi ceux de Compiègne. Et ladite Jeanne dit à
sainte Catherine que, puisque Dieu aiderait ceux de Compiègne,
elle voulait y être ; et sainte Catherine lui dit : "Sans
faute, il faut que le preniez en gré ; et vous ne serez point
délivrée tant que n'aurez vu le roi des Anglais."
Et ladite Jeanne répondit : "Vraiment, je ne le voudrais
point voir, et j aimerais mieux mourir que d'être mise en
la main des Anglais !" Item dit que après qu'elle fut
chue de la tour, elle fut deux ou trois jours sans vouloir manger
; et toutefois elle fut réconfortée par sainte Catherine
qui lui dit qu'elle se confessât et requît pardon à
Dieu pour ce qu'elle avait sauté ; et que sans faute ceux
de Compiègne auraient secours avant la Saint-Martin d'hiver
; et alors elle se prit à manger et à boire et tôt
après fut guérie.
Interrogée si, quand elle retrouva la parole
après ledit saut, elle ne renia point Dieu et ses saints,
répondit qu'elle n'a point mémoire qu'elle reniât
onques Dieu et ses saints. Interrogée si elle veut s'en rapporter
à l'information faite ou à faire, répondit
qu'elle s'en rapportait à Dieu et non à autre.]
Article 42. "Item, ladite Jeanne a dit et publié
que sainte Catherine, sainte Marguerite et saint Michel ont des
membres corporels, tels que tête, yeux, visages, etc... ;
elle ajouta qu'elle a palpé de ses mains lesdites saintes,
et qu'elle les a accolées et baisées."
- A ce quarante-deuxième article, ladite Jeanne répond
: "J'en ai répondu et m'en attends à ce que
j'en ai dit ailleurs."
Respond : J'en ay respondu. Je
m'en actend que autresfois, j'en ay dit.
[Or, le samedi 17 mars,
interrogée si elle baisa ou accola onques sainte Catherine
et sainte Marguerite, répondit qu'elle les a accolées
toutes les deux, et qu'elles fleuraient bon. Interrogée si,
en les accolant, elle n'y sentait point de chaleur on autre chose,
répondit qu'elle ne les pouvait point accoler sans les sentir
et toucher. Interrogée par quelle partie elle les accolait,
ou par haut ou par bas, répondit : "Il convient mieux
de les accoler par le bas que par le haut !"]
Article 43. "Item, ladite Jeanne a dit et publié
que les saints et saintes, les anges et les archanges parlent le
français et non l'Anglais, et que les saints, les saintes,
les anges et les archanges ne sont pas du parti des Anglais mais
de celui des Français, affirmant que les saints et les saintes,
qui sont dans la
gloire, tiennent en haine capitale, à leur honte, un royaume
catholique, un pays adonné à la vénération
de tous les saints suivant les prescriptions de l'Église."
- A ce quarante-troisième article, qui lui a été
exposé, Jeanne ne répond rien d'autre que : "Je
m'en attends à Notre Seigneur et à ce que j'en ai
répondu."
Respond : J'en ay respondu. Je
m'en actend que autresfois, j'en ay dit.
[Or,le
jeudi 1er mars, elle a dit que la voix est belle, douce et
humble et parle langage de France. Interrogée si cette
voix, c'est à savoir sainte Marguerite, parlait la langue
anglaise, répondit : "Pourquoi parlerait-elle anglais
? elle n'est point du parti des Anglais".]
Article 44. "Item, ladite Jeanne se vanta et se vante,
a publié et publie que sainte Catherine et sainte Marguerite
lui firent promesse de la mener au Paradis et lui certifièrent
qu'elle acquerrait la béatitude si elle conservait sa virginité,
et qu'elle en est sure."
- A ce quarante-quatrième article ladite Jeanne répond
: "Je m'attends à Notre Seigneur et à ce que
j'en ai répondu ailleurs."
Respond : J'en ay respondu. Je
m'en actend que autresfois, j'en ay dit.
[Or,
le jeudi 22 février, elle a dit que jamais ne requit
de la voix autre récompense finale, sinon le salut de son
âme.
Item, le mercredi 14 mars, interrogée si, depuis
que ses voix lui ont dit qu'elle ira en sa fin au royaume de Paradis,
elle se tient assurée d'être sauvée et qu'elle
ne sera point damnée en enfer, répondit qu'elle croit
fernement ce que ses voix lui ont dit, savoir qu'elle sera sauvée,
aussi fermement que si elle était déjà au royaume
de Paradis. Et quand on lui eut dit que cette réponse était
de grand poids, elle répondit qu'elle la tenait pour un grand
trésor. Et ajouta relativement à cet article : pourvu
qu'elle tint le serment et promesse qu'elle a faits à Notre
Seigneur, c'est assavoir qu'elle gardât bien sa virginité,
et de corps et d'âme. Interrogée si, après cette
révélation, elle croit qu'elle ne puisse faire péché
mortel, répondit à cela : "Je ne le sais, mais
sur ce, je m'en attends à Notre Seigneur, entièrement."
Item, interrogée si elle a besoin de se confesser, puisqu'elle
croit, par révélation de ses voix, qu'elle sera sauvée,
répondit qu'elle ne sait point qu'elle ait péché
mortellement ; mais si elle était en péché
mortel, elle pense que sainte Catherine et sainte Marguerite la
délaisseraient bientôt, croyant qu'on ne saurait jamais
trop nettoyer sa conscience.
Item elle a dit le jeudi 1er mars, que sesdites saintes
lui promirent de la conduire en Paradis et ainsi l'avait requis
d'elles.]
Article 45. "Item, quoique les jugements de Dieu soient
entièrement impénétrables pour nous, néanmoins
ladite Jeanne a dit, proféré, énoncé
et promulgué qu'elle a connu et connaît qui sont les
saints, les saintes, les archanges, les anges, les élus de
Dieu ; qu'elle sait discerner qui est tel parmi eux."
- A ce quarante-cinquième article, ladite Jeanne répond
: "Je m'en attends à ce que j'en ai répondu
ailleurs."
Respond : J'en ay respondu. Je
m'en actend que autresfois, j'en ay dit.
[Or, interrogée,
le mardi 27 février, par quoi et comment elle sait
que ce sont ces deux-là, sainte Catherine et sainte Marguerite,
qui lui apparaissent, et comment elle reconnaît l'une de l'autre,
répondit qu'elle sait bien que ce sont elles et qu'elle reconnaît
bien l'une de l'autre.
Item, le jeudi 1er mars, interrogée si
les saintes lui apparaissent toujours dans le même habit,
répondit qu'elle les voit toujours sous la même forme
; et leurs figures sont couronnées bien richement ; et de
leurs autres habits, elle ne parle pas, ni de leurs robes dont elle
ne sait rien.
Item, le samedi 3 mars, dit des saintes Catherine
et Marguerite et de ses autres apparitions qu'elle les vit bien,
et qu'elle sait que ce sont saints et saintes du Paradis.]
Articles 46. "Item, elle a dit avoir requis bien affectueusement
sainte Catherine et Marguerite pour ceux de Compiègne avant
de sauter, leur disant entre autres choses, par manière de
reproche, ceci : "Et comment laissera Dieu ainsi mourir mauvaisement
ceux de Compiègne, qui sont si loyaux !" En quoi apparaissent
son impatience et son irrévérence envers Dieu et les
saints.
- A ce quarante-sixième article, ladite Jeanne répond
: "Je m'en attends à ce que j'en ai répondu."
Respond : J'en ay respondu. Je
m'en actend que autresfois, j'en ay dit.
[Or,
le samedi 3 mars, elle a dit que, après qu'elle fut
blessée en sautant de la tour de Beaurevoir, la voix de sainte
Catherine lui dit qu'elle fit bonne chère et qu'elle guérirait,
et que ceux de Compiègne auraient secours. Item, dit qu'elle
priait souvent pour ceux de Compiègne avec son conseil.]
Article 47. "Item, ladite Jeanne, mal contente de la
blessure qui lui advint, par suite de la chute ou saut fait de la
tour de Beaurevoir, et de ce qu'elle n'avait pas réalisé
son dessein, blasphéma Dieu, les saints et les saintes, les
renia ignominieusement, et les méprisa terriblement, pour
l'horreur de tous ceux qui étaient présents ; et en
outre, depuis qu'elle fut au château de Rouen, en plusieurs
et divers jours, elle a blasphémé et renié
Dieu, la bienheureuse Vierge, les saints et les saintes, supportant
impatiemment et protestant d'être mise en procès devant
des gens d'Église, et d'être jugée par eux."
- A ce quarante-septième article, ladite Jeanne répond
: "Je m'en tiens à Notre Seigneur et à ce
que j'en ai répondu."
Respond : J'en ay respondu. Je
m'en actend que autresfois, j'en ay dit.
[Or,
le samedi 3 mars, interrogée si, après le saut
de la tour, elle ne s'emporta et ne se courrouça point, et
ne blasphéma pas le nom de Dieu, répondit qu'onques
ne maugréa contre saint ni sainte, et ce qu'elle n'a point
accoutumé de jurer. Interrogée sur le fait de Soissons
dont le capitaine avait rendu la ville, et qu'elle avait dit qu'elle
reniait Dieu, et que si elle le tenait elle le ferait trancher en
quatre pièces répondit qu'onques ne renia saint ni
sainte, et que ceux qui l'on dit ont mal entendu.
Item, le mercredi 14 mars, interrogée
si, depuis qu'elle est en cette prison, elle n'a point renié
ni maudit Dieu, répondit que non, et parfois quand elle dit
: bon gré Dieu, ou saint Jehan, ou Nostre
Dame, ceux qui peuvent avoir rapporté ces paroles ont
mal entendu.]
Article
48. "Item ladite Jeanne a dit qu'elle avait cru et croyait
que les esprits lui apparaissant étaient des anges, des archanges,
des saints et des saintes de Dieu, aussi fermement qu'elle croit
en la foi chrétienne, et aux articles de cette foi, alors
que cependant elle ne rapporte avoir eu aucun signe qui puisse être
suffisant pour les reconnaître ; et sur cela encore elle n'a
consulté aucun évêque, curé ou autre
prélat de l'Église, ou quelque autre ecclésiastique
pour savoir si elle devait donner créance à de tels
esprits ; elle a dit qu'il lui avait été prohibé
par ses voix de révéler à quiconque les communications
susdites, si ce n'est d'abord à un capitaine de gens d'armes,
au dit Charles, et à autres personnes purement laïques.
En quoi elle avoue que sa croyance est téméraire,
sa pensée mauvaise au sujet des articles de la foi et de
leur fondement ; en outre qu'elle a eu des révélations
suspectes, qu'elle a voulu les cacher aux prélats et gens
d'Église et s'en ouvrir de préférence à
des séculiers."
- A ce quarante-huitième article, Jeanne répond :
"J'en ai répondu et m'en attends à ce qui
est écrit. Et quant aux signes, si ceux qui les demandent
n'en sont dignes, elle n'en peut mais. Et plusieurs fois elle a
été en prière, afin qu'il plût à
Dieu qu'il les révélât à certains de
son parti."
Et dit en outre que de croire en ses révélations,
elle n'en demanda point conseil à évêque ou
curé ou à autre.
Item, dit qu'elle croit que c'était saint Michel
pour la bonne doctrine qu'il lui montrait.
Interrogée si saint Michel lui a dit : "je
suis saint Michel", répond qu'elle en a autrefois répondu
; et quant à la conclusion de l'article répond, "Je
m'en attends à Notre Seigneur."
Item, dit qu'elle croit aussi fermement qu'elle croit
que Notre Seigneur Jésus-Christ a souffert mort pour nous
racheter des peines d'enfer, que c'était saint Michel, Gabriel,
saintes Catherine et Marguerite que Notre Seigneur lui envoya pour
la réconforter et conseiller.
Respond : J'en ay respondu,
et m'en actendz a ce qui est escript.
Et quand aux signes, se ceulx qui le demandent n'en
sont dignes, elle n'en peult mais.
Et plusieurs foys en a esté en priere, afïin qu'il pleust
a Dieu qu'il le revelast a aulcuns de ce party.
Et dit oultre que, de croire en ses revelacions, elle
ne demande point de conseil a evesque, curé, ou aultres.
Item, dit qu'elle croit que c'estoit sainct Michel,
pour la bonne doctrine qui luy monstroit.
Interroguee se sainct Michel luy dist : Je suis sainct
Michel, respond : J'en ay aultresfoys respondu.
Et quand a la conclusion de l'article, respond : J'en
ay aultresfoys respondu, et m'en actendz a nostre Seigneur.
Item, dit qu'elle croit aussy fermement qu'elle croit
que nostre Seigneur a souffert mort et passion pour nous rachapter
des peines d'enfer, que se soyent sainctz Michel, Gabriel, sainctes
Katherine et Margueritte, que nostre Seigneur luy envoye pour la
conforter et conseiller.
[Or,
le samedi 24 février, elle a dit qu'elle croit fermement,
et aussi fermement qu'elle croit en la foi chrétienne, que
Messire nous racheta des peines d'enfer, que cette voix vient de
Dieu et sur son ordre.
Item, le samedi 3 mars, interrogée si
elle croit que saint Michel et saint Gabriel aient têtes naturelles,
répondit: "Je les ai vus de mes yeux, et crois que ce
sont eux aussi fermement que Dieu est". Interrogée si
elle croit que Dieu les forma avec ces têtes qu'elle leur
vit, répondit: "Je les ai vus de mes yeux, et ne vous
dirai autre chose." Interrogée si elle croit que Dieu
les forma en ces mode et forme où elle les vit, répondit
que oui.
Le lundi 12 mars, interrogée si elle n'a
point parlé de ces visions à son curé ou à
autre homme d'Église, répondit que seulement à
Robert de Baudricourt et à son roi. Et dit en outre qu'elle
ne fut pas contrainte par ses voix de les céler ; mais redoutait
fort de les révéler par crainte des Bourguignons,
et qu'ils n'empêchassent son voyage ; et spécialement
redoutait moult son père et qu'il ne l'empêchât
de faire son voyage. Item, ce même jour, interrogée
si elle croyait bien faire de partir sans le congé de son
père et de sa mère, puisqu'on doit honorer père
et mère, répondit qu'en toutes choses elle leur a
bien obéi, excepté en ce départ ; mais depuis
elle leur en a écrit, et ils lui ont pardonné.]
Article 49. "Item, ladite Jeanne, sans autre fondement
que sa seule fantaisie, a vénéré les esprits
de cette sorte, baisant la terre où elle dit qu'ils ont passé,
s'agenouillant devant eux, les accolant et les baisant, et leur
faisant autres révérences, leur rendant grâces,
les mains jointes, et contractant familiarité avec eux :
et cependant elle ne savait si c'étaient de bons esprits
; bien plus, en considérant les dites circonstances, ces
esprits devaient être jugés par elle et sont visiblement
plutôt mauvais que bons. Lesquels culte et vénération
semblent tenir de l'idolâtrie et provenir d'un pacte noué
avec les démons."
- A ce quarante-neuvième article, ce mercredi 28 mars, Jeanne
répond, du commencement : "J'en ai répondu"
; et de la conclusion : "Je m'en attends à notre
Sire."
Respond : du commencement j'en
ay respondu.
Et de la conclusion, s'en actend a nostre Seigneur.
[Or, le samedi 24 février,
interrogée si elle ne remercia point la voix qui lui apparut,
et si elle s'agenouilla, répondit qu'elle la remercia, mais
qu'elle était assise en son lit et qu'elle joignit les mains
et elle dit que ce fut après qu'elle lui requit d'avoir conseil.
Item, le samedi 10 mars, interrogée quand
le signe vint à son roi quelle révérence elle
lui fit, et s'il vint de par Dieu, répondit qu'elle remercia
Notre Seigneur de ce qu'il la délivra de la peine que lui
feraient les clercs de par-delà qui arguaient contre elle
; et s'agenouilla plusieurs fois. Item, ce même jour, interrogée
si son roi et elle ne firent point de révérence à
l'ange quand il apporta le signe, répondit que oui, en ce
qui la concerne ; et s'agenouilla et ôta son chaperon.
Item, le
lundi 12
mars, interrogée quand elle promit à Dieu de garder
sa virginité, si elle Lui parla, répondit qu'il devait
bien suffire de le promettre à ceux qui étaient envoyés
de par Lui, c'est assavoir à saintes Catherine et Marguerite.
Item, dit que la première fois qu'elle ouït sa voix
elle fit vœu de virginité, tant qu'il plairait à
Dieu ; et elle était en l'âge de treize ans, ou environ.
Item, ce même jour interrogée si elle faisait révérence
à saint Michel et aux anges quand elle les voyait, répondit
que oui ; et baisait la terre après leur départ, là
où ils avaient passé, en leur faisant la révérence.
Item, le jeudi 15 mars, interrogée si, quand
viennent ses voix, elle leur fait révérence
absolument, comme à un saint ou à une sainte, répondit
que oui ; et si parfois elle ne l'a fait, leur en a crié
merci depuis ; et ne leur sait faire si grande révérence,
comme il leur appartient ; car elle croit fermement que ce sont
saintes Catherine et Marguerite. Et dit semblablement en ce qui
concerne saint Michel. Item, ce même jour, interrogée
si aux saintes qui viennent à elle, elle n'a point fait d'offrande
de chandelles ardentes ou d'autre chose, à l'église
ou ailleurs, ou fait dire des messes, répondit que non, si
ce n'est à l'offrande, à la messe, en la main du prêtre,
et en l'honneur de sainte Catherine. Et croit que sainte Catherine
est une de celles qui lui apparaissent ; et elle n'a point tant
allumé de chandelles, comme elle ferait volontiers à
sainte Catherine et à sainte Marguerite qui sont en paradis,
car elle croit fermement que ce sont elles qui viennent à
elle. Item, interrogée ce même jour si, quand elle
met ces chandelles devant l'image de sainte Catherine, elle met
ces chandelles en l'honneur de la sainte qui lui apparait, répondit
: "Je le fais en l'honneur de Dieu, de Notre Dame, de sainte
Catherine qui est au ciel ; et ne fais point de différence
entre sainte Catherine qui est au ciel et celle qui m'apparaît."
Interrogée, ce même jour, si elle a fait ou accomplit
toujours ce que ses voix lui commandèrent, répondit
que, de tout son pouvoir, elle accomplit le commandement que Notre
Seigneur lui fait par ses voix, et de ce qu'elle en sait entendre
; et ne lui commande rien sans le bon plaisir de Notre Seigneur.
Item, le samedi 17 mars, interrogée si
elle n'a point donné de chapeaux de fleurs aux saintes qui
lui apparaissaient, répondit que en l'honneur de ces saintes,
elle a donné à leurs images ou représentations
dans les églises plusieurs chapeaux ; et quant à celles
qui lui apparaissaient, elle n'en a point baillé, dont elle
ait mémoire. Item, interrogée quand elle mettait chapeaux
en l'arbre qui a été désigné plus haut,
si elle les mettait en l'honneur de celles qui lui apparaissaient,
répondit que non. Item, ce même jour, interrogée
si, quand les saintes venaient à elle, elle ne leur faisait
point la révérence, comme de s'agenouiller ou incliner,
répondit que oui ; et le plus qu'elle pouvait leur faire
de révérences, elle leur faisait ; car elle sait bien
que ce sont celles qui sont en paradis.]
Article 50. "Item, ladite Jeanne invoque fréquemment
et chaque jour ces esprits, les consultant sur ses actions particulières,
par exemple les réponses ; qu'elle doit faire en son procès,
et sur d'autres sujets, ce qui parait constituer et constitue invocation
de démons."
- A ce cinquantième article, le mercredi 28 mars, ladite
Jeanne répond : "J'en ai répondu et les appellerai
à mon aide tant que vivrai."
Interrogée par quelle manière elle les
requiert, répond :
- Je réclame de Notre Seigneur et Notre Dame qu'ils m'envoient
conseil et confort ; et puis ils me les envoient."
Interrogée par quelles paroles elle les requiert,
répond qu'elle les requiert par cette manière :
- Très doux Dieu, en l'honneur de votre sainte passion,
je vous requiers si vous m'aimez, que vous me révéliez
comment je dois répondre à ces gens d'Église.
Je sais bien, quant à l'habit, le commandement comment je
l'ai pris, mais je ne sais point par quelle manière je le
dois laisser. Pour ce, qu'il vous plaise de me l'enseigner.
Et aussitôt ils viennent. Item, dit qu'elle a
souvent des nouvelles, par ses voix, de monseigneur de Beauvais.
Et interrogée sur ce qu'ils disent de lui, répond
:
- Je vous le dirai à part.
Item dit qu'aujourd'hui ils sont venus trois fois.
Interrogée s'ils étaient en sa chambre,
répond :
- Je vous en ai répondu, toutefois je les ouïs bien.
Item dit que sainte Catherine et sainte Marguerite lui ont
dit de quelle manière elle doit répondre concernant
cet habit.
Aussy respond qu' elle a respondu. Et les appellera
a son ayde tant qu'elle vivra.
Interroguee par quelle maniere elle les requiert, respond
: Je reclame nostre Seigneur et nostre Dame qu'elle me envoye conseil
et confort. Et puis le m'envoye.
Interroguee
par quelles parolles elle requiert, respond : Elle requiert par
ceste maniere : "TRES DOULX DIEU, EN L'HONNEUR DE VOSTRE SAINCTE
PASSION, JE VOUS REQUIERS, SE VOUS M'AYMEZ, QUE VOUS ME REVELEZ
QUE JE DOIBS RESPONDRE A SES GENTZ D'EGLISE. JE SÇAIS BIEN,
QUAND A L'ABIT, LE COMMANDEMENT COMME JE L'AY PRINS ; MAIS, JE NE
SÇAYS POINT PAR QUELLE MANIERE JE LE DOIBS LAISSER. POUR
CE, PLAISE VOUS A MOY L'ENSEIGNER."
Et
tantost ilz viennent.
Item, dit qu'elle a souvent nouvelles, par ses voix,
de monseigneur de Beauvoys.
Interroguee que ilz disent de luy, respond : Je le
diray a vous, a part.
Item, dyent qu'ilz sont venues aujourd'huy troys foys.
Interroguee se ilz estoyent en sa chambre, respond :
Je vous en ay respondu. Toutesfoys je les oys bien.
Item, dit que saincte Katherine et saincte Margueritte
luy ont dit la maniere qu'elle doibt respondre de icelluy habit.
[Or,
le samedi
24 février, dit que la voix lui dit qu'elle répondit
hardiment ; et que, quand elle fut tirée du sommeil, elle
demanda à la voix conseil sur ce qu'elle devait répondre,
disant à ladite voix qu'elle demandât conseil à
Notre Seigneur ; et la voix lui dit qu'elle répondit hardiment,
et que Dieu la réconforterait. Item, ce même jour,
interrogée si, avant qu'elle la requit, la voix ne lui dit
point certaines paroles, répondit que la voix lui dit certaines
paroles mais qu'elle ne les comprit toutes ; mais quand elle fut
éveillée, elle comprit que la voix lui dit qu'elle
répondit hardiment. Item dit que cette nuit elle avait entendu
la voix lui dire : "Réponds hardiment".
Item, le mardi 27 février, interrogée
sur ce que la voix lui avait dit, depuis le samedi dernier passé,
répondit qu'elle lui demandait conseil sur certains points
de nos interrogatoires dans le procès. Interrogée
si la voix lui avait donné conseil sur certains points, répondit
que sur certains elle eut conseil. Et qu'aussi, sur d'autres, on
pourrait lui demander réponse qu'elle ne donnerait pas sans
congé. Et si elle répondait sans congé, par
aventure, elle n'aurait pas ses voix en garant ; mais quand elle
aura congé de Notre Seigneur, elle ne craindra pas de parler,
car elle aura bon garant. Item, ce même jour, interrogée
comment elle sait faire la distinction que sur tels points elle
répondrait et sur d'autres, non, répondit que sur
certains points elle avait demandé congé, et qu'elle
l'avait sur certains.
Item, le lundi 12 mars, interrogée si
l'ange ne lui a point failli, quant aux biens de fortune, quand
elle a été prise, répondit qu'elle croit, puisqu'il
plut à Notre Seigneur, que c'est le mieux qu'elle fût
prise. Interrogée si l'ange, quant aux biens de la grâce
ne lui a point failli, répondit : "Comment me faillirait-il
quand il me réconforte tous les jours ?" Et entend que
ce réconfort, c'est sainte Marguerite et sainte Catherine.
Interrogée si elle les appelle ou si elles viennent sans
qu'elle les appelle, répondit qu'elles viennent souvent sans
être appelées, et que parfois, si elles ne venaient
bientôt, elle requérait Notre Seigneur qu'il les envoyât.
Item, interrogée si parfois, les ayant appelées, elles
ne viennent pas, répondit qu'elle n'en eut onques besoin,
ou bien peu, qu'elle ne les eût.
Item, le mercredi 13 mars, interrogée
si depuis hier elle a parlé à sainte Catherine,
répondit que depuis elle l'a ouïe ; et toutefois lui
a dit plusieurs fois qu'elle répondit hardiment aux juges
sur ce qu'ils demanderaient touchant son procès.
Item, le mercredi 14 mars, interrogée
si ses voix lui demandent délai pour répondre, dit
que sainte Catherine lui répond quelquefois ; et parfois
ladite Jeanne manque de l'entendre, à cause du trouble des
prisons et des noises de ses gardes ; et quand elle fait requête
à sainte Catherine, aussitôt sainte Catherine et sainte
Marguerite font requête à Notre Seigneur ; et puis,
du commandement de Notre Seigneur, elles donnent réponse
à ladite Jeanne. Interrogée si, quand ses saintes
lui viennent, il y a de la lumière avec elles, et si elle
ne vit point de lumière, quand elle ouït la voix dans
le château, et qu'elle ne savait si cette voix était
dans sa chambre, répondit qu'il n'est jour qu'elles ne viennent
dans ce château de Rouen, et elles ne viennent pas sans lumière
; et cette fois-là où elle ouït la voix, elle
ne se souvient pas si elle vit la lumière, ni si elle vit
sainte Catherine. Item dit qu'elle a demandé à ses
voix trois choses : savoir, son expédition ; secondement,
que Dieu aidât les Français et gardât bien les
villes de leur obéissance ; et la troisième était
le salut de son âme.]
suite du réquisitoire art.51 à 70
Sources
: traduction de Pierre Champion (1921) et E.O'Reilly (1868).
Notes :
16 Incident mentionné par la minute
française mais non reporté dans le procès officiel.
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