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Sources
diverses
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Le traité de Jacques Gelu sur la Pucelle. |
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acques Gelu fut certainement un des hommes les plus en vue dans l'époque où il vécut; il mania, dans l'Église et dans l'État, les affaires les
plus épineuses et les plus importantes.
Il a écrit, dans les pages en blanc d'un exemplaire du décret de Gratien,
la suite et la date des principaux événements de sa vie jusques en 1421. Martène a fait entrer cette notice dans sa vaste collection : thesaurus anecdotorum.
Deux autres notices sont encore inédites; l'une est en tête du traité de la Pucelle dont il va être parlé. Elle est signée des initiales de l'un
de ses compatriotes, J.-B.-L. A. P. ejus contetraneus. L'autre est celle que
le Père Fournier lui consacre dans son histoire des Alpes Cottiennes. Le
Jésuite nous apprend qu'elle lui est fournie par Gelu lui-même, qui, ayant
entrepris une histoire des archevêques d'Embrun qu'il ne poussa pas
loin, remplit la page qu'il avait réservée pour son nom. C'est à ces trois
sources principalement que sont puisés les détails suivants (1).
Yvoy, dans le Luxembourg et au diocèse de Trèves, fut le berceau de
Jacques Gelu. Ses parents, des modèles de vertus chrétiennes, avaient une
position sociale assez élevée pour que, dès sa neuvième année, Jacques
ait pu être placé auprès du chancelier du Brabant. L'enfant y apprit la
langue allemande, et, après quinze mois, vint commencer à Paris le cours
de ses études classiques. Reçu avec éclat maître ès arts en 1391, il
s'adonna à l'étude de la jurisprudence canonique et civile, conquit ses
premiers degrés en droit canon en 1395, et celui de licencié ès lois civiles
en 1401, à Orléans où il avait passé sept ans.
Après des études si approfondies, il n'est pas étonnant qu'il ait enseigné
la science canonique dans les hautes écoles de Paris, in magnis scholis,
comme il le dit lui-même. Le frère du roi, le duc d'Orléans, mit le célèbre
professeur parmi ses maîtres des requêtes, et lui confia même la
charge de chancelier.
Les charges du Parlement n'étant pas encore vénales se donnaient au
concours. Jacques se mit sur les rangs pour une place de conseiller et
l'emporta contre quatorze concurrents (1405).
A la suite de l'assassinat de son protecteur, le duc d'Orléans, il fut chargé particulièrement de la tutelle des pupilles de l'infortunée victime
de Jean sans Peur, et plus tard nommé par le roi président du Dauphiné,
fonction qu'il remplit de juin 1407 à décembre 1409. Il devait avoir reçu quelques-uns des degrés de la cléricature, puisque à cette époque il obtint
une prébende canoniale dans l'Église métropolitaine d'Embrun.
Charles VI ayant donné au dauphin Louis, duc d'Aquitaine, l'administration
des finances du royaume, Gelu fut rappelé du Dauphiné pour être
attaché à la personne du jeune prince. Il y remplit diverses charges, et
même momentanément celle de général d'armée.
Le concile de Constance était rassemblé ; un des premiers actes qui s'y
accomplirent fut l'élévation de Gelu sur le siège de Tours. Jean XXIII le
préconisa en cette qualité devant 17 cardinaux, le 7 novembre 1414. Le
nouvel élu en reçut l'annonce à Paris le 18 novembre ; il fit prendre possession
de son siège le 20 décembre, et se fit sacrer le 13 janvier 1415, dans
la chapelle royale, en présence du roi et de la cour. Le lendemain il était
nommé membre du grand conseil du roi.
Le nouvel archevêque se rendait en mai au concile de Constance. L'on
devait y avoir une haute idée de son mérite, puisque les suffrages des
pères lui donnèrent aussitôt d'éclatantes marques de confiance.
Jean XXIII et Grégoire XII avaient fait cession de leurs titres au pontificat
suprême ; il fallait réduire l'intraitable Pierre de Lune qui voulait
rester le pseudo-Benoît XIII. L'empereur Sigismond consentit à aller le
trouver à Perpignan avec treize évêques, afin d'essayer de vaincre son opiniâtreté.
Le chef de l'ambassade fut Jacques Gelu, renommé pour sa dextérité à manier les esprits et les affaires. Tout fut inutile, et l'Aragonnais
ne se rendit pas. Gelu profita de ce voyage pour traiter aussi les affaires
de France auprès du roi de Castille et d'Aragon, et travailler à détacher du
pape schismatique les adhérents qu'il comptait dans la péninsule. Il
plaida la même cause au concile de Constance, et contribua beaucoup à
réduire les limites de l'obédience de l'intrus.
Il fallait remplacer les trois précédents pontifes par un seul et unique
pape. Le concile voulut que le conclave se composât non seulement de
cardinaux, mais aussi d'évêques et d'archevêques qui leur seraient adjoints.
Jacques Gelu fut de ces derniers; bien plus, telle était sa réputation
que huit voix le portèrent d'abord à la papauté. Le cardinal Colonna, qui
prit le nom de Martin V, finit par réunir tous les suffrages.
Martin V avait chargé Gelu de traiter à Paris de la paix intérieure et
extérieure du royaume. Il s'y trouvait à ce titre lorsque, en mai 1418, les
Bourguignons signalèrent leur nouveau triomphe par le massacre du connétable
d'Armagnac, du chancelier de Marie, de près de trois mille partisans
avérés ou prétendus du parti ennemi. Gelu appartenait tout entier à ce dernier parti; aussi dit-il qu'avoir échappé à ces fureurs l'oblige envers
Dieu autant que sa première création.
En janvier 1420, il va solliciter pour la France le secours du roi de Castille, qui promet d'équiper à ses frais vingt galères et soixante gros
vaisseaux. En juin, il était de retour dans son diocèse, qu'il ne perdait pas
de vue.
En 1421, il fait sa visite ad limina; il en profite pour traiter avec Martin V des affaires du Dauphin déshérité par le traité de Troyes; il est envoyé à Naples par le Pontife. Il s'agissait de réconcilier Jeanne II, le roi
d'Aragon et Louis III d'Anjou, négociation difficile entre toutes, qui prouvait
au moins l'idée que l'on se faisait de l'habileté du prélat.
Rentré dans son diocèse, en même temps qu'il s'efforce de le disputer
aux ruines que les calamités du temps amoncelaient sur la surface du
pays tout entier, il s'occupe de soutenir le parti national aux abois. Il a
une entrevue avec le duc de Bretagne, allié secret mais bientôt déclaré de
l'envahisseur; il écrit aux gentilshommes bretons pour les maintenir dans
la fidélité à la France ; il écrit au roi d'Angleterre pour le détourner de
ses injustes prétentions.
Les désastres allaient s'accumulant sur le parti français. Personne qui ne sût combien le métropolitain de Tours lui restait attaché; de là sans
doute des difficultés dans le gouvernement d'une province ecclésiastique
en grande partie ralliée à l'étranger. C'est vraisemblablement ce qui porta
Gelu à permuter le siège de saint Martin pour un siège moins important.
Les chanoines d'Embrun, à la mort de leur archevêque, se rappelèrent
que Gelu avait été leur collègue ; ils l'appelèrent à venir gouverner leur église. Il accepta avec empressement et obtint de Martin V des bulles qui
des bords de la Loire le faisaient passer au sein des Alpes. Il se hâta de
prendre possession de son nouveau siège, se consacra à ses devoirs de
pasteur, visitant, prêchant son troupeau, sans cesser, ainsi qu'on l'a vu,
d'entretenir avec Charles VII et la cour une correspondance cordiale
et vraiment épiscopale.
Eugène IV voulut mettre à profit les talents diplomatiques de l'archevêque d'Embrun : il le chargea de ramener à de meilleurs sentiments les factieux de Bâle ; mais ces négociations furent arrêtées par la mort du négociateur arrivée en 1432.
Tel est l'homme qui, outre la correspondance sur Jeanne d'Arc, ignorée
jusqu'ici, a publié sur l'héroïne un traité latin depuis longtemps signalé.
On en trouve deux exemplaires à la Bibliothèque nationale (2), et la bibliothèque
de Grenoble en possède un troisième. Quicherat en a donné dans
sa collection les parties purement historiques; il a dédaigné le reste
comme n'étant que fatras. Ce jugement, sans être complètement immérité,
est cependant trop sévère, quoique peu étonnant de la part du paléographe rationaliste, ennemi des considérations théologiques. Gelu en a
qui sont hors de sujet. Dégagé de ses inutilités, le traité n'est pas sans
intérêt. Il nous montre les questions que l'héroïne soulevait dans le monde savant du temps.
Gelu écrivait en même temps que Gerson, en mai 1429, avant la campagne du sacre et même avant celle de la Loire. Il ne se propose pas seulement de réfuter ceux qui contestaient le caractère divin de la libératrice; il pense, et justement, qu'il faut conserver le fait dans sa pleine lumière pour l'opposer aux incroyants de l'avenir. Les juges de la réhabilitation n'ont pas fait entrer l'œuvre de Gelu dans l'instrument du second procès, ainsi qu'ils l'ont fait pour celle de Gerson. Outre les longueurs, les digressions inutiles, le style en est embarrassé, surchargé d'incidentes.
A en juger par les extraits donnés par Fournier, l'archevêque d'Embrun écrivait bien mieux en français qu'en latin.
Le traité de Gelu s'ouvre par une lettre dédicatoire à Charles VII,
reproduite ici presque en entier.
« Les merveilles qui viennent de s'opérer pour l'éternelle gloire de Votre Altesse et de la maison de France retentissent à toutes les oreilles; une
toute jeune fille en est l'instrument; les doctes se partagent : les uns y
voient l'effet d'une providence à part sur votre personne et sur votre race,
providence qui se prolongera à travers les âges ; les autres regardent la
Pucelle comme le jouet de l'esprit du mal, qui veut ainsi renverser la première
des vertus, la justice, qu'ils se flattent de défendre.
« Chacun devant semer dans le champ du Seigneur selon la qualité du grain dont il est dépositaire, j'ai voulu, selon mon petit avoir, jeter
quelque lumière sur ce sujet.
« J'offre mon œuvre à Votre Majesté comme un miroir transparent, où
elle pourra contempler la fragilité de la puissance humaine, la faiblesse des
potentats, alors même qu'ils commandent à un peuple fort; les immenses
bienfaits que vous a gratuitement et bien libéralement départis la bénie
toute-puissance, bienfaits que vous ne reconnaîtrez jamais assez.
« A cette vue, que tout votre esprit, toutes vos forces, que toute votre âme se fonde en amour, en révérence, en glorification d'un Dieu, qui est
si magnifique père ; croissez de vertu en vertu, pour que dans le face à
face de la vision béatifique, vous lui rendiez grâce dans la patrie. C'est ce que je sollicite du plus intime de mon coeur, du miséricordieux auteur
de tout bien, moi, votre indigne serviteur, naguère sur le siège de Tours,
maintenant sur celui d'Embrun. »
Gelu commence par dire que les premières nouvelles de l'arrivée de la
Pucelle avaient produit en lui le doute, l'étonnement, et qu'il en était
venu ensuite à méditer devant Dieu sur les raisons de pareil événement.
Il y a vu une confirmation de la foi, une réfutation de ceux qui nient
la Providence, un triomphe pour les catholiques, un titre de gloire pour
la très haute maison de France, le perpétuel honneur du royaume et de
ses très chrétiens habitants. C'est pour cela qu'il écrit, lui Jacques, indigne
archevêque de la métropole d'Embrun, en l'année 1429, sous le pontificat
de Martin V, Sigismond empereur romain, heureusement régnant.
Quelque manifeste que soit l'existence de Dieu, continue-t-il, plusieurs
cependant se forment du souverain être une idée perverse et impie. Ils
rapportent au destin ou au hasard les effets de sa Providence ; ils nient
que Dieu ait un soin particulier de l'homme, et s'autorisent de cette négation
pour se livrer à leurs caprices, s'abandonner à leurs passions, fouler
aux pieds toute justice, toute humanité, et lâcher le frein à leurs convoitises.
Le vice devient pour eux une sorte de nature : pour s'y livrer plus
aisément, ils en viennent à nier le Ciel, l'Enfer, la spiritualité et la survivance
des âmes, et jusqu'à Dieu lui-même.
Tel est le dernier effet des vices dans une âme qui s'en nourrit. Pour y échapper, il est nécessaire non seulement de savoir les vérités qui leur
sont contraires, mais de les toucher pour ainsi dire de la main.
Or, ces vérités deviennent palpables par le fait qui se passe maintenant : fait unique, merveilleux, celui de cette Pucelle divinement envoyée au
roi. Gelu veut le mettre en lumière pour que les âges à venir ne puissent
pas en douter.
Gelu donne en quelques lignes la cause des calamités de la France. Il
indique les quatre litiges sorties du roi Jean : quatre fils de Charles VI ont
porté successivement le titre de Dauphin; la mort l'a fait passer au dernier,
le roi actuellement régnant, Charles VII. Le malheureux père fut un
prince pieux et doux, mais que la maladie rendait incapable de tenir
d'une main sûre les rênes du gouvernement ; son frère, Louis d'Orléans,
se vit disputer le droit de le suppléer, d'abord par son oncle de Bourgogne,
et ensuite par le fils de ce dernier, son cousin, Jean sans Peur.
Jean sans Peur le fait assassiner. Source intarissable de calamités, les
princes du sang se partagent entre les deux maisons : ce sont de sanglantes
séditions, d'affreux massacres, où la fleur du parti d'Orléans périt égorgée
par une vile multitude à la solde du duc de Bourgogne; ce sont les Anglais
qui, à la faveur de ces divisions intestines, envahissent villes et territoire. Le Bourguignon devient leur allié, leur livre la France jusqu'à
la Loire, et, attentat plus grand encore, sous la pression de ces deux
conjurés, le dauphin Charles est exclu par son père et par sa mère de la
succession au trône; son ennemi mortel, le roi d'Angleterre, est proclamé
héritier de la couronne.
A la suite de cette indication sommaire, où le meurtre de Jean sans
Peur au pont de Montereau est passé sous silence, Gelu fait de l'extrémité à laquelle Charles VII fut réduit le tableau suivant, qui n'est pas
exagéré :
« La terreur s'était emparée de ses partisans, nobles et princes du
sang. Plusieurs de ces princes faisaient hommage aux Anglais ; d'autres,
sous divers prétextes, lui extorquaient une partie des domaines qui lui
restaient ; on en voyait qui le spoliaient de ses revenus et de ses finances ;
quelques-uns allaient semant dans le royaume entier des calomnies propres à le rendre odieux. Ces fléaux montèrent à un tel degré qu'il n'y avait
presque plus personne qui fît cas de ses ordres. Princes et seigneurs, perdant
toute espérance, se retiraient de son autorité et se déclaraient indépendants
dans leurs domaines. Il était passé comme en maxime que du
pays de France chacun pouvait prendre tout ce qu'il pouvait conquérir et garder (3).
« Le roi était réduit à une telle détresse qu'il manquait du nécessaire,
non seulement pour sa maison, mais aussi pour sa personne et pour celle
de la reine. Rien n'autorisait à penser qu'un bras d'homme pût le remettre
en possession de ses États : le nombre de ses ennemis et de ceux qui se retiraient
de son obéissance croissait tous les jours, et ceux qui se disaient
de son parti ne lui donnaient qu'une assistance toujours plus faible.
« Le roi ne pouvait plus puiser de finances dans son propre trésor; celles que lui fournissaient ses sujets restaient l'objet de déprédations
sans fin : abandonné, sans l'appareil convenable à sa dignité, il ne savait
pas d'où pourrait lui arriver le secours.
« Le roi, dans ce dénument de tout appui humain, dépouillé par la cupidité des siens, montrait grande patience et très ferme espérance en Dieu. Nous avons appris qu'il avait spécialement compté sur les prières et les aumônes, allant dans sa générosité jusqu'à vendre ses joyaux et le reste de sa fortune d'autrefois. »
Tel est le tableau tracé par un homme que son passé et son présent
initiaient parfaitement à l'état d'un prince et d'une cour qu'il avait vus
de bien près, dont il avait été et restait le conseiller dévoué et écouté.
« Ces œuvres de piété, continue Gelu, ont déterminé, pense-t-on, la miséricorde divine à former sur le royaume des pensées de paix et de restauration.
Le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, est venu en aide
au roi par une toute jeune fille, prise à la suite des troupeaux, que rien
n'avait préparée à cette mission, ni l'habileté des maîtres, ni la conversation
des hommes du métier, ni les enseignements des doctes. Revêtue d'un
costume viril, elle s'est présentée au roi, se disant envoyée par le ciel
pour conduire son armée, dompter les rebelles, expulser les ennemis et
le remettre en possession de ses États : œuvre merveilleuse en elle-même,
rien dans celle qui l'accomplit ne la préparant à conduire pareil dessein;
œuvre cependant qui n'a rien d'étonnant, si on la considère dans la puissance
de Dieu, qui, s'il le veut, peut vaincre par une femme. Par là, nous
apprenons que toute puissance vient de Dieu ; l'humaine présomption
est confondue, l'orgueil de ceux qui mettent leur confiance en eux-mêmes
est rabaissé, Dieu choisit ce qui est faible pour confondre ce qui est fort.
« Quoique le fait soit sous nos yeux, nous pouvons cependant entrevoir
quelques-uns des motifs qui, il est permis de le croire, ont incliné la
divine clémence à opérer ces merveilles :
« 1° La cause de la justice du côté du roi. Il est le seul fils survivant du roi Charles VI de bonne mémoire, né d'un mariage légitime, et ne s'est pas rendu coupable d'ingratitude envers ses parents; et cependant, ceux-ci trompés, séduits, effrayés l'ont exhérédé pour lui substituer son mortel ennemi, le roi d'Angleterre, et cela contre le droit naturel, divin et humain.
« 2° Les glorieux mérites de ses prédécesseurs. Devenus catholiques, on n'a jamais pu les accuser d'avoir erré dans la foi ; ils ont mérité qu'on ait pu dire que seule la France a été exempte des monstres de l'hérésie ; ils ont honoré Dieu, propagé et toujours révéré la foi chrétienne et l'Église.
« 3° Les supplications des personnes de piété, les sanglots des opprimés, opposés à la déloyauté et à la cruauté des oppresseurs. Ces derniers donnaient parfois à leurs prisonniers de guerre du foin et de l'herbe, en guise de nourriture, comme à des brutes, leur refusant les aliments durant la vie, la sépulture après la mort. Rien ne trouvait grâce à leurs yeux, ni la condition, ni l'âge, ni le sexe; ils massacraient prélats, hommes d'église, nobles, conseillers royaux, vierges, vieillards, jeunes gens et même des femmes enceintes.
« 4° L'injustice de nos ennemis dénués de tout titre de quelque valeur. Comme s'ils avaient renié la foi qui défend non seulement de s'emparer du bien d'autrui, mais encore de le convoiter; ils osent bien se dire les propriétaires du sceptre et de la couronne. Cependant tout ce qui est contre la conscience est péché.
« 5° L'insatiable cruauté de la nation anglaise, inaccessible à tout sentiment d'humanité. Par elle la chrétienté entière est bouleversée, bien plus, l'univers lui-même. Les ennemis de la croix de Jésus-Christ s'applaudissent en apprenant que de telles guerres règnent parmi les chrétiens ; ils savent bien que rien ne peut amener plus sûrement notre ruine.
« Cependant quelque grands que fussent ces bouleversements, nous n'avons jamais désespéré de la bonté, de la miséricorde, de la justice de Dieu. Nous répétions au roi : l'âme raisonnable serait plutôt absente du corps d'un homme vivant, que la bonté, la miséricorde et la justice du sein de Dieu. Les péchés du roi, du peuple, de tous ensemble, attirent de semblables fléaux ; ils sont pour notre amendement et non pour l'anéantissement de la maison royale.
« Corrigeons-nous de nos péchés, réfugions-nous vers Dieu, il agira en notre faveur, quand nous serons convenablement disposés. Nous persuadions au roi de se jeter dans le sein de la divine bonté, de se mettre entre ses mains avec toute la dévotion de son âme ; et d'espérer fermement en elle, puisqu'elle est assez puissante pour relever les affaires les plus désespérées.
« Mais étendons notre sujet. Des hommes doctes, assure-t-on, affirment que la Pucelle n'est pas l'envoyée de Dieu, mais bien le jouet des illusions de Satan ; elle n'agit pas en vertu de la puissance divine, elle est l'instrument du démon.
« La preuve, c'est que Dieu agit d'un seul coup, d'une manière instantanée; il n'a pas besoin de temps pour porter ses œuvres à la perfection, il a dit et tout a été fait, il a commandé et tout a été créé. La Pucelle a commencé depuis longtemps son œuvre, sans l'avoir encore conduite à son dernier terme, donc, etc.
« Si les œuvres que nous voyons étaient de Dieu, il les eût accomplies
par un ange et non par une adolescente, simple, élevée à la suite des
troupeaux, sujette à toutes les illusions, par la nature de son sexe, et à
raison même du désœuvrement d'une vie solitaire. Ce sont ces personnes
que le démon a coutume de tromper, surtout dans les contrées que nous
habitons, comme le prouve l'expérience. Le perfide a mille stratagèmes
pour induire en erreur les hommes, dont après sa chute il est l'ennemi
jaloux.
« Le sujet proposé nous fournit l'occasion d'examiner quelques questions dont la discussion éclairera la matière.
« 1° Convient-il à la divine Majesté de s'entremettre particulièrement dans les œuvres d'un homme ou d'un peuple ?
« 2° Doit-elle agir par les anges plutôt que par les hommes ?
« 3° Convient-il à la divine Sagesse de confier à une femme des œuvres
naturellement réservées à l'homme ?
« 4° Peut-on distinguer l'œuvre de Dieu des œuvres de Satan, et à quels signes ?
« 5° Alors qu'une œuvre doit s'accomplir par disposition divine, faut-il
agir sans tenir compte des règles de la prudence humaine ? »
Les réponses à ces questions, Gelu les développe longuement et
d'une manière parfois prolixe, a-t-il été dit; ce n'est que le fond qui va être reproduit ici, sans que j'y ajoute rien de moi-même.
Convient-il à la divine Majesté de s'entremettre particulièrement dans
les œuvres d'un homme ou d'un peuple ?
Dieu, créateur et conservateur de tous les êtres, prend, il est vrai, soin de chacun d'eux ; il en prend soin selon l'exigence de leur nature, mais la
nature de l'homme demande une providence particulière : l'homme a plus
de besoins, il est plus excellent; s'il le veut, il peut, par ses vertus et par ses
dispositions, solliciter et mériter les attentions de cette Providence. Un roi,
un peuple, un royaume qui serviront Dieu fidèlement, rendront à Dieu
une plus grande gloire: Dieu, pour les récompenser, veillera avec un soin
spécial sur leur sort et sur leur avenir.
A cette démonstration par la raison, Gelu ajoute de nombreux faits empruntés aux saintes écritures, et il continue :
Il n'est pas étonnant qu'après tant de châtiments infligés au roi et au
peuple de France, et patiemment acceptés, nous espérions que punis,
amendés, revenus à Dieu, peuple et roi vont être désormais l'objet des
divines miséricordes. Dieu, en considération du mérite des parents, a pris
un soin spécial du jeune Tobie, qui n'était qu'un simple particulier;
pourquoi ne prendrait-il pas un soin pareil du roi qui est son ministre ?
Après avoir châtié le peuple d'Israël, il n'a pas cessé d'en faire son peuple ; quoi d'étonnant qu'après une correction pareille, il daigne venir en aide au royaume de France, ce royaume toujours ferme dans la foi ; pour lequel, ainsi qu'il a été exposé, de nombreux motifs semblent demander grâce et miséricorde ?
Il a envoyé son fils pour racheter le monde; il a voulu qu'il s'assujettit à toutes nos infirmités, le péché excepté. Qui oserait donc dire que son
infinie Majesté déroge, en envoyant une de ses créatures arracher à la
gueule de leurs ennemis un roi et son peuple ? Nous pouvons, sauf correction,
attendre semblable secours de sa clémence et de sa justice.
Il n'est pas vrai que Dieu accomplisse toujours ses œuvres d'un seul coup et instantanément. Il le peut, mais ne le fait pas toujours. Il a employé
six jours à la création; il n'a délivré son peuple de l'Égypte que par
dix plaies successives; les bienfaits conférés au jeune Tobie le furent dans
un temps assez long pour que ses parents dans l'attente pussent s'écrier : Plût à Dieu que l'argent prêté n'eut jamais existé ! Quelquefois il agit instantanément.
Élisée aveugla instantanément les Syriens venus pour le
prendre; Notre Seigneur calma soudainement la tempête. Il ne nous appartient
pas de chercher pourquoi Dieu agit ainsi d'une manière différente.
L'œil de notre intelligence, quand il veut pénétrer dans l'intime de ses
œuvres, ressemble à l'oeil de la chauve-souris, qui voudrait fixer le soleil
dans son midi.
Dieu doit-il accomplir ses œuvres par les anges plutôt que par les
hommes ? Gelu s'étend longuement pour montrer qu'ordinairement c'est
par les anges que Dieu opère ses œuvres. Cependant, ajoute-t-il, il n'est
pas enchaîné par cet ordre, et tout est instrument entre ses mains :
l'homme, les créatures animées et même inanimées. Par Moïse, par David,
par Judas Machabée, il a détruit les ennemis de son peuple; il s'est
aussi servi de Judith et d'Esther, et il a nourri Élie par un corbeau. Sa
sagesse choisit les moyens convenables aux circonstances, et toujours avec
nombre, poids et mesure.
Dans le cas présent, il a été plus convenable qu'il employât le sexe
faible, une adolescente. Il confondait mieux l'orgueil des ennemis du
roi. Ils se confiaient dans la multitude et la valeur de leurs armées ; il
n'est pas de maux dont ils n'accablassent des innocents, comme si en Dieu
il n'existait ni justice, ni miséricorde, et qu'ils n'eussent rien à redouter de
ses châtiments. Dieu montre bien mieux sa puissance en dissipant ces
puissantes armées par une femme, qu'en leur opposant des armées plus
nombreuses et plus aguerries.
Ils eussent été trop honorés si Dieu, pour les mettre en déroute, eut visiblement envoyé un de ses anges. Il abaisse bien mieux leur superbe en
se servant d'une petite villageoise de basse condition, de parents obscurs
même dans le lieu de sa naissance, livrée jusqu'alors à de vils travaux,
sujette à l'illusion, ignorante, simple au delà de tout ce qui peut se dire.
Heureuse confusion, elle les met sur la voie du salut.
Convient-il à Dieu de confier à des femmes des œuvres réservées aux
hommes ?
A première vue, il semble bien que non. C'est une condition de l'ordre
du monde que chaque créature reste à son rang. La réserve et la pudeur
interdisent aux femmes bien des choses autorisées chez les hommes. Bien
plus, certaines choses excellentes ne sont permises qu'à quelques hommes ;
elles sont interdites au plus grand nombre et à plus forte raison aux femmes : ainsi prêcher, sacrifier. Nous savons par l'Écriture les terribles châtiments
de Saül, d'Osa, de Josias, pour avoir usurpé les fonctions lévitiques.
Nous voyons d'un autre côté les femmes favorisées du ciel de communications
refusées aux hommes. Telles les sybilles, auxquelles Dieu a donné
de grandes lumières sur l'avènement de son fils et le jugement final. Gelu
cite ici une trentaine de vers sur le jugement empruntés à une sybille.
Puis, venant à la solution, il répond : tout ce que Dieu fait est bien fait.
Il a établi des lois générales, mais il ne s'y est pas astreint.
Qui donc refusera au législateur suprême un pouvoir dont ne sont pas
dénués les législateurs humains? Ils peuvent, pour de justes motifs, déroger
aux lois qu'ils ont portées. Le texte de la loi est quelque chose de mort
qui ne peut pas se prêter à toutes les conjonctures ; le législateur, qui est
la loi animée, l'y accommode par des dérogations faites à propos.
Le prince mortel est subordonné au roi éternel, et doit être son ministre.
Tel n'est pas Dieu qui est à lui-même sa règle. Sa volonté est la loi; la sagesse le dirige alors qu'il la suspend, comme lorsqu'il a ordonné aux
Hébreux d'emporter les richesses des Égyptiens, ou qu'il a voulu que son
Fils naquit virginalement.
S'il a voulu qu'une jeune fille commandât des hommes d'armes et dispersât des armées puissantes, c'est l'ordre, puisqu'il l'a voulu. Mais outre
cette raison générale, on peut en assigner de spéciales.
Les ennemis du roi sont des chrétiens et comme tels tenus à l'observation
du Décalogue. Fiers de leur force et de leur puissance, ils ont cru pouvoir,
au mépris de la loi divine, dépouiller le roi de l'héritage de ses pères.
C'est pour punir cette transgression, pour montrer qu'il y a auprès de lui
un tribunal où les opprimés trouvent justice, que Dieu a envoyé une
femme, une enfant, prise dans la plus infime condition.
Par là, tous doivent apprendre qu'il y a, en lui, compassion pour les victimes de l'iniquité, miséricorde envers les affligés ; que c'est lorsque tout est désespéré, lorsque la prudence humaine est sans ressources, que la bonté divine aime à intervenir.
Par là aussi ceux qui dans le gouvernement du monde mettent le destin à la place de la Providence sont avertis de se convertir, s'ils ne veulent pas que leur sottise les perde.
Dieu n'a pas envoyé un Chérubin ou un Séraphin ; il a voulu faire entendre aux superbes que pour renverser ce qu'il y a de plus fort, il n'avait pas besoin d'employer les puissances ultra-célestes, mais qu'il lui suffisait du plus fragile et du moins apte des instruments.
La Pucelle, par sa mission même, est autorisée à porter des vêtements d'homme. C'est plus convenable. Obligée de vivre avec des guerriers, elle a dû s'accommoder aux lois de leur discipline.
La volonté de Dieu, dont nous ne sommes pas capables de sonder les mystères, est à elle seule sa raison ; mais nous voyons ici tant de convenances,
que Dieu fût-il un roi mortel, il serait facile de le justifier
d'avoir confié à une jeune fille ignorante une œuvre, qui par sa nature
revient aux hommes.
Pouvons-nous connaître quand une œuvre vient de Dieu, ou bien est l'effet d'un art diabolique ? et à quels signes ?
L'auteur, comme il l'a fait pour les questions précédentes, commence
par présenter les raisons opposées à la thèse qu'il va soutenir. Il semble
qu'il est impossible de faire ce discernement : 1° Les connaissances de
notre intelligence dépendent des sens ; les sens n'atteignent pas les esprits;
mes yeux voient l'homme qui fait l'aumône, mais nullement l'intention
qui meut la main. 2° L'esprit souffle où il veut ; d'où il vient, où il va, on
l'ignore; voilà pourquoi ses œuvres sont merveilleuses; le ressort en est
caché. 3° L'ange de Satan se transforme en ange de lumière. Témoin le
prophète qu'un autre prophète invita par l'ordre de Dieu à se réconforter
et qu'un lion dévora. 4° Pour mieux tromper, les démons persuadent les
bonnes œuvres et prennent des figures qui cachent leur laideur. 5° Ils connaissent
les inclinations de ceux qu'ils veulent tromper, et s'y conforment.
Les objections ainsi posées, Gelu dit que la question a un double sens:
ou il s'agit de discerner les motions des esprits en soi-même, ou dans les
autres. Il répond à la question dans le premier sens fort savamment ; mais
comme cela ne me semble que fort indirectement rentrer dans le sujet,
je n'en donne pas même l'analyse.
Voici comment il répond à la question dans le second sens, à savoir
comment nous pouvons connaître la nature des esprits qui meuvent les
autres.
Certes l'homme est grandement sujet à l'erreur ; Dieu seul connaît le
fond des coeurs. Cependant nous pouvons, nous aussi, y pénétrer d'une
certaine manière, et cela par les œuvres extérieures.
Les œuvres extérieures sont le reflet de l'âme ; chacun se fait des
mœurs conformément à ce qu'il est; ce sont ces fruits auxquels on reconnaît
l'arbre; ce que vaut la vie, la parole le montre, dit un très ancien
proverbe des Grecs. Voyons-nous quelqu'un bien vivre selon son état,
tenir la conduite qu'il doit y tenir; de quel droit en porter mauvais jugement ?
ce serait déraisonnable. Sans quoi il serait impossible de connaître
les bons, facile de connaître les méchants. Le bien est cependant plus étendu que le mal, et la connaissance de l'un plus délectable que celle de
l'autre.
Comment connaissons-nous Dieu ? N'est-ce pas en contemplant ses
œuvres, que nous nous élevons à la connaissance de leur invisible auteur ?
On dira peut-être : Les méchants feignent d'être bons ; il y a des hypocrites.
Béni soit Dieu, qui nous dit: Vous les connaîtrez à leurs fruits.
L'hypocrisie est un mal interne ; la nature l'emportera; il y aura éruption violente ; et l'on verra ce qui était dissimulé à l'intérieur.
Appliquant cette règle à la Pucelle et à ses œuvres, nous pouvons dire autant que c'est permis à la fragilité humaine : la Pucelle et ses œuvres sont de Dieu.
« Fidèle chrétienne, elle remplit ses devoirs envers Dieu, est pleine de respect envers les sacrements, se confesse souvent et communie dévotement.
L'honnêteté reluit dans ses paroles et dans sa conversation; elle
parle peu, évitant par là bien des péchés; elle est sobre dans sa nourriture
; rien dans ses actes qui ne soit digne de la retenue d'une vierge. C'est
ce qui nous a été rapporté.
« Ce ne sont pas là des observations d'un jour; elles durent depuis plusieurs mois; ce qui aurait bien permis au mal de se montrer, s'il avait
existé. Sa carrière est celle d'une guerrière et cependant rien de cruel ;
elle est miséricordieuse envers tous ceux qui ont recours au roi, envers
les ennemis qui veulent rentrer dans leur pays. Loin d'être altérée de
sang humain, elle offre aux ennemis qui veulent quitter le sol français,
de les laisser se retirer en paix; aux rebelles, de leur assurer le pardon
du roi, s'ils veulent revenir à l'obéissance. »
Il est vrai que ceux qui refusent ses avances, elle s'efforce de les subjuguer par la force ; mais c'est sa mission. C'est le droit commun, et il est entièrement d'accord avec la raison.
Il a été parlé de son costume masculin ; il est réclamé par sa mission ;
elle vit au milieu des guerriers. Il est réclamé par les actes qu'elle doit
accomplir ; mais c'est sans aucun détriment pour sa pudeur virginale,
ainsi qu'on nous l'assure. Ce que, tout bien considéré, nous croyons pieusement.
Il ne sied pas d'interpréter le bien en mal ; de montrer que nous
ne saurions l'admettre, alors même qu'il se présente à nous avec toutes
les apparences extérieures qui le caractérisent. Nous ne devons pas d'ailleurs être opiniâtres dans notre sens, de manière à tomber sous la censure
des écritures, qui nous disent de ne pas être sages à nos propres yeux, ni nous mettre en opposition avec les sentiments des sages.
Il nous reste encore à considérer les œuvres : sont-elles de Dieu, sont-elles de son ennemi ? Il faut en examiner la nature et la fin.
Sont-elles bonnes en elles-mêmes? il est à présumer qu'elles viennent de Dieu, qui par nature fait le bien; tandis que par nature le démon
tend à nuire et à ruiner. Si les œuvres sont de leur nature mauvaises,
comme tuer, blesser, imprimer la terreur ; il faut rechercher la cause qui
les produit, la fin poursuivie.
La loi permet de donner quelquefois la mort, dans le cas de légitime
défense et dans une guerre juste. C'est méritoire, lorsqu'il faut repousser
un injuste envahisseur de la patrie. Si la guerre était toujours illicite,
saint Jean-Baptiste ne se fût pas borné à dire aux soldats de se contester
de leur solde. La fin de la guerre, c'est la paix, bien souverainement désirable.
Faisons l'application de ces principes. Notre roi était dénué de tout secours,
et il a plu à Dieu de lui venir en aide par la Pucelle. Elle avertit
les ennemis qu'ils sont sans titre en France, et qu'ils accablent des innocents.
Elle leur propose de rentrer dans leur pays, leur promettant qu'ils
ne seront pas inquiétés ; elle presse les révoltés qui se sont mis de leur
côté, de revenir à leur souverain légitime, leur garantissant le pardon. Tous
ces actes sont raisonnables. Ennemis et sujets révoltés ne se rendent pas à cette sommation ; il y a, là, cause d'une juste guerre. Ce qui est juste de
la part du roi est méritoire de la part de ceux qui le secourent et le soutiennent.
Tuer et faire tout ce que comporte la guerre sera donc juste ;
parce que le droit à la fin emporte le droit de faire ce qui est indispensable
pour l'obtenir.
Nous supposons cependant que ceux qui commettent ces actes sanglants
ne sont pas sans compassion pour ceux qui en souffrent. C'est le juge qui
condamne, non par férocité, mais par justice.
Les actes mentionnés, quoique étant par nature de ceux qui sont communément mauvais, ne le sont pas dans l'espèce; bien plus, ils sont bons, car ils sont ordonnés pour le bien ; l'on ne doit donc pas dire qu'ils sont opérés par l'intervention des esprits mauvais ; il faut les attribuer à Dieu auquel il appartient de faire justice, en punissant les méchants et en récompensant les bons ; d'exercer la, miséricorde, en subvenant aux désolés et aux opprimés.
Lorsque c'est par l'ordre de Dieu qu'une œuvre est entreprise, faut-il consulter les règles de la prudence humaine ?
1° Répondre que non, semble contraire à la défense qui nous est faite de tenter Dieu. L'homme ne doit pas abandonner à Dieu la conduite d'une
affaire, sans s'y employer lui-même de tout son pouvoir ; c'est ce que nous enseigne la Sainte Écriture et le monde physique lui-même, où la semence
ne donne des fruits abondants, qu'à la suite de la culture qui en est faite.
2° Sans cela Dieu semblerait avoir inutilement donné à l'homme ses facultés; la liberté de notre arbitre serait blessée ; nous avons l'obligation de considérer le rapport des moyens avec la fin, et de nous livrer pour cela à de longues réflexions ; ce ne sont pas tant les gémissements et les supplications des femmes, que les combinaisons et les actes des hommes, qui attirent le secours de Dieu. Quand Dieu confie une affaire, il nous charge de chercher les moyens de la faire réussir; aussi les Israélites ayant mission de conquérir la terre de Chanaan se firent précéder par des explorateurs.
3° C'est vrai principalement lorsque l'œuvre à accomplir demande un laps de temps, et doit se réaliser successivement. C'est le cas. La Pucelle ne peut pas occuper simultanément et au même instant toutes les parties du royaume. Il faut donc considérer les occurrences, choisir le point où l'attaque doit être portée, où il faut appliquer les machines, s'approvisionner de vivres, etc. Ce qui semble être remis à la diligence du mandataire.
4° Les mesures bien prises viennent de Dieu, qui a confié la fin ; elles ne sauraient par suite être contraires à sa volonté. Le bien n'est pas plus contraire au bien, que le vrai ne l'est au vrai. Dieu donc en confiant une œuvre n'interdit pas d'y employer les moyens de la prudence humaine. La question, dit Gelu, est difficile à résoudre ; et sur ce, il aborde les points les plus épineux de la théologie sur la volonté divine ; volonté de bon plaisir, de permission, de signe. La traduction ou l'analyse demanderait pour être bien comprise des études théologiques approfondies, et n'avancerait pas beaucoup la solution que l'auteur, après cette digression, donne en ces termes :
« Lorsque Dieu remet à quelqu'un la conduite d'une affaire, d'un événement, il faut accueillir cette disposition avec grande piété, reconnaissance, et s'y conformer le plus possible, sans lui résister en aucune manière ; il veut mettre en mouvement sa bonté, sa tendresse, sa miséricorde, sa justice, plus que les moyens naturels.
« Il ne faut donc, à notre avis, nullement s'opposer à la volonté du commissaire divin, mais lui obéir entièrement, surtout en ce qui regarde les points essentiels de son mandat, ou du fait qu'il doit réaliser.
« Il est vrai qu'avant d'admettre quelqu'un comme envoyé du ciel, il faut d'abord bien éprouver quel esprit le conduit, ainsi que fit Josué. Ce n'est pas à la légère, ni sans des motifs de grand poids et après mûre délibération, qu'il faut au commencement se mettre sous sa conduite ; mais lorsque, après examen, il est prouvé, autant que c'est possible à l'humaine fragilité, que c'est sur l'ordre de Dieu que l'on s'est engagé, il
faut, selon nous, suivre la voie qui vient d'être indiquée. Saül, pour
n'avoir pas obéi à l'ordre de Dieu transmis par Samuel, perdit son royaume, quoique il ne crût pas mal agir Le roi, s'il n'obéit pas à la Pucelle, pour s'appuyer sur la prudence humaine, doit craindre, même alors qu'il croirait bien faire, d'être abandonné par le Seigneur, de ne
pas obtenir ce qu'il souhaite, et de voir ses désirs frustrés.
« 2° Quelque doute vient-il à surgir sur ce qui a été confié à celle que la piété nous porte à regarder comme l'ange du Dieu des armées, pour la délivrance de son peuple, et le relèvement du royaume ; il faut s'en rapporter à la sagesse divine plus qu'à la sagesse humaine Il faut croire que cette sagesse inspirera à son envoyée ce qui doit être fait, bien mieux et plus utilement que ne pourrait le découvrir la prudence humaine.
« 3° Les passions des hommes sont diverses. Les uns par crainte de déplaire, les autres pour conserver leur état, ceux-ci par des intérêts de fortune, ceux-là pour monter plus haut, d'autres par d'autres considérations, peuvent être détournés du vrai. La divine volonté et la divine sagesse ne peut pas plus nous tromper qu'être trompée, le propre de sa nature étant de bien faire et de faire du bien.
« Voilà pourquoi nous conseillerions qu'en semblable matière, avant tout, l'on demandât l'avis de la Pucelle. Alors même qu'il nous paraîtrait peu vraisemblable, si elle était constante dans ses affirmations, nous voudrions que le roi s'y conformât, comme à un avertissement inspiré par Dieu pour l'exécution de la mission confiée.
« Pour ce qui est des préparatifs des expéditions : machines de guerre, ponts, échelles, et semblables attirails ; pour ce qui est des approvisionnements en rapport avec le nombre des soldats ; pour la manière de se procurer
des finances; pour l'extérieur de l'entreprise, et les autres choses sans
lesquelles elle ne pourrait se prolonger que par le miracle ; nous serions
assez d'avis qu'il faut y pourvoir par voie de la prudence humaine, conformément
aux raisons données au commencement de cette cinquième question.
« Mais lorsque la sagesse divine veut agir principalement par elle-même, la prudence humaine doit s'anéantir, s'humilier, ne rien entreprendre, ne
rien vouloir, ne rien faire, qui puisse offenser l'infinie Majesté. Voilà
pourquoi nous disons que c'est le conseil de la Pucelle qui doit être
demandé, cherché principalement, et avant celui de tous les autres. Celui
qui donne l'être donne tout ce qui en découle, et celui qui confie une
mission à accomplir donne tout ce sans quoi elle ne pourrait aboutir....
Espérons donc que le Seigneur, faisant sienne la cause du roi, inspirera
tout ce qui est nécessaire, pour que la Pucelle arrive au terme souhaité,
ne laissant pas ses œuvres imparfaites.
« Nous serions encore d'avis que chaque jour le roi fît quelque œuvre
particulièrement agréable à Dieu ; qu'il en conférât avec la Pucelle ; et
qu'après avoir connu son sentiment, il le réduisît en pratique, en toute
humilité et piété, pour que le Seigneur n'ait pas de motif de retirer sa
main, mais bien de continuer sa grâce. Le propre de sa nature, c'est la
miséricorde et la clémence, tant que nous ne nous rendons pas indignes
de son pardon.
« Que devant la divine Majesté courbe son front et fléchisse les genoux la douce humilité du roi mortel ; et qu'il seconde les dispositions
du bon vouloir divin. C'est son devoir; il apaisera ainsi celui par qui
régnent les rois, à qui soit honneur et gloire dans les siècles éternels :
Amen, Amen. »
Tel est le traité de l'archevêque d'Embrun. Il respire la foi, la piété, un
inaltérable dévouement au roi et à la cause française. Si les conseils par
lesquels il se termine avaient été suivis, il est permis de croire que la délivrance
eut été avancée de vingt ans, et que bien d'autres événements heureux
s'en seraient suivis ; mais l'homme a le terrible pouvoir d'empêcher
les plus grands bienfaits dont la libéralité divine veut le combler.
L'archevêque d'Embrun ne vit jamais la Pucelle ; il n'en parle que sur
les nombreuses relations qui lui ont été faites. Ces relations étaient
vraies ; il n'y a d'inexact que l'assertion, d'après laquelle Jeanne aurait
sommé les Anglais de vider la France, alors qu'elle était encore aux bords de la Meuse. La fière lettre a été envoyée plus tard.
[Epistola præliminaria ad regem Carolum VII.]
Christianissimo principi domino Karolo septimo,
Francorum regi serenissimo, ac dalphino Viennensi
inclitissimo, magnalia et misericordias Domini jugiter in considerationem agere.
Quia circa nuperrime, in celsitudinis vestræ favorem
ac gloriosæ domus Franciæ laudem et perpetuam
famam, peracta ministerio Puellæ adolescentulæ, cujus
miranda omnium aures pulsare non cessant, doctos
viros varia sentire intellexi ; quibusdam asserentibus
peculiarem Altissimi, ad conservationem dominiorum
propriorum in persona et progenie vestris, provisionem
exsistere in ævum feliciter duraturam ; aliis opinantibus
Puellam præfatam, nequissimi hostis fallacia
delusam, ipsius et satellitum suorum medio operari in
confusionem et vituperium justitiæ, virtutum præclarissimæ,
quam se colere adstruunt : idcirco considerans
quod in agro dominico, prout quisque valet, serere
illius frumentum, alter pretiosum aliquid, et alius quæ
habet, quanquam non multum præstantia, tenetur,
nec aliorum opes alterius paupertate foedari ; quatenus
materia prædicta elucescat, ipsam juxta modulum talenti
crediti tractatulo præsenti, annuente scientiarum
datore Deo, comprehendam. Quem majestati
vestrae destinare proposui pro speculo terso et admodum
polito, in quo fragilitatem imbecillitatemque potentiæ humanæ et terrenæ, ac principum, populo
quanquam gravi præsidentium, excellentiam, etiam
omnipotentiæ Dei benedicti gratias uberes multiplicesque
vobis impensas, absque tamen obligationis alicujus
vinculo, sed mera liberalitate sua, insuper, quam nulla solvere valetis facultate ipsi domino largitori Deo,
beneficentiam speculari, meditari, videre ac recognoscere,
quamvis insufficienter, valeatis. Sed nunc in ænigmate et per hoc in amorem, timorem, laudem et
gloriam benefactoris Dei, parentis liberi, tota mente,
tota virtute et anima tota assurgatis, tandemque de
virtute in virtutem proficiscentes, ipsi facie ad faciem
gratias peragatis in patria, visione beatifica dotatus.
Quod, ut fiat, ex intimis pium, misericordem et omnium
bonorum largitorem Deum suppliciter exoro.
Vester, olim Turonensis nunc Ebredunensis metropolis,
JACOBUS, minister indignus.
[Incipit tractatus de Puella.]
Doctorum fidelium scriptis facto singulari Puellæ,
ad serenissimum regem Francorum dominum Karolum
septimum venientis, primaria apprehensione concepto,
non abs re mirari cæpimus dubiæ rei eventum, et ejusdem
causam finalem efficientem et materialem inquirere,
de voluntateque, pietate, misericordia et justitia
Dei perscrutari. Unde plura in sacræ fidei catholicæ
confirmationem et æstimationis aliquorum confusionem,
nulli curam universi attribuentium, cedentia,
reperimus ; quos sæpenumero detestati sumus, ac refellimus
et damnamus per præsentem tractatulum, in
Dei gloriam, fidei approbationem, catholicorum lætitiam
ingentem, præcelsæ domus Franciæ excellentiam,
domini regis prædicti laudem regni et fidelium incolarum
ejus christianissimorum perpetuam famam,
editum per me, Jacobum, olim Turonensem archiepiscopum,
nunc sanctæ metropolis Ebredunensis ecclesiæ
antistitem indignum ; anno domini millesimo quadringentesimo
vicesimo nono ; præsidente Romanæ ecclesiæ
domino papa Martino quinto, et romano imperio
domino Sigismundo, feliciter. In quo quidem tractatu
nihil temere asserere volumus, sed melius scientium
judicia sequi, annuente salvatore nostro domino Jesu
Christo, cui soli debetur honor et gloria.
Nulla gens usquam est adeo aut fuit extra leges
moresque projecta, quæ non aliquos deos crediderit.
De Deo enim omnibus insita est opinio : hinc omnis
mortalium cura, quam multiplicium studiorum labor
exercet, etsi diverso calle procedat, ad unum tamen
nititur beatitudinis finem pervenire. Quo magis est
admiranda quorumdam pravitas qui, etsi humanæ speciei
exsistant anima rationali informati, quia membra
magni corporis sumus omnes naturaque nos cognatos
ediderit, quum ex iisdem in eadem gigneret ; de Deo
tamen male et impie suspicantur ; fato aut casui, non
omnipotentiæ creatoris attribuentes quæ providentia
divina contingant ; falso existimantes non majorem Deo
esse curam de hominibus quam de vilissimis specierum
singularum individuis : quo fit ut volitis suis indifferenter
libere se uti posse credant, tandemque peccatorum
suorum mole pressi, justitiam, omnium virtutum præclarissimam
; crudelitatibus etiam immersi, quæ ad omnia
valet pietatem ; et in proximorum injurias acti, quæ
propria est creatoris, in Deo misericordiam, abnegent,
nec peccare se existiment, si quam avidissime suis
fruantur voluptatibus, quæ non sunt hominis præstantia
dignæ. Sed et miserrimi sunt qui eo pervenerunt ut
talia supervacua sibi faciant necessaria ; tunc enim consummala
est infelicitas ubi turpia non solum delectant,
sed et placent, desinitque remedio esse locus quando,
quæ vitia sunt, mores fiunt. Ex libidine orta, sine termino
sunt ; et in immensum exit cupiditas, quæ naturalem
modum transilit. Quare qui se prædictis immergunt,
eisdem carere non possunt quasi in consuetudinem
adductis ; et quia peccatum mox suo pondere ad aliud
trahit et vitia nos in desperationem perducunt, in nefanda incidunt, ut, nec infernum quo malefactorum
suorum poenas luant, ponant (qui tamen descriptus est
perpetua nocte oppressa regio in qua nulla est redemptio)
paradisum etiam ubi, quæ nec oculus vidit,
nec auris audivit, et nisi cor hominis non ascendit, præparat
Deus diligentibus se, abnegantes : etiam animam
humanam de potentia materiæ eductam, scilicet ut
bruti et ad corruptionem individui corrumpi impie
existiment ; quum tamen speciei humanæ a brutali per
hoc secernatur divinitas, tandem dicat insipiens in
corde suo : « Non est Deus. » Qui talia agunt, digni
sunt morte ; et nedum qui agunt, sed et qui agentibus
consentiunt.
Assertiones prædictæ hominem occupare possunt
feliciter vitiis enutritum et damnatis versantem moribus
; sed virtus quæ beatos nos efficit, quum sua vi nos trahat et sua potestate alliciat, non contingit, nisi
animo bene instituto et assidua exercitatione in bonis
ad summum perducto. Non dat natura virtutem ; ars
est enim bonum fieri, et animus malis artibus imbutus
haud facile libidinibus caruit. Hinc quæ salutaria sunt,
agitari sæpe et versari debent, ut nec tantum nota sint
sed parata. Dogmata supra posita, nedum opinari esse falsa, sed scire fide oculata et ratione intellectiva compellitur
intellectus, si singulare illud et mirandum facinus
consideretur quod nunc ostendit Dominus nobis
per Puellam, in adjutorium domini regis divinitus pro
recuperatione dominiorum suorum transmissam ; quod
perstringere cessit animo, ne posteræ circa prædicta
hæsitent ætates.
Ut autem nihil antiquitatis ignoretur et exordium
rei omnibus clareat, negotium texendum censuimus ut bonæ memoriæ regem Johannem pro stipite eligamus.
Quatuor enim filios habuit : Karolum quintum, dalphinum
primum Viennensem ; Ludovicum, ducem Andegaviæ,
regem Siciliæ ; Johannem, ducem Bituriae, et Philippum, ducem Burgundiæ, qui habuit Johannem,
etiam ducem Burgundiæ (de quo infra dicetur) patrem
ducis Burgundiæ moderni. Karolus quintus habuit
Karolum sextum, mansuetum et pium, sed infirmitate
præpeditum, propter quara ad regni gubernacula minus
aptus erat ; et Ludovicum, ducem Aurelianensem,
elevati sensus virum. Karolus sextus genuit Karolum
dalphinum, in ætate tenera mortuum, cui successit
Ludovicus dux Aquitaniæ, dalphinus perspicacis ingenii,
circa adolescentiam defunctus. Huic Johannes
comes Pontivi, dictus de Hannonia, qui filiam comitis
Hannoniæ habuit uxorem, successor exstitit ; sed modico
tempore vixit dalphinus. Postremo dominus rex
modernus Karolus septimus ad dalphinatum, postea
ad regnura venit.
Verum pro declaratione dicendorum, sciendum
quod viventibus Ludovico Aurelianensi et Philippo
Burgundiæ ducibus, magnæ inter eosdem, occasione
regimiuis regni, insurrexerunt dissentiones, quæ per
Johannem prædictum, patre suo defuncto, continuatæ
exstiterunt, adeoque ut ipse clam ducem Ludovicum
Aurelianensem interfici fecit. Quapropter infinita mala
evenerunt, quia domini domus Franciæ præcelsæ se
diviserunt, aliis partem Aurelianensem foventibus, et
quibusdam partem Burgundiæ. Populus etiam divisus
exstitit. Hinc strages cruentæ et seditiones ortæ sunt,
medio quarum multi notabiles Parisius et alibi, per
homines viles et abjecti status partem Burgundiæ te nentes, morti addicti sunt. Anglici vero divisionem
regni considerantes, ipsum invaserunt et lapsu temporis
plures patrias, civitates et castra sua vi et industria,
partim et juvamine partis Burgundiæ ac non obedientium
domino regi subjectorum, obtinuerunt,
bellisque campestribus partem Aurelianensem quam
dominus rex foverat ut suam, plurimum attenuaverunt.
Damna multa domino regi pars Burgundiæ procuravit,
quia regi Angliæ se confoederavit ; cujus juvamine
Anglici Franciam, Briam, Campaniam, Picardiam,
Normanniam et usque Ligerim regnum obtinuerunt,
ac Karolum sextum reginamque ejus uxorem ceperunt
; quibus in eorum potestatem adductis, fecerunt
per eos dominum regem contra jus et fas omne exhæredari ac regem Angliæ hæredem institui, postque
magnam regni partem Anglici cum adjutorio partis
Burgundiæ sibi appropriaverunt ac aliquos partem regis
tenentes, principes, nobiles et alios, sic territaverunt
quod multum exstitit debilitata pars regia. Nam
aliqui principum partis regiæ, homagium Anglicis fecerunt ; alii domanium regis exquisitis coloribus ab
ipso extorquebant ; alii facultatibus et financiis ipsum
spoliabant ; quibusdam falsa in populo, quatenus regem
exosum haberet, per totum regnum seminantibus ; in
tantumque hæ pestes invaluerunt quod, vix reperiebatur
qui domino regi obediret. Item nobiles et principum
aliqui a spe ceciderant, et dominum regem relinquentes, ad propria se reducebant, rumorque
invalescebat quod cuilibet licitum erat de regno sibi appropriare quæ occupare poterat. Unde depauperabatur
rex patientissimus, adeo quod vix tenuem nedum
pro domo sua, sed pro persona, victum habebat, et regina ; resque sic ducta est quod nulla erat apparentia
per auxilium humanum dominum regem sua dominia
recuperare posse, crescente continue inimicorum et
sibi non obedientium potestate, ac remissione juvaminis
illorum qui partem suam foverarit. Non financias reperire
de suo poterat rex, et a sibi subditis donata sine
mensura dissipabantur. Absque apparatu regio relinquebatur
rex, et unde sibi succurrere posset, non
habebat. Omnia tamen patienter sustinebat, auxilio
destitutus humano et avaritia suorum depauperatus ;
sed spem firmam in Deo eum reposuisse audivimus ac
ad Deum singulariter recurrisse, orationibus et eleemosynis,
venditione jocalium etiam aliquorum quæ
habebat. Quorum, ut creditur, mediis, placatus misericors
Deus et tactus ardore caritatis, intrinsecus cogitavit
super eum et regnum cogitationes pacis, reparationis
et restaurationis ; inclinando per pietatem
majestatem suam, ut misericordiam et justitiam eisdem
faceret.
Placuit itaque Altissimo in cujus femore scriptum
est Rex regum et Dominus dominantium, regi succurrere
per adolescentulam puellam, depost foetantes
nutritam et ereptam ; non stola magistrali, non conversatione
prudentium, non instructione doctorum, informatam
; habitum virilem gestantem ; se a Deo missam
asserentem, quatinus princeps esset exercitus regii ad
domandum rebelles et expellendum ipsius inimicos a
regno, ac eum in dominiis suis restituendum. Quæ res,
etsi in se considerata mirabilis exsistat, quum nec mulieri,
præsertim puellæ et juveni, propter sexus fragilitatem
et verecundiam congruat ut sit dux exercitus
seu armis se immisceat, ac viros bellicosos viribus corporalibus potentes, exercitatos, qui omni[bus] terrori
erant, vincat ; attamen in Dei potentiam relata nullam
admirationem inducere debent, quia in paucis veluti
in multis, victoriam etiam sexus muliebris interventu æqualiter præstare potest, ut in Debbora factum exstitit.
Non est qui ejus resistere possit voluntati quum omnia
in sua ditione sint posita. Per hoc docemur humanitus
nihil posse, nisi Domino faciente, quia omnis potestas
a domino Deo est. Humana enim præsumptio damnatur
adversus justitiam Dei se extollere ; confunduntur
cervices superborum et supercilia grandia in se confidentium
; infima Deus elegit ut fortia confundat. Sed
etsi in specula rem præsentem feramus, multa se offerent
propter quæ merito suspicari et credere possemus
clementiam divinam ad prædicta sic peragenda
inclinatam.
Primo occurrit domini regis justitia. Ipse enim
fuit filius, nunc unicus, bonæ memoriæ Karoli sexti,
constante matrimonio genitus, naturalis et legitimus,
qui nihil ingratitudinis adversus parentes egit ; et tamen
decepti, inducti ac territi ipsum de facto exhæredarunt,
inimicum ejus capitalem, regem Angliæ, hæredem instituendo
contra jus naturale, divinum et humanum.
Secundo prædecessorum suorum se offerunt merita
gloriosa. Nam post fidei catholicæ susceptionem, nullo
unquam errore in fide notati sunt, ut de Francia dicatur
quod sola monstro caruit. Deum honoraverunt,
fidem et Ecclesiam auxerunt et in reverentia semper
habuerunt.
Tertio, orationes personarum devotarum et ejulatus
oppressorum, insuper altera ex parle infidelitas subditorum
et inhumanitas eorum. Nam per eos captis fidelibus regiis, pro cibis et alimentis fenum interdum
porrigebant ut brutis ; alimenta eisdem contra jus naturæ
omnimode denegantes et, post eorum interfectionem,
sepulturam. Secundo eorum sævitia in omnes
indifferens, absque status aut sexus delectu ; nam prælatos
et viros ecclesiasticos, nobiles, consiliarios et virgines,
senes cum junioribus et mulieres praegnantes,
occiderunt.
Quarto, inimicorum injustitia titulum validum nullum
habentium, [qui], quasi fidem non professi fuerint
catholicam, quæ alienum non tantum usurpare, sed
rem proximi concupiscere prohibet, sibi regni diadema
et sceptrum non veriti sunt velle appropriare ; quum
tamen omne quod ex fide non est, sit peccatum.
Quinto, insatiabilis crudelitas gentis illius quæ in
actibus suis nullam admittit pietatem. Quos enim bellis
subdiderunt, neci tradere non sunt veriti, similibus nequaquam indulgentes, sed contra jus naturæ eosdem
necantes. Per ipsos tota christianitas turbata exstitit ;
quin imo orbis universus ; inimici etiam crucis Christi
nimium gloriati sunt, talia exitia inter christianos audientes,
quum nulla possit esse nostrum propior quam
per tales divisiones destructio. Sed nunquam rem eo
duci vidimus, quanquam propter mala gentis nostræ
multum turbatam, quin in pietate, misericordia
et justitia Domini speraremus ; domino regi asserentes
et persuadentes quod magis erat possibile in homine
vivente animam rationalem non esse, quam in Deo
pietatem, misericordiam et justitiam deficere ; peccatis
autem regis nostri et populi seu omnium simul, pestem prædictam contingere non ad excidium domus
regiæ, sed ad correctionem nostram. Restabat autem quod a peccatis correcti, ad Dominum confugeremus, quia agens agit in patiente prædisposito. Hinc domino
regi persuadebamus ad pietatis divinæ bonitatem
confugere et se illi tota mentis devotione committere, ac in eo firmiter sperare ; res enim desperatas suæ virtutis
magnitudine consummare potest.
Sed rem nostram paulisper ex causa laxemus.
Assertum est nobis viros multum litteratos constanter
dicere Puellam prædictam, non a Deo missam,
sed magis arte diabolica deceptam et illusam, non in
Dei potestate quæ facit, sed dæmonum ministerio peragere.
In argumentum capiunt quia uno impetu aut
momento, ut sic loquamur, Deus peragit, quum tempore
aliquo non indigeat ad consummationem sive perfectionem
operum suorum. Ipse dixit et facta sunt ;
mandavit et creata sunt. Ista autem Puella jam diu
incepit ; nondum complevit ; ergo, etc.
Item si divina essent prædicta, Deus angelum destinasset,
non juvenculam simplicem cum ovibus nutritam,
omni illusioni subjectam et de facili deceptibilem
propter sexus naturam et vitæ in otio peractæ solitudinem. Talibus enim dæmon cautus plerumque illudit.
Hoc maxime in his, quibus degimus, regionibus, in dies
experimur. Ejus enim multæ et variæ sunt artes illudendi et homines decipiendi, quibus a natura, post sui
casum, hividet et inimicatur. Ergo, etc.
Ex themate prædicto aliquas elicere quæstiunculas
satis utile judicamus, quo materia præsens elucescat ;
quia veritas agitata magis splendescit in lucem. Quæro
ergo primo utrum divinam majestatem deceat de
unius hominis actibus aut regni singulariter se intromittere.
Secundo, utrum Deus sua magis per angelos quam
per homines habeat expedire.
Tertio, utrum deceat divinam sapientiam, quæ viris
competunt, sexui muliebri committere.
Quarto, si et per quæ valemus cognoscere opera esse a Deo an arte diabolica facta.
Quinto si ordinatione, voluntate aut dispositione
divina aliqua sint facienda, utrum sine prudentia humana
sint peragenda.
[Excerpta e discussione quæ circa unamquamque quæstiuncularum
prædictarum affirmative habetur.]
1 ° E quæstione tertia.
Dicimus quod Deus potuit ordinare quod Puella armatis
viris præesset et etiam eos regeret, et quod fortissimos
et exercitatissimos debellaret et vinceret, ac in
habitu virili talia peragendo incederet. Nec in hoc fallit
aut falli tur sapientia divina. Optima enim ratione omnia
prædicta ultra voluntatem Dei, quæ est summa ratio et
quae sufficit pro omni causa sive ratione, sunt facta, si
bene consideretur casus qui se offert. Inimici domini
regis (qui sunt christiani et per consequens obligantur
secundum regulas, præcepta et mandata Dei in Decalogo
contentas, vivere), confidentes in virtute sua et potentia,
regem hæreditate paterna sine causa justa spoliare
volebant, contra præcepta legis, sive contempto
mandato divino, ac si Deus nihil in hac re ordinasset,
in contemptum Dei et injuriam plurimam proximi.
Quum tamen domino Deo soli servire et eidem obedire
debuissent, et proximos suos sicut se ipsos diligere,
regnum occupare et sibi appropriare conabantur, in legem Dei et naturæ committentes, ad convincendum
tantam superbiam et inobedientiam et ad ostendendum
quod Deus est ad quem confugere possunt læsi et
obtinere remedium ; et quod, sine ejus beneplacito,
præsumptio humana nihil attentare debet.
Contemnendo talem superbiam se sic elevantem,
numquid Deus juste potuit mulierem, nedum sagacem,
parvulam Puellam simplicem, status inferioris,
indoctam, inexercitatam, in habitu virili destinare ut
tantam superbiam omnino confutaret ; generi humano
per hoc doctrinam dans quod in Deo est pietas qua
movetur ad succurrendum læsis, in Deo est misericordia
qua subvenit afflictis (et sic afflictis, quod non
erat humanitus pro eorum restauratione sive in statum
pristinum repositione, apparentia ; sed omnes sensus
humani et prudentia deficiebant : tunc enim convenit
misericordiam divinam se de rebus humanis interponere,
quia desperata, suæ virtutis magnitudine, consummare
et complere potest); ad docendum etiam
quod in Deo est justitia, quod unicuique quod suum
est, tribuat et conservet, etc., etc.
Quod autem juste in habitu virili prædicta peragendo
incedat, per modum sequelæ hoc actus habet.
Decentius enim est ut ista in habitu virili committantur,
propter conversationem cum viris, quam alias ;
quia qui similem cum aliis gerit vitam, necesse est ut
similem sentiat in legibus disciplinam. Unde ergo dicimus
quod, etsi non appareret in casu nostro aliqua
ratio sic faciendi, præterquam sola voluntas Dei (quæ
sufficeret pro ratione, quum non debeamus velle cognoscere
rationem factorum per sapientiam divinam quæ
est infinita et cujus non sumus capaces): attamen, etsi Deus esset princeps etiam mortalis, tot et tanta in materia
nostra concurrunt, ut dictum est supra, quod a
lege communi (quæ est quod actus viriles debent viris
committi) recedere posset, et hunc actum virilem nedum
mulieri, sed Puellæ indoctæ, committere ; ne unquam
potestas humana quantacumque contra majestatem
divinam audeat sive præsumat se elevare, sed actus
suos subjiciat divinæ potentiae, et sciat humanitus non
esse potestatem validam nisi quantum a Domino concessum
fuerit positive, aut saltem permissum.
2° E quæstione quarta.
Si dicatur : « Aliqui fingunt se esse bonos, sicut hypocritæ, quum tamen mali sint ; quare decipi possumus de talium operationibus judicantes ; sub specie « agni gerunt lupum: » benedictus Dominus horum judicium
nobis docuit dicens : « A fructibus eorum cognoscetis eos. » Cæterum ficta, diu latere non possunt, Æquiparantur ficta morbo gravi et incluso, qui aut
vincatur a natura satis cito, aut ipsam vincat necesse
est ; nam extreme lædentia non diu stare possunt. Quum
autem ad sanitatem tales morbi veniunt, cum impetu
exeunt ac violenter erumpunt, et, quales erant inclusi,
patenter manifestant. Sic in hypocrisi accidit.
Ad casum nostrum applicando, de Puella nostra et
ejus operibus quod a Deo sint, quantum humana fragilitas
noscere sinit, possumus affirmative respondere, quia videlicet a Deo sint. Ipsa enim sicut bona et fidelis
christiana Deum colit, ipsum adorat, sollicite sacramenta
ecclesiastica veneratur et frequentat confitendo
sæpe et corpus Domini devote recipiendo. Honesta est
in verbis, honesta in conversatione, multiloquium in quo non deest peccatum, evitans ; sobria in victu ; in
cæteris etiam gestibus suis nihil indecorum, nihil
turpe, nihil quod non deceat verecundiam puellarem,
ostentans, velut nobis relatum est. Nec unius diei sunt
prædicta, ne ficta putentur, sed plurium mensium ; in
quibus satis apparuisse potuisset, si quid sinistri de ea
dicendum esset. Et quanquam circa arma versetur, nec
crudelitatem tamen unquam persuasit, sed omnium
miseretur ad regem dominum suum confugientium,
aut inimicorum recedere volentium. Non sitit humanum
sanguinem; sed ofiert inimicis pacificum ad propria
recessum , regno in quiete et pace dimisso, et rebellibus
ad domum suam regressum per obedientiam
bonam, recepta a rege veniæ indulgentia. Verum est tamen quod ea ad quæ missa est, nititur complere,
videlicet subjugare hostes et rebelles jugo colla submittere,
quum, requisiti quod debitum faciant, denegaverint.
Hæc enim est via juris communis, omni rationi
consona.
De conversatione in habitu virili, supra satis excusata
est, quia actus ad quem est missa hoc exigit, ut
supra satis deductum exstitit. Conversationem etiam cum viris habeat oportet, quia eorum est circa difficilia
versari, circa quæ missa est, intendere. Nec minus
tamen inter armatos armata vivit honeste, pudice ac decenter, nihil propter hoc quod non deceat virginem
Puellam, agens, ut nobis relatum est, Quod
etiam pie credimus, re tota in se bene ponderata.
3° E quaestione quinta, ubi concluditur.
Sed veniendo ad rationem formalem quæsiti, quærebatur
si voluntate divina aut ordinatione, aliqua sint facienda sive peragenda. Dicimus cum correctione quod, ex quo beneplacitum fuit Deo alicui creaturæ
committere dispositionem aut regimen alicujus negotii
sive facti : voluntas ejus cum magna devotione suscipienda
est et amplectenda et cum gratiarum actione sequenda,
quantum fieri potest ; quatenus Deo qui magis
sua bonitate, pietate, misericordia et justitia prædicta
facere voluit, quam debito aut alias, nullomodo resistatur.
Unde consequenter consuleremus quod voluntati
commissarii vel nuntii divini nullomodo resisteretur,
sed eidem totaliter obediretur, potissime in his quæ
essentialia suæ commissionis vel sui facti contingunt.
Verum est tamen quod, antequam talis creatura ab
initio negotii recipiatur veluti a Deo missa, probandus
primo est spiritus an a Deo vel parle adversa sit immissus,
veluti fecit Josue. Non enim leviter et sine
magno pondere et advisamento in talibus fides ab initio
negotii fuit adhibenda ; sed ex quo, re examinata et
scita quantum humana fragilitas noscere sinit, susceptum
est negotium tanquam a Deo ordinatum et commissum
; alicui tunc dicendum esse judicaremus ut
superius est scriptum. Persuadetur sic ; melior est obedientia
quam victima. Unde, quia Saul non obedivit
voluntati divinæ per Samuelem prophetam sibi dictae,
perdidit regnum, quamvis tamen non crederet male
agere. Reservaverat ipse et populus pinguiora armentorum
ut ea Domino adolerent et misertus fuerat Agag
regis Amalech, quorum interitionem commiserat Sauli
Deus. Unde de prædictis per Samuelem certificatus,
reservationem supradictorum fecit quamvis non incolorate
; tamen regno privalus fuit proprio, quia voci
Domini et voluntati ejus non obedivit. Sic debet rex timere ne, si omittat facere quæ Puella consulit, credens
bene agere, aut sperans in prudentia humana, a
Domino relinqueretur nec optatum baberet obtinere,
sed intentione sua frustraretur.
Secundo sic ; si dubitetur de aliquo concernente factum
commissum Puellæ, quam angelum Domini exercituum
esse pie credimus, missum ad faciendum redemptionem
plebis suæ et restaurationem regni :
magis sapientiæ divinæ quam humanæ statuendum est,
quia ipsius, videlicet humanæ, ad divinam nulla est
comparatio, quum finiti ad infinitum non sit proportio.
Attingit enim divina sapientia a fine usque ad finem
fortiter et disponit omnia suaviter. Quare credendum
quod ille qui commisit, inspirabit creaturæ suæ quam
misit, ea quæ sunt agenda, melius et expedientius
quam prudentia humana exquirere posset.
Tertio, diversæ sunt passiones hominum. Aliqui
metu personæ, alii metu status, alii metu bonorum,
alii volentes ad altiora provehi, alii diversis considerationibus,
prout cuique phantasma est, possunt a
vero diverti. Divina autem volantas et sapientia, nec
falli potest nec fallere, nec decipi nec decipere, quia
ejus semper est bonum facere et benefacere.
Quare consuleremus quod in talibus, primo et principaliter
exquireretur votum Puellæ, et quamvis esset
dubium nobis, vel non rnagnam apparentiam quoad
nos habens, quod tamen, si fixe aliquid diceret, illud
dominus rex sequeretur, tanquam a Deo, propter manutenentiam
negotii sibi commissi, inspiratum servarctur.
Quo autem ad præparationem negotiorum, ut
de machinis, de pontibus, de scalis et similibus faciendis
; de victualibus pro numero commilitonum et de similibus ; de modo financias habendi et talibus
extrinsecus, sine quibus tamen res durare sine miraculo
non posset : satis diceremus per prudentiam humanam
providendum, per rationes in principio quæstionis
adductas. Sed ubi per divinam sapientiam aliquid est
magis quam alias faciendum, succumbere debet et
humiliare se prudentia humana et nihil debet attentare,
proponere aut sequi quod divinam majestatem
offendat. Et in hoc consilium Puellæ primum et præcipuum
dicimus esse debere, et ab ea ante omnes assistentes,
quærendum, investigandum et petendum. Qui
dat formam, dat consequentia ad eam, et qui committit
unum, committit et omnia sine quibus.... Quare
sperare in Domino debemus, qui causam regis suam
fecit, quod talia inspirabit per quæ res finem suum
debitum et effectum sortietur ; quia Dominus opus
imperfectionis non novit.
Insuper regi consuleremus quod omni die certum
aliquid Deo bene placitum et ejus voluntati gratum
faceret quodque super hoc cum Puella conferret, et,
post ejus advisamentum, in esse deduceret quam humiliter
et devote ; ne Dominus manum retrahendi
causam habeat, sed gratiam suam continuet. Proprie enim ejus proprium est misereri semper et parcere,
nisi nos indignos gratiæ suæ effecerimus. Æternæ igitur
majestati cervices et colla submittat ac poplites curvet
grata mortalis regis humilitas, promptitudinem voluntatis
divinis dispositionibus obsecundando. Per hoc
debitum fecerit ac eum, per quem reges regnant, meritoric
placaverit ; cui sit honor et gloria in sempiterna
sæcula. Amen, amen.
EXPLICIT.
Sources : Présentation et traduction : t.I "La pucelle devant l'Église de son temps" - Ayroles - 1890 - p.36 à 52.
Original latin : Quicherat - t.III - 1845 - p.395 et suiv.
Notes :
1 Martène, Thésaurus anecdotorum, t. III, col. 1974, fond latin Cangé 6199, et Hist.
des Alpes Maritimes, par le P. FOURNIER, arch. de Gap. f° 342. v° 344.
2 Latin CANGÉ 6199 et coll. DUPUY, 639.
Ayroles : Le Père Fournier (Hist. des Alpes maritimes),
exprime le regret de ne pouvoir transcrire un traité en français sur la
Pucelle, qu'il dit avoir entre les mains, et qui est probablement perdu pour
toujours : mais nous possédons plusieurs exemplaires d'un traité en latin...
3 Rumorque invalescebat quod cuilibet licitum erat de regno sibi appropriare quæ occupare
poterat. Procès, t. III, p. 399.
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