Le registre du Chapitre de Notre-Dame
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es registres du chapitre de Notre-Dame de Paris ont échappé aux ravages du temps. On peut les compulser aux Archives nationales
(LL 216, f° 172). Ils présentent quelques particularités qui nous permettent de juger de l'émoi des esprits lorsque la Pucelle vint assiéger Paris. Voici les indications de quelque importance que l'on y trouve.
La majorité des chanoines était anglo-bourguignonne ; mais il n'est pas douteux que la Libératrice ne comptât des partisans dans leurs rangs. Plusieurs passèrent dans son camp, lorsqu'elle arriva à Saint-Denis, Le chapitre pourvut à les remplacer, le 30 août, dans les fonctions qu'ils remplissaient. Il chargea Jean Regnaudot de distribuer les jetons de présence à la place de Jean Pinchenot, qui s'était éloigné sans permission : qui recessit sine licentiâ capituli; on confie à Jean Pétillon la charge de garder le chef de Saint-Denis à la place de Jean Guenet, qui lui aussi est parti sans licence du chapitre. Absent aussi le chantre du chapitre. Durant l'exil de Gerson, il avait la garde du grand et du petit sceau. Chuffart investi, les sceaux lui ont été remis ; mais on se demande si, en l'absence du chancelier, la garde des sceaux revient de droit au chantre. Le chancelier de France, l'évêque de Thérouanne, avait ordonné que quelques députés de la corporation fussent envoyés au palais pour neuf heures. On en élit trois, parmi lesquels Jean Chuffart. Deux au moins répondront à l'appel.
Le lendemain, 31 août, il est décrété que, à cause des périls du temps, une messe sera célébrée tous les jours devant la Vierge, en dehors du choeur, extra chorum. Le conseil royal a demandé une contribution pour faire face aux dépenses de la guerre. Les trois délégués nommés la veille pourront offrir LXXXm (marcs ?) ; et si le conseil n'est pas content, ils pourront aller jusqu'à cent.
Le 5 septembre, trois chanoines, parmi lesquels Jean Chuffart, sont autorisés à modifier comme ils le jugeront plus convenable les mesures déjà prises pour la garde du cloître et de l'église. Ils verront s'il est expédient de déposer des provisions de vivres dans les tours pour l'entretien des chanoines qui désireront s'y retirer. Les fabriciens prendront les mesures nécessaires pour mettre les reliques et le trésor à l'abri de la malice des ennemis. L'on a vendu pour le prix de 56 saluts d'or le buste de la statue de saint Denis, et l'on a gardé le pied qui est d'argent, la tête et le diadème. Chuffart est autorisé à louer deux moulins qui sont in coquinâ Sancti Augustini (?).
Le mercredi 7 septembre une procession solennelle a été faite à Sainte-Geneviève, sur la montagne. Les chanoines du palais y ont assisté, portant la vraie croix. La procession s'est faite pour obtenir la cessation des maux présents et de l'attaque des ennemis. Ce même jour, ces ennemis ont fait une attaque contre la ville, se promettant de mettre à mort les personnes de l'un et de l'autre sexe qui leur tomberaient sous la main, ainsi qu'ils en avaient fait le serment et qu'ils s'en vantaient. Le soir ils ont cessé leur attaque et se sont retirés.
Le lendemain, fête de la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie, en compagnie de leur Pucelle, objet de leur confiance et comme leur Dieu, ils ont recommencé leur attaque vers une heure après midi. Attaque très violente, ils l'ont prolongée de toutes leurs forces jusques au milieu de la nuit. La résistance des bourgeois de Paris, appuyée par leur confiance en Dieu et en la glorieuse Vierge Marie dont la fête était solennellement célébrée dans cette ville, a fait que finalement ils n'ont remporté aucun avantage. Ils ont blessé quelques Anglais et quelques Français; ils n'en ont tué qu'un très petit nombre. Ils ont perdu beaucoup des leurs ; on ne sait pas combien, parce que, dit-on, ils ont brûlé les cadavres. Leur Pucelle fut blessée à la cuisse. Ce fut, à ce que l'on croit, avec la vue de leurs morts et de leurs mourants, la cause de leur retraite. Ils craignaient d'être tués aussi. Ils laissèrent un très grand nombre de fascines avec lesquelles ils voulaient combler les fossés ; ils en jetèrent quelques-unes, mais peu. La Pucelle, son étendard en mains, vint sur les bords des fossés. C'est là, dit-on, qu'elle fut blessée. Ils abandonnèrent, sur le lieu du combat, six cent cinquante échelles, et bien quatre milliers de claies. Ils avaient bien trois cents chars pour porter ce bagage; ils s'y étaient attelés, et les traînaient chargés de matières inflammables, de bourrées, d'échelles et de claies. Ils ramenèrent à Saint-Denis plusieurs de ces charrois sur lesquels ils avaient étendu leurs blessés ; d'autres charrois furent le lendemain conduits dans Paris. Ils brûlèrent le reste ; car on trouva le lendemain plus de cent roues ; ce qui a fait présumer que, la nuit avant leur retraite, ils avaient brûlé ce qu'elles devaient supporter. Ils furent ainsi contraints à une retraite ignominieuse.
Le lendemain le Dauphin, leur roi, fit célébrer plusieurs messes à Saint-Denis pour le roi Charles VI, son père.
(Arch. nat., LL, 7I6, p. 173-174.)
Lune quinta septembris.
Visis articulis in registro notarii sub die vicesima quinta augusti pro custodia claustri
et ecclesie olim factis, ad ipsos augmentendum, diminuendum et corrigendum
deputantur domini de Lanco, Chuffart, Clemens aut duo ex ipsis. Et ipsi videbunt si
sic expediat facere provisionem victualium in turribus ecclesie pro conservatione
dominorum meorum qui volent ascenderes turres.
Ordinatum est quod domini provisores fabrice ordinabunt et disponent de reliquiis
et jocalibus ecclesie conservandis et preservandis a malitia inimicorum, secundum
eorum conscientiam ut melius poterunt.
Magister Pasquerius declaravit quod magistri J. de Laneo, P. de Ordeimonte et ipse
ceperant in thesauro ecclesie quamdam ymaginem Sancti Dyonisii auream, dempto
pede, sufficienter designatam in inventario thesauri, et vendiderant corpus ipsius
ymaginis quod ponderabat, dempto capite et dyademate Vc marcas VI encias et V ster tingas, precio LVI salutorum auri pro marca, et retinuerant pedem de argento, caput et dyadema supradicta.
Placet dominis quod duo molendina ecclesie existentia in coquina Sancti Augustini
tradantur ad locagium per magistrum Johannem Chuffart, camerarium clericum, ad
ulilitatem ecclesie.
Mercurii VII septembris.
Hodie fit processio solemnis ad Sanctam Genovefam in Monte pro malicia temporis
et hostilitate inimicorum sedauda et pacificanda, in qua intererunt canonici Palacii
cum vera Cruce. Et est sciendum quod ipsi inimici dederunt insultum contra villam
Parisiensem, credentes eam capere et quotquot personas utriusque sexus repperirent
in ea, prout juraverant quemadmodum ipsimet asserebant, interficere, et in vespere
cessaverunt et se retraxerunt.
In crastinum vero, cum eorum Puella, in qua tanquam in Deum suum confidebant,
iterum circa unam horam post meridiem, suum insultum inceperunt, fortissimeque in
eodem insultu continuaverunt, fortissime totis veribus dimicantes usque ad mediam
noctem, sed obstante resistencia civium Parisiensium cum fiducia Dei et gloriose Virginis,
cujus festum in eadem villa Parisiensi honorifice celebrabatur, nihil finaliter
fecerunt, nonnullos Anglicos et alios vulneraverunt et paucissimos interfecerunt; de suis quam plurimos perdiderunt, quorum non fuit numerus cognitus, quia dictum est
quod eos combusserunt. Eorum Puella in femore vulnerata fuit, et credo quod propter
hoc recesserunt; etiam una videbant socios suos morientes et mortuos, et mortem timentes retrocesserunt. Dimiserunt maximum numerum boretarum ex quibus volebant implere fossata ville, et aliquas in eis dimiserunt, paucas tamem. Puella defferens suum vexillum venit super fossata, in quo loco fuit, ut dicitur, vulnerata, VIC LX scalas dimiserunt et bene im milia gallice de clayes; habuerunt ad illa omnia afferendum bene trecentum quadrigas quas ipsimet ad colla trahentes adduxerunt oneratas pisside, borretis, scalis et clayes; quarum quadrigarum plures reduxerunt ad Sanctum Dionysium defferentes in eis suos vulneratos, alie Parisius adducte fuerunt in crastinum, et reliquam partem comburerunt, quia reperte fuerunt rote centum, quarum residuum earum presumitur fuisse combustum in ipsa nocte ante recessum eorum, et sic vituperose recesserunt.
In Crastinum Dalphinus eorum rex fecit celebrari plures nuissas in Sancto Dyonisio
pro rege Carolo sexto suo patre.
Source
: Mise en Français moderne et texte original : "La vraie Jeanne d'Arc - t.III : La libératrice" - J.-B.-J. Ayroles - 1897, p.530
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