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Sources
diverses
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Chronique
de France - Bibliothèque de Lille |
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document, dû à une obligeante communication de M. le
baron de La Fons de Mélicocq, a d'autant plus d'intérêt
qu'il émane d'un ennemi de la Pucelle, farouchement pro-bourguignon.
On y remarque diverses circonstances dont les autres historiens
n'ont jamais parlé : celle-ci, par exemple, que Jeanne aurait
été fille d'auberge à Paris, allégation
qui n'est qu'un bruit mensonger comme d'autres détails dans
cette chronique.
Ces extraits proviennent d'un manuscrit du XV° siècle
intitulé : Les Chroniques de France , petit in-fol,
, pap., de 228 feuillets , conservé sous le n° 26 à
la bibliothèque de la ville de Lille. L'auteur, qui
ne se fait pas connaître, était un fougueux bourguignon
qui commence son récit aux dernières années
du XIII° siècle et le poursuit jusqu'en 1464. Ces chroniques
offrent beaucoup d'importance, dit M. de La Fons, pour l'histoire
du XV° siècle.
En voici les extraits consacrés à la Pucelle
:
1428. - "A ce siége lever (celui d'Orléans)
avoit le Dolfin avec luy une femme, nomée la Pucelle, laquelle,
par renomée folle, disoit le comun de France qu'elle estoit
envoiée de par Dieu pour secoure le Dolfin; mais il fu bien
sceu que la dite femme estoit du pais de Loraine, d'une ville appellée
Vaucouleurs, et estoit fille d'un homme tenant hostelerie, et avoit
celle fille, qui estoit pour lors jone, forte et roide. Et demora
à Paris et aprit à chevauchier et à mener les
chevaulx à l'iaue. Et à cause que elle estoit de volenté
légière, quant aucune fois se logoient gens d'armes
elle s'accompaignoit aveuc eulx et prenoit leur lance et apprenoit
à le tenir et à coure à cheval, la lanche au
puin. Et lui prist enfin volenté de lui en aler avec auchuns
hommes d'armes et se boutoit aulcunefois à l'asault. Et luy
fist le Dolfin delivrer unes armures à son point et bon cheval
et le retint avec luy. Et par l'avis de son conseil fist pronunchier
faitement (?) par toutes les villes où yl estoit obéy
par ung carme faisant sermon au peuple que celle femme estoit une
pucelle que Dieu avoit tramis du ciel au Dolfin pour conquester
le royaume et y celuy remettre en son obéissance. Et ne faisoit
doubte, comme il preschoit que tant que la dite Pucelle fust avec
luy qu'il n'einst victoire contre ses ennemis. Et l'apelloient ly
aulcuns du comun de France l'angelisque, et en faisoient
et en cantoient pluisieurs canchons, fables et bourdes moult merveilleuses
; et tant que par ledit prescheur et le vois et renommée
d'icelle furent pluiseurs villes, fortresses et castiaus mis en
l'obéissance du Dolfin".
Armée
d'Anglés pour aler en France.
"En l'an mil IIIIxxix, environ le mois de juillet,
party (d'Angleterre ?) le roy d'Engletere, ung vaillant capitaine
acompaigniés de plusieurs gens d'armes jusques au nombre
de xv cents, lesquelz venoit pour secoures devers le duc de Betefort
régent ; et estoient tous les dy Englès vestus de
blanc. Et pour tant que la renomée estoit en Engletere du
fait de la Pucelle, ledit capitaine avoit fait faire ung estendart
tout blancq dedens lequel avoit une quenuelle chergié de
lin à quoy pendoit ung fuisel autour du fillé, comme
à moitiet fusée et y estoit entresemé en plusieurs
liens de fusiaus wis et avoit escript audit estendart : Or viegne
la belle ! en signefiant qu'il lui donroit à filler comme
il ne fally mie ainsy que vous orés chy après."
Le
Dolfin fu mené sacrer à Rains par la Pucelle.
"Après, en ce mesme temps que le vois (1)
estoit en France de la Pucelle, s'en vint le Dolfin à Rains
soy faire sacrer et estoit la Pucelle comme la conduitresse de l'armée.
Et après son sacre contendy de lui aler faire couronner à
Paris ; mais ceulx de la ville ne le volfent consentir et ala ladite
Pucelle au plus près des murs et demanda con lui aportast
les clefz au non de Dieu, de qui elle se disoit estre mesaigière.
Mais par le ruse de pluiseurs bons et saiges clers lesquelz dirent
au comun que c'estoit cause fainte, dyabolique et erreur à
ceulx qui le créoient, lui fu envoiet ung virton lequelz
li percha tout oultre la cuisse, dont se party plus que le pas et
retourna en l'ost du Dolfin qui pour lors avoit grande armée
et tous les jours monteplioit."
Assemblée
de par le duc de Betefort pour résister contre la Pucelle.
"Quant le duc de Betefort perchut le fait du Dolfin
par la vertu de la Pucelle, sy fist très-grant mandement
de gens, et asamblée de Piquars et Englés, jusques
an nombre de xii m (2), lesquelz tienrent
les camps envers la ville de Senlis. Et, quant le Dolfin le sent,
sy vint alencontre d'eulx à grosse et puissant compaignie
de ladite Pucelle, à intencion d'avoir jour de bataille contre
ledit duc de Betefort : et estoient en nombre les gens du Dolfin
bien L m (3) hommes, tant de bommes
d'armes, comme d'archies d'Escoche. Et, quant le duc de Betefort
seut la venue du Dolfin, sy se trairent en ung fort où yl
avoit derrière eulx maisons et murs, et ne les povoit-on
assalir fors d'un seul, et, là , estoient les archies mis
en ordenance en deux ellez, et avoient fait haies de penchonz (4),
que les hommes d'armes ne povient effondrer sur eulx, et furent
ainsy près d'un jour entirs, et , en la fin, commenchièrent
bataille. Là veist-on les flèches des archies de Engleteres
voller plus drut que naige , dont faloient resortir les gens du
Dolfin ; car les hommes d'armes de Franche , lesquelz estoient bien
montés, à l'intencion de rompre le trait des Englés,
ne porent faire course, pour les penchons que les Englés
avoient devant eulx, et pour le lieu fort où yl estoient.
Après che afustèrent les Franchois deux engiens à
poure d'emprès une haie qui estoit enprès ledit fort,
pour tirrer sur les Englés tout du long des batailles, affin
de les faire desmarcher et mettre en desroy, et en tuèrent
des Englés x ou xii. Mais le Régent et pluiseurs aultrez
de ses seigneurs chevauchèrent de bataille en bataille, et
entretirent tellement lesdittes bataillez, que oncques ne se bougèrent,
ne desmarchèrent ung pas. Et venoient aucunes fois pluiseurs
hommes d'armes de Franche coure jusques au fort, la lance avallée
; mais estoient rencontrés de hommes d'armes d'Engletere.
Et, en celui mesme fort estoient avec les Englés monsr de
Habourdin, monsr de Croy et pluiseurs aultrez seigneurs de Picquardie,
lesquelz se boutèrent près dud. fort, et vièrent
coure sur La Hire, qui gardoit les engiens , avec L hommes d'armes,
tellement qu'il mirent le capitaine en desroy, et, par leur vaillandise
gaignèrent lesdis engiens, dont yl furent moult joieulx,
et ne doubtèrent après en riens les François,
et demorèrent après ce en leur fort, comme tous assurés.
Et, quant le Dolfin percut que nullement ne les pooit avoir hors
de leur fort, ne eulx adamager, sy se party d'illeuc et renvoia
des gens chalcun en son lieu."
Comment
les Franchois levérent le siége devant Compiègne.
"A une course fut prise la Pucelle d'un archier
du bastart de Vendôme et fu livrée à monsr le
conte de Ligny qui donna audit archier pour sa prise grant finanche
; qui, depuis le vendy as Englès lesquelz en firent plus
grant feste que seyl eussent gaigniet tout l'or de Lombardie. Et
incontinent qu'il eurent yl le menèrent à Rouen. Et
fut arse sur le marchiet de Rouen devant tout le peuple". (5)
Source
: Article paru dans le "bulletin de la société
de l'histoire de France" en juin 1857.
Notes :
1 La renommée
2 Douze mille
3 Cinquante mille !
4 Pieux
5 Ces extraits montrent bien la haine et le désir de vengeance.
On y retrouve aussi un mélange de tous les ragots colportés
par les anglo-bourguignons pour déconsidérer la
Pucelle aux yeux du peuple.
NDLR : il semble que ce témoignage assez important ait échappé au Père Ayroles dans sa "Vraie Jeanne d'Arc".
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