Accueil                                                         Admin
22 novembre 2024  

 Son histoire

par Henri Wallon

 Les sources

Procès condamnation

Procès en nullité...

Chroniques & textes

Lettres de J. d'Arc

 Compléments

Bibliographie

Librairie numérique

Dossiers

 Recherches

Mises à jour du site

Recherches

 

 ACCÈS CARTES

     Carte de France (1429)

     Carte Nord France (1429)

     Carte environs Domrémy

     Carte environs Orléans

     Carte siège d'Orléans

     Vues Orléans et pont

 

 Interactivité

Contact

Liens johanniques

Sauvez la Basilique

Procès de condamnation - procès ordinaire
Deuxième séance - 28 mars 1431

Article 51. "Item, ladite Jeanne n'a pas craint de se vanter que saint Michel, archange de Dieu, vint à elle, avec une grande multitude d'anges, au chateau de Chinon, en l'hôtel d'une certaine femme ; et avec elle, il se serait promené, la tenant par la main, montant les degrés du château et allant en la chambre du roi ; et que cet archange fit la révérence au roi, s'inclinant devant lui, accompagné d'autres anges, comme il est rapporté plus haut ; certains d'entre eux étaient couronnés, d'autres avaient des ailes. Dire cela des archanges et des saints anges doit être tenu pour présomptueux, téméraire, simulé ; attendu surtout qu'on ne trouve point dans les livres que tant de révérence et de salutations aient été faites à un homme, quel qu'il soit, pas même devant Notre Dame, mère de Dieu. Et souvent elle a dit que sont venus à elle l'archange saint Gabriel, saint Michel, et parfois mille milliers d'anges. En outre ladite Jeanne se vante, qu'à sa prière, ledit ange apporte avec lui, en cette compagnie d'anges, une couronne bien précieuse bien précieuse pour son roi, pour qu'il la mît sur sa tête, et qu'elle est maintenant déposée au trésor du roi ; de laquelle, à ce que dit Jeanne, son roi eût été couronné à Reims, s'il avait attendu quelques jours : mais, à cause de la hâte apportée à son couronnement, il en prit une autre. Voilà des mensonges imaginés par cette Jeanne, à l'instigation du diable ou exhibés à elle par ce démon, dans de prestigieuses apparitions, pour se jouer de sa curiosité, tandis qu'elle se mêle de toucher aux choses qui la dépassent et qui sont supérieures à la faculté de sa condition, plutôt que des révélations divines."

- A ce cinquante et unième article, ce mercredi 28 mars, elle répond qu'elle a répondu ailleurs au sujet de l'ange qui apporta le signe. Quant à ce que le promoteur propose de mille millions (1) d'anges, répond qu'elle n'a point souvenir de l'avoir dit, c'est assavoir du nombre. Mais dit bien qu'elle ne fut onques blessée qu'elle n'eût grand confort et grande aide de par Notre Seigneur et par saintes Catherine et Marguerite.
  Item, de la couronne, dit qu'elle en a répondu. Et de la conclusion de l'article, que le promoteur met contre ses faits, s'en attend à Dieu, Notre Seigneur. Où la couronne fut faite et forgée, elle s'en rapporte à Notre Seigneur.

  Respond qu'elle a respondu de l'ange qui apporta le signe. Et quand a ce que le promoteur propose de mille millions d'angelz, respond qu'elle nest point recollente de l'avoir dit, c'est assavoir du nombre. Mais dit qu'elle ne fut oncques blecee, qu'elle ne eust grand confort et grand ayde de par nostre Seigneur, et de sainctes Katherine et Margueritte.
  Item, de la couronne, dit qu'elle a respondu.
  Et de la conclusion de l'article, que le promoteur meet contre ses faictz, s'en actend a Dieu nostre Seigneur.
  Et ou la couronne fut faicte et forgee, s'en rapporte a nostre Seigneur.


  [Or, le mardi 27 février, interrogée s'il y avait un ange sur la tête de son roi quand elle le vit pour la première fois, répondit : "Par NotreDame, s'il y était je l'ignore et ne l'ai point vu." Interrogée s'il y avait de la lumière, répondit qu'il y avait plus de trois cents chevaliers et plus de cinquante torches sans compter la lumière spirituelle; et que rarement elle eut révélations qu'il n'y ait lumière. Interrogée comment son roi ajouta foi à ses dires, répondit qu'il en eut bonnes enseignes, et par les clercs. Item dit que les clercs de son parti furent de cette opinion qu'ils ne voyaient rien que de bien en son fait.
  Item, le jeudi 1er mars, interrogée si son roi avait une couronne à Reims, répondit qu'elle pense que son roi en prit volontiers une qu'il trouva à Reims ; mais une bien plus riche fut apportée depuis ; et fit ainsi pour hâter son fait, à la requête de ceux de la ville, pour éviter la charge des gens d'armes ; et, si il eût attendu, il aurait été couronné d'une couronne plus riche mille fois. Interrogée si elle vit cette couronne plus riche, répondit qu'elle ne peut le dire sans parjure ; et que, si elle ne l'a vue, elle a ouï dire qu'elle est à ce point opulente.
  Item, le samedi 10 mars, interrogée quel est le signe qui vint à son roi, répondit qu'il est beau et honoré, et bien croyable ; et est bon et opulent et qu'il est trouvé le plus riche qui soit. Interrogée pourquoi elle ne veut aussi bien dire et montrer ce signe comme elle voulut avoir le signe de Catherine de la Rochelle, répondit que si le signe de ladite Catherine eût été aussi bien montré, devant notables gens d'Église et autres, archevêques et évêques, dont elle ne sait les noms, (et même y étaient Charles de Bourbon, le sire de la Trémoïlle, le duc d'Alençon et plusieurs autres chevaliers qui le virent et l'ouïrent, aussi bien qu'elle voit ceux qui lui parlent), elle n'eût point demandé à savoir le signe de ladite Catherine ; et toutefois elle savait bien par saintes Catherine et Marguerite, que du fait de ladite Catherine, c'était tout néant. Interrogée si ledit signe dure encore, répondit : "Il est bon à savoir ; et il durera jusqu'à mille ans, et outre !" Item, dit que ledit signe est au trésor de son roi. Interrogée si c'est or, argent ou pierre précieuse ou couronne, répondit : "Je ne vous en dirai autre chose ; et ne saurait homme décrire aussi riche chose, comme est ce signe." Et ajouta : "Le signe qu'il vous faut, c'est que Dieu me délivre de vos mains ; et c'est le plus certain qu'il vous sache envoyer !" Item, ce même jour, dit qu'un ange de par Dieu, et non de par autre, bailla le signe à son roi ; et elle en remercia bien des fois Notre Seigneur. Item dit que les clercs de son parti cessèrent de l'arguer quand ils eurent ledit signe. Interrogée si les gens d'Église de par-delà virent le signe susdit, répondit que, quand son roi et ceux qui étaient avec lui virent ledit signe, et aussi l'ange qui le bailla, elle demanda à son roi s'il était content, et il répondit que oui ; et alors elle partit et s'en alla en une petite chapelle assez près, et alors ouït dire qu'après son départ plus de trois cents personnes virent ledit signe. Dit en outre que, pour l'amour d'elle, et pour qu'ils cessassent de interroger, Dieu voulut permettre que ceux de son parti ledit signe, le vissent.
  Item, le lundi 12 mars, interrogée si l'ange qui apportat ledit signe ne parla point, répondit que oui, et qu'il dit à son roi qu'on la mit en besogne, et que le pays serait aussitôt allégé. Interrogée si l'ange qui apporta ledit signe fut l'ange qui premièrement lui apparut, ou si ce fut un autre, répondit que c'est toujours tout un et qu'onques il ne lui faillit. Item, ce même jour, interrogée sur le signe qu'elle bailla à son roi, répondit que sur ce elle aura conseil de sainteCatherine.
  Item, le mardi 13 mars, interrogée sur le signe qu'elle bailla à son roi, et sur ce que c'était, répondit : "Seriez-vous content que je me parjurasse ?" Interrogée si elle avait juré et promis à sainte Catherine de ne pas dire ce signe, répondit : "J'ai juré et promis de ne pas dire ce signe, et je l'ai fait de moi-même pour ce qu'on me chargeait trop de le dire." Et alors ladite Jeanne dit qu'elle n'en parlerait plus à aucun homme. Item, elle a dit ce même jour, que le signe ce fut que l'ange confirma son roi en apportant la couronne, et en lui disant qu'il aurait tout le royaume de France intégralement, à l'aide de Dieu et moyennant le labeur de ladite Jeanne ; et qu'il la mit en besogne, c'est à savoir qu'il lui baillât des gens d'armes, autrement il ne serait pas de sitôt couronné et sacré. Item, ce même jour, interrogée de quelle manière l'ange apporta la couronne, et s'il la mit sur la tête de son roi, répondit que cette couronne fut baillée à un archevêque, c'est à savoir l'archevêque de Reims, comme il lui semble, en présence de son roi ; et ledit archevêque la reçut et la bailla au roi, ladite Jeanne étant présente ; et elle fut mise au trésor de son roi. Interrogée en quel lieu elle fut apportée, répondit que ce fut en la chambre du roi, au chateau de Chinon. Interrogée du jour et de l'heure, répondit : "du jour, je ne sais ; et de l'heure, il était haute heure ; autrement n'a pas mémoire de l'heure ; et du mois, ce fut au mois d'avril ou de mars, comme il lui semble ; et au mois d'avril prochain, ou en ce présent mois, il y aura deux ans ; et c'était après Pâques. Interrogée si, la première journée qu'elle vit le signe, son roi le vit, répondit que oui, et qu'il l'eut lui-même. Interrogée de quelle matière était ladite couronne, répondit : "C'est bon à savoir qu'elle était d'or fin ; et était si riche que je ne saurais nombrer sa richesse ; et cette couronne signifiait que son roi tiendrait le royaume de France. Interrogée, s'il y avait pierreries, répondit : "Je vous ai dit ce que j'en sais." Interrogée si elle la mania ou ou baisa, répondit que non. Interrogée si l'ange qui l'apporta vint de haut, ou s'il venait de terre, répondit, répondit qu'il vint de haut, par quoi elle entend qu'il vint par le commandement de Notre Seigneur, et entra par l'huis de la chambre. Interrogée si l'ange venait par terre et marchait depuis l'huis de la chambre, répondit que, quand l'ange vint devant son roi, ledit ange fit la révérence audit roi en s'inclinant devant lui, en prononçant les paroles que ladite Jeanne a dites du signe ; et avec ce, ledit ange remémorait audit roi la belle patience qu'il avait eue, selon les grandes tribulations qui lui étaient
advenues ; et depuis l'huis ledit ange marchait et s'avançait sur la terre, en venant audit roi. Interrogée quel espace il y avait de l'huis jusqu'au roi, répondit, qu'à ce qu'elle pense, il y avait bien l'espace de la longueur d'une lance ; et s'en alla l'ange par la voie par où il était venu. Item dit que, quand l'ange vint, ladite Jeanne l'accompagna, et alla avec lui par les degrés à la chambre dudit roi ; et entra l'ange le premier ; et puis elle-même dit au roi : "Sire, voilà votre signe, prenez-le" Interrogée en quel lieu l'ange lui apparut, répondit qu'elle était presque toujours en prière, afin que Dieu envoyât le signe à son roi ; et Jeanne était en son logis, savoir en l'hôtel d'une bonne femme près du château de Chinon quand l'ange vint ; et puis l'ange et ladite Jeanne allèrent ensemble audit roi ; et l'ange était bien accompagné l'ange était bien accompagné d'autres anges avec lui qu'un chacun ne voyait pas ; et ce n'eût été pour l'amour d'elle et pour l'ôter hors de la peine des gens qui l'arguaient, elle croit que plusieurs gens n'auraient pas vu ledit ange qui le virent. Interrogée si tous ceux, qui étaient là avec le roi virent l'ange, répondit qu'elle pense que l'archevêque de Reims et les seigneurs d'Alençon, de la Trémoille et Charles de Bourbon le virent ; et quant à la couronne, plusieurs gens d'église et autres la virent, qui ne virent pas l'ange. Interrogée de quelle figure et de quelle grandeur était ledit ange, répondit qu'elle n'a point congé de le dire, et que demain en répondra. Interrogée si tous ceux qui étaient en la compagnie de l'ange étaient d'une même figure, répondit que certains s'entre ressemblaient assez et les autres, non, en la manière qu'elle les voyait ; certains avaient des ailes, et il y en avait de couronnés, et les autres, non ; et étaient en leur compagnie saintes Catherine et Marguerite qui furent avec l'ange dessusdit, et les autres anges aussi, jusque dans la chambre du roi. Interrogée comment cet ange la quitta, répondit qu' il la quitta dans la petite chapelle ; et fut bien courroucée de son départ, et pleurait ; et s'en fût volontiers allée avec lui, c'est à savoir, son âme. Interrogée si, au départ de l'ange, elle demeura joyeuse ou effrayée et en grand'peur, répondit qu'il ne la laissa apeurée, mais qu'elle était courroucée de son départ. Item, interrogée si ce fut pour son mérite que Dieu lui envoya son ange, répondit qu'il venait pour grande chose, et ce fut en espérance que le roi crût le signe, et qu'on la laissât sans l'arguer, et pour donner secours aux bonnes gens d'Orléans, et aussi pour le mérite du roi et du bon duc d'Orléans. Interrogée pourquoi elle l'eut plutôt qu'une autre, répondit : "Il plut à Dieu de faire ainsi par une simple pucelle pour rebouter les adversaires du roi." Interrogée s'il lui a été dit où l'ange avait d'abord pris ladite couronne, répondit qu'elle fut apportée de par Dieu et qu'il n'y a orfèvre au monde qui la sût faire si belle ou si riche ; et où l'ange la prit, ladite Jeanne s'en rapporte à Dieu, et ne sait point autrement où cette couronne fut prise. Interrogée si cette couronne fleura point bon et si elle était reluisante, répondit qu'elle n'a point mémoire de cela et s'en avisera ; et après dit qu'elle a bonne odeur, et l'aura, mais qu'elle soit bien gardée, ainsi qu'il appartient ; et qu'elle était en manière de couronne. Interrogée si l'ange lui avait point écrit de lettres, répondit que non. Interrogée quel signe eurent le roi et les gens qui étaient avec lui et elle-même de croire que c'était un ange qui leur apparaissait, répondit que le roi le crut bien par l'enseignement des gens d'Eglise qui étaient là, et par le signe de la couronne. Interrogée comment les gens d'Église surent que c'était un ange, répondit que ce fut par leur science et parce qu'ils étaient clercs.]


   Ruines de la salle royale du chateau de Chinon

Article 52. "Item ladite Jeanne a tellement séduit le peuple catholique par ses inventions que beaucoup, en sa présence, l'adorèrent comme une sainte, et l'adorent encore en son absence, ordonnant, en révérence d'elle, messes et collectes dans les églises ; bien plus ils disent qu'elle est plus grande que tous les saints de Dieu, après Notre Dame ; ils dressent ses images et représentations sur les autels des saints, portent sur eux des médailles de plomb ou d'autre métal qui la représentent, comme on a accoutumé de le faire pour les anniversaires et représentations des saints canonisés par l'Église ; et ils prêchent publiquement qu'elle est envoyée de Dieu, et plutôt ange que femme : actes pernicieux pour la religion chrétienne, dommageables au salut des âmes et par trop scandaleux."

- A ce cinquante-deuxième article, ce mercredi 28 mars, Jeanne répond : "Quant au commencement de cet article, j'en ai autrefois répondu ; et quant à sa conclusion, je m'en rapporte à Notre Seigneur".

  Respond aussy quand au commencement de l'article, j'en ay aultresfoys respondu.
  Et quand a la conclusion de l'article, s'en rapporte a nostre Seigneur.


  [Or, ce samedi 3 mars, interrogée si elle connut onques frère Richard, répondit : "Je ne l'avais onques vu quand je vins devant Troyes". Interrogée quelle chère frère Richard lui fit, répondit que ceux de la ville de Troyes, comme elle pense, l'envoyèrent devant elle, disant qu'ils redoutaient qu'elle ne fût pas envoyée de la part de Dieu ; et quand il vint devers elle, en l'approchant, il faisait le signe de la croix et jetait de l'eau bénite ; et elle lui dit : "Approchez hardiment, je ne m'envolerai pas !" Interrogée si elle n'a point vu ou fait faire certaines images ou peintures à sa ressemblance, répondit qu'à Arras elle vit une peinture en la main d'un Écossais ; et il y avait sa figuration, tout armée, et présentait une lettre à son roi, et était agenouillée d'un genou. Et dit qu'onques ne vit ni fit faire autre image ou peinture à sa ressemblance. Interrogée d'un certain tableau ou certaine tablette, chez son hôte à Orléans, où était peintes trois femmes : Justice, Paix, Union, répondit qu'elle n'en sait rien. Interrogée si elle ne sait point que ceux de son parti aient fait dire service, messe et oraison pour elle, dit qu'elle n'en sait rien ; et s'ils en firent dire service, ne l'ont point fait de son commandement ; et s'ils ont prié pour elle il lui est avis qu'ils n'ont point fait de mal. Item, ce samedi 3 mars, interrogée quelle révérence lui firent ceux de Troyes, à l'entrée, répondit : "Ils ne me firent point de révérence." Et dit en outre, qu'à son avis, frère Richard entra à Troyes quand ils entrèrent ; mais n'a point souvenir si elle le vit à l'entrée. Interrogée si frère Richard ne fit point de sermon à l'entrée, à la venue de Jeanne, répondit qu'elle ne resta guère à Troyes et n'y coucha onques ; et quant au sermon, elle n'en sait rien.]

Article 53. "Item, contrairement au commandement de Dieu et des saints, ladite Jeanne a assumé, avec orgueil et présomption, la domination sur des hommes ; elle s'est constituée chef et capitaine d'armée, s'élevant parfois jusqu'au nombre de 16.ooo hommes, où se trouvaient princes, barons et autres nobles, que tous elle a fait servir militairement, sous elle, comme principal capitaine."

- A ce cinquante-troisième article, ce mercredi 28 mars, Jeanne répond que, quant au fait d'être chef de guerre, elle en a autrefois répondu ; et si elle était chef de guerre, c'était pour battre les Anglais. Quant à la conclusion de l'article, elle s'en rapporte à Notre Sire.

  Interroguee de ce qu'elle avoit esté chef de guerre, respond qu'elle en a aultresfoys respondu ; et, se elle estoit chef de guerre, c'estoit pour battre les Angloys. Et quand a la conclusion de l'article, s'en rapporte a nostre Seigneur.

  [Or, ce mardi 27 février, interrogée quelle compagnie lui donna son roi quand il la mit en oeuvre, répondit qu'il lui bailla dix ou douze mille hommes ; et qu'elle alla dans Orléans d'abord à la bastille de Saint-Loup, et ensuite à celle du Pont.]

Article 54. "Item, ladite jeanne ; sans vergogne, marcha avec des hommes, refusa d'avoir la compagnie et les soins de femmes, mais voulut seulement employer des hommes qu'elle fit servir dans les offices privés de sa chambre et dans ses affaires secrètes, ce qui n'a jamais été vu ni entendu d'une femme pudique ou dévote."

- A ce cinquante-quatrième article, ladite Jeanne répond que son gouvernement, c'était d'hommes ; mais, quant au logis et au gît, le plus souvent elle avait une femme avec elle ; et lorsqu'elle était à la guerre, elle gisait vêtue et armée, là où elle ne pouvait trouver des femmes. Quant à la conclusion de l'article, elle s'en rapporte à Notre Sire.

  Interroguee qui la gouvernoit, respond que son gouvernement estoit d'hommes. Mais quand au logis, avoit le plus souvent une femme avecques elle. Et quand elle estoit en guerre, elle gisoit vestue et armee, la ou elle ne povoit recouvrer des femmes.
  Quand a la conclusion de l'article, respond : j'en ay respondu.


Article 55. "Item, ladite jeanne a abusé des révélations et prophéties qu'elle dit avoir de Dieu, les faisant tourner en lucre temporel et en profit ; car, par le moyen des dites révélations, elle a acquis grand nombre de richesses, grand appareil et état, de nombreux officiers, chevaux, ornements ; et aussi pour ses frères et parents, de grands revenus temporels : en cela elle imita les faux prophètes qui, pour la quête des biens temporels et l'acquisition des faveurs des grands de ce monde, ont accoutumé de feindre qu'ils ont à leur sujet révélations qui les concernent, et entendent plaire aux princes temporels : ainsi ils abusent des divins oracles et attribuent leur mensonge à Dieu."

- A ce cinquante-cinquième article, ladite Jeanne répond : "J'en ai répondu." Quant aux dons faits à ses frères, ce que le roi leur a donné, c'est de sa grâce, sans sa requête à elle. Quant à la charge que lui donne le promoteur, et à la conclusion de l'article, elle s'en rapporte à Notre Sire.

  Et des dons fais a ses freres, respond : Ce que le roy leur a donné, c'est de sa grace, sans la requeste d'elle.
  Quand a la charge que luy donne le promoteur, s'en rapporte a nostre Seigneur.


  [Or, le samedi 10 mars, interrogée si elle eut onques autres richesses de son roi que ses chevaux, répondit qu'elle ne demanda rien à son roi, fors bonnes armes, bons chevaux et de l'argent pour payer les gens de son hôtel.
  Interrogée si elle n'avait pas de trésor, répondit que les dix ou douze mille qu'elle a vaillant ce n'est pas grand trésor pour mener la guerre, et que c'est peu ; lesquelles choses ont ses frères, comme elle pense. Et dit que ce qu'elle a, c'est de l'argent propre de son roi. Item, dit qu'elle fut prise sur un demi-coursier. Interrogée qui le lui donna, répondit que son roi ou ses gens le lui donnèrent, sur l'argent de son roi ; et avait cinq coursiers de l'argent de son roi, sans les trottiers dont elle avait plus de sept.]

Article 56. "Item, ladite Jeanne s'est vantée plusieurs fois d'avoir deux conseillers qu'elle nomme les conseillers de la fontaine, qui vinrent à elle depuis qu'elle fut prise, ainsi qu'il a été trouvé par la confession de Catherine de La Rochelle faite devant l'official de Paris (2) ; cette Catherine a dit que ladite Jeanne sortira de prison avec l'aide du diable, si elle n'était pas bien gardée."

- A ce cinquante-sixième article, ladite Jeanne répond : "Je m'en tiens à ce que j'en ai dit." Et quant aux conseillers de la fontaine elle ne sait ce que c'est. Mais croit bien qu'une fois elle y ouït saintes Catherine et Marguerite. Quant à la conclusion de l'article, elle la nie, et affirme, par son serment, qu'elle ne voudrait point que le diable la tirât hors de sa prison.

  Et dit qu'elle se tient a ce qu'elle en a respondu.
  Quand aux conseillers de la fontaine, elle sçait que c'est. Mais bien sçait et croit que une joys oyt saincte Katherine et saincte Margueritte.
  Et quand a la conclusion de l'article, elle nye. Et si afferme par son serment qu'elle ne vouldroit point que le dyable a l'eust tiree hors de la prison.


  [Or, le samedi 3 mars, interrogée si elle ne vit point ou connut Catherine de La Rochelle, répondit que oui, à Jargeau et à Montfaucon-en-Berry. Interrogée si ladite Catherine ne lui montra point une dame vêtue de blanc qu'elle disait lui apparaitre parfois répondit que non. Interrogée, ce même samedi 3 mars, sur ce que cette Catherine lui a dit, répondit que ladite Catherine lui a dit qu'une dame blanche venait à elle, vêtue de drap d'or, qui disait à ladite Catherine qu'elle allât par les bonnes villes, et que son roi lui baillerait hérauts et trompettes, pour faire crier que quiconque aurait or, argent ou trésor caché, l'apportât aussitôt ; et que ceux qui ne le feraient, et qui en auraient de caché, ladite Catherine les connaitrait bien et saurait bien trouver les dits trésors ; et que ce serait pour payer les gens d'armes de ladite Jeanne. A quoi ladite Jeanne répondit à ladite Catherine qu'elle retournât vers son mari faire son ménage et nourrir ses enfants. Et pour en avoir la certitude, elle parla à sainte Catherine ou à sainte Marguerite qui lui dirent que du fait de cette Catherine ce n'était que folie et tout néant. Et sur le fait de cette Catherine ladite Jeanne écrivit à son roi, et qu'elle lui dirait ce qu'il en devait faire ; et quand ladite Jeanne vint en la présence de son roi, elle lui dit que c'était folie et tout néant du fait de ladite Catherine. Toutefois frère Richard voulait qu'on la mît en oeuvre ; et ont été très mal contents de ladite Jeanne les dits frère Richard et Catherine. Interrogée si elle ne parla point à Catherine de La Rochelle d'aller à La Charité, répondit que ladite Catherine ne conseillait point à ladite Jeanne qu'elle y allât ; et que le temps était trop froid ; et que ladite Jeanne n'irait point. Item ce 3 mars, ladite Jeanne confessa avoir dit à ladite Catherine, qui voulait aller vers le duc de Bourgogne pour faire la paix, qu'on n'y trouverait point de paix, si ce n'était par le bout de la lance. Item ladite Jeanne confessa avoir demandé à cette Catherine si la dame lui venait toutes les nuits ; et pour ce coucherait avec elle, comme ell y coucha ; et veilla jusqu'à minuit et ne vit rien, et puis quand vint au matin, elle demanda à ladite Catherine si cette dame était venue ; et ladite Catherine répondit que cette dame était venue, et que lors dormait ladite Jeanne, et ne l'avait pu éveiller. Et lors ladite Jeanne demanda à ladite Catherine si la dame ne viendrait pas le lendemain ; ladite Catherine répondit que oui. Pour cette cause, dormit ladite Jeanne le jour, afin qu'elle pût veiller la nuit ; et, la nuit suivante, coucha ladite Jeanne avec ladite Catherine et veilla toute la nuit ; mais ne vit rien, bien que souvent elle demandât à ladite Catherine si elle viendrait ; et ladite Catherine répondait: "Oui, bientôt !"]

     Enceinte de Paris près de la Porte Saint-Honoré

Article 57. "Item, ladite Jeanne, au jour de la fête de la nativité de Notre Dame, fit rassembler tous les gens d'arme de l'ost dudit Charles, pour marcher à l'attaque de la ville de Paris, les conduisit devant ladite ville, leur promettant qu'ils y rentreraient, ce jour-là, et qu'elle le savait par révélation ; et elle fit prendre toutes les dispositions qu'elle put pour assaillir ladite ville. Ce que néanmoins elle n'a pas craint de nier en justice, devant vous. De même, en plusieurs autres lieux, comme à La Charité-sur-Loire, à Pont-l'Evêque, et aussi à Compiègne, lorsqu'elle assaillit l'ost de monseigneur le duc de Bourgogne, elle fit beaucoup de promesses et annonça force prédictions, qu'elle disait savoir, par révélation, qui ne se réalisèrent nullement ; mais c'est bien tout le contraire qui arriva. Or elle a nié devant vous avoir eu telles promesses et fait telles prédictions, cela parce qu'elles ne se réalisèrent pas comme elle l'avait dit ; cependant, bien des gens dignes de foi ont rapporté que ces promesses avaient été dites et publiées par elle. Et aussi à l'assaut de Paris, elle a dit que mille milliers d'anges l'assistaient, qui étaient prêts à l'emporter en paradis si elle mourait. Et néanmoins, à la question qui lui a été faite, pourquoi à l'encontre de sa promesse il était arrivé que non seulement son entrée à Paris n'avait pas eu lieu, mais que plusieurs de son ost, et elle aussi, avaient été déchirés d'une atroce blessure, plusieurs même occis, on rapporte qu'elle répondit : "Jésus a failli à sa promesse."

- A cet article, le mercredi 28 mars, Jeanne répond sur le commencement de l'article : "J'en ai autrefois répondu ; et si j'en suis avisée plus avant, volontiers en répondrai plus avant." Item, à la fin de l'article, que Jésus lui avait failli, elle le nie.

  Et quand est du commencement de l'article, elle en a aultresfoys respondu. Et si elle en est advisee plus avant, volluntiers en respondra.
  Et en la fin de ladicte article, que ait dit que Dieu luy ayt failly, elle ne nye.


  [Or le samedi 3 mars, interrogée sur ce qu'elle fit sur les fossés de La Charité, répondit qu'elle y fit faire un assaut ; et dit qu'elle n'y jeta ou fit jeter d'eau bénite par manière d'aspersion. Interrogée pourquoi elle n'entra pas dans ladite ville, puisqu'elle en avait le commandement de Dieu, répondit : "Qui vous a dit que j'avais commandement d'y entrer ?" Interrogée si elle n'eut point conseil de sa voix, répondit qu'elle voulait venir en France ; mais les gens de son parti lui dirent qui c'était le mieux d'aller premièrement devant La Charité.
  Interrogée, le mardi 13 mars, si, quand elle alla devant Paris, elle eut révélation de ses voix d'y aller, répondit que non ; mais ce fut à la requête de gentils hommes qui voulaient faire une escarmouche ou vaillance d'armes ; et avait bien l'intention d'aller outre et de passer les fossés. Interrogée si, d'aller devant La Charité, elle eut révélation, répondit que non ; mais y alla à la requête des gens d'armes ; comme elle a dit autrefois. Item, ce même mardi, interrogée si elle n'eut point révélation d'aller à Pont-Lévêque, répondit que, depuis qu'elle eut révélation à Melun qu'elle serait prise, elle s'en rapporta le plus souvent, du fait de la guerre, à la volonté des capitaines ; et toutefois ne leur disait point qu'elle avait révélation d'être prise. Interrogée si ce fut bien fait, le jour de la Nativité de Notre Dame, puisque c'était fête, d'aller assaillir Paris, répondit : "C'est bien fait de garder les fêtes de Notre Dame", et, à ce qu'il lui semble, dans sa conscience, d'un bout jusqu'à l'autre.]


Article 58. "Item, ladite Jeanne a fait peindre son étendard et y a fait représenter deux anges assistant Dieu tenant le monde en sa main, avec les mots JHESUS MARIA, et autres peintures ; et elle a fait cela par le commandement de Dieu, qui le lui a révélé par le moyen des anges et des saints. Lequel étendard elle a posé dans la cathédrale de Reims, près de l'autel, quand ledit Charles fut sacré, voulant que les autres honorassent singulièrement cet étendard, par superbe et vaine gloriole. Elle a fait peindre aussi ses armes, dans lesquelles elle mit deux lis d'or en champ d'azur, et au coeur des lis, une épée d'argent avec poignée et croix d'or, la pointe dressée surmontée d'une couronne d'or. Ce qui parait appartenir au faste et à la vanité, non à la piété et à la religion ; et attribuer de telles vanités à Dieu et aux anges, c'est aller contre la révérence due à Dieu et aux saints"

- A ce cinquante-huitième article, ce mercredi 28 mars, Jeanne répond : "J'en ai répondu." Et du contredit mis par le procureur répond : "Je m'en attends à notre Seigneur."

  Et que sur ce elle a respondu. Et du contredit mys par le promoteur, elle s'en raporte a nostre Seigneur.

  [Or, le Mardi 27 février, interrogée quand elle alla devant Orléans si elle avait étendard, et de quelle couleur, répondit que oui, au champ semé de lis ; et y était figuré le monde, et deux anges à ses côtés était de couleur blanche, de toile blanche ou boucassin. Et y étaient écrits ces noms : JHESUS MARIA, comme il lui semble ; et était frangé de soie. Interrogée si ces noms : JHESUS MARIA étaient en haut, ou sur le côté, ou en bas, répondit, sur le côté, comme il lui semble. Interrogée si elle aimait mieux son épée que étendard, répondit qu'elle aimait plus l'étendard que l'épée, quarante fois. Interrogée qui lui fit faire ce qui y était peint, répondit : "Je vous l'ai assez dit que je n'ai rien fait que du commandement de Dieu." Item dit qu'elle portait son étendard, quand elle entrait dedans ses adversaires, pour éviter de tuer quelqu'un ; et dit qu'onques n'a tué aucun homme.
  Item, le samedi 3 mars, dit que son étendard fut fut en l'église de Reims ; et lui semble qu'il fut assez près de l'autel et qu'elle même le tint un peu ; et ne sait point que frère Richard le tint.
  Item, le samedi 10 mars, interrogée si en son étendard le monde est peint et deux anges, répondit que oui, et n'en eut jamais qu'un. Interrogée quel signe ou signification c'était de prendre Dieu tenant le monde, et les deux anges, répondit que saintes Catherine et Marguerite lui dirent qu'elle prît l'étendard et le portât hardiment ; et qu'elle y fit mettre en peinture le Roi du ciel.   Et ce dit à son roi, mais bien contre son gré. Et de la signification ne sait autre chose. Interrogée si elle n'avait pas écu et armes répondit qu'elle n'en eut onques ; mais son roi en donna à ses frères, c'est assavoir un écu d'azur à deux fleurs de lis d'or et une épée au milieu ; lesquelles armes elle devisa à un peintre, en cette ville de Rouen, parce qu'il lui avait demandé quelles armes elle avait. Item dit que cela fut donné par son roi à ses frères, à leur plaisance, sans sa requête et sans révélation.
  Le samedi 17 mars, interrogée qui la détermina à faire peindre les anges en son étendard, avec bras, pieds, jambes et vêtements, répondit : "Vous avez réponse sur cela." Interrogée si elle a fait ces anges tels qu'ils venaient à elle, répondit qu'elle les fit peindre en la manière qu'ils sont peints dans les églises. Interrogée si onques les vit en la manière qu'ils furent peints, répondit : "Je ne vous en dirai autre chose." Interrogée pourquoi elle ne fit pas peindre la clarté qui venait à elle avec l'ange et ses voix, répondit qu'il ne lui fut point commandé.  Item ce même samedi 17 mars, interrrogée si les deux anges qui étaient peints en son étendard, représentaient saint Michel et saint Gabriel, répondit qu'ils n'y étaient que pour l'honneur de Notre Seigneur, qui était peint sur ledit étendard. Et dit qu'elle fit faire cette représentation de deux anges pour l'honneur de Notre Seigneur qui y était figuré tenant le monde. Interrogée si les deux anges qui étaient figurés sur l'étendard étaient les deux anges qui gardaient le monde, et pourquoi il n'y en avait pas plus, vu qu'il lui était commandé de par Notre Seigneur qu'elle prit cet étendard, répondit : "Tout l'étendard était commandé par Notre Seigneur, par les voix des saintes Catherine et Marguerite qui lui dirent : "Prends l'étendard de par le Roi du ciel" et parce que les Saintes lui dirent : "Prends l'étendard de par le Roi du Ciel", elle y fit faire cette figure de Notre Seigneur et de deux anges. Et de la couleur et de tout, elle fit suivant leur commandement. Interrogée si alors elle demanda à ses dites saintes, en vertu de cet étendard, si dans toutes les batailles où elle se bouterait elle obtiendrait et aurait la victoire, répondit que lesdites saintes lui dirent qu'elle le prît hardiment et que Dieu l'aiderait. Interrogée qui aidait le plus, elle à l'étendard ou l'étendard à elle, répondit que la victoire de l'étendard ou d'elle-même, femme, tout doit être attribué à Notre Seigneur. Interrogée si l'espérance d'avoir victoire était fondée dans son étendard ou en elle-même, répondit que l'espérance de la victoire était fondée en Notre Seigneur et non ailleurs. Interrogée, si un autre qu'elle avait porté l'étendard, il aurait eu aussi bonne fortune, comme elle l'avait elle-même en le portant, répondit : "Je n'en sais rien et je m'en attends à Notre Seigneur. Interrogée, si l'un des gens de son parti eût baillé à cette femme un étendard appartenant à son parti, et qu'elle l'eût porté, elle aurait eu aussi bonne espérance en celui-là qu'en son étendard propre, qui lui était imposé de par Dieu, et spécialement si on lui avait baillé l'étendard de son roi, répondit : "Je portais plus volontiers cet étendard qui m'était ordonné par Notre Seigneur ; mais toutefois, du tout, je m'en attendais à Notre Seigneur." Item, ce même samedi 17 mars, interrogée si elle ne fit pas tournoyer son étendard autour de la tête de son roi en le déployant, répondit qu'elle ne sait pas l'avoir fait. Interrogée pourquoi son étendard fut plus porté en l'église de Reims, au sacre de son roi, que les étendards des autres capitaines, répondit qu'il avait été à la peine, et que c'était bien raison qu'il fût à l'honneur.]


Article 59. "Item, à Saint-Denis en France, ladite Jeanne offrit et fit poser dans l'église, en lieu élevé, l'armure sous laquelle elle avait été blessée, lors de l'assaut fait contre la ville de Paris qu'elle fût honorée du peuple comme reliques. Et, dans la même ville, elle fit allumer des chandelles de cire dont elle versait la cire liquéfiée sur la tête des petits enfants, prédisant leur fortune à venir, et, à leur sujet, par ces sortilèges faisait grand nombre de divinations." (3)

- A ce cinquante-neuvième article, ce mercredi 28 mars, Jeanne répond : "J'en ai répondu", quant aux armures ; et quant aux chandelles allumées, répandues goutte à goutte et distillées, elle le nie.

  Et en tant que sont les armures, elle en a respondu.
  Et au regard des chandelles allumees, elle nye.


  [Or, le samedi 17 mars, interrogée quelles armes elle offrit à Saint-Denis dit que c'était un blanc harnois entier, tel qu'il convient à un homme d'armes, avec une épée ; et que cette épée, elle l'avait gagnée devant Paris. Interrogée à quelle fin elle offrit ces armes, répondit qu'elle le fit par dévotion, comme il est accoutumé aux gens de guerre quand ils sont blessés ; et, pour ce qu'elle avait été devant Paris, elle offrit ces dites armes à Saint-Denis, puisque c'est le cri de France. Interrogée si elle le fit pour qu'on adorât ces dites armes, répondit que non.]

Article 60. "Item, ladite Jeanne, méprisant les préceptes et les sanctions de l'Église, a plusieurs fois refusé de jurer de dire la vérité en justice, se rendant par là suspecte d'avoir fait ou dit certaines choses, en matière de foi ou de révélations, qu'elle n'ose découvrir aux juges ecclésiastiques, craignant pour elle-même une punition méritée ; c'est ce qu'elle a suffisamment confessé, à ce qu'il semble, quand à ce propos elle a allégué dans ce procès le proverbe "Pour avoir dit la vérité souvent des gens sont pendus" ; elle a dit : "Vous ne saurez tout", et "J'aimerais mieux avoir la tête tranchée que de vous dire tout."

- A ce soixantième article, ce mercredi 28 mars, ladite Jeanne répond qu'elle n'a pris délai que pour répondre plus sûrement à ce qu'on lui demandait ; et quant à la conclusion, dit qu'elle craignait de répondre et elle a pris délai pour savoir si elle devrait parler [sur ce qu'on lui demandait].
  Item, dit que quant au conseil de son roi, pour ce qu'il ne touche point le procès, elle ne l'a point voulu révéler. Et du signe baillé au roi, elle l'a dit, parce que les gens d'Église l'ont condamnée à le dire.

  Interroguee pour quoy elle a prins delay, respond que elle ne l'a seulement prins que pour respondre a ce que on luy demanderoit plus seurement.
  Et aussy a prins delay, pour savoir si elle debvoit dire ce que on luy demanderoit.
  Et quand au conseil du roy, pour ce qu'il ne touche point le procez, elle ne l'a voulu reveller.
  Et du signe baillé au roy, elle a dit, pour ce que les gens d'Église l'ont condampnee a le dire.


  [Or, le jeudi 22 février, interrogée si, quand la voix lui montra son roi, il n'y avait point de lumière, répondit : "Passez outre". Item, interrogée si elle ne vit point d'ange sur le dit roi, répondit : "Epargnez-moi et passez outre !" Item, dit que, avant que son roi la mit en œuvre, il eut plusieurs apparitions et belles révélations. Interrogée de quelle sorte, répondit: "Je ne le vous dirai point ; vous n'aurez encore réponse sur cela ; mais envoyez vers le roi, et il vous les dira."
  Item, le samedi après les Brandons, 24 février, nous, évêque, avons exposé à Jeanne qu'elle jurât purement, simplement et absolument, et sans condition ; et de cela elle fut par trois fois requise et admonestée. Elle a dit : "Donnez-moi congé de parler" ; et elle ajouta : "Par ma foi, vous me pourriez demander telles chose que je ne vous dirai pas". Item elle a dit : "Peut-être que de beaucoup de choses que vous me pourriez demander, je ne vous dirai pas le vrai, de ce qui touche mes révélations ; car, par aventure, vous pourriez contraindre à dire telle chose que j'ai juré de ne dire point : et ainsi je serais parjure, ce que vous ne devriez vouloir." Item : "Moi, je vous le dis ; avisez-vous bien de ce que vous dites être mon juge. Vous prenez grande charge, et trop vous me chargez." Item dit, qu'à ce qu'il lui semble, c'est assez d'avoir juré deux fois. Interrogée si elle veut jurer simplement et absolument, répondit : "Vous pouvez bien vous en contenter, j'ai assez juré de deux fois" ; et dit que tout le clergé de Rouen ou de Paris ne la saurait condamner, si ce clergé ne l'avait en droit. Et ajouta qu'en huit jours elle ne dirait pas tout. Item, dit que, de sa venue, elle dira volontiers vérité ; mais ne dira tout. Item, il lui fut dit qu'elle prit conseil des assesseurs, si elle devait jurer ou non : répondit que de sa venue elle dira volontiers vérité, et non autrement ; et qu'il ne lui en fallait plus parler. Item, elle fut encore avertie, et on lui dit qu'elle se rendrait suspecte ; elle répondit comme devant. En outre nous, évêque de Beauvais, la requîmes de jurer précisément : elle répondit: "Volontiers je dirai ce que je sais, mais pas tout". Item fut ensuite requise de jurer ; et admonestée, sous peine d'être chargée de ce qu'on lui imposait : répondit : "J'ai assez juré", ajoutant : "Passez outre !" Item, requise encore et abondamment admonestée de jurer et de dire la vérité sur ce qui touche le procès, et qu'elle s'exposait à un grand danger, répondit : "Je suis prête à jurer de dire ce que je saurai, touchant le procès, mais non tout ce que je sais" ; et ainsi elle jura. Interrogée ce même jour, 24 de février, si la voix lui interdit de tout dire répondit : "Je ne vous répondrai point là-dessus" ; et : "Il y a certaines révélations qui touchent le roi que je ne vous dirai pas." Interrogée si la voix lui a défendu de dire les révélations répondit : "Je ne suis point avisée sur cela" ; et demanda terme de quinze jours pour répondre ; et après elle répondra. Item demanda délai pour répondre sur cela. Item dit : "Si la voix me l'a défendu, qu'en voulez-vous dire ?" Interrogée encore si cela lui fut défendu par la voix, répondit : "Croyez bien que ce ne sont pas les hommes qui me le défendirent." Item dit qu'aujourd'hui elle ne répondra pas et qu'elle ne sait si elle doit dire ou non tout ce qui lui a été révélé. Interrogée si elle croit que cela déplaise à Dieu que l'on dise la vérité, répondit à nous, évêque, que ses voix lui dirent qu'elle dit certaines choses au roi, et non à nous. Interrogée si son conseil lui a révélé qu'elle s'échapperait des prisons, répondit : "J'ai à vous le dire ?" Interrogée si, cette nuit-là, la voix ne lui donna point conseil sur ce qu'elle avait à répondre, répondit que, si la voix le lui a révélé, elle ne l'a pas bien comprise. Interrogée si, en ces deux derniers jours où elle entendit les voix, la lumière vint avec elles, répondit qu'au nom de la voix la clarté vint. Interrogée si, avec cette voix, elle voit quelque chose répondit : "Je ne vous dirai tout et n'ai congé de cela", et que son serment ne touche cela. Item dit que cette voix est belle, bonne et digne, et que sur ce qu'on lui demande elle n'est point tenue de répondre. Interrogée si la voix qui vient à elle a la vue, c'est assavoir des yeux (et aussi on lui avait demandé cela, car ladite Jeanne demanda à avoir en écrit les points sur lesquels elle ne répondait point) : à quoi elle répondit: "Vous ne l'aurez point encore". Item dit que le dicton des petits enfants est : "On pend bien quelquefois les gens pour avoir dit vérité."
  Item, le mardi après Reminiscere, le 27 février, requise par nous, évêque de Beauvais, de faire et de prêter serment sur ce qui touche le procès, répondit que, des choses qui toucheraient le procès, volontiers elle jurerait, mais non pas sur tout ce qu'elle saurait. Derechef nous l'avons requise que, sur tout ce qui lui serait demandé, elle répondit la vérité. Répondit comme devant, disant : "Vous devez vous en contenter ; j'ai assez juré." Item dit que, sur ce qu'elle aura congé par Notre Seigneur de révéler, volontiers elle dira la vérité ; mais de ce qui touche les révélations concernant son roi, elle ne le dira pas, sans congé de sa voix. Ce même jour, interrogée si saintes Catherine et Marguerite sont vêtues d'un même drap, répondit : "Je ne vous en dirai maintenant autre chose", et qu'elle n'a pas congé de le révéler ; et : "Si vous ne me croyez, allez à Poitiers !" Item dit qu'il y avait certaines révélations Tableau anonyme de Charles VIIqui vont à son roi, et non à ceux qui l'interrogent. Interrogée si lesdites saintes, qui lui apparaissent, sont du même âge, répondit que de dire cela elle n'a pas congé. Interrogée si elles parlent ensemble, ou l'une après l'autre, répondit qu'elle n'a pas congé de le dire ; et toutefois, chaque jour, elle a conseil de toutes les deux. Interrogée laquelle lui apparut la première, répondit : "Je ne les reconnais pas de sitôt" ; et parfois elle l'a bien su, mais elle l'a oublié; et, si elle en a congé, elle le dira volontiers ; et c'est au registre, à Poitiers. Interrogée de quelle figure était saint Michel qui lui apparut, répondit : "Sur cela, il n'y a pas encore de réponse pour vous ; et je n'ai pas encore congé de le dire." Interrogée sur ce que saint Michel lui dit, la première fois, répondit : "Vous n'aurez réponse sur cela, aujourd'hui." Item dit que ses voix lui dirent qu'elle répondit hardiment. Dit en outre qu'elle n'a pas encore congé de révéler ce que saint Michel lui a dit ; et voudrait bien que son interrogateur eût copie du livre qui est à Poitiers pourvu que ce soit le plaisir de Dieu. Interrogée si saint Michel et les autres saintes lui dirent qu'elle ne les révélât point, sans leur congé, répondit : "Encore ne vous en réponds point" et : Et sur quoi j'en aurai congé, volontiers vous répondrai" ; et que s'ils lui défendirent, elle ne l'a pas compris. Interrogée quel signe elle donne par quoi elle sache que c'est de par Notre Seigneur, et que soient saintes Catherine et Marguerite, répondit : "Je vous l'ai assez dit que ce sont saintes Catherine et Marguerite" ; et : "Croyez-moi si vous le voulez !" Interrogée quelles révélations eut son roi, répondit : "Vous ne les aurez pas de moi cette année !".
  Item le jeudi 1er mars, interrogée quelles promesses ses saintes lui firent, répondit : "Ce n'est pas du tout de votre procès !" Interrogées si elles lui promirent autre chose que de la conduire en paradis, répondit qu'il y eut d'autres promesses, mais ne les dira pas ; et dit que cela ne concerne pas le procès. Item dit qu'avant trois mois elle dira autre promesse. Interrogée si lesdites saintes lui dirent qu'avant trois mois elle serait délivrée de prison, répondit : "Ce n'est pas de votre procès !" Cependant elle ne sait quand sera délivrée. Item dit que ceux qui la veulent ôter de ce monde pourraient bien s'en aller avant. Item interrogée si son conseil ne lui a point dit qu'elle serait délivrée de geôle, répondit : "Avant trois mois, reparlez-m'en, et je vous répondrai !" Et dit en outre qu'on demandât aux assesseurs, sous leur serment, si cela touchait le procès. Et ensuite la délibération des assesseurs, qui tous conclurent que cela concernait le procès, elle dit : "Moi, je vous ai toujours bien dit que vous ne sauriez tout" ; et elle ajouta : "Il faudra, une fois, que je sois expédiée ; et veux avoir congé de le dire" ; et sur ce requit délai. Interrogée si les saintes lui défendirent de dire la vérité, répondit : "Voulez-vous que je vous dise ce qui va au roi de France ?" Item dit qu'il y a bien des choses qui ne touchent le procès. Item, ce même jeudi 1er mars, interrogée quel signe elle donna à son roi qu'elle venait de par Dieu, répondit : "Je vous ai toujours répondu que vous ne le tireriez pas encore de ma bouche. Allez lui demander !" Interrogée si elle a juré de ne pas révéler ce qui lui serait demandé touchant le procès, répondit : "Je vous ai dit ailleurs que ce qui va à notre roi, je ne vous le dirai pas." Interrogée si elle ne sait point ledit signe, répondit : "Vous ne le saurez de moi." Item lui fut dit que cela touchait le procès ; elle répondit : "De ce que j'ai promis de tenir bien secret, je ne le vous dirai." Et dit en outre : "je l'ai promis en tel lieu que je ne puis vous le dire sans me parjurer." Interrogée à qui elle l'a promis, répondit qu'elle l'a promis aux saintes Catherine et Marguerite ; et ce fut montré à son roi. Item dit qu'elle leur a promis sans qu'elles la requérissent ; et ce fit ladite Jeanne de son propre gré ; et dit que trop de gens lui eussent demandé son signe, si aux saintes elle n'eût fait promesse. Interrogée si, en sa compagnie, quand elle montra le signe à son roi, il y avait autre personne que lui, répondit : "Je pense qu'il n'y avait autre personne que lui, bien que, assez près, fussent beaucoup de gens." Interrogée si elle a vu la couronne sur la tête de son roi, quand elle lui montra le signe, répondit : "Je ne puis vous le dire sans me parjurer."
  Item, interrogée le samedi 3 mars, si elle croit que dans les mode et forme où Dieu créa dès le principe [saint Michel et Gabriel], elle les vit, répondit : "Vous n'aurez autre chose pour le présent, fors ce que je vous ai répondu." Interrogée si elle avait vu ou su par révélation qu'elle s'échapperait, répondit : "Cela ne touche votre procès. Voulez-vous que je parle contre contre moi ?" Interrogée si les voix lui en dirent quelque chose, répondit : "Cela ne touche votre procès ; je m'en rapporte à Messire ; et, si tout vous concernait, je vous dirais tout." Et dit en outre : "Par ma foi je sais l'heure ni le jour." Interrogée si, quand Dieu lui révéla qu'elle changeât son habit, ce fut par la voix de saint Michel, de sainte Catherine ou de sainte Marguerite, répondit : "Vous n'en aurez maintenant autre chose."
  Interrogée, le lundi 12 mars, si elle n'eut point de lettres de saint Michel et de ses voix, répondit : "Je n'ai point congé de vous le dire et, d'ici à huit jours, j'en répondrai volontiers ce que je saurai".]


Article 61. "Item ladite Jeanne, admonestée de soumettre tous ses dits et faits à la détermination de l'Église militante et avertie de la distinction entre l'Église militante et l'Église triomphante, a dit se soumettre à l'Église triomphante, refusant de se soumettre à la militante, déclarant ainsi sa mauvaise opinion au sujet de l'article : Unam Sanctam etc..., et se montra là-dessus dans l'erreur. Elle a dit qu'elle était à Dieu, sans intermédiaire, s'en référant de ses faits, à lui et à ses saints, et non pas au jugement de l'Eglise."

- A ce soixante-et-unième article, Jeanne répond qu'à l'Église militante elle voudrait porter honneur et révérence, de tout son pouvoir. Quant à s'en rapporter de ses faits à l'Église militante, dit : "Il faut que je m'en rapporte à Notre Seigneur qui me l'a fait faire."
  Interrogée si elle s'en rapporte à l'Église militante, quant à ce qu'elle a fait, répond : "Envoyez-moi le clerc, samedi prochain, et je vous répondrai".

  Interroguee si elle se vouldroit submetre a l'Eglise militant, respond qu'elle luy vouldroit porter reverence de son povoir.
  Et de se rapporter de ses faicts a l'Église militant, dit : Il fault que je l'en rapporte a Nostre Seigneur, qui le m'a fait faire.
  Interroguee si elle se rapportera a l'Eglise militante, quand a ce qu'elle a faict, respond : Envoyez moy le clerc samedy prochain, et je vous en respondray.

  
[Or, ce jeudi 15 mars, il lui fut déclaré ce que c'était que l'Église triomphante et l'Église militante ; et requise présentement qu'elle se soumît à la détermination de l'Église, en ce qu'elle a fait ou dit, soit bien ou mal, répondit : "je ne vous répondrai autre chose pour le présent." Et après les admonestations et réquisitions qui lui ont été faites, assavoir que si elle a fait quelque chose contre notre foi, elle doit s'en remettre à la détermination de l'Église, répondit que ses réponses soient vues et examinées par les clercs, et après qu'on lui dise s'il a quelque chose contre la foi chrétienne, et
qu'elle saura bien dire ce qu'elle en trouvera par son conseil ; et toutefois, s'il y a quelque chose de mal contre la foi chrétienne que notre Sire commanda, elle ne voudrait le soutenir; et qu'elle serait bien courroucée de venir et d'aller à l'encontre. Item, ce même jour, interrogée si, sur ce qu'elle a dit et fait, elle veut se soumettre et s'en rapporter à la détermination de l'Église, répondit : "Toutes mes œuvres et tous mes faits sont en la main de Dieu, et m'en attends à lui. Et vous certifie que je ne voudrais rien faire ou dire contre la foi chrétienne ; et si j'avais rien dit ou fait, ou qu'il fût sur moi
quelque chose que les clercs sussent dire qui fût contre la foi chrétienne que Notre Seigneur a établie, je ne le voudrais soutenir, mais le bouterais hors". En outre interrogée si, en cela, elle ne voulait point se soumettre à la détermination de l'Eglise, répondit : "Je ne vous en répondrai maintenant autre chose ; mais samedi envoyez-moi le clerc, si ne voulez venir, et je lui répondrai sur ce, à l'aide de Dieu, et sera mis en écrit."
  Item, le samedi 17 mars, interrogée s'il ne lui semble pas qu'elle soit tenue de répondre pleinement la vérité à notre Saint-Père le pape, vicaire de Dieu, sur tout ce qu'on lui demanderait touchant la foi et le fait de sa conscience, répondit qu'elle requiert qu'elle soit menée devant lui, et puis répondra devant lui tout ce qu'elle devra répondre.
  Item, le samedi 31 mars (4), interrogée si elle veut s'en rapporter au jugement de l'Eglise qui est sur la terre, de tout ce qu'elle a dit et fait, soit bien ou mal, spécialement des cas, crimes et délits qu'on lui impose, et de tout ce qui touche son procès, répond que, sur ce qu'on lui demande, elle s'en rapporte à l'Église militante, pourvu qu'elle ne lui commande chose impossible à faire ; et entend que ce qu'elle répute impossible, c'est que les faits qu'elle a dits et faits, déclarés au procès, sur les visions et révélations qu'elle a dit avoir faites de par Dieu, elle les révoque et ne les révoquera pour rien au monde. Et, de ce que notre Sire lui a fait faire et commandé, elle ne laissera de le faire, pour homme qui vive ; et lui serait impossible de le révoquer. Et au cas où l'Eglise lui voudrait faire faire autre chose, contraire au commandement qu'elle dit que Dieu lui a fait, elle ne le ferait pour quelque cause. Interrogée, si l'Église militante lui disait que ses révélations sont illusions ou choses diaboliques, ou superstitions, ou mauvaises choses, elle s'en rapporterait à l'Eglise, répondit qu'elle s'en rapportera à Notre Seigneur, dont elle fera toujours le commandement ; et qu'elle sait bien que ce qui est contenu en son procès est arrivé par le commandement de Dieu ; et que, ce qu'elle a affirmé audit procès avoir fait du commandement de Dieu, il lui serait impossible de faire le contraire ; et au cas où l'Église militante lui commanderait de faire le contraire, elle ne s'en rapporterait à personne au monde, fors à Notre Seigneur, qu'elle ne fit toujours son bon commandement. Interrogée si elle croit qu'elle soit sujette à l'Église qui est sur la terre, c'est à savoir, à notre Saint-Père le pape, aux cardinaux, archevêques, évêques et autres prélats d'Église, répondit que oui, notre Sire premier servi. Interrogée si elle a commandement de ses voix de ne point se soumettre à l'Église militante qui est sur la terre, ni à son jugement, répondit qu'elle ne répond chose qu'elle ne prenne en sa tête ; mais ce qu'elle répond, c'est du commandement de ses voix ; et elles ne commandent point qu'elle n'obéisse à l'Eglise, notre Sire premier servi.
  Item mercredi 18 avril, il fut dit à ladite Jeanne que, pour la maladie qu'elle disait avoir, plus elle avait de craintes pour sa vie, plus elle devait l'amender, et qu'elle n'aurait pas les droits de l'Église comme catholique, si elle ne se soumettait à l'Église. Elle répondit : "Si le corps meurt en prison, je m'attends que le fassiez mettre en terre sainte (5); et, si vous ne le faites mettre, je m'en attends à Notre Seigneur." Item, ce même jour, interrogée, puisqu'elle que requiert que l'Église lui baille son créateur, si elle voudrait se soumettre à l'Église, si on lui promettait de le lui bailler, répondit que de cette soumission elle ne répondra autrement qu'elle n'a fait ; et qu'elle aime Dieu, le sert, et qu'elle est bonne chrétienne, et voudrait aider et soutenir [sainte] Église de tout son pouvoir.]


Article 62. "Item ladite Jeanne s'efforce de scandaliser le peuple, de l'induire à croire fermement à tous ses dits et prédictions, assumant en elle l' autorité de Dieu et de ses anges, s'érigeant au-dessus de toute puissance ecclésiastique pour mettre les hommes dans l'erreur. Ainsi les faux prophètes ont accoutumé de faire lorsqu'ils introduisent des sectes d'erreur et de perdition et qu'ils se séparent de l'unité du corps de l'Église : ce qui est pernicieux pour la religion chrétienne. Et si les prélats de l'Église n'y pourvoient, il pourra s'ensuivre subversion de toute l'autorité de l'Église ; de toutes parts s'insurgeront hommes et femmes, feignant d'avoir révélations de Dieu et les anges, semant mensonges et erreurs, comme on l'a expérimenté tant de fois depuis que cette femme s'est levée et commença de scandaliser le peuple chrétien et de proposer ses impostures. (6)"- A ce soixante-deuxième article, ce mercredi 28 mars, ladite Jeanne répond que samedi elle vous répondra.

  Respond que samedi elle en respondra.
  Respond : Je m'en raporte ad ce que j'en ay dit.
  Et de la charge et conclusion de l'article, s'en raporte a nostre Sire. (8)


Article 63. "Item ladite Jeanne n'a pas craint de mentir devant la justice, en violation de son propre serment, et elle affirma tour à tour, touchant ses révélations, bien des choses contraires et contradictoires ; elle a proféré des malédictions contre des seigneurs et des personnes notables, contre une nation entière ; elle a sans vergogne, prononcé truferies et paroles dérisoires qui ne conviennent nullement à une femme sainte et montrent assez qu'elles ont été régie et gouvernée dans ses actes par de malins esprits, et non pas par le conseil de Dieu et de ses anges, comme elle s'en vante. Or le Christ a dit des faux prophétes : "A leurs fruits vous les reconnaitrez".

- A ce soixante-troisième article, ce dit jour, Jeanne répond : "Je m'en rapporte à ce que j'en ai dit" ; et de la charge et conclusion de l'article, elle s'en rapporte à notre Sire.

  Respond : Je vous en ay respondu, a quoy je m'en raporte.
  Et de la charge et conclusion, s'en raporte a nostre sire. (8)


  [Or, le mardi 27 février, dit qu'elle avait cette épée à Lagny, et depuis Lagny jusqu'à Compiègne porta l'épée d'un Bourguignon qui était bonne épée de guerre, et bonne à donner de bonnes buffes et de bons torchons. Et dit que, où elle a perdu l'autre épée, cela n'est pas du procès, et lors n'en répondra pas.
  Item, le jeudi 1er mars, dit que serait morte, n'était la révélation qui la réconforte chaque jour. Interrogée si saint Michel avait des cheveux, répondit : "Pourquoi les lui aurait-on coupés" elle ne vit pas saint Michel, depuis qu'elle a quitté Le Crotoy ; et ne le voit pas souvent. (7)]



Article 64.
"Item que ladite Jeanne se vante de savoir qu'elle a obtenu rémission du péché qu'elle a perpétré, d'un coeur désespéré, à l'instigation de l'esprit malin, en se précipitant du haut de la tour du château de Beaurevoir, alors que l'Écriture enseigne que nul ne sait s'il est digne ou d'amour ou de haine, et par conséquence s'il est purgé ou justifié de son péché."

- A ce soixante-quatrième article, ce jour de mercredi, 28 mars, répond : "Je vous en ai répondu ; à quoi je m'en rapporte" Et, de la charge et conclusion, s'en rapporte à notre Sire.

/

Article 65. "Item, que la dite Jeanne, bien des fois, a dit qu'elle requérait Dieu qu'il lui envoyât expresse révélation pour sa conduite, au moyen des anges et des saintes Catherine et Marguerite, par exemple, si elle devait répondre la vérité en ce procès sur certaines questions et sur certains faits qui lui sont personnels. Voilà qui est tenter Dieu, requérir de lui ce qui ne doit être requis, sans nécessité, sans avoir fait la recherche ou investigation humainement possible. Principalement audit saut de la tour, il apparait manifestement qu'elle a tenté Dieu."

- A ce soixante-cinquième article, cedit jour de mercredi, Jeanne répond qu'elle en a répondu ; et qu'elle ne veut point révéler ce qui lui a été révélé, sans le congé de Notre Seigneur ; et qu'elle ne le requiert point sans nécessité, [comme il est dit en cet article] ; et qu'elle voudrait qu'il en envoyât encore plus, afin qu'on aperçut mieux qu'elle est venue de par Dieu, c'est assavoir qu'il l'a envoyée !

  Respond qu'elle en a respondu et qu'elle ne veult point reveler ce qui luy a esté revelé, sans le congié de nostre Seigneur, et qu'elle ne requiert point sans neccessité ; et qu'elle vouldroit qu'il en envoyast encore plus, affin que on apperceust mieulx qu'elle fust venue de par Dieu, c'est assavoir, qui l'eust envoyee. (8)

Article 66. "Item, certaines de ses prédictions sont divergentes des droits divin, évangélique, canonique et civil, contraire aux décisions approuvées par les conciles généraux ; il y a là sortilèges, divinations, superstitions ; certaines formellement, d'autres causativement et autrement, sentent l'hérésie ; bien des erreurs contre la foi induisent à perversité hérétique et la favorisent. Il y en a de séditieuses, de perturbatrices et faisant obstacle à la foi ; il y en a qui incitent à l'effusion du sang humain ; certaines aussi ne sont que malédictions et blasphèmes envers Dieu, les saints et les saintes ; d'autres encore offensantes pour les oreilles des hommes pieux. Sur tout cela ladite accusée, par une téméraire audace, à l'instigation du Diable, offensa Dieu et sa sainte Eglise ; envers elle, elle a commis excès et délit, s'est montrée telle une scandaleuse ; et, de tout cela, notoirement diffamée, cette accusée a comparu devant vous pour être corrigée et amendée."

- Au soixante-sixième article, ladite Jeanne répond qu'elle est bonne chrétienne ; et de toutes les charges mises en cet article, elle s'en rapporte à Notre Seigneur.

  Interroguee de la foy, dit qu'elle est bonne chrestienne.
  Et de toutes les charges mises en cest article, dit qu'elle n'a point faict les delitz proposez par le promoteur.


Article 67. "Item, toutes et chacune de ces choses, ladite accusée les a commises, perpétrées, dites, produites, proférées, dogmatisées, promulguées et accomplies, tant en ladite juridiction qu'ailleurs, en plusieurs et divers lieux du royaume,  non pas une fois, mais à plusieurs reprises, en divers temps, jours et heures ; elle y a récidivé et elle a prêté et apporté aide, conseil et faveur à ceux qui les ont perpétrées."

- Ce soixante-septième article, ladite Jeanne le nie.

  Le nie. (8)

Article 68. "Item, c'est pourquoi, dès que, par le bruit insinuant de la clameur qui frappa vos oreilles, non pas une fois mais plusieurs, par publique renommée et information faite en et sur ce, vous avez découvert que ladite accusée était véhémentement suspectée et diffamée, vous avez décrété qu'il y avait lieu de faire enquête sur elle, de procéder par vous ou l'un de vous à son sujet, qu'elle devait être citée et répondre sur ces points, ainsi qu'il a été fait."

- Sur ce soixante-huitième article, ladite jeanne répond "cet article concerne les juges."

  Concerne les juges. (8)

Article 69. "Item, ladite accusée, en et sur tout ce cède, fut et est véhémentement suspecte, scandaleuse au plus haut point, et notoirement diffamée, aux yeux des personnes honnêtes et sérieuses. De cela, pourtant, elle ne se corrigea en rien, et ne s'en est amendée par quelque moyen ; bien au contraire, elle a différé et diffère de s'en corriger et amender, s'en est récusée et récuse ; et elle a continué et persévéré dans ses erreurs, continue et persévère, bien que toutefois, tant de votre part que de celle d'autres notables, clercs et autres personnes honnêtes, elle en ait été sommée et requise, tant charitablement qu'autrement, dûment et suffisamment."

- Sur ce soixante-neuvième article, Jeanne dit que les délits proposés contre elle par le promoteur, elle ne les a pas faits ; et du surplus, elle s'en rapporte à Notre Seigneur ; et que de ces délits, proposés contre elle, elle ne croit avoir rien fait contre la foi chrétienne.
  Interrogée, si elle avait fait quelque chose contre la foi chrétienne, elle voudrait se soumettre à l'Église et à ceux à qui en appartient la correction, répond que samedi, après dîner, elle en répondra.

  Dit que les deliz proposés par le promoteur contre elle, elle ne les a pas fais; et du sourplus s'en raporte a nostre Seigneur; et que d'iceulx deliz proposés contre elle, n'en cuide avoir rien fait contre la foy chrestienne. (8)
  Interroguee, se elle avoit faict aulcune chose contre la foy chrestienne, se elle s'en vouldroit rapporter a l'Eglise at aux ceulx ausquelz en appartient la correction, respond que, sabmedy, apprez disner, elle en respondra.

Article 70. "Item, que toutes et chacune de ces propositions sont vraies, notoires, manifestes, et que sur elles se sont exercées et s'exercent encore la voix publique et la renommée ; ladite accusée les a reconnues et confessées, plusieurs fois et suffisamment, comme vraies, devant des gens probes et dignes de foi, tant en jugement qu'ailleurs".

- A ce soixante-dixième article, Jeanne le nie, hors ce qu'elle a confessé.

  Le nie hormis ce qu'elle a confessé. (8)

                                                                            *
                                                                      *         *

   " De ces points et d'autres que vous supplérez, corrigerez et réformerez au mieux, pour et sur lesquels le demandeur sollicite et supplie que l'accusée soit par vous interrogée, ledit demandeur conclut que, ces points ayant été établis en tout ou en partie, autant qu'il suffira pour [justifier] la demande, vous rendiez, profériez et prononciez votre sentence contre ladite accusée pour toutes et chacune des fins qu'il a ci-dessus indiquées, et qu'en outre vous disiez et jugiez selon qu'il sera de droit et de raison. Sur cela, comme il convient, il implore humblement votre office (9)."




                                                 


Source : traduction de Pierre Champion (1921).

Notes :
1 Jeanne a bien dit :"mille millions"...

2 Les archives ne possèdent plus ces documents et l'on ignore à quoi d'Estivet faisait allusion.

3 Cette accusation, qui n'a pas de fondement, a été rapportée par un clerc parisien qui répondait à Gerson en 1429 : "de plus à ce que l'on rapporte, elle semble user de sortilège. Ainsi par exemple, lorsque les enfants dont il a été parlé (ceux des villes de l'obédience du Dauphin) lui offraient, avec la vénération que j'ai dites, les cierges en question, elle faisait tomber sur leur tête trois gouttes de cire ardente en pronostiquant qu'à cause de la vertu d'un tel acte ils ne pouvaient être que bons. Donc idolâtrie dans le fait de l'offrande, et, dans le fait de laisser égoutter cette cire, sorilège compliqué d'hérésie..." Noël Valois - "un nouveau témoignage sur Jeanne d'Arc", 1907.
On voit sur quels genres de sources et de ragots d'Estivet bâtissait son instruction ! (ndlr)

4 NDLR : A noter que ces "justifications" sont d'une date postérieure à la lecture faite à Jeanne d'Arc le 28 mars ! (Extraits du 31 mars et du 18 avril rapportés au réquisitoire après la lecture à Jeanne)

5 "en terre sainte" c'est à dire au cimetière catholique. (ndlr)

6 Les articles 62 et 64 à 70 ont un style très différent et beaucoup plus "savant" par rapport aux précédents, de plus ils ne sont pas justifiés comme d'Estivet l'a fait pour la plupart des autres articles. On sent la "patte" des théologiens parisiens. De Courcelles en est sûrement l'auteur. (ndlr)

7 On cherche vainement les "contradictions" dans cette justification de d'Estivet ! (ndlr)

8 Minute du ms de d'Urfé.

9 La conclusio salutaris accumule les formules supplétoires pour le cas où des omissions auraient été commises dans le libelle : pour réserver le droit d'ajouter et modifier selon qu'il sera opportun, enfin pour affirmer qu'on n'aura à prouver les faits que dans la mesure nécessaire à établir le bien-fondé de la demande. (Tisset)




Procès de condamnation en Français (1431)
- Index

Préliminaires :
- ouverture du procès
- séance du 9 janvier

- séance du 13 janvier
- séance du 23 janvier
- séance du 13 février
- séances des 14 au 16 fév.
- séance du 19 février
- séance du 20 février

Procès d'office :
séances publiques
- 1ère séance du 21 février
- séance du 22 février
- séance du 24 février
- séance du 27 février
- séance du 1er mars
- séance du 3 mars
- réunions du 4 au 9 mars
séances dans la prison
- séance du 10 mars
- séance du 12 mars
- séance du 13 mars
- séance du 14 mars
- séance du 15 mars
- séance du 17 mars
- réunion du 18 mars
- réunion du 22 mars
- séance du 24 mars
- séance du 25 mars

Procès ordinaire :
- réunion du 26 mars
- réquisitoire du 27 mars
- suite réquisitoire 28 mars
- séance du 31 mars
- réunion du 2 avril
- réunion du 5 avril - articles
- suite - délibération
- exhor. charit. du 18 avril
- admonition du 2 mai
- menace torture du 9 mai
- délibération du 12 mai
- délibération du 19 mai
- admonestation du 23 mai
- abjuration du 24 mai

La cause de relapse :
- constat relapse du 28 mai
- délibération du 29 mai
- citation du 30 mai

Actes postérieurs




Légal         Contacts
 
© 2006-2024 - SteJeannedArc.net
1412-2012
Jeanne d'Arc, histoire et dictionnaire