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Procès
de condamnation
- procès d'office
Quatrième
interrogatoire privé - 14 mars 1431. |
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e mercredi
suivant, quatorzième jour du mois de mars, frère Jean
Le Maistre susnommé, vicaire du seigneur inquisiteur, confiant
dans l'industrie et la probité de vénérable
et discrète personne maître Nicolas Taquel, prêtre
du diocèse de Rouen, notaire public par autorité impériale,
et notaire juré de la cour épiscopale de Rouen, et
ayant pleine confiance en Notre-Seigneur, l'avons retenu, élu
et ordonné comme notaire et scribe dans cette cause, ainsi
qu'il est plus longuement contenu dans nos lettres patentes, scellées
de notre scel, et qui portent les seings manuels de notre notaire
public, dont la teneur est transcrite ci-dessous. Ensuite, le jour
suivant, ledit maître Nicolas prêta serment devant nous
dans la prison
de ladite Jeanne, où nous nous étions rendus et où
nous l'avions requis d'exercer fidèlement son office, en
présence de maître Jean de La Fontaine, de Nicolas
Midi, de Gérard Feuillet et de plusieurs autres.
Suit la teneur des lettres d'établissement dudit notaire,
"A
tous ceux qui ces présentes lettres verront, frère
Jean Le Maistre, de l'ordre des frères Prêcheurs, etc..,
portant pleine confiance en la probité, le zèle, la
capacité et l'aptitude de discrète personne, maître
Nicolas Taquel, prêtre du diocèse de Rouen, et ayant
pleine confiance en Notre Seigneur, nous avons retenu, élu
et nommé ledit maitre Nicolas, notre notaire juré,
et celui dudit seigneur inquisiteur ; et nous le retenons, élisons
et nommons pour notre notaire et scribe dans la matière et
cause dessus dite, lui donnant licence, faculté et autorité
de se rendre auprès de ladite Jeanne, et autres lieux, partout
et autant de fois qu'elle y sera ; de l'interroger, ou d'entendre
les interrogatoires, de faire prêter serment aux témoins
à produire dans cette affaire, d'examiner les confessions
et dits de ladite Jeanne et des autres témoins, de recueillir
les opinions des docteurs et des maîtres énoncées
verbalement, et de nous les rapporter par écrit ; de mettre
par écrit tous et chacun des actes faits et à faire
en cette matière ; de mettre en forme due tout le procès
et de le rédiger par écrit, et faire tout ce qui appartient
de droit à l'office de notaire, partout et chaque fois que
ce sera opportun. En témoin de quoi nous avons fait mettre
notre sceau à ces présentes lettres. Donné
et fait à Rouen, l'an du Seigneur 1431, le quatorzième
jour de mars. Ainsi signé : BOISGUILLAUME. G. MANCHON."
Ce même jour dans la prison,
Item, le même jour, en présence de maître
Jean de La Fontaine, commissaire député par nous évêque
susdit, et de nous, frère Jean Le Maistre susnommé,
dans la prison de ladite Jeanne
au chateau de Rouen ; et en présence des assesseurs, vénérables
et discrète personnes seigneurs et maitres Nicolas Midi et
Gérard Feuillet, docteurs en théologie ; et aussi
de Nicolas de Hubent, notaire apostolique, et de frère Ysambard
de La Pierre, témoins, Jeanne fut interrogée.
*
* *
Et premièrement quelle fut la cause pourquoi
elle sauta de la cour de Beaurevoir. Répondit qu'elle avait
ouï dire que ceux de Compiègne, tous jusqu'à
l'âge de sept ans, devaient être mis à feu et
à sang, et qu'elle aimait mieux mourir que de vivre après
une telle destruction de bonnes gens ; et ce fut l'une des causes
de son saut. L'autre fut qu'elle sut qu'elle était vendue
aux Anglais, et qu'elle eût préféré mourir
que d'être en la main des Anglais, ses adversaires.
Et primo, quæ fuit causa
propter quam saltavit a turri de Beaurevoir, respondit quod
ipsa audiverat dici quod omnes illi de Compiendo, usque ad ætatem
septem annorum pertingentes, debenant poni ad ignem et sanguinem,
et quod ipsa malebat mori vivere post talem destructionem bonarum
gentium ; et ista fuit una causarum sui saltus. Altera fuit quod
sciebat se esse venditam Anglicis, et ipsa maluissef mori quam esse
in manu Anglicorum, suorum adversariorum.
Interroguee premierement quelle
fut la cause pourquoy elle saillit de la tour de Beaurevoir, respond
qu'elle avoit ouy dire que ceulx de Compieigne, tous jusques a l'aage
de sept ans, devoient estre mis a feu et a sang ; et qu'elle aymoit
mieulx mourir que vivre apprez une telle destruction de bonnes gens
; et fut l'une des causes. L'autre, qu'elle sceut qu'elle estoit
vendue aux Angloys; et eut eu plus cher mourir que de estre en la
main des Angloys, ses adversaires.
Interrogée si ce saut fut fait du conseil de
ses voix, répondit que sainte Catherine lui disait presque
tous les jours qu'elle ne sautât point et que Dieu l'aiderait,
et aussi ceux de Compiègne. Et ladite Jeanne dit à
sainte Catherine que puisque Dieu aiderait ceux de Compiègne,
elle voulait y être. Et sainte Catherine lui dit: "Sans
faute, il faut que le preniez en gré ; et vous ne serez point
délivrée tant que n'aurez vu le roi des Anglais."
Et ladite Jeanne répondit : "Vraiment, je ne le voudrais
point voir, et j'aimerais mieux mourir que d'être mise en
la main des Anglais !"
Interrogata utrum ille saltus
fuerit factus per consilium vocum suarum, respondit quod sancta
Katharina dicebat ei fere quotidie quod non saltaret, et quod Deus
adjuvaret eam ac etiam illos de Compendio. Et eadem Johanna dixit
sanctæ Katharinæ quod postquam Deus adjuvaret illos
de Compendio, ipsa volebat illic esse. Tunc sancta Katharina dixit
ei : "Sine defectu oportet quod accipiatis gratanter ; et non
eritis expedita, quousque videritis regem Anglorum". Et dicta
Johanna respondit : "Veraciter, ego vellem non videre ipsum,
et mallem mori quam esse posita in manu Anglicorum."
Interroguee
se ce sault fut du conseil de ses voix, respond : Saincte Katherine
luy disoit apprez que tous les jours elle ne saillist point, et
que Dieu luy ayderoit, et mesmes a ceulx de Compieigne. Et ladicte
Jhenne dist a saincte Katherine : Puis Dieu ayderoit a ceulx de
Compieigne, elle y voulloit estre. Et saincte Katherine luy dist
: "Sans faulte, il fault que prenez en gré ; et ne seriez
point delivré, tant que ayez veu le roy des Angloys".
Et ladicte Jhenne respondoit : "Vrayement, je
ne le voulsisse point veoir. Je aymasse mieulx mourir que de estre
mise en la main des Angloys".
Interrogée si elle avait dit à sainte
Catherine et à sainte Marguerite : "Dieu laissera-t-il
mourir si mauvaisement ces bonnes gens de Compiègne, etc...,
?" répondit qu'elle n'a point dit si mauvaisement
; mais leur dit en cette manière : "Comment Dieu
laissera-t-il mourir ces gens de Compiègne qui ont été
et sont si loyaux à leur Seigneur !"
Interrogata utrum ipsa dixerit
sanctis Katharinæ et Marguaretæ hujusmodi verba : "Dimittet
Deus ita male mori bonas gentes de Compendio ?" respondit quod
non dixit illud verbum ita male, sed dixit eis in hunc modum
: "Quomodo dimittet Deus mori istas bonas gentes de Compendio,
quæ fuerunt et sunt ita fideles domino suo !"
Interrogaee
se elle avoit dit a saincte Katherine et a saincte Margueritte :
Lairra Dieu si maulvaisement mourir ces bonnes gens de Compieigne,
etc..., respond qu'elle n'a point dit : Si maulvaisement
; mais leur dist en celle maniere : "Comme lairra Dieu mourir
ces bonnes gens de Compieigne, qui ont esté et sont si loyaulx
a leur seigneur".
Item dit, qu'après qu'elle fut chue de la tour, elle
fut deux ou trois jours sans vouloir manger
; et aussi de ce saut fut meurtrie tellement qu'elle ne pouvait
ni boire ni manger ; et toutefois fut réconfortée
par sainte Catherine qui lui dit qu'elle se confessât et requît
pardon à Dieu de ce qu'elle avait sauté ; et que sans
faute ceux de Compiègne auraient secours avant la Saint-Martin
d'hiver. Et alors elle se prit à revenir à elle et
commença de manger ; et tôt fut guérie.
Item dicit quod, postquam cecidit a turri
supradicta, ipsa fuit per duos aut tres dies quibus comedere non
volebat, ac etiam fuit gravata ex illo saltu in tantum quod non
poterat comedere nec bibere ; et tamen fuit confortata a sancta
Katharina, quæ dixit ei quod confiteretur et quæreret
veniam a Deo de hoc quod salta verat, et quod sine defectu illi
de Compendio haberent succursum infra festum hiemale Beati Martini.
Et tunc ipsa cœpit redire ad convalescentiam, et incepit comedere,
fuitque statim sanata.
Item,
dit que, puis qu'elle fut cheue, elle fut deux ou troys jours qu'elle
ne voulloit menger ; et mesmes aussy pour ce sault fut grevee tant
qu'elle ne povoit boire ne menger. Et toutesvoyes fut reconfortee
par saincte Katherine, qui luy dist qu'elle se confessast et requist
mercy a Dieu de ce qu'elle avoit sailly ; et que sans faulte ceulx
de Compieigne auroyent secours dedens la sainct Martin d'iver. Et
adoncq se print revenir, et commença a menger ; et tantost
fut guarie.
Interrogée si, quand elle sauta, elle pensait
se tuer, répondit que non ; mais en sautant se recommanda
à Dieu ; et croyait au moyen de ce saut s'échapper,
et n'être pas livrée aux Anglais.
Interrogata utrum, quando saltavit,
crederet se ipsam interficere, respondit quod non ; sed saltando
commendavit se Deo. Et credebat, per medium illius saltus, evadere
quod ipsa non traderetur Anglicis.
Interroguee,
quand elle saillist, se elle se cuidoit tuer, respond que non. Mais
en saillant se recommanda a Dieu ; et cuidoit par le moyen de ce
sault eschapper et evader qu'elle ne fust livree aux Angloys.
Interrogée si, quand la parole lui revint, elle
renia Dieu et ses saints, comme on le trouve marqué dans
l'information, répondit qu'elle n'a point mémoire
qu'elle renia jamais Dieu ou ses saints ; et qu'elle ne maugréa,
en ce lieu ou ailleurs.
Interrogata utrum, quando sibi
loquela rediit, ipsa denegaverit Deum et Sanctos ejus, quia hoc
sibi dicebatur repertum esse per informationem, respondit quod non
recordatur quod unquam denegeravit Deum et Sanctos vel maledixerit,
nec ibi, nec alibi.
Interroguee
se, quand la parole luy fust revenue, elle regnoya et maugrea Dieu
et ses sainctz, pour ce qu'il s'est trouvé par l'informacion,
comme disoit l'interrogant, respond que elle n'a point de memoire,
ou qu'elle soit souvenante, elle ne regnoya ou maulgrea oncques
Dieu ou ses sainctz, en ce lieu ou ailleurs. Et ne s'en est point
confessee ; car elle n'a point de memoire qu'elle l'ait dit ou faict.
(1)
Interrogée si elle veut s'en rapporter à
l'information faite ou à faire, répondit :
- Je m'en rapporte à Dieu et non à autre, et à
bonne confession.
Interrogata an de hoc velit se
referre ad informationem factam vel fiendam, respondit :
- Ego refero me ad Deum et non ad alium, et at bonam confessionem.
[Interroguee s'elle s'en veult
raporter a l'informacion faicte ou a faire, respond
- Je m'en raporte a Dieu et non a aultre, et a bonne confession.]
(2)
Interrogée si ses voix lui demandent délai
pour répondre, dit que sainte Catherine lui répond
quelquefois ; et parfois ladite manque à l'entendre à
cause du bruit des prisons et des noises de ses gardes. Et quand
elle fait requête à sainte Catherine, alors sainte
Catherine et sainte Marguerite font requête à Notre
Seigneur puis, du commandement de Notre Seigneur, elles donnent
réponse à ladite Jeanne.
Interrogata an voces suæ
petunt sibi dilationem de respondendo, respondit quod sancta Katharina
aliquando sibi respondet, et aliquando eadem Johanna deficit in
intelligendo, propter turbationem carcerum et per tumultus custodum
suorum. Et quando facit requestam sanctæ Katharinæ,
tunc ipsa sancta Katharina et Margareta faciunt requestam Deo, et
deinceps, de præcepto Dei, dant responsum eidem Johannæ.
Interroguee
se ses voix luy demandent dilacion de respondre, respond que saincte
Katherine luy respond a la foys ; et aulcunes foys fault ladicte
Jhenne a entendre, pour la turbacion des personnes (3),
et par les noises de ses gardes. Et quand elle faict requestes a
saincte Katherine, tantost elle et saincte Marguerite font requeste
a nostre Seigneur ; et puis, du commandement de nostre Seigneur,
donnent responce a ladicte Jhenne.
Interrogée si, quand ces saintes lui viennent,
il y a lumière avec elles et si elle ne vit point de lumière
la fois où elle ouït la voix dans ce château,
et ne savait si elle était dans sa chambre, répondit
qu'il n'est jour qu'elles ne viennent dans ce chateau ; et certes
elles ne viennent pas sans lumière. Et cette fois, elle ouït
la voix ; mais n'a point mémoire si elle vit la lumière,
ni si elle vit aussi sainte Catherine.
Interrogata utrum, quando illæ
Sanctæ veniunt ad ipsam, sitne lumen cum ipsis, et utrum videritne
lumen illa vice quando audivit in castro vocem, nesciens an esset
in camera sua, respondit quod non est dies quin veniant ad ipsum
castrum, nec veniunt sine lumine. Et de illa voce de qua quæritur,
non recordatur utrum viderit lumen, nec etiam utrum viderit sanctam
Katharinam.
Interroguee,
quand elles viennent, se il y a lumiere avecques elles ; et se elle
voit point de lumiere, quand elle oyt au chastel la voiz, et ne
sçavoit se elle estoit en la chambre, respond qu'il n'est
jour qu'ilz ne viennent en ce chastel ; et se, ilz ne viennent point
sans lumiere ; et de telle foys oyt la voix ; mais n'a point memoire
se elle veit lumiere, et aussy se elle veit saincte Katherine.
Item dit qu'elle a demandé à ses voix
trois choses : l'une fut sa libération ; l'autre que Dieu
aidât les Français et garda bien les villes de leur
obéissance ; et la troisième, le salut de son âme.
Item dicit quod petivit a vocibus
suis tria : unum fuit sua expeditio ; alterum fuit quod Deus adjuvaret
Gallicos et bene servaret villas de obedientia ipsorum ; et tertium
fuit salus anima suæ.
Item,
dit qu'elle a demandé a ses voix troys choses : l'une son
expedition (4) ; l'autre que Dieu ayde
aux Françoys et garde bien les villes de leur obaissance
; et l'aultre, le salut de son ame.
Item requit, s'il arrive qu'elle soit menée à
Paris, qu'elle ait le double de ses interrogatoires et réponses,
afin qu'elle les baille à ceux de Paris et puisse leur dire
: "Voici comment j'ai été interrogée
à Rouen, et mes réponses" ; et qu elle ne
soit plus travaillée de tant de demandes.
Items requisivit quod, si ita
sit quod ducatur Parisius, quod ipsa habeat duplum istorum interrogatoriorum
et responsorum ejus, ut ipsa tradat illis de parisius, ac possit
eis dicere : "Ecce qualiter fui interrogata apud Rhotomagum,
et responsiones meas"' ; et ut amplius ipsa non vexetur
de tot petitionibus.
Item,
requist, se ainsy est qu'elle soit menee a Paris, qu'elle ait le
double de ses interrogatoires et responces ; affin qu'elle baille
a ceulx de Paris, et leur puisse dire : "Voicy comme j'ay
esté interroguee a Rouen, et mes responces. Et qu'elle ne
soit plus travaillee de tant de demandes".
Et, puisqu'elle avait dit que nous, évêque
susdit, nous nous mettions en grand danger de la mettre en cause,
elle fut interrogée sur ce que cela voulait dire, et en quel
péril et danger nous mettions, tant nous que les autres ;
répondit qu'elle avait dit à nous, évêque
: "Vous dites que vous êtes mon juge ; je ne sais
si vous l'êtes : mais avisez vous bien que ne me jugiez mal
car vous vous mettriez en grand danger. Et vous en avertis afin
que si Notre Seigneur vous en châtie, j'aie fait mon devoir
de vous le dire".
Item, quia dixerat quod nos, episcopus
prædictus, ponebamus nos in magno periculo, gallice en
grant dangier, de ponendo ipsam in causam interrogata fuit quid
hoc erat, et in quo periculo sive dangerio ponebamus nos ipsos,
tam nos quam alii ; respondit quod ipsa dixerat nobis, episcopo
prædicto : "Vos dicitis quod estis meus judex ; ego
nescio si vos sitis ; sed advisetis bene quod non male judicetis,
quia poneretis vos in magno dangerio. Et ego adverto vos ad finem
quod, si Deus vos inde castiget, ego facio debitum meum de dicendo
vobis".
Interroguee,
pour ce qu'elle avoit dit que monseigneur de Beauvoys se metoit
en danger de la mectre en cause, car c'estoit eu quel danger, tant
de Monseigneur de Beauvoys, que des aultres, respond ; car c'estoit
et est qu'elle dist a monseigneur de Beauvoys : "Vous dictes
que vous estes mon juge. Je ne sçay si vous l'estes. Mais
advisez bien que ne jugez mal. Que vous vous metriez en grand danger.
Et vous en advertys, affin que, se nostre Seigneur vous en chastie,
que je fais mon debvoir de le vous dire".
Interrogée quel est ce péril et danger,
répondit que sainte Catherine lui a dit qu'elle aurait secours
; et elle ne sait si ce sera d'être délivrée
de la prison, ou, quand elle serait en jugement, s'il ne surviendrait
pas quelque trouble au moyen duquel elle pourrait être délivrée.
Et pense que ce sera l'un ou l'autre (5).
Et, le plus souvent, ses voix lui disent qu'elle sera délivrée
par grande victoire ; et après ses voix lui disent encore
: "Prends tout en gré, ne te chaille de ton martyre;
tu t'en viendras enfin au royaume de Paradis". Cela ses
voix le lui dirent, simplement et absolument c'est assavoir sans
faillir. Et elle appelle cela martyre pour la peine et adversité
qu'elle souffre en prison ; et ne sait si plus grande peine souffrira
mais s'en attend à Notre Seigneur.
Interrogata quale est illud periculum,
sive dangerium, respondit quod sancta Katharina sibi dixit quod
ipsa haberet succursum ; et ipsa nescit si hoc erit in essendo liberata
a carcere, vel, quando esset in judicio, quod ibi veniret aliqua
turbatio per cujus medium ipsa posset liberari. Et æstimat
quod sit unum vel alterum istorum. Et, ut plurimum, voces ei dixerunt
quod ipsa liberabitur per magnam victoriam ; et postea dicunt sibi
ipsæ voces : "Capias totum gratanter ; non cures de
martyrio tuo ; tu venies finaliter in regnum paradisi."
Et hoc dixerunt sibi voces simpliciter et absolute, hoc est sine
defectu. Et vocat illud martyrium, pro pœna et adversitate
quam patitur in carcere ; et nescit utrum majorem pœnam
patietur, sed de hoc se refert Deo.
Interroguee
quel est ce peril ou danger, respond que saincte Katherine luy a
dit qu'elle auroit secours ; et qu'elle ne sçait se ce sera
a estre delivree de prison ; ou, quand elle seroit au jugement,
s'il y viendroit aulcun trouble, par quel moyen elle pourroit estre
delivree. Et pense que ce soit ou l'ung ou l'autre. Et le plus luy
dyent ses voix qu'elle sera delivree a grand victoire. Et apprez
luy dirent ses voix : "Prendz tout en gré. Ne te
chaille de ton martyre. Tu en viendras a fin eu royaulme de paradis".
Et ce luy dyent ses voix simplement et absolutement, c'est assavoir
sans faillir. Et appelle se, martyre, pour la peine et adversité
qu'elle seuffre en la prison, et ne sçait se plus grand souffrira
; mais s'en actend a nostre Seigneur.
Interrogée si, depuis que ses voix lui ont dit
qu'elle ira finalement au royaume de Paradis, elle se tient assurée
d'être sauvée, et qu'elle ne sera point damnée
en enfer, répondit qu'elle croit fermement que ses voix lui
ont dit qu'elle sera sauvée, aussi fermement que si elle
y était déjà.
Interrogata si, postquam voces
suæ dixerunt sibi quod finaliter ipsa ibit in paradisum, si
ipsa tenet se assecuratam de essendo salvata, et quod non damnabitur
in inferno, respondit quod credit firmiter illud quod voces sibi
dixerunt, videlicet quod salvabitur, æque firmiter ac si jam
ibi esset.
Interroguee
se, depuis que ses voix lug ont dit qu'elle yra en la fin au royaulme
de paradis, se elle se tient asseuree d'estre saulvee, et qu'elle
ne sera point dampnee en enjer, respond qu'elle croit fermement
ce que ses voix luy ont dit qu'elle sera saulvee, aussi fermement
que se elle y fust ja.
Et aussi quand on lui eut dit que cette réponse
était de grand poids répondit-elle, je la tiens pour
un grand trésor.
/(6)
Et
quant on luy disoit que ceste responce estoit de grand poix, aussy
respond qu'elle le tient pour ung grand tresor.
Interrogée si, après cette révélation,
elle croit qu'elle ne puisse faire péché mortel, répondit
:
- Je n'en sais rien ; mais m'en attends à Notre Seigneur
du tout.
Interrogata si, post istam
revelationem, ipsa credit quod ipsa non possit peccare mortaliter,
respondit :
- Ego nihil scio ; sed ex toto me refero ad Deum.
Et, coin sibi dicebatur quod responsio est magni ponderis,
respondit quod etiam tenet eam pro uno magno thesauro. (7)
Interroguee
se, apprez ceste revelacion, elle croit qu'elle ne puisse faire
peché mortel, respond : "Je n'en sçais riens
; mais m'en actendz du tout a nostre Seigneur".
Même jour, mercredi après-midi,
Item, ce même jour, mercredi après midi,
comparurent au lieu susdit vénérables et discrètes
personnes les seigneurs et maîtres : Jean de La Fontaine,
commis par nous évêque susdit et par Jean Le Maistre,
vicaire du seigneur inquisiteur, les assesseurs Nicolas Midi et
Gérard Feuillet, docteurs en théologie, en présence
aussi de frère Ysambard de La Pierre et de Jean Manchon (8).
*
* *
Et ladite Jeanne dit en premier, au sujet de l'article
immédiatement précédent relatif à la
certitude qu'elle avait d'être sauvée, sur lequel on
l'avait interrogée le matin, qu'elle entendait dire ainsi
: pourvu qu'elle tienne le serment et promesse qu'elle a fait à
Notre Seigneur, c'est assavoir qu'elle gardât bien sa virginité,
et de corps et d'âme.
Sæpedicta Johanna dicit
in primis, quantum ad articulum immediate præcedentem de certitudine
salutis suæ, super quo de mane fuerat interrogata, quod illud
dictum intelligebat : dummodo teneat juramentum et promissionem
quam fecit Deo, videlicet quod ipsa bene servaret virginitatem suam,
tam corporis, quam animæ.
Et
quand a cest article, par ainsy qu'elle tienne le serment et promesse
qu'elle a faicte a nostre Seigneur qu'elle gardast bien sa virginité
de corps et de ame.
Interrogée si elle a besoin de se confesser puisqu'elle
croit, à la relation de ses voix, qu'elle sera sauvée,
répondit qu'elle ne sait point qu'elle ait péché
mortellement ; mais si elle était en péché
mortel, elle pense que sainte Catherine et sainte Marguerite la
délaisseraient aussitôt. Et croit, en répondant
à l'article précédent, qu'on ne saurait trop
nettoyer sa conscience.
Interrogata utrum opus sit quod
confiteatur, postquam habet revelationem a vocibus suis quod erit
salvata, respondit quod ipsa nescit quod peccaverit mortaliter ;
sed, si esset in peccato mortali, ipsa æstimat quod sanctæ
Katharina et Margareta illico, dimitterent eam. Et respondendo
prædicta interrogationi, dicit quod credit quod quis non potest
nimis mundare conscientiam suam.
Interroguee
se il est besoing de se confesser, puisque elle croit, a la revelacion
de ses voix, qu'elle sera sauvée (9),
respond qu'elle ne sçait point qu'elle ait peché mortellement
; mais, se elle estoit en peché mortel, elle pense que saincte
Katherine et saincte Margueritte la delaisseroyent tantost. Et croit
, en respondant a l'article precedent :
- On ne sçait trop nectoyer sa conscience.
Interrogée si, depuis qu'elle est en cette prison,
elle n'a point renié ni maudit Dieu, répondit que
non ; et parfois, quand elle dit Bon gré Dieu, ou
Saint Jehan, ou Nostre Dame (10),
ceux qui peuvent avoir rapporté ses paroles ont mal entendu.
Interrogata utrum, postquam est
in isto carcere, denegaverit aut maledixerit Deum, rcspondit quod
non, et quod aliquendo cum dicit in gallico : Bon gré
Dieu, ou saint Jehan, ou Nostre Dame : illi qui
possunt retulisse verba sua male intellexerunt.
Interroguee
se, depuis qu'elle est en ceste prison, a point regnoyé ou maugree Dieu, respond que non ; et que aulcunes foys, quand elle
dit Bon gré Dieu, ou Sainct Jehan, ou Nostre
Dame, ceulx qui pevent avoir rapporté, ont mal entendu.
Interrogée si ce n'est pas péché
mortel de prendre un homme à rançon et de le faire
mourir prisonnier, répondit qu'elle ne l'a point fait.
Et, comme on lui parlait d'un nommé Franquet
d'Arras (11) que l'on fit mourir à
Lagny, répondit qu'elle fut consentante à le faire
mourir, s'il l'avait mérité, et pour ce qu'il confessa
être meurtrier, larron et traître. Et dit que son procès
dura quinze jours ; et en furent juges le bailli de Senlis
et les gens de la justice de Lagny. Et dit qu'elle requérait
d'avoir Franquet pour avoir un homme de Paris, le seigneur de l'Ours
(12) ; et quand elle sut que ce seigneur était
mort, et que le bailli lui eut dit qu'elle voulait faire grand tort
à la justice en délivrant ce Franquet, elle dit alors
au bailli : "Puisque mon homme est mort, que je voulais
avoir, faites de celui-là ce que devrez faire par justice
!"
Interrogata utrum sit peccatum
mortale recipere unum hominem ad redditionem, et facere ipsum mori
prisionarium, respondit quod ipsa hoc non fecit.
Et quia fiebat sibi mentio de Franqueto d'Arras,
quem fecerat mori apud Latigniacum, respondit quod ipsa fuit consentiens
de faciendo ipsum mori, si ipse meruerat, quia confessus est se
esse occisorem, latronem et proditorem. Et dixit quod processus
ejus duravit per XV dies, et fuit judes de hoc a ballivus Silvanectensis
et viri justitiæ de Latigniaco. Dixit etiam quod ipsa requirebat
habere illum Franquetum, pro habendo unum hominem de Parisius, magistrum
hospitii ad Ursum ; et quando illum hominem scivit esse mortuum,
et quod ballivus sibi dixit quod ipsa volebat facere magnam injuriam
justitiæ in liberando prædictum Franquetum, tunc ipsa
dixit ballivo : "Postquam homo meus mortuus est, quem volebam
habere, faciatis de ipso quod debebitis facere per justitiam".
Interroguee
se, de prendre ung homme a rançon et le faire mourir prisonnier,
se c'est peché mortel, respond qu'elle ne la point faict.
Et pour ce que on luy parloit d'ung nommé Francquet
Darras, qu'on feist mourir a Lagny, respond qu'elle fut consentente
de luy de le faire mourir, se il l'avoit deservy, pour ce qu'il
confessa estre meurtrier, larron et traistre. Et dit que son procez
dura quinze jours ; et en fut juge le baillif de Senlis et ceulx
de la justice de Laigny. Et dist qu'elle requeroit avoir Flancquet
pour ung homme de Paris, seigneur de L'Ours. Et quand elle sceust
que le seigneur fust mort, et que le baillif luy dist qu'elle voulloit
faire grand tort a la justice, de delivrer celluy Francquet, lors
dit elle au baillif : "Puisque mon homme est mort, que je
voulloye avoir, faictes de luy ce que debverez faire par justice".
Interrogée si elle bailla de l'argent ou fit
bailler à celui qui avait pris ledit Franquet, répondit
qu'elle n'est pas monnayeur ou trésorier de France pour bailler
argent.
Interrogata
an ipsa tradidit pecunias vel fecit tradi pro illo qui ceperat dictum
Franquetum, respondit quod ipsa non est monetaria vel thesauria
Franciæ, pro tradendo pecunias.
Interroguee
se elle bailla l'argent ou feist bailler pour celluy qui avoit prins
ledit Francquet, respond qu'elle n'est pas monnoyer ou tresorier
de France, pour bailler argent.
Et quand on lui a rappelé qu'elle avait assailli
Paris un jour de fête ; qu'elle avait eu le cheval de monseigneur
l'évêque de Senlis ; qu'elle s'était laissé
choir de la tour de Beaurevoir, qu'elle portait habit d'homme ;
qu'elle était consentante à la mort de Franquet d'Arras
; on lui demanda si en cela elle ne croyait point avoir fait péché
mortel,
Et
quando fuit sibi reductum ad memoriam quod ipsa invaserat civitatem
Parisiensem in die festi ; quod ipsa etiam habuerat equum domini
episcopi Silvanectensis ; quod ipsa se præcipitaverat a turri
de Beaurevoir ; quod ipsa portat habitum virilem ; quod ipsa
erat consentiens in morte Franqueti d'Arras ; quærendo
ab ea an creditne fecisse aliquod peccatum mortale,
Et
quand on luy a ramentu qu'elle avoit assailly Paris en jour de feste
; qu'elle avoit eu le cheval de monseigneur de Senlis ; qu'elle
c'estoit lassee cheoir de la tour de Beaureveoir; qu'elle porte
habit d'homme; qu'elle est consentante de la mort de Francquet Darras,
s'elle cuide point avoir faict peché mortel, (13)
répondit premièrement sur l'assaut de
Paris qu'elle ne croit pas être en péché mortel
; et si elle l'a fait, c'est à Dieu d'en connaître,
et en confession au prêtre.
respondit
ad primum, de invasione Parisiensi, quod de hoc non credit esse
in peccato mortali, et, si fecerit peccatum mortale, hoc est recognoscendum
Deo et sacerdoti in confessione.
respond au premier, de Paris :
- Je n'en cuide point estre en peché mortel. Et, si je
l'ay faict, c'est a Dieu d'en congnoistre, et en confession a Dieu
et au prebstre.
Secondement, au sujet du cheval répondit qu'elle
croit fermement qu'elle n'en a point de péché mortel
envers Notre Sire ; car ce cheval fut estimé 200 saluts d'or
dont ledit évêque eut assignation ; et toutefois ce
cheval fut renvoyé au seigneur de La Trémoille pour
le rendre à monseigneur l'évêque de Senlis ;
et ne valait rien ledit cheval à chevaucher pour elle. Et
dit qu'elle ne le prit pas à l'évêque (14);
et dit en outre que, d'autre part elle n'était point contente
de le garder pour ce qu'elle ouït que l'évêque
était mal content qu'on avait pris son cheval, et aussi qu'il
ne valait rien pour des gens d'armes. Et, en conclusion, ladite
Jeanne ne sait si ledit évêque fut payé de l'assignation
qui lui fut faite, ni s'il eut restitution de son cheval ; et pense
que non.
Ad secundum, de equo, respondit quod credit firmiter
quod de hoc non habet peccatum erga Deum, quia equus ille fuit æstimatus
ad summam IIc salutorum aureorum, unde ipse episcopus habuit assignationem
; et tamen idem equus fuit remissus domino de Tremoillia, pro reddendo
eum ipsi episcopo Silvanectensi ; nec valebat dictus equus ad equitandum
pro ipsa. Etiam ipsa non removit illum ab episcopo ipso. Dixit etiam
quod, ex alia parte, non volebat retinere, quia audivit quod ipse
episcopus erat male contentus quod suus equus captus fuerat, et,
cum hoc, quia equus ipse nilhil valebat pro gentibus armorum. Finaliter,
pro conclusione, ipsa Johanna nescit an idem episcopus fuerit persolutus
de assignatione sibi facta, nec etiam si habuerit restitutionem
sui equi ; et æstimat quod non.
Au second, du cheval de monseigneur
de Senlis, respond qu'elle croit fermement qu'elle n'en a point
de peché mortel envers nostre Seigneur, pour ce que il se
estime a deux CC salus d'or, dont il en oult assignacion ; et toutesfoys
il fut renvoyé au seigneur de la Trimouille, pour le rendre
a monseigneur de Senlis ; et ne valloit rien ledit cheval a chevaucher
pour elle. Et si dist que elle ne l'osta pas de l'evesque ; et si
dist aussy qu'elle n'estoit point contente, d'aultre party, de le
retenir, pour ce qu'elle oyt que l'evesque en estoit mal content
que on avoit prins son cheval ; et aussy, pour ce que il ne valloit
riens pour gens d'armes. Et, en conclusion, se il fut payé
de l'assignacion qui luy fut faicte, [ne sçait, ne aussy]
se il eust restitucion de son cheval. Pense que non.
Troisièmement, au sujet de la tour de Beaurevoir,
répondit :
- Je le faisais non pas en espérance de moi désespérer,
mais en espérance de sauver mon corps et d'aller secourir
plusieurs bonnes gens qui étaient en nécessité.
Et après le saut m'en suis confessée, et en ai demandé
pardon à Notre Seigneur.
Et en a pardon de Notre Seigneur, et croit que ce n'était
pas bien fait de faire ce saut, mais fut mal fait. Item dit qu'elle
sait qu'elle en a eu pardon par la révélation de sainte
Catherine, après qu'elle s'en fût confessée
; et que du conseil de sainte Catherine elle s'en confessa.
Interrogée si elle en eut grande pénitence,
dit qu'elle en porta une grande partie du mal qu'elle se fit en
tombant.
Interrogée si, ce méfait qu'elle fit de
sauter, elle croit que c'est péché mortel, répondit
qu'elle n'en sait rien, mais qu'elle s'en attend à Notre
Seigneur.
Ad
tertium vero, de illo casu a turri de Beaurevoir, respondit
:
- Ego faciebam hoc non pro desperando, sed in spe salvandi corpus
meum et eundi ad succurrendum pluribus bonis gentibus existentibus
in necessitate. Et post saltum fui confessa, et requisivi veniam
a Domino.
Et etiam habet veniam a Domino, et credit quod illud non
erat bene factum de faciendo illum saltum ; sed erat male factum.
Item dixit quod scit se habuisse veniam per revelationem sanctæ
Katharinæ, postquam ipsa confessa fuit, et quod ex consilio
sanctæ Katharinæ fuit confessa.
Interrogata
utrum habuerit de hoc magnam pœnitentiam, respondit quod ipsa
portavit unam magnam partem dictæ pœnitentiæ, ex
malo quod habuit in cadendo.
Interrogata
utrum illud melefactum quod fecit in saltando, credat fuisse peccatum
mortale, respondit quod nihil scit, et quod de hoc se refert Deo.
Au
tiers, de la tour de Beaureveoir, respond :
- Je le faisoye, non pas en esperance de moy desesperer ; mais
en esperance de saulver mon corps, et de aller secourir plusieurs
bonnes gens qui estoyent en neccessité. Et apprez le
sault, s'en est confessee, et en a requis mercy a nostre Seigneur.
Et en a pardon de nostre Seigneur. Et croit que ce n'estoit pas
bien faict de faire ce sault ; mais fut mal faict.
Item, dit qu'elle sçait qu'elle a pardon par
la relacion (15) de saincte Katherine,
apprez qu'elle en fut confesses. Et que, du conseil de saincte Katherine,
elle s'en confessa.
Interroguee se elle en eust grande penitence, respond
qu'elle en porta une grand partie, du mal qu'elle se feist en cheant.
Interroguee se, ce mal faict qu'elle feist de saillir,
s'elle croit que ce fust peché mortel, respond :
- Je n'en sçais riens ; mais m'en actendz a nostre Seigneur.
(16)
Quatrièmement, sur ce qu'elle porte habit d'homme,
répondit :
- Puisque je le fais par le commandement de Notre Sire, et en
son service, je ne crois point mal faire ; et quand il lui plaira
de le commander, il sera aussitôt déposé.
Et quartum autem, de portando habitum virilem, respondit
:
- Postquam id facio per præceptum Dei et in suo servitio,
ego non credo male agere ; et quando placebit Deo præcipere,
statim ipse habitus deponetur.
Au quart, elle porte habit d'homme, respond :
- Puisque je le fais par le commandement de nostre Syre, et son
service, je ne cuide point mal faire ; et, quand il luy plaira a
commander, il sera tantost jus.
Sources
: "Condamnation de Jeanne d'Arc" de Pierre Champion
(1921), "Procès de Jeanne d'Arc" - E.O'Reilly
(1868), "La minute française des interrogatoires de
La Pucelle" - P.Doncoeur (1952)
Notes :
1 Seulement dans la minute française.
2 Paragraphe présent dans la minute du ms de d'Urfé
et le réquisitoire d'Estivet, absent du ms d'Orléans.
3 D'Estivet dans son réquisitoire et de Courcelles ont
mis "des prisons" au lieu "des personnes".
4 "expedicion" signifie "libération"
(P.Doncoeur).
5 Cette réponse ne répond pas à la question
posée. Une partie des questions posées et des réponses
de Jeanne a certainement été retirée ici
directement dans la minute... volontairement sans doute vu que
cela touche Cauchon lui-même (d'Estivet dans son réquisitoire
reprend la même question et réponse - voir comment
était établi la minute dans les sources).
Le petit paragraphe qui n'est pas à sa place juste en dessous
montre qu'il y a eu manipulation dans cette partie de l'interrogatoire.
(ndlr)
6 &
7 Cette réponse n'est pas à sa place dans la rédaction
définitive en latin. Elle avait été mise
à la suite de la réponse à la question suivante,
ce que la minute en français permet de rectifier.
8 Personnage qui n'apparait que cette fois dans le procès.
S'agit-il de Jean Manchon, originaire du diocèse de Bayeux
ou un chanoine de la collégiale de Mantes ? Il y a peut-être
eu une erreur de transcription.
9 Le ms d'Orléans dit "sainte" au lieu de "sauvée".
C'est "sauvée" qui est le terme mentionné
sur le ms d'Urfé, le réquisitoire de d'Estivet et
le procès officiel latin.
10 Saint Jean était aussi le juron de Charles VII (P.Champion)
11 Capitaine de "routiers" tenant pour le parti de Bourgogne
et qui fut défait avec ses 300 hommes par la Pucelle en
mai 1430.
12 Sans doute Jacquet Guillaume, homme du parti armagnac, propriétaire
de l'hôtellerie "l'Ours", porte Baudoyer à
Paris.
13 Le Ms d'Orléans mentionne une interruption de séance
ici, certainement pour permettre à Jeanne de préparer
sa réponse à cette quadruple question. (ndlr)
14 Dans le sens "ne le prit pas personnellement" à
l'évêque. (ndlr)
15 Le réquisitoire de d'Estivet et de Courcelles ont écrit
:"révélation" au lieu de "relation".
16 Au sujet du saut de Beaurevoir, la chronique
des Cordeliers, donne une vision intéressante en ce
sens qu'elle voulut s'échapper par une fenêtre (et
non du sommet) en s'aidant vraisemblablement d'un lien qui rompit
(voir aussi "L'histoire de Charles VII", Vallet de Viriville,
t.II p.176).
Néanmoins cette version des Cordeliers ne semble pas correspondre aux différentes déclarations de ce procès.
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